Cinquième Commission: application insuffisante par les entités de l’ONU des recommandations du Comité des commissaires aux comptes
Les cinq délégations qui ont pris la parole aujourd’hui à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires se sont impatientées devant la lenteur dans l’application des recommandations du Comité des commissaires aux comptes (CCC). La Commission examinait les rapports du CCC pour la période terminée le 31 décembre 2017.
Le CCC, qui a donné une opinion « sans réserve » à toutes les 18 entités auditées, indique en effet que, sur ses 742 recommandations précédentes, 365, soit 49%, ont été intégralement appliquées en 2017, contre 45% en 2016. Malgré cette légère augmentation, le taux global d’application reste sensiblement inférieur à ce qu’il était pour l’exercice biennal 2008-2009 -65%-. En ce qui concerne le Secrétariat de l’ONU, qui fait partie des mauvais élèves, sur 129 recommandations, 31 ont été intégralement appliquées, 84 sont en cours d’application, 12 n’ont pas du tout été appliquées et 2 sont devenues caduques.
En revanche, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui avait 47 recommandations en 2017, les a toutes appliquées. L’autre bon élève est le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) auquel il ne reste qu’une seule recommandation à appliquer sur les 47 que lui a faites le CCC. Encore mieux, c’est ce qu’a réussi l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche Orient (UNRWA): une seule recommandation à appliquer sur les 77 reçues. Le Groupe des 77 et de la Chine s’est d’ailleurs inquiété de la situation financière de l’Office, lequel devrait accuser un déficit de 446 millions de dollars en 2018, y compris 49 millions en 2017. Le Groupe a donc appuyé les recommandations du CCC selon lesquelles les mesures d’austérité ne sont pas la seule solution.
À la lecture du taux d’application de ces recommandations, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) se réjouit de l’adoption de délais précis de mise en œuvre arrêtés d’un commun accord par le CCC et les entités. Le Groupe des 77 et de la Chine a tout de même demandé que l’on trouve les responsables de ces retards. Les travaux du CCC sont une composante « essentielle » du système de contrôle des Nations Unies et contribuent régulièrement à l’amélioration de la gouvernance, a plaidé l’Union européenne qui a exigé du Secrétaire général la mise en œuvre « complète et en temps voulu » des recommandations du CCC. Les États-Unis ont insisté sur celles liées à la gestion du personnel, à la lutte contre les fraudes et la corruption, à la gestion des partenaires d’exécution et à la délégation d’autorité pour des tâches administratives clefs, telles que les ressources humaines et les achats. L’application des recommandations « en temps voulu » améliore la capacité de l’ONU à exécuter ses mandats et à fournir des services clefs aux populations les plus vulnérables, ont martelé les États-Unis.
Une bonne gestion financière, a tenu à rappeler l’Inde, nécessite un niveau adéquat de réserves, lequel est « directement » lié au versement des contributions par les États Membres. L’Inde s’est dite préoccupée par des impayés de 3,65 milliards de dollars au 30 décembre 2017, une situation qui ne s’est pas améliorée cette année. La Zambie s’est arrêtée sur l’augmentation des engagements liés aux avantages à long terme du personnel, dont le montant est passé de 4,2 milliards de dollars en 2016 à 4,9 milliards en 2017. Le CCC dit que ces passifs sont couverts par « un volume considérable d’actifs » mais, a relevé la Zambie, des engagements de cette hauteur risquent, s’ils demeurent « sous-financés », d’avoir un effet négatif sur le budget ordinaire de l’ONU.
La Cinquième Commission tiendra sa prochaine séance publique mardi 23 octobre, à partir de 10 heures, sur l’amélioration de la situation financière de l’Organisation.
