En cours au Siège de l'ONU

Soixante-treizième session,
16e séance – matin
AG/J/3576

Sixième Commission: les délégations appellent à l’adhésion universelle aux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949

Ce matin, les membres de la Sixième Commission (affaires juridiques) ont entamé leur examen biennal de l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés en plaidant pour leur universalisation et leur application.

La Commission était saisie du rapport* du Secrétaire général sur l’état des Protocoles additionnels, qui présente des renseignements communiqués par les États Membres et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  Adoptés en 1977, les Protocoles additionnels I et II étendent la définition du conflit armé international contenue dans les Conventions aux guerres de libération nationale et renforcent la protection juridique des populations civiles.  Adopté en 2005, le Protocole III porte sur l’adoption d’un emblème additionnel par la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. 

Si, au fil des ans, les Conventions de Genève de 1949 ont acquis un caractère universel, à la date de rédaction du rapport, 174 États étaient parties au Protocole additionnel I, 168 au Protocole additionnel II, et 75 au Protocole additionnel III.

Le moment est venu pour les Protocoles additionnels d’atteindre l’universalité, a résumé la Suisse, en tant que dépositaire de ces instruments, appuyée par une majorité de délégations. 

Dans cet esprit, l’Union européenne a proposé la mise en place d’un « mécanisme volontaire et universel » chargé d’assurer un respect renforcé du droit international humanitaire, notamment par les États tiers et les acteurs non étatiques.

Les conflits armés contemporains sont plus complexes que jamais et ces instruments offrent un « cadre pour la conduite des conflits armés » permettant d’atténuer les souffrances, tout en assurant une transition durable vers la paix et la stabilité, a reconnu le Canada, au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, non sans rappeler que 1,5 million de Syriens ont été blessés depuis le début de la guerre en Syrie.  Les Protocoles additionnels, ont rappelé ces délégations, reflètent « incontestablement » les règles du droit international coutumier et sont donc contraignants pour les parties aux conflits.

« Le droit international humanitaire doit être respecté en toute circonstance », a renchéri El Salvador, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).  Même son de cloche du côté de Cuba, pour qui la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational ne saurait justifier les violations du droit international humanitaire. 

Si le droit international humanitaire, qui a déjà fait l’objet d’une codification, pourrait être revu à l’aune des conflits contemporains, la CELAC a fait valoir que les problèmes actuels résident non pas dans le cadre normatif du droit, mais bien dans sa mise en œuvre.  Selon le Brésil, la protection des civils est liée « à un ordre international moins militarisé et à un engagement renouvelé en faveur du multilatéralisme ».

Le Soudan a évoqué la vaste gamme de technologies utilisées sur les champs de bataille, comme les drones aujourd’hui, ou des « robots tueurs » à l’avenir.  « Ce nouvel art de la guerre n’est pas sans entraîner de nouveaux défis », a mis en garde son représentant.

Par ailleurs, nombre de délégations ont tenu à rappeler que le personnel et les installations médicales, les travailleurs humanitaires et les journalistes ne doivent pas être pris pour cible par les belligérants.  En tant que « gardiens » d’un ordre international fondé sur des règles, il incombe aux États d’assurer, au nom des victimes, le respect du droit international humanitaire, a réaffirmé la Suède, au nom des pays nordiques.

Séparément, le Liban et Israël ont témoigné qu’ils sont victimes, depuis des années, de violations graves du droit international humanitaire.  Pour le Liban, l’application du principe de responsabilité est le seul moyen d’assurer le respect du droit international humanitaire.

À cet égard, la CELAC, l’Union européenne et les pays nordiques ont réaffirmé leur soutien à la Cour pénale internationale (CPI).

La Sixième Commission reprendra ses travaux demain, jeudi 18 octobre, à 10 heures.

*A/73/277

ÉTAT DES PROTOCOLES ADDITIONNELS AUX CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949 RELATIFS À LA PROTECTION DES VICTIMES DES CONFLITS ARMÉS

Déclarations

Pour M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador), s’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), le respect du droit international humanitaire est un « prérequis indispensable » à l’amélioration de la situation des victimes des conflits armés.  Il a invité les États à fournir au Secrétaire général des informations sur la mise en œuvre et la promotion du droit international humanitaire au sein de leur cadre juridique national.  En outre, a noté le représentant, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) continue d’appuyer les États dans l’élaboration de leurs lois relatives aux personnes disparues.  À cet égard, il incombe en premier lieu aux États d’assurer l’identification des personnes en cas de conflit, a-t-il rappelé. 

