Conseil de sécurité: les conditions ne sont pas réunies pour le retour volontaire des réfugiés rohingya au Myanmar, avertissent deux responsables de l’ONU
Tout en saluant la signature récente d’un accord sur le retour volontaire au Myanmar des centaines de milliers de réfugiés, y compris les Rohingya, ayant fui ces derniers mois l’État Rakhine vers le Bangladesh, deux hauts responsables de l’ONU ont, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, estimé que les conditions sécuritaires n’étaient pas remplies pour garantir un tel retour, qui reviendrait à l’heure actuelle, selon les propos rapportés d’une réfugiée rohingya, à signer leur « arrêt de mort ».
La réunion d’aujourd’hui faisait suite à une déclaration présidentielle adoptée le 6 novembre par le Conseil, dans laquelle ce dernier condamne la violence généralisée qui sévit depuis août dernier dans l’État Rakhine, en particulier contre la minorité musulmane des Rohingya, dont plus de 626 000 ont été contraints de fuir vers le Bangladesh. À l’origine de cette violence, une série d’attaques perpétrées le 25 août 2017 par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan contre des postes de police avait déclenché des représailles de la part de l’armée du Myanmar. Dans sa déclaration présidentielle du 6 novembre, le Conseil encourage également le Secrétaire général à envisager la nomination d’un envoyé spécial pour le Myanmar et prie M. António Guterres de le tenir informé de l’évolution de la situation dans l’État Rakhine dans les 30 jours.
Faisant acte de la demande du Conseil, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, a déclaré que les réfugiés continuaient d’affluer au Bangladesh, « mais à un rythme moins élevé ». Selon lui, en effet, les actes de violence semblent avoir diminué dans l’État Rakhine au cours du mois de novembre. Parallèlement, M. Feltman a salué l’accord conclu entre le Myanmar et le Bangladesh, le 23 novembre, sur la question du retour volontaire des réfugiés. Il a toutefois averti que les retours devaient s’accompagner d’efforts de réconciliation préalables, y compris la pleine mise en œuvre des recommandations formulées par la Commission consultative sur l’État Rakhine, présidée par l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan.
Les réfugiés doivent pouvoir rentrer dans leur lieu de résidence d’origine ou se voir offrir un lieu sûr proche de leur destination d’élection, a insisté M. Feltman. Il a également plaidé pour que les critères d’éligibilité au retour soient « les plus larges possible ».
De retour d’une visite au Bangladesh, effectuée du 5 au 13 novembre, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten, a quant à elle rapporté des témoignages éprouvants, dont celui d’une vieille femme qui lui a confié: « Vous signerez notre arrêt de mort si vous nous renvoyez au Myanmar. »
La Représentante spéciale est revenue sur les récits « déchirants et horribles d’atrocités sexuelles qui auraient été commises de sang-froid et avec une haine meurtrière contre les Rohingya en raison de leur ethnicité et de leur religion ». Selon Mme Patten, chaque femme ou fille avec laquelle elle a parlé a subi des violences sexuelles, ou en a été témoin, y compris des viols, des viols en réunion perpétrés par des soldats, des actes de nudité forcée et d’humiliation publique, et l’esclavage sexuel en captivité. Aux dires de certaines femmes, leurs nourrissons auraient été « jetés au feu », a-t-elle encore relaté.
Mme Patten a appelé la communauté internationale à soutenir le Bangladesh et le Myanmar pour qu’ils prennent les mesures nécessaires afin de garantir que les retours s’effectuent « sur une base volontaire », dans un « consentement informé » et dans des conditions « sûres et dignes ».
Or, face à ce qui est bel et bien un « nettoyage ethnique », le représentant de la France a estimé que ces garanties n’étaient pas réunies à l’heure actuelle pour envisager sereinement un retour volontaire. C’est d’autant plus vrai que de nombreuses personnes continuent de fuir les violences dans la zone, a souligné son homologue du Royaume-Uni, pour qui une commission indépendante et internationale devrait être constituée afin de vérifier la bonne conduite du retour des réfugiés.
