La Cinquième Commission réfléchit à l’opportunité d’augmenter le taux de remboursement aux pays fournisseurs de contingents
La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires a réfléchi, aujourd’hui, à l’opportunité ou pas d’augmenter le taux de remboursement aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. La Commission a aussi examiné les incidences sur le budget 2018-2019 de l’organisation d’une réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose.
La dernière enquête sur le calcul des taux de remboursement se fonde sur les données fournies par un échantillon de 10 pays. À partir de ces données, la moyenne par personne et par mois a été établie à 1 427,80 dollars, selon cinq catégories de dépenses: soldes et indemnités; habillement, paquetage et équipement; frais médicaux avant déploiement; frais de transport intérieur; et formation exigée par l’Organisation. Le problème est que la somme de 1 427,80 dollars dépasse de 17,80 dollars celle que l’Assemblée générale a fixée le 1er juillet 2017. Si elle est acceptée, cette somme engendrerait une augmentation globale de 18,4 millions de dollars par an de l’enveloppe que consacre le Département des opérations de maintien de la paix aux remboursements des pays fournisseurs.
Les sacrifices financiers dont les pays demandent remboursement ne s’arrêtent pas là. Ils parlent aussi des « autres dépenses » comme la moyenne de 2,72 dollars par personne et par mois pour la délivrance des passeports ou celle de 1,27 dollar pour les frais médicaux supplémentaires du personnel féminin avant déploiement. Or sur les 92 682 militaires et policiers déployés au 31 décembre 2017, 4 275 étaient des femmes, soit 4,6% des effectifs. Après déploiement, l’échantillon des 10 pays a attiré l’attention sur les actes médicaux dont l’évaluation psychologique et le soutien psychosocial auxquels est soumis le personnel de retour chez lui.
Nous devons garder à l’esprit, a tempéré l’Union européenne, les incidences budgétaires « potentiellement lourdes » de ces questions, en particulier dans un contexte de ressources limitées. Les États-Unis ont aussi avoué questionner l’opportunité d’augmenter le taux de remboursement. Avec l’Union européenne, ils ont plutôt insisté sur des normes claires de performance pour assurer une bonne application des mandats. « Il n’y a de place que pour le professionnalisme », a martelé l’Union européenne, en soulignant que la responsabilité et la transparence sont des « principes chers ».
On nous demande de fournir des troupes bien équipées et bien formées mais on a toujours du mal à reconnaître l’importance qu’il y a à nous rembourser, a taclé l’Inde, avant que la Tanzanie ne demande la suppression pure et simple de la déduction pour matériel défectueux et des primes pour les forces spéciales, compte tenu des missions risquées qu’elles sont appelées à effectuer. Le développement d’un système de remboursement « équitable et prévisible » améliorera l’efficacité et l’efficience des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, a plaidé l’Indonésie. Et d’ailleurs, comment est-on parvenu à la moyenne pondérée de 1 427,80 dollars? s’est demandé le Pakistan, « l’un des plus grands et des plus constants pays contributeurs aux opérations de maintien de la paix », avec 6 000 hommes à ce jour sur le terrain. Avec l’Inde, le Pakistan a voulu que l’on prenne déjà la « décision consciente » d’augmenter les indemnités de décès et d’invalidité maintenant que les Casques bleus opèrent dans des environnements de plus en plus dangereux.
La Commission a aussi examiné aujourd’hui les incidences* sur le budget 2018-2019 de l’organisation d’une réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose, prévue au deuxième jour du débat général de la prochaine session de l'Assemblée générale, qui s’ouvrira en septembre 2018. Les ressources supplémentaires sont estimées à 59 700 dollars et comme elles sont minimes, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) recommande de les ponctionner sur les budgets des Départements des affaires de l’Assemblée générale et des services de conférence (DAAGSC) et celui de l’information. Le Groupe des 77 et la Chine, rejoint par l’Inde, ont estimé que cette réunion contribuera à mobiliser les efforts contre ce défi mondial.
La Cinquième Commission devrait conclure la première partie de sa reprise de session, ce jeudi 29 mars.
*A/72/L.40
ASPECTS ADMINISTRATIFS ET BUDGÉTAIRES DU FINANCEMENT DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les résultats de l’enquête révisée sur le calcul des taux standard de remboursement aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police (A/72/771)
Pour établir son rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/72/728) qui présente un récapitulatif du montant moyen par personne et par mois dans les 10 pays retenus dans l’échantillon pour chacune des cinq catégories de dépenses: soldes et indemnités; habillement, paquetage et équipement; frais médicaux avant déploiement; frais de transport intérieur; et formation exigée par l’Organisation. Il ressort de l’enquête menée en 2017/18 que la moyenne pondérée des cinq catégories de dépenses, compte tenu de l’importance proportionnelle des contributions de chacun des pays de l’échantillon, s’établit à 1 427,80 dollars par personne et par mois, soit 17,80 dollars de plus que le taux de 1 410 dollars par personne et par mois approuvé par l’Assemblée générale dans la résolution qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2017. Sur la base des effectifs déployés au 31 décembre 2017 et en partant de l’hypothèse que tous les agents en tenue déployés ont été remboursés en intégralité au taux approuvé, une augmentation de 1 dollar du taux actuel de remboursement pourrait coûter 1 032 660 dollars supplémentaires par an. Par conséquent, l’augmentation de 17,80 dollars par personne et par mois constatée engendrerait une augmentation globale de 18 381 348 dollars par an.
