Cinquième Commission: le Groupe des 77 et la Chine demandent des éclaircissements sur les propositions de réforme du Bureau de la déontologie
Aujourd’hui, à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, le Groupe des 77 et la Chine ont buté sur les propositions du Secrétaire général pour renforcer l’indépendance du Bureau de la déontologie de l’ONU. Ils ont dit attendre des informations supplémentaires avant de se prononcer.
La Commission examinait la gestion des ressources humaines des Nations Unies dont le rapport du Corps commun d’inspection (CCI) sur les mécanismes et politiques visant à remédier aux conflits d’intérêts et ceux du Secrétaire général sur la pratique suivie en matière disciplinaire et sur les activités du Bureau de la déontologie. Pour renforcer l’indépendance de ce Bureau, le Secrétaire général propose, entre autres, de créer une nouvelle filière permettant de faire remonter l’information au Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit, afin que celui-ci donne des orientations sur les programmes de travail du Bureau et évalue les résultats de son chef. Le Secrétaire général propose aussi que le chef du Bureau ait le rang de Sous-Secrétaire général, au lieu de Directeur (D-2), pour plus de visibilité avec un mandat limité à cinq ans, renouvelable une fois, et l’assurance qu’il ne pourra être démis de ses fonctions qu’en cas de faute grave ou de résultats insatisfaisants.
Le Groupe des 77 et la Chine ont acquiescé à l’avis du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) selon lequel le Secrétaire général devrait d’abord élaborer un rapport détaillé sur la charge de travail, la structure et les fonctions du Bureau. Les incidences sur les autres bureaux du Secrétariat, y compris les organes et autres entités de contrôle, et, plus largement, sur les fonds et programmes des Nations Unies, doivent aussi être examinées dans le détail.
Les États-Unis ont d’emblée souligné leur attachement à toute proposition visant à accroître l’indépendance du Bureau dont les efforts et ceux du Secrétaire général « contribueront à faire de l’ONU une organisation dans laquelle tout le personnel n’hésitera plus et dénoncera une faute sans craindre des représailles ». L’Union européenne a vu une complémentarité entre le travail du Bureau et les efforts pour rationaliser le statut du personnel, simplifier les politiques et procédures des ressources humaines et faire en sorte qu’elles soient bien comprises, tout en s’efforçant de promouvoir une « culture éthique, articulée autour d’un ensemble de règles transparentes ».
La Commission, qui a aussi complété son bureau en élisant par acclamation M. Hisham Oussihamou, au poste de Rapporteur, tiendra sa prochaine séance publique lundi 15 octobre, à partir de 15 heures.
GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur la gestion des ressources humaines (A/73/183)
Pour l’établissement de son rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné ceux du Secrétaire général sur la pratique suivie en matière disciplinaire et en cas de faits constitutifs d’infraction pénale durant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2017 (A/73/71); et sur les activités du Bureau de la déontologie (A/73/89).
Le premier rapport présente un aperçu général de la procédure administrative en matière disciplinaire; un récapitulatif des affaires dans lesquelles le Secrétaire général a pris des mesures disciplinaires au cours de la période considérée; des données comparatives sur l’issue des affaires, les recours formés contre les mesures disciplinaires imposées et les dossiers ouverts par le Bureau de la gestion des ressources humaines; des informations sur la pratique suivie par le Secrétaire général en cas de faits constitutifs d’infraction pénale.
Le second rapport offre une vue d’ensemble et une évaluation du programme de travail du Bureau de la déontologie pour la période allant du 1er août 2016 au 31 décembre 2017. Le rapport couvre exceptionnellement une période de 17 mois afin de permettre la transition vers des rapports de 12 mois correspondant à l’année civile. Dans ce rapport, le Secrétaire général demande, pour renforcer l’indépendance du Bureau que ce dernier présente directement à l’Assemblée générale son rapport d’activité annuel, conformément à la pratique du BSCI et à la recommandation du Corps commun d’inspection. Il faudrait aussi, poursuit le Secrétaire général, créer une nouvelle filière permettant de faire remonter l’information au Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit, afin que celui-ci donne des orientations sur les programmes de travail du Bureau et évalue les résultats de son chef, l’objectif étant de garantir un fonctionnement plus indépendant, tout en responsabilisant davantage le Bureau. Dans les cas où le Secrétaire général ne peut être conseillé par le Bureau en raison de conflits d’intérêts, le Chef du Bureau devrait avoir la possibilité de consulter le Comité consultatif, lequel pourra porter des points à l’attention de l’Assemblée, selon qu’il conviendra.