Pour M. Escalante Hasbún, la Sixième Commission a un rôle important à jouer dans l’application du droit international humanitaire par la communauté internationale.  Reconnaissant que le droit humanitaire, déjà codifié, pourrait faire l’objet d’une révision afin de tenir compte de la réalité des conflits armés, il a estimé que les problèmes actuels résident non pas dans le cadre normatif du droit, mais plutôt dans sa mise en œuvre.  « Le droit international humanitaire doit être respecté en toute circonstance », a martelé le représentant, pour qui les mécanismes d’application du droit international humanitaire doivent faire l’objet d’un dialogue entre les États Membres. 

Plusieurs membres de la CELAC ont déjà établi des commissions nationales destinées à conseiller les gouvernements sur la mise en œuvre et le développement du droit international humanitaire, a expliqué M. Escalante Hasbún, notamment afin de renforcer les capacités des fonctionnaires et des militaires.  Pour lui, la création de la Cour pénale internationale (CPI) représente une « percée » dans les efforts de promotion et de respect du droit international humanitaire. 

M. ERIC CHABOUREAU, délégué de l’Union européenne (UE), a apporté son soutien résolu à l’idée d’établir « un mécanisme volontaire et universel pour assurer un respect renforcé du droit international humanitaire ».  Il a évoqué les lignes directrices de l’Union européenne adoptées en 2005 qui visent à promouvoir le respect du droit international humanitaire par des États tiers et des acteurs non étatiques.  En accord avec ces lignes directrices, les États membres de l’Union européenne œuvrent à l’universalisation des principaux instruments du droit international humanitaire.  Il a appelé les États qui ne l’ont pas fait à ratifier les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève. 

Pour faciliter l’application du droit international humanitaire, l’Union européenne salue la mise en place au niveau national de commissions chargées de veiller à son respect, a déclaré M. Chaboureau.  Il a indiqué que l’Union européenne compte renforcer sa campagne en vue de la ratification des Protocoles additionnels I et II de 1977 sur la protection des victimes des conflits armés.  Enfin, le délégué a réaffirmé son soutien à la Cour pénale internationale et rappelé l’importance de la complémentarité et de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales. 

Pour Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède), prenant la parole au nom du Groupe des pays nordiques, le respect du droit international humanitaire est un élément essentiel de la prévention des conflits armés.  Les États ont reconnu, lors de la dernière conférence du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’importance du respect du droit international humanitaire.  Chaque année, nous constatons des violations des fondements du droit international humanitaire, a déploré la représentante.  Les travailleurs humanitaires, les journalistes et le personnel médical ne doivent pas être pris pour cible, a poursuivi la représentante, fustigeant les attaques perpétrées contre les installations médicales.  Elle a salué l’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 2286 (2016) qui condamne « énergiquement » de telles attaques dans les situations de conflit. 

Les efforts d’autonomisation des femmes sont essentiels au respect du droit international humanitaire, a relevé Mme Schoulgin Nyoni, tout en soulignant l’importance du rôle des hommes dans ce processus.  Elle a salué l’implication de la Cour pénale internationale (CPI) dans la lutte contre les violations du droit international humanitaire, ajoutant toutefois qu’il revient en premier lieu aux États de lutter contre ces crimes.  Il est urgent pour les États d’assurer le respect du droit international humanitaire, au nom des victimes, mais aussi en tant que gardiens d’un ordre international fondé sur des règles, a-t-elle conclu.

