8138e séance – matin
CS/13124

Le Coordonnateur spécial met en garde contre une fragilisation de l’architecture internationale en soutien de la paix au Moyen-Orient

Le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Nickolay Mladenov, a estimé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que l’absence de mesures significatives pour préserver la solution des deux États et la fragilisation de l’architecture internationale en soutien de la paix augmentaient les risques de tension dans la région. 

La situation sur le terrain s’est tendue depuis l’annonce de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël et de leur décision de transférer leur ambassade à Jérusalem, a affirmé M. Mladenov, qui présentait le dernier rapport de mise en œuvre de la résolution 2334 (2016). 

La déléguée des États-Unis a indiqué que son pays avait le droit souverain de déterminer l’emplacement de son ambassade, tout en soulignant « son engagement intact » en faveur de la paix. 

M. Mladenov a rappelé qu’Israël n’avait pas cessé ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, comme le lui demandait pourtant ledit texte.  Cette résolution avait été adoptée par le Conseil, il y a près d’un an, les États-Unis s’étant abstenus lors du vote.  « Si ce texte avait été mis aux voix cette année, ma délégation aurait voté contre », a jugé la représentante des États-Unis.

Le Coordonnateur spécial a rappelé qu’Israël a approuvé, ces trois derniers mois, la construction de 1 200 unités de logement en Cisjordanie occupée, dont 460 environ dans la colonie de Ma’ale Adumim, et avancé les projets de construction de 1 400 unités de logement dans la zone C de la Cisjordanie.  Ces projets incluent des unités dans la nouvelle colonie d’Amihai, un nouveau quartier à Kochav Yaacov, et un nouveau site près d’Alon Shvut, dans le nord et le sud de Jérusalem, a-t-il dit. 

Un plus grand nombre d’unités de logement a ainsi été proposé et approuvé en 2017 par rapport à 2016, a-t-il dit.  M. Mladenov a précisé que le nombre d’unités proposées et approuvées était ainsi passé, en Cisjordanie, de 3 000 en 2016 à près de 7 000 en 2017 et, à Jérusalem-Est, de 1 600 en 2016 à 3 100 en 2017. 

À Jérusalem-Est, les préparatifs pour la construction d’infrastructures à Givat Hamatos, si elle devait être achevée, consolideraient l’anneau de colonies qui isole Jérusalem-Est du sud de la Cisjordanie, a déploré M. Mladenov, en rappelant que ces activités de peuplement étaient illégales et constituaient un obstacle à la paix. 

« La résolution 2334 (2016) décrit les colonies israéliennes comme un obstacle à la paix alors que c’est ce texte qui est un obstacle de la paix, pour s’être interposé entre les deux parties et en blâmant les Israéliens », a réagi à ce propos la représentante américaine. 

Le Coordonnateur spécial a ensuite fait état de certains développements potentiellement d’importance sur le plan juridique.  Le juge de la Cour suprême israélienne, M. Salim Joubran, a en effet décidé que la confiscation de terres palestiniennes privées, au nom de l’intérêt public, y compris celui de l’intérêt exclusif des colons, pourrait être légale en Cisjordanie, sous certaines conditions, si cela est fait de manière proportionnelle et que des indemnisations justes pour les propriétaires sont prévues, a-t-il dit. 

Ces trois derniers mois, la situation sécuritaire en Israël et dans le Territoire palestinien occupé était demeurée relativement calme, 22 Palestiniens ayant été tués par les forces de sécurité israélienne et 4 Israéliens ayant trouvé la mort à la suite d’attaques perpétrées par des Palestiniens, a-t-il dit. 

Le Coordonnateur spécial a précisé que le nombre d’incidents avait baissé en 2017, 109 incidents ayant été recensés cette année contre 223 en 2016.  En 2017, 72 Palestiniens et 15 Israéliens ont été tués, a-t-il dit, ajoutant que 109 Palestiniens et 13 Israéliens avaient été tués en 2016. 