Le Chef du Bureau de la déontologie, propose encore le Secrétaire général, devrait avoir le rang de Sous-Secrétaire général, au lieu de Directeur (D-2), pour plus de visibilité et compte tenu de l’importance accordée à la fonction de déontologie. La durée de son mandat devrait être limitée à une période de cinq ans, renouvelable une fois, conformément aux limites fixées par l’Assemblée générale en ce qui concerne le mandat de l’Ombudsman. La stabilité du poste de Chef du Bureau devrait être garantie afin d’assurer un fonctionnement plus indépendant, le titulaire ne pouvant être démis de ses fonctions qu’en cas de faute grave ou de résultats insatisfaisants. Toute personne ayant exercé les fonctions de Chef du Bureau, ajoute le Secrétaire général, ne devrait pas être nommée à un autre poste au Secrétariat, conformément aux restrictions applicables aux fonctions de l’Ombudsman.
Dans ses commentaires, le CCQAB estime que toute modification apportée à la taille du Bureau de la déontologie, à sa structure hiérarchique et à sa structure de gouvernance pourrait avoir des conséquences non négligeables sur le Secrétariat et sur l’Organisation dans son ensemble. Le Comité est d’avis que l’expérience du Bureau des services de contrôle interne, qui rend lui aussi compte directement à l’Assemblée générale, est tout à fait pertinente à cet égard, tout comme la structure hiérarchique du Comité consultatif indépendant pour les questions d’audit, ces deux éléments étant au cœur des propositions du Secrétaire général. Le Comité estime par ailleurs qu’il faut lier de manière plus claire et plus cohérente les propositions de réforme de la gestion du Secrétaire général aux propositions qui concernent l’avenir du Bureau de la déontologie. Le Comité considère en outre que si le Secrétaire général souhaite faire une proposition dûment justifiée en vue de renforcer l’indépendance du Bureau de la déontologie, il devra élaborer un rapport détaillé qui abordera des questions telles que la charge de travail, la structure et les fonctions du Bureau. Les incidences sur les autres bureaux du Secrétariat, y compris les organes et autres entités de contrôle, et, plus largement, sur les fonds et programmes des Nations Unies, doivent aussi être examinées dans le détail. Le Comité est donc d’avis qu’une analyse exhaustive de toutes les dimensions connexes et interdépendantes de la proposition, ainsi que d’autres expériences similaires, est nécessaire.
Rapport du Corps commun d’inspection sur l’examen des mécanismes et politiques visant à remédier aux conflits d’intérêts dans le système des Nations Unies (A/73/187) et (A/73/187/Add.1)
Dans son rapport, le Corps commun d’inspection (CCI) présente un examen à l’échelle du système des cadres de réglementation et de contrôle existants pour remédier aux conflits d’intérêts, évalue les mécanismes et pratiques en place pour régler les conflits d’intérêts ou les éviter, recense les lacunes et les difficultés et propose des solutions tout en identifiant les pratiques optimales.
Le CCI fait six recommandations dont la première consiste à obtenir des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies qu’ils chargent leurs collaborateurs investis de la fonction de déontologie d’inventorier, d’ici à décembre 2019 au plus tard, les cas les plus courants et de recenser les risques découlant de situations dans lesquelles leurs organismes respectifs sont confrontés à des conflits d’intérêts institutionnels. Certains organismes indiquent que l’exécution de cette recommandation, en particulier dans les organismes décentralisés ou de petite taille, risque d’exiger des connaissances en matière de gestion et des ressources supérieures à celles dont dispose le Bureau de la déontologie.