RAPPORTS FINANCIERS ET ÉTATS FINANCIERS VÉRIFIÉS ET RAPPORTS DU COMITÉ DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les rapports financiers et états financiers vérifiés et les rapports du Comité des commissaires aux comptes pour la période terminée le 31 décembre 2017 (A/73/430)
Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné 25 documents. Il se félicite du fait que toutes les entités ont une nouvelle fois reçu du Comité des commissaires aux comptes une opinion sans réserve. Le Comité consultatif prend note de la conclusion du Comité des commissaires aux comptes (CCC), selon laquelle, de façon générale, la situation financière des 18 entités auditées demeurait solide au 31 décembre 2017.
Il constate toutefois que les soldes de trésorerie de l’ONU et de la plupart des autres entités ont connu des fluctuations considérables d’une année sur l’autre et compte que cette question sera suivie de près. Le CCQAB compte que le fonds non affecté apparaissant sous le nom « 64PFN », doté de 10,72 millions de dollars pour couvrir les dépenses administratives de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies, soit comptabilisé dans les soldes de la Caisse des pensions dans les meilleurs délais.
Le Comité consultatif juge par ailleurs que les entités devraient faire preuve de prudence lorsqu’elles déterminent le niveau de leurs réserves. Il recommande à l’Assemblée générale de prier le Secrétaire général de faciliter l’élaboration de critères raisonnables concernant les niveaux minimal et maximal de réserves. Le Secrétaire général devrait aussi présenter des solutions viables pour la mise en place d’un système centralisé de gestion des investissements de la Trésorerie dans le système des Nations Unies.
S’agissant de la fraude, le Comité consultatif souscrit à la recommandation du CCC préconisant que l’ONU établisse un mécanisme de coordination entre le Bureau du Contrôleur, les autres bureaux et le BSCI de façon que tous les cas de fraude et de présomption de fraude soient communiqués et que toutes les informations y afférentes soient consignées. Pour ce qui est de la gestion des partenaires d’exécution, le Comité consultatif estime que des efforts supplémentaires sont nécessaires afin d’organiser de façon adéquate un suivi et un contrôle des différentes entités, ainsi que les procédures d’examen et de sélection.
Concernant les consultants, le Comité consultatif recommande que l’Assemblée générale prie les entités des Nations Unies d’exercer une supervision adéquate de l’application des politiques et directives pertinentes, notamment la procédure de recrutement et de la gestion globale des employés non fonctionnaires.
Venant à la gestion des opérations menées dans le monde entier, le Comité estime qu’il devient de plus en plus important de gérer efficacement ces opérations compte tenu des efforts en cours visant à décentraliser l’autorité et à déléguer des pouvoirs aux opérations sur le terrain. Il dit attendre avec intérêt les recommandations que le CCC formulera.
Pour ce qui est des achats, le Comité consultatif compte que toutes les entités auditées veilleront à ce que les délégations de pouvoirs en matière d’achats fassent l’objet d’examens systématiques et réguliers. S’agissant de la Déclaration relative au contrôle interne à l’ONU, le Comité consultatif note avec préoccupation le retard pris dans la présentation d’une déclaration relative au contrôle interne. Sur les engagements non réglés à l’Organisation des Nations Unies, le Comité consultatif recommande que l’Assemblée générale prie le Secrétaire général de procéder systématiquement à une analyse des engagements en cours à la fin de l’année, afin de s’assurer que les soldes inutilisés sont restitués intégralement et en temps voulu aux États Membres.
Pour ce qui est des biens patrimoniaux à l’ONU, le Comité consultatif partage l’avis du CCC quant à la nécessité d’instaurer un système global et solide de contrôle interne et recommande à l’Assemblée générale de prier le Secrétaire général de s’attacher, à titre prioritaire, à élaborer et à mettre en place un mécanisme approprié d’enregistrement de ces biens. Enfin, sur les affectations temporaires à l’ONU, le Comité consultatif partage l’avis du CCC, qui estime qu’il faut analyser le recours aux vacances de poste temporaire au lieu de publier des avis de vacance de poste. Le Comité consultatif compte continuer à se pencher sur cette question, notamment l’octroi d’une indemnité de fonctions.