Évoquant les 1,5 million de Syriens blessés depuis le début de la guerre en Syrie, Mme CATHERINE BOUCHER (Canada) a déclaré, au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, que les conflits armés nous rappellent l’importance du respect du droit international humanitaire et des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949.  Alors que les conflits armés contemporains sont plus complexes que jamais, elle a vu dans les Protocoles additionnels « un cadre pour la conduite des conflits armés permettant d’atténuer les souffrances tout en assurant une transition durable vers la paix et la stabilité ».  La représentante a donc encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier les trois protocoles additionnels et à en respecter pleinement les dispositions, ajoutant qu’ils reflètent « incontestablement » les règles du droit international coutumier et sont donc contraignants pour les parties aux conflits. 

La résolution 2286 (2016) du Conseil de sécurité sur la protection des civils en période de conflit armé, coparrainée par les trois délégations, condamne les attaques contre les blessés et le personnel médical, a rappelé Mme Boucher, en exhortant les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont coparrainé la résolution de l’Assemblée générale établissant le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Syrie depuis mars 2011, et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.

La représentante a appelé les États Membres à prendre des mesures concrètes pour assurer la mise en œuvre du droit international humanitaire, notamment en l’incorporant à leur doctrine ou à leurs règles d’engagement.  Enfin, elle a salué le rôle « crucial » joué par le CICR dans la promotion du respect du droit international humanitaire parmi les parties à des conflits.

M. ANGEL HORNA (Pérou) a estimé que son pays remplit ses obligations en vertu du droit international humanitaire, notamment au sein des forces armées.  Le Pérou a adopté des mesures concrètes afin d’assurer la protection des civils et des populations vulnérables.  En outre, la Commission nationale d’études et d’application du droit international humanitaire travaille à l’élaboration d’un projet de loi en faveur de la prévention et de la répression des crimes internationaux, en application du Statut de Rome. 

En tant que membre du Conseil de sécurité, le Pérou a insisté sur la protection des civils dans les pays où sévissent des conflits armés, tels que le Yémen, la Syrie, la Palestine et le Myanmar, et reconnaît le concept de la responsabilité de protéger, a expliqué M. Horna.  La Cour pénale internationale (CPI) est essentielle pour lutter contre l’impunité, a argué le représentant, tout en appelant à son universalité.  Enfin, il s’est opposé à toute attaque contre les installations médicales et les travailleurs humanitaires.

M. PATRICK LUNA (Brésil) s’est dit préoccupé par le manque de respect grandissant pour le droit international humanitaire.  « Si nous voulons vraiment éviter des violations de ce droit et protéger les civils, nous devons d’abord nous engager à n’utiliser la force qu’en dernier recours. »  Le délégué a indiqué que la situation sur le terrain ne serait pas aussi tragique si les parties à un conflit respectaient les principes de base du droit international humanitaire, dont les principes de proportionnalité, de nécessité et de distinction.

Nous avons jusqu’à présent échoué à prendre des mesures concrètes pour remédier aux lacunes dans la mise en œuvre du droit international humanitaire, a reconnu le délégué brésilien, en exhortant les États Membres à s’engager dans le processus intergouvernemental en vue de renforcer ce droit.  Enfin, il a estimé que « la protection des civils est inextricablement liée à un ordre international moins militarisé et à un engagement renouvelé en faveur du multilatéralisme ».

Selon M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan), le champ de protection des civils par le droit international humanitaire reçoit une attention internationale importante, « parfois exagérée ».  Il s’est demandé en outre dans quelle mesure le droit international humanitaire s’applique aux soldats de la paix servant dans des opérations onusiennes.  Rien ne justifie des violations du droit international humanitaire, a-t-il toutefois repris. 

Le délégué a évoqué la vaste gamme de technologies utilisées sur les champs de bataille, comme les drones aujourd’hui, ou des « robots tueurs » à l’avenir.  « Ce nouvel art de la guerre n’est pas sans entraîner de nouveaux défis », a-t-il mis en garde.  Le délégué a aussi dénoncé le mépris des acteurs non étatiques pour le droit international humanitaire.  Il a souligné la nécessité d’appréhender « la nouvelle réalité de la guerre » et de se conformer au droit international humanitaire.  La lutte contre l’impunité relève de la compétence des instances nationales, lesquelles doivent pouvoir s’acquitter de leur mission sans interférence de la part d’une cour dont la nature politique l’a emporté sur sa nature juridictionnelle, a-t-il conclu.