S’agissant de la deuxième recommandation qui appelle les chefs de secrétariat à charger leurs services de gestion des ressources humaines d’instaurer un formulaire de déclaration obligatoire de conflit d’intérêts à faire signer par tous les fonctionnaires en même temps que leur serment ou déclaration, les organismes relèvent que plusieurs problèmes se posent, notamment des problèmes de double emploi et de confidentialité. Ils mettent en garde contre la situation dans laquelle les fonctionnaires seraient tenus de signer des formulaires pour chaque aspect du Statut et du Règlement du personnel concernant un comportement ou une conduite. Dans le cas du Secrétariat, le formulaire de déclaration ne serait pas confidentiel étant donné que les chefs de bureau et le Bureau de la gestion des ressources humaines auraient accès aux réponses des fonctionnaires, ce qui pourrait dissuader ceux-ci de faire des déclarations complètes sur les conflits d’intérêts. Les organismes font aussi valoir que des activités régulières de sensibilisation, au moment du recrutement et par la suite, se sont révélées être des méthodes bien plus efficaces.
La troisième recommandation vise à ce que les organes directeurs des organismes des Nations Unies demandent aux chefs de secrétariat de leurs organismes respectifs d’établir un rapport détaillé sur les programmes de transparence financière existants et apportent à la raison d’être et à la portée de ces programmes toutes modifications nécessaires pour en améliorer l’efficacité. Pour des raisons de cohérence et d’harmonisation, les organismes indiquent qu’ils préfèrent d’une manière générale rechercher des solutions et appliquer des normes à l’échelle du système au lieu de se livrer à un examen entité par entité; plusieurs d’entre eux estimant cependant qu’il n’est pas nécessaire, dans l’immédiat, d’établir un rapport.
La quatrième recommandation appelle les chefs de secrétariat des organismes à prendre les dispositions nécessaires pour incorporer, d’ici au mois de décembre 2019, des clauses appropriées dans les contrats de travail passés avec les membres de leur personnel, des clauses en vertu desquelles il serait interdit à ces derniers, pendant une période fixée au regard de leur fonction, de se livrer, après la cessation de service, à certaines activités clairement définies. Les organismes estiment que le Corps commun d’inspection ne démontre en rien le bien-fondé ou l’efficacité de clauses restrictives dans les contrats de travail pour éviter les conflits d’intérêts ou le phénomène des « portes à tambour ».
Ces clauses restrictives risquent de dissuader les gens d’accepter un emploi dans le système des Nations Unies. En outre, les organismes n’ont pas vraiment les moyens de vérifier si les anciens fonctionnaires et vacataires respectent les clauses de non‑concurrence, à supposer que celles-ci soient seulement applicables.
Dans la cinquième recommandation, les chefs de secrétariat des organismes sont appelés, au plus tard d’ici à la fin décembre 2019, à veiller à ce que tous les fonctionnaires, toutes classes confondues, suivent avec succès le cours obligatoire de formation initiale et périodique à la déontologie et obtiennent le certificat correspondant; à relier la certification du cours obligatoire au cycle annuel de suivi du comportement professionnel; et à prévoir des remises à niveau à intervalles périodiques. Les organismes souscrivent à cette recommandation mais ils notent qu’il faudrait s’attacher davantage à signifier aux membres du personnel qu’ils sont tenus de se comporter conformément à la déontologie, et que l’achèvement des programmes de formation obligatoires, s’il est un moyen de parvenir à cette fin, ne garantit pas en soi l’adoption d’un tel comportement.
Enfin, la sixième recommandation demande aux organes directeurs des organismes des Nations Unies de suivre régulièrement les questions relatives aux conflits d’intérêts, en veillant notamment à actualiser les politiques, instruments administratifs et mécanismes pertinents. Les organismes estiment qu’il importe tout particulièrement de veiller à ce que les politiques soient révisées et mises à jour périodiquement, tout en se gardant d’établir des rapports en surabondance et de se livrer à une surveillance excessive. Les mises à jour devraient également inclure des commentaires et des interprétations des dispositions du Statut et du Règlement du personnel, afin de donner aux fonctionnaires des orientations.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. KARIM ISMAIL (Égypte), a appuyé les efforts du Secrétaire général afin d’améliorer la gestion des ressources humaines. L’exécution des mandats de l’ONU dépend de la qualité de son personnel et de la disponibilité des ressources financières, a-t-il souligné. Il a donc vivement encouragé toute réforme contribuant à avoir un personnel hautement qualifié, divers, dynamique, responsable, reflétant équitablement les États Membres de l’ONU et soucieux de leurs besoins.