Le CCQAB a examiné les rapports suivants: résumé concis des principales constatations et conclusions figurant dans les rapports du Comité des commissaires aux comptes pour l’année financière 2017 (voir A/73/209 et A/73/209/Corr.1); Organisation des Nations Unies [A/73/5 (Vol. I)]; Centre du commerce international [A/73/5 (Vol. III)]; Université des Nations Unies [A/73/5 (Vol. IV)]; Plan-cadre d’équipement [A/73/5 (Vol. V)]; Programme des Nations Unies pour le développement (A/73/5/Add.1 et A/73/5/Add.1/Corr.1); Fonds d’équipement des Nations Unies (A/73/5/Add.2); Fonds des Nations Unies pour l’enfance (A/73/5/Add.3); Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (A/73/5/Add.4); Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (A/73/5/Add.5); Fonds de contributions volontaires gérés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (A/73/5/Add.6); Fonds du Programme des Nations Unies pour l’environnement (A/73/5/Add.7); Fonds des Nations Unies pour la population (A/73/5/Add.8); Programme des Nations Unies pour les établissements humains (A/73/5/Add.9); Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (A/73/5/Add.10); Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (A/73/5/Add.11); Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (A/73/5/Add.12); Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (A/73/5/Add.14); et Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (A/73/5/Add.15).
Le CCQAB a aussi examiné le rapport de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies (A/73/5/Add.16); et les rapports sur le Plan stratégique patrimonial de l’Office des Nations Unies à Genève (voir A/73/157); l’état d’avancement de l’application de la stratégie Informatique et communications (voir A/73/160), et la mise en service du progiciel de gestion intégré (A/73/169).
Le Comité consultatif s’est aussi penché sur les rapports du Secrétaire général sur la suite donnée aux recommandations formulées par le CCC concernant le plan-cadre d’équipement pour l’année terminée le 31 décembre 2017 (A/73/353) et les fonds et programmes des Nations Unies (A/73/353/Add.1).
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED FOUAD AHMED (Égypte) a d’emblée salué le fait que toutes les entités des Nations Unies aient reçu une opinion sans réserve du CCC. Le représentant a appelé ces entités à s’attaquer aux faiblesses et à préserver les acquis. Il s’est dit gravement préoccupé par la situation financière de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), lequel devrait accuser un déficit de 446 millions de dollars en 2018, y compris 49 millions en 2017. Le représentant a appuyé les recommandations du CCC selon lesquelles les mesures d’austérité ne sont pas la seule solution. Commentant la mise en œuvre des recommandations du CCC, il a noté que le taux global d’application reste sensiblement inférieur aux 65% de l’exercice biennal 2008-2009. Le représentant a voulu que l’on trouve les responsables de ces retards, promettant que son Groupe suivra la question de près.
M. TAULANT ZEQIRI, délégué de l’Union européenne, a rappelé que l’Union attachait une grande importance au rôle du CCC. Il a ainsi salué les rapports « indépendants » et les recommandations « de haute qualité » du CCC sur l’utilisation des fonds que versent les États Membres. Les travaux du CCC sont une composante essentielle du système de contrôle des Nations Unies et contribuent régulièrement à l’amélioration de la gouvernance de l’Organisation, a estimé M. Zeqiri. Pour lui, le CCC aide le système onusien à fonctionner de façon plus « rationnelle, transparente et rentable », et le Secrétariat à exécuter ses mandats « plus efficacement », notamment dans le cadre de la réforme de l’ONU. M. Zeqiri a salué les conclusions et recommandations formulées par le CCC. Quoique le taux de mise en œuvre de ces recommandations soit en augmentation, a-t-il ajouté, il n’est toujours pas satisfaisant. Le représentant a donc invité le Secrétaire général à garantir la mise en œuvre « complète et en temps voulu » des recommandations du CCC.