Outre les cinq catégories de coûts expressément prévues, des informations relatives aux autres frais engagés par les pays retenus dans l’échantillon sont aussi présentées dans le rapport du Secrétaire général. Par exemple, le montant moyen pondéré pour la délivrance des passeports est de 2,72 dollars par personne et par mois; et celui pour frais médicaux afférents aux examens supplémentaires auxquels le personnel féminin en uniforme doit se soumettre avant déploiement est de 1,27 dollar par personne et par mois. Sur les 92 682 militaires et policiers déployés dans des opérations de maintien de la paix au 31 décembre 2017, 4 275 étaient des femmes, soit 4,6% des effectifs.
Le Secrétaire général indique que les pays de l’échantillon ont également déclaré qu’ils engageaient des dépenses après le déploiement au titre d’examens et d’actes médicaux propres aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, notamment de l’évaluation psychologique et du soutien psychosocial. Le Secrétaire général suggère donc que l’Assemblée générale envisage d’inclure, dans les futures enquêtes, les frais médicaux postérieurs au déploiement qui sont propres aux activités de maintien de la paix. Il prie l’Assemblée générale de revoir les taux de remboursement aux pays qui fournissent du personnel en tenue aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le Comité consultatif estime qu’il s’agit là de questions de politique générale qu’il appartient à l’Assemblée générale de trancher.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. MOHAMED FOUAD AHMED (Égypte) a voulu des clarifications sur la moyenne pondérée de 1 427,80 dollars par personne et par mois; les différences concernant le type d’indemnités supplémentaires versées au titre des services fournis dans le cadre d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies et leurs modalités de calcul; les chevauchements entre et parmi les catégories de dépenses; et les « autres dépenses » dont leur niveau de normalisation.
Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme DIANA MINYI LEE (Singapour) a estimé que dans ces discussions, il ne faut pas oublier de prendre en compte les sacrifices des hommes et des femmes en uniforme. Elle a salué l’augmentation du nombre de femmes qui participent aux opérations de maintien de la paix, qui est passé de 3 801 en janvier 2014 à 4 275 en décembre 2017, ajoutant que les données relatives au taux de remboursement devraient en tenir compte afin de favoriser la parité hommes-femmes et la problématique « femmes, paix et sécurité ». L’évaluation du taux de remboursement devrait également prévoir des ressources pour les activités postérieures au déploiement, notamment les soins de santé.
Dans un monde en mutation constante, les outils que nous avons à notre disposition doivent s’adapter, a souligné M. JAN DE PRETER, de l’Union européenne. Il a dit attacher une grande importance à la performance des missions, y compris celle des troupes, et à l’efficacité des déploiements. Le représentant a dit attendre avec impatience des politiques de performance pour en discuter avec le Secrétariat et toutes les parties prenantes. Les équipements détenus par les pays contributeurs de troupes doivent être modernes et nous n’avons aucune tolérance pour l’exploitation et les atteintes sexuelles, a prévenu le représentant qui a ajouté que la parité hommes-femmes pourrait être améliorée. Il a aussi rappelé le Rapport Santos Cruz qui identifie les échecs et les problèmes possibles pour améliorer la sécurité du personnel de maintien de la paix. Dans un monde où les Casques bleus sont devenus des cibles directes, il n’y a de place que pour le professionnalisme, a martelé le représentant, en soulignant que la responsabilité et la transparence sont des « principes chers » à l’Union européenne. Tout porte à croire, s’est-il expliqué, qu’il faut renforcer l’évaluation des performances. Le représentant a donc salué le développement d’une méthodologie claire et transparente en la matière, laquelle servira la sûreté et la sécurité des troupes et la mise en œuvre des mandats.
Il s’est dit impatient de discuter de toutes ces questions, conscient de leur caractère sensible et des préoccupations des pays contributeurs de troupes. L’Union européenne, a-t-il précisé, a un intérêt particulier à appuyer des missions fortes et efficaces. Presque tous ses membres ne sont pas seulement d’importants contributeurs financiers mais aussi des piliers sur le terrain, qu’il s’agisse des hommes en uniforme ou des équipements. L’Union européenne, a insisté le représentant, est donc très consciente du sentiment partagé de responsabilité mais aussi des avantages clairs qui découleraient d’une participation active au maintien de la paix. En l’occurrence, un engagement politique et opérationnel exige de nous tous, a prévenu le représentant, que nous fassions la contribution la plus efficace possible. Nous devons garder à l’esprit les incidences budgétaires potentiellement lourdes, en particulier dans un contexte de ressources limitées. Notre objectif ultime reste de maintenir et d’améliorer la qualité et la viabilité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, a martelé le représentant.
Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a avoué que sa délégation se pose toujours la question de savoir si l’augmentation du taux de remboursement est vraiment justifiée. Au fur et à mesure que le maintien de la paix évoluera, les États-Unis, a ajouté la représentante, continueront de soutenir les efforts de l’ONU pour aligner redevabilité et responsabilité et identifier et mettre en œuvre des normes claires de performance pour assurer une bonne application des mandats. L’ONU a pris des mesures importantes pour améliorer la transparence dans le maintien de la paix, y compris le respect de la politique de tolérance zéro contre l’exploitation et les atteintes sexuelles. Toutefois, a prévenu la représentante, beaucoup reste à faire.
On demande aux pays contributeurs de fournir des troupes bien équipées et bien formées mais on a toujours du mal à reconnaître l’importance qu’il y a à les rembourser, a dénoncé M. MAHESH KUMAR (Inde). Il nous faut certes, s’est-il expliqué, des mandats clairs, des directives et des politiques modernes et un leadership et une redevabilité à tous les niveaux mais le succès des efforts dépend largement de troupes bien équipées et bien formées, de ressources adéquates et de remboursements à temps et en totalité. Le représentant a espéré que ces « défis structurels » seront relevés. À propos de ces remboursements, il a souligné « deux éléments cruciaux » et d’abord l’urgence de réexaminer l’ensemble des prestations pour handicap et décès, étant donné que l’on voit une augmentation drastique de la fréquence et de l’intensité des attaques ciblées contre les Casques bleus. Il a ensuite rappelé que l’ONU est arrivée à un montant considérable de remboursements impayés pour des missions actives et fermées auxquelles des pays comme l’Inde ont participé. Nous espérons que ces contentieux seront réglés le plus tôt possible, a conclu le représentant.
M. DONG WEN (Chine) a appuyé la majoration des taux standard de remboursement aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police afin d’assurer la qualité des déploiements et de permettre aux troupes déployées de remplir leur mission dans des conditions adéquates. Après avoir rappelé que la Chine est l’un des plus importants pays fournisseurs de contingents, il a appuyé les mesures proposées pour améliorer la santé et la sécurité des Casques bleus. Il a dit attendre avec intérêt d’en discuter avec les parties intéressées afin d’améliorer les pratiques existantes.
M. HASEEB GOHAR (Pakistan) s’est dit fier de représenter l’un des plus grands et des plus constants pays contributeurs aux opérations de maintien de la paix. Depuis 1960, le Pakistan a déployé troupes et matériels dans 41 missions déployées dans 23 pays. Il compte à ce jour 6 000 personnels dans les différentes missions de l’ONU. Le représentant a ensuite fait quelques observations. Comment, s’est-il demandé, les données reçues de l’échantillon de pays ont-elles permis d’aboutir à la somme de 1 427,80 dollars comme dénominateur commun de l’augmentation du taux de remboursement? Maintenant que la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix s’est renforcée, il est temps de prendre en compte les dépenses associées aux contingents féminins dans le taux de remboursement. Il est aussi temps, a ajouté le représentant, de prendre en compte les « autres dépenses ». L’augmentation exponentielle du nombre de victimes parmi les Casques bleus doit nous pousser à prendre « la décision consciente » d’augmenter les indemnités en cas de décès ou d’invalidité, ce qui n’a pas été fait depuis 2009, a souligné le représentant.
Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a souligné trois points, estimant d’abord que le développement d’un système de remboursement « équitable et prévisible » améliorera l’efficacité et l’efficience des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. La représentante a ensuite jugé qu’il faut changer la façon de travailler pour améliorer la sûreté et la sécurité des Casques bleus. Il faut se fixer de meilleures priorités pour mieux former, mieux équiper et mieux informer les soldats de la paix. Pour les femmes Casques bleus en particulier, la promotion de leur participation doit être à la hauteur de la forte demande pour leur rôle dans les missions de maintien de la paix de l’ONU. Enfin, la même attention doit être accordée à la phase postdéploiement et tenir compte de l’impact physique et mental que les opérations de maintien de la paix peuvent avoir sur les individus.
M. SONGELAEL W. SHILLA (République-Unie de Tanzanie) s’est dit « très satisfait » des résultats de l’enquête mais a plaidé pour une évaluation exhaustive des facteurs de risques, en particulier dans le contexte des opérations déployées en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il a demandé des indemnités spéciales pour les troupes spécialisées, telles que les forces spéciales, compte tenu des missions risquées qu’elles sont appelées à effectuer. Enfin, M. Shilla a recommandé l’abolition de la déduction proportionnelle en cas d’équipement défectueux.