Le représentant du Bangladesh a toutefois indiqué que cela ne devait pas servir de prétexte pour prolonger indéfiniment le processus de rapatriement. Avec le nombre actuel de maisons construites et l’arrivée de 100 à 400 Rohingya par jour en moyenne, il a estimé que ce processus pourrait prendre des décennies et que la situation dans son pays pourrait vite devenir « intenable ». Selon lui, le nœud du problème est l’imposition d’une vérification nationale niant aux Rohingya une identité ancrée dans leur pays. Or, a-t-il dénoncé, les autorités du Myanmar poursuivent leur politique de division pour convaincre une partie des musulmans d’accepter des pièces d’identité les désignant comme « Bengalis ».
Au contraire, les autorités de mon pays s’efforcent de parvenir à une paix durable dans l’État Rakhine, a rétorqué son homologue du Myanmar. À ce titre, il a informé le Conseil de la création, aujourd’hui même, d’un conseil consultatif composé de cinq membres internationaux « très respectés » et de cinq membres issus du Myanmar pour aider l’instance nationale de mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine, auxquelles son pays souscrit selon lui pleinement, y compris sur les questions d’identité. Il a en outre dénoncé « l’application discriminatoire et sélective d’actions redondantes » contre son pays au nom des droits de l’homme, par l’intermédiaire de divers mécanismes de l’ONU.
Le représentant de la Fédération Russie a également regretté les pressions, selon lui « contre-productives », que certains pays essaient d’exercer sur l’armée du Myanmar. Il faut, a-t-il dit, « éviter de se livrer à des spéculations politiques et de jouer sur les émotions en parlant notamment de génocide ». Pour régler la situation de manière concertée, a ajouté le délégué, il importe d’abord que les deux parties fassent preuve de « bonne volonté ». Rejetant, à l’inverse, toute tentative de « minimiser l’épuration ethnique » en cours dans l’État Rakhine, la représentante des États-Unis a estimé que cette bonne volonté devait se traduire par des « mesures concrètes » de la part des autorités du Myanmar, qui n’ont rien fait jusqu’à présent pour lever les entraves à l’accès humanitaire et ouvrir des enquêtes afin de traduire en justice les auteurs de cette « violence abjecte ».
LA SITUATION AU MYANMAR
Déclarations
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a indiqué que le nombre de réfugiés ayant rejoint le Bangladesh depuis le 25 août dépasse désormais 626 000 personnes. Dans ce contexte, a-t-il dit, et comme le Secrétaire général l’a souligné dans son courrier du 2 septembre au Conseil de sécurité, nous devons encourager collectivement l’adoption de mesures visant à mettre fin au « cercle vicieux de la discrimination, de la violence et des déplacements » dans l’État Rakhine.
Rappelant sa visite au Myanmar en octobre et la déclaration présidentielle du Conseil en date du 6 novembre, laquelle réaffirmait que la responsabilité de la protection de la population de ce pays incombe au Gouvernement, M. Feltman a salué la signature d’un mémorandum d’accord entre les Gouvernements du Myanmar et du Bangladesh et s’est dit encouragé par la tenue, en janvier prochain, d’une réunion de la nouvelle Commission consultative comprenant des experts internationaux et les membres du Comité pour la mise en œuvre des recommandations concernant l’État Rakhine.
Le Secrétaire général adjoint a également qualifié d’« étape importante » la visite, le 2 novembre dernier, de la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi dans l’État Rakhine. Il a appelé tous les dirigeants du Myanmar, y compris l’armée, à condamner les incitations à la haine raciale et les violences dans cet État et à créer un environnement propice à un retour de la paix.
Bien que la violence ait reculé, de nouveaux réfugiés continuent d’affluer au Bangladesh, mais à un rythme moins élevé, a–t-il précisé. Selon le Gouvernement du Bangladesh, plus de 36 000 enfants non accompagnés sont arrivés sans soutien familial, a encore indiqué M. Feltman, ajoutant qu’au cours du mois de novembre, les actes de violences dans l’État Rakhine semblaient avoir diminué. Il a cependant fait état d’images satellitaires montrant des destructions dans plusieurs villages.
Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, l’accès humanitaire reste insuffisant. Si le Myanmar a donné son accord à une assistance du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et, plus récemment, du Programme alimentaire mondial (PAM), l’accès d’autres agences des Nations Unies au nord de l’État Rakhine est encore très limité.
M. Feltman s’est par ailleurs déclaré reconnaissant à l’égard du Gouvernement du Bangladesh pour sa générosité mais a souligné que les origines de cette crise et les solutions nécessaires « se trouvent au Myanmar ».