Après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les États-Unis le 6 décembre, il y a eu une augmentation des incidents, avec des tirs de roquette depuis Gaza et des affrontements entre des Palestiniens et les forces israéliennes, a noté le Coordonnateur spécial.  M. Mladenov a indiqué que sur les 40 tirs ayant visé Israël depuis Gaza, 27 l’avaient été depuis le 7 décembre, et l’appel à l’escalade du Hamas. 

« Les provocations rhétoriques ont également augmenté depuis le 6 décembre, avec des appels à l’escalade, à la violence et à l’intifada », a poursuivi M. Mladenov.  Il a indiqué que la page officielle du Fatah sur les réseaux sociaux continuait de glorifier les auteurs d’attaques passées contre des Israéliens.  Des responsables israéliens ont également eu des discours provocateurs en appelant à « reconnaître la Judée et la Samarie comme faisant partie d’Israël ». 

M. Mladenov a demandé la pleine mise en œuvre de l’accord signé le 12 octobre entre les factions palestiniennes pour le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, en jugeant que ce retour était crucial pour atténuer les conséquences de la crise humanitaire et renforcer les perspectives de paix. 

« Si les points de passage à Gaza sont désormais sous le plein contrôle de l’Autorité palestinienne, le processus achoppe, en raison de désaccords substantiels, sur les questions de la rémunération des fonctionnaires, de la levée des mesures imposées par l’Autorité palestinienne et de l’abandon par le Hamas de son contrôle sécuritaire à Gaza », a-t-il regretté. 

Le Coordonnateur spécial a indiqué que les positions des parties israélienne et palestinienne demeuraient toujours aussi éloignées et qu’aucun développement positif pour la paix n’avait été constaté ces trois derniers mois.  Depuis l’annonce américaine, l’Autorité palestinienne a annulé ses rencontres avec le Vice-Président des États-Unis, M. Mike Pence, et appelé à l’établissement d’un nouveau mécanisme pour la paix, a poursuivi le Coordonnateur spécial. 

M. Mladenov a précisé que le Président palestinien, M. Mahmoud Abbas, avait promis de rechercher une reconnaissance unilatérale de la Palestine et de faire en sorte que la Palestine devienne membre à part entière des organisations internationales en l’absence d’un processus de paix.  « Aujourd’hui, il y a un risque croissant que les parties recourent à davantage d’actions unilatérales », a regretté M. Mladenov. 

Le Coordonnateur spécial a rappelé que le statut final de Jérusalem devait être réglé par des négociations directes entre les parties et que la solution des deux États était la seule option pour la paix au Moyen-Orient.  « Dans l’environnement actuel, l’absence continue d’une proposition crédible, qui pourrait devenir la base de négociations substantielles, ne fait que saper les perspectives de paix », a regretté M. Mladenov. 

« Notre main reste tendue aux deux parties », a affirmé la représentante des États-Unis, qui s’est exprimée après le Coordonnateur spécial.  Elle a rappelé que la résolution 2334 (2016) avait été un « revers significatif » pour la paix et assuré que son pays « ne ferait pas la même erreur ».  Le Conseil de sécurité n’a pas à se substituer à des négociations bilatérales entre deux parties au conflit, ni à les juger, a-t-elle tranché.

Les représentants de la Bolivie et de l’Uruguay ont, eux, dénoncé le fait que la résolution 2334 (2016) n’avait toujours pas été mise en œuvre, le premier dénonçant par ailleurs la reconnaissance unilatérale, par les États-Unis, de Jérusalem comme capitale d’Israël, « en violation flagrante de la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale du 29 novembre 1947 ». 

Le second a espéré que la mise aux voix du projet de résolution qui suivra cette réunion, « d’une grande importance sans aucun doute », ne détournera pas l’attention d’autres aspects fondamentaux de ce conflit complexe.  Le délégué uruguayen a rappelé que ce vote avait pour objectif d’annuler les « effets négatifs » de « certains faits notoires » et de prévenir de futures mesures similaires de la part de certains États. 

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