Mme CAROLYN STRAINIC (États-Unis) a déclaré que cette nouvelle édition des rapports financiers et états financiers vérifiés du CCC apportait des éléments d’information « précieux » sur diverses questions consubstantielles à la mise en œuvre exhaustive du programme de réforme de l’Organisation. Elle a salué le fait que toutes les entités ont reçu une opinion « sans réserve » de la part du CCC, eu égard aux normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS). La représentante a ensuite pris note des recommandations du CCC « essentielles » au bon fonctionnement de l’ONU, dont celles liées à la gestion du personnel, à la lutte contre les fraudes et la corruption, à la gestion des partenaires d’exécution et à la délégation d’autorité pour des tâches administratives clefs, telles que les ressources humaines et les achats. Tout en saluant les efforts du Secrétaire général pour mettre en œuvre les recommandations du CCC, Mme Strainic a appelé à améliorer encore davantage le processus de mise en œuvre de ces recommandations. L’application des recommandations « en temps voulu », a-t-elle affirmé, améliore la capacité de l’ONU à exécuter ses mandats et à fournir des services clefs aux populations les plus vulnérables.
M. MAHESH KUMAR (Inde), s’est, à son tour, félicité de l’opinion sans réserve émis par le CCC. Il a aussi pris note de la bonne santé financière de l’Organisation mais s’est dit préoccupé par des impayés de 3,65 milliards de dollars au 31 décembre 2017. La situation ne s’est pas améliorée cette année, a déploré le délégué qui a demandé qu’elle soit examinée dans les futurs audits. Une bonne gestion financière nécessite un niveau adéquat de réserves et ce niveau, a souligné le représentant, est directement lié au versement des contributions. Il a dit s’intéresser tout particulièrement à la gestion des ressources humaines et noté que le rapport du Secrétaire général sur la nouvelle stratégie comprend d’anciens objectifs qui n’ont toujours pas été réalisés. Aujourd’hui, s’est impatienté le représentant, le CCC commente la pratique des emplois temporaires au Secrétariat, laquelle s’avère contraire au Statut et au Règlement du personnel. Le CCC a en effet rejeté la pratique consistant à choisir les consultants dans la liste des candidats non retenus, ce qui limite la compétition et compromet le caractère équitable de la sélection.
M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie) a aussi noté que toutes les entités auditées avaient reçu une opinion d’audit « sans réserve » de la part du CCC. Il a appelé les entités auditées à continuer dans cette voie. M. Kapambwe s’est également félicité du fait que la santé financière de l’ONU demeure « solide », à savoir que ses actifs courants sont suffisants pour couvrir ses passifs courants, comme en témoigne le ratio financier de 3,88 en 2017, par rapport au 3,41 en 2016.
Toutefois, le représentant s’est dit préoccupé par l’augmentation des engagements liés aux avantages à long terme du personnel, dont le montant est passé de 4 234 160 000 en 2016 à 4 940 300 000 en 2017. S’il est indiqué dans le rapport du CCC que ces passifs sont couverts par « un volume considérable d’actifs », le représentant a cependant estimé que ces engagements risquaient potentiellement d’avoir un effet négatif sur le budget ordinaire s’ils demeuraient « sous-financés ».
En outre M. Kapambwe s’est inquiété du fait que le Dispositif de lutte contre la fraude et la corruption du Secrétariat n’ait pas été déployé dans certaines entités de l’ONU. Il a également noté que la formation obligatoire à la lutte antifraude n’avait pas été systématiquement suivie et qu’il n’existait aucune formation antifraude spécialement conçue pour la fonction achats. Le représentant a par conséquent salué les appels à attacher davantage d’importance à la formation antifraude, en particulier au niveau des achats.
Aux vues de ces différents points, M. Kapambwe a appelé à renforcer les efforts de mise en œuvre des recommandations du CCC. Bien que le nombre de recommandations en suspens demeure selon lui élevé, le représentant a toutefois salué l’augmentation du taux d’application de ces recommandations en 2017, par rapport à l’année précédente.