Saluant l’accord conclu entre le Myanmar et le Bangladesh, le 23 novembre, sur la question du rapatriement des réfugiés, il a estimé que les retours devaient être appuyés par des efforts de réconciliation. Pour cela, a-t-il insisté, les recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine doivent être mises en œuvre. De plus, les réfugiés doivent pouvoir rentrer dans leur lieu de résidence d’origine ou se voir offrir un lieu sûr, proche de leur destination d’élection.
Le Secrétaire général adjoint s’est félicité qu’il soit fait référence à la liberté de mouvement dans l’accord. En revanche, il s’est inquiété du fait qu’il y soit indiqué que ces mesures seraient prises « conformément aux lois et régulations existantes », lesquelles sont aujourd’hui « extrêmement restrictives ». Il a également plaidé pour que les critères d’éligibilité au retour soient « les plus larges possibles ». Il a enfin encouragé les différentes parties à associer le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) aux travaux du Groupe de travail conjoint sur cette question.
Avant de conclure, M. Feltman a dit apprécier le rôle que jouent les pays voisins, et notamment la Chine, pour engager de manière constructive le Myanmar et le Bangladesh à faciliter la mise en œuvre de l’accord bilatéral. Il s’est aussi déclaré encouragé par les initiatives visant à permettre un développement de l’État Rakhine par le biais d’un soutien de la coopération entre le Myanmar et tous les secteurs, y compris l’ONU. « Ces développements sont les bienvenus, mais nous appelons une nouvelle fois à l’action concrète et à la mise en œuvre des engagements », a-t-il lancé, ajoutant que « les plans, seuls, ne sont pas suffisants ». Il a enfin émis l’espoir que le Myanmar s’appuie sur l’expertise des Nations Unies.
Mme PRAMILA PATTEN, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a débuté son intervention en annonçant que le Gouvernement du Myanmar l’avait invitée à se rendre à Naw Pyi Taw et Rangoon du 14 au 16 décembre prochains pour s’y entretenir avec de hauts responsables du Gouvernement et des forces armées et de sécurité. Elle a ensuite déclaré qu’elle se présentait devant le Conseil de sécurité pour se faire la « porte-voix des sans-voix » qu’elle a pu rencontrer au Bangladesh du 5 au 13 novembre dernier, y compris dans des camps et des installations de fortune, à Kutupalong, Uncvhprang, Leda et à Konapra, situés à la frontière avec le Myanmar. « J’ai également déployé une équipe technique interagences formée de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour procéder à une évaluation préliminaire de la situation », a-t-elle ajouté.
À cette occasion, « on m’a raconté les récits les plus déchirants et horribles d’atrocités sexuelles qui auraient été commises de sang-froid et avec une haine meurtrière contre les Rohingya en raison de leur ethnicité et de leur religion ». Des témoignages corroborés par les personnels de santé et autres prestataires de services sur le terrain au cours de la période incriminée. « Chaque femme ou fille avec laquelle j’ai parlé a subi des violences sexuelles, ou en a été témoin, y compris des viols, des viols en réunion perpétrés par des soldats, des actes de nudité forcée et d’humiliation publique, et l’esclavage sexuel en captivité », a dénoncé la Représentante spéciale. L’une de ces prisonnières affirme avoir été violée de manière répétée pendant les 45 jours de sa détention, une autre a perdu la vue de l’œil gauche après avoir été mordue par un militaire au cours d’un assaut sexuel particulièrement violent, s’est indignée Mme Patten.
Il y a des indications selon lesquelles ce cycle de violences sexuelles répandues et systématiques a été mis au service d’une déshumanisation et de punitions collectives. « Des femmes et des filles ont raconté comment, à l’arrivée de soldats dans leurs villages, elles ont été forcées à se dénuder devant leur mari, pendant que leurs maisons étaient incendiées », a relaté la Représentante spéciale. Ces victimes ont précisé que, dans certains cas, les chefs de villages ont été contraints de signer des documents stipulant qu’ils avaient eux-mêmes mis le feu à leurs propres foyers afin de préserver les femmes de leur communauté de viols. Des témoins ont affirmé que des femmes et des filles ont été attachées à un rocher ou à un arbre, avant que plusieurs soldats ne « les violent, littéralement, à mort ». En outre, selon certaines femmes, leurs nourrissons auraient été « jetés au feu », avant qu’elles ne soient emmenées « au loin » par des soldats pour être violées en réunion.