Le représentant a dit attacher beaucoup d’importance à la pratique suivie en matière disciplinaire et en cas de faits constitutifs d’infraction pénale et a demandé au Secrétaire général de continuer à en informer les États Membres chaque année. Concernant les activités du Bureau de la déontologie, il a voulu connaître les raisons pour lesquelles le nombre des demandes de services au Bureau a augmenté de 37% en 2017 par rapport à l’année précédente. Il s’est interrogé sur l’impact de cette augmentation sur les activités du Bureau et sur la manière avec laquelle ce dernier répond à cette nouvelle charge de travail.
Quant aux mesures proposées par le Secrétaire général pour renforcer l’indépendance du Bureau, le représentant a dit attendre des éclaircissements. À l’instar du CCQAB, il a estimé que la révision de la taille, du rapport hiérarchique et de la structure de gouvernance du Bureau aurait des conséquences substantielles pour l’Organisation dans son ensemble. Il faut donc une analyse complète de tous les aspects de la proposition, tenant compte de toute autre expérience.
Le représentant a conclu en saluant l’examen des mécanismes et politiques visant à remédier aux conflits d’intérêts dans le système des Nations Unies mené par le Corps commun d’inspection (CCI). Il s’est particulièrement félicité de ce que l’examen ait porté sur tout le système.
Mme LAURA DEMETRIS, de l’Union européenne, a estimé que la bonne gestion des ressources humaines était indispensable à la mise en place d’une Organisation « innovante » et « hautement performante ». Nous avons désormais l’opportunité de mettre la gestion des ressources humaines à l’ONU au diapason des réformes globales auxquelles la Cinquième Commission a consenti cet été, a déclaré Mme Demetris, avant de réaffirmer le soutien de l’Union européenne aux efforts du Secrétaire général pour rendre les Nations Unies « plus efficaces, plus transparentes et plus responsables ».
Le personnel de l’ONU, a-t-elle poursuivi, est à l’avant-garde de l’exécution efficace des mandats. « C’est le principal atout de l’Organisation », a affirmé la représentante. À son tour, a-t-elle ajouté, le personnel doit refléter les valeurs fondamentales de l’Organisation que sont « l’intégrité, le professionnalisme et le respect de la diversité ». La représentante a ainsi dit attendre du personnel de l’ONU qu’il agisse dans le respect des « normes de conduite les plus élevées ». Dans ce cadre, Mme Demetris a salué les efforts visant à promouvoir une culture de transparence et de responsabilité aux Nations Unies, y compris en faisant en sorte que l’ONU soit un environnement de travail sûr, à l’abri des harcèlements sexuels, des discriminations, des exploitations et abus sexuels, des fraudes et de tout type de comportement criminel.
À cette fin, la représentante a salué les efforts pour enquêter sur toutes les allégations d’actes répréhensibles, en vertu de l’Article 101 de la Charte des Nations Unies, ainsi que les efforts du Bureau de la déontologie pour réduire les conflits d’intérêts potentiels et protéger les lanceurs d’alerte. Nous voyons une complémentarité entre ces actions et les efforts pour rationaliser le statut du personnel, simplifier les politiques et procédures des ressources humaines et faire en sorte qu’elles soient bien comprises, tout en s’efforçant de promouvoir une « culture éthique, articulée autour d’un ensemble de règles transparentes ».
M. BRIAN CONROY (États-Unis) a déclaré que le Bureau de la déontologie sert de pierre angulaire à la responsabilité et soutient son programme de réformes des Nations Unies, en cherchant à promouvoir une culture d’intégrité et d’éthique. Le rapport du Bureau témoigne de sa lourde tâche et de la nature vitale de ses services qui incluent les examens préalables à la nomination des fonctionnaires de haut rang et le dispositif de transparence financière. Le représentant a salué le leadership du Secrétaire général dans la protection des lanceurs d’alerte. Les efforts du Secrétaire général et ceux du Bureau de la déontologie, s’est félicité le représentant, contribueront à faire de l’ONU une organisation dans laquelle tout le personnel n’hésitera plus et dénoncera une faute sans craindre des représailles. Les États et les hauts responsables de l’ONU doivent faire tout pour réussir cette transformation, a encouragé le représentant qui a aussi appuyé les efforts visant à accroître l’indépendance du Bureau de la déontologie en tant que moyen de renforcer la responsabilité et la performance au sein de l’ONU. Nous comptons explorer toutes les options pour y parvenir, a promis le représentant.