Mme ANET PINO RIVERO (Cuba) a déclaré que Cuba s’acquitte de ses obligations d’État partie aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels de 1977, notamment par le biais de la loi sur les délits militaires.  En 1994, un centre d’étude du droit international humanitaire a été créé, avec la collaboration du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), afin de renforcer les capacités des forces armées et du Ministère de l’intérieur en la matière. 

La lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational ne peuvent justifier les violations du droit international humanitaire, a indiqué la représentante, fustigeant les États qui tentent d’en « réinterpréter les dispositions afin d’échapper à leurs obligations ».  Elle a appelé en terminant à l’universalisation du cadre juridique applicable aux conflits armés. 

M. GEORGES EL JALLAD (Liban) a affirmé que le droit international est enseigné dans les écoles militaires de son pays.  Il a rappelé que depuis de nombreuses années, le Liban a été victime de graves violations du droit international humanitaire.  Ainsi, cela fait 12 ans que le pays a été victime de l’attaque israélienne sans qu’aucune responsabilité ou dédommagement ait été engagés.  La commission d’enquête mise en place par le Conseil des droits de l’homme à l’époque avait conclu qu’Israël avait violé le droit international humanitaire quand ses forces avaient ciblé des civils et des infrastructures civiles.  Et même l’environnement fut affecté avec la destruction de l’usine de Jiyeh qui a conduit à une marée noire sur les côtes du pays. 

Le représentant a également dénoncé les meurtres de civils palestiniens ces derniers mois comme les derniers faits démontrant le peu de considération d’Israël pour le droit international humanitaire.  Pour le Liban, la responsabilisation est le seul moyen d’assurer le respect du droit international humanitaire.  

Dépositaire des Conventions de Genève et des trois Protocoles additionnels, la Suisse, a indiqué M. VINCENT OLIVIER RITTENER (Suisse), attache une importance particulière à ce que ces instruments soient universellement ratifiés.  Contrairement aux Conventions de Genève, les trois Protocoles additionnels ne sont pas encore ratifiés par tous les États.  La Suisse encourage donc les États ne l’ayant pas encore fait à y adhérer ou à les ratifier dans les meilleurs délais.  La Suisse encourage, en outre, les États parties au Premier Protocole additionnel qui ne l’auraient pas encore fait à reconnaître la compétence de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, laquelle fut instituée par l’article 90 du Premier Protocole additionnel. 

L’année prochaine, alors que les Conventions de Genève auront 70 ans, sera organisée la trente-troisième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.  Le délégué a rappelé qu’au cours de la trente-deuxième conférence internationale, tous les États s’étaient engagés à participer à un processus intergouvernemental dans le but de renforcer le respect du droit international humanitaire.  Il est donc important que tous les États prennent part activement à ce processus afin qu’un résultat tangible soit atteint suffisamment en amont de la trente-troisième conférence internationale qui aura lieu en décembre 2019.

Mme AHUVA SEIFERAS (Israël) a relevé que dans un contexte de conflit armé contre des groupes terroristes tels que le Hamas et le Hezbollah, « le ciblage des civils et les pratiques illégales sont une réalité qui affecte Israël depuis des décennies ».  Pour sa part, Israël s’assure que les opérations militaires menées par ses forces armées respectent la loi.  La représentante a ainsi affirmé que ces forces armées sont formées au respect du droit international et veillent au respect du droit des conflits armés.  Ainsi, un avocat général de l’armée, ne répondant pas à la chaîne de commandement, offre un avis juridique au commandement militaire et peut voir ses activités auditées par des civils.  La déléguée a aussi évoqué le rôle de la Cour suprême israélienne qui a parfois modifié ou même mis fin à des opérations militaires.

Mme Seiferas a en outre émis des réserves au sujet des renseignements reçus du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  Pour Israël, les commentaires du CICR portant sur les première et deuxième Conventions de Genève soulèvent de graves inquiétudes tant en ce qui concerne la méthodologie utilisée que la position exprimée, car elles « ne reflètent pas avec précision l’état du droit ».  La déléguée a souligné qu’il est important de consulter les États, de recevoir leur contribution et de donner plus de poids à leurs vues, étant donné leur rôle central dans la création et l’interprétation du droit.

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