Ces allégations révèlent un cycle de violations graves du droit humanitaire et des droits de l’homme dans le contexte d’opérations militaires, a analysé la Représentante spéciale, qui a affirmé que la demande de justice était très forte parmi les victimes. D’autres ont exprimé leur souhait de rentrer chez elles, sous réserve de recevoir la citoyenneté et des droits égaux à ceux du reste de la population du Myanmar.
Mme Patten a toutefois cité le témoignage d’une vieille dame, qui lui a confié que « vous signerez notre arrêt de mort si vous nous renvoyez au Myanmar ». Elle a donc exhorté la communauté internationale à soutenir le Bangladesh et le Myanmar pour qu’ils parviennent à un accord global et à convenir des mesures nécessaires pour garantir que les retours s’effectueront sur une base volontaire, dans un consentement informé, et dans des conditions sûres et dignes.
La Représentante spéciale a offert le concours de son bureau à cette fin. Elle a également rappelé que les agences de l’ONU et leurs partenaires font face à une pénurie d’environ 10 millions de dollars pour financer d’urgence des programmes relatifs aux violences sexuelles, notamment dans les camps de réfugiés.
Mme Patten a plaidé pour « une résolution du Conseil de sécurité demandant la cessation immédiate des violences contre la population civile dans l’État Rakhine et des mesures pour tenir comptables de leurs actes les responsables de ces atrocités, avant de recommander au Conseil de dépêcher une délégation au Myanmar et à Cox’s Bazar, pour évaluer la situation directement. « L’inaction n’est pas une option », a-t-elle tranché.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a pris note du « tableau tragique » dressé par la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten. Face à cette « tragédie humaine », il est, selon lui, essentiel que les Nations Unies demeurent saisies de la situation au Myanmar.
S’il s’est félicité de la signature, par le Myanmar et le Bangladesh, d’un accord de retour volontaire des réfugiés, le 23 novembre dernier, le représentant a toutefois estimé que la situation dans l’État Rakhine ne permettait pas, à l’heure actuelle, ce retour volontaire et en toute sécurité des déplacés, d’autant plus que de nombreuses personnes continuent de fuir les violences dans la zone. À ses yeux, une commission indépendante et internationale devrait être constituée pour vérifier la bonne conduite du retour des réfugiés, conformément à l’accord, et « dans la dignité ».
M. Allen a demandé au Gouvernement du Myanmar d’ouvrir une enquête sur les allégations de violations graves des droits de l’homme perpétrées dans l’État Rakhine, ce qui permettrait, selon lui, de rétablir la confiance nécessaire au retour des réfugiés. Il a dénoncé les entraves à l’accès humanitaire de la part des autorités. Le représentant a aussi appelé à élaborer un plan de protection des Rohingya dans la perspective de leur retour, plan que la communauté internationale doit, selon lui, financer de manière appropriée. Enfin, il a appuyé la future désignation par le Secrétaire général d’un Envoyé spécial pour le Myanmar et a exhorté les autorités du pays à coopérer avec lui, une fois cette nomination finalisée.
M. WU HAITAO (Chine) a déclaré avoir pris acte de « l’évaluation positive » faite par le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, de la situation dans l’État Rakhine. Depuis les actes de violence du mois d’août, qui ont entraîné le déplacement de milliers de personnes vers le Bangladesh, la Chine a toujours condamné les attaques perpétrées de part et d’autre, tout en appuyant les efforts déployés par le Gouvernement du Myanmar, a-t-il souligné.
En tant que voisin du Myanmar, a poursuivi le représentant, la Chine a apporté son aide aux déplacés et œuvré en faveur du dialogue et de la négociation pour trouver une solution. À cette fin, elle préconise une « approche en trois temps », a-t-il précisé. La Chine appelle tout d’abord à la cessation des hostilités pour que les populations ne soient plus contraintes de fuir. Il convient également d’améliorer la communication entre les deux pays dans le cadre de consultations sur un pied d’égalité, a ajouté le représentant, jugeant essentiel de mettre en œuvre l’accord de rapatriement conclu par les deux parties.
Il importe aussi de s’attaquer aux causes profondes de cette crise, a-t-il ajouté, faisant valoir que le « problème de l’État Rakhine » a des origines historiques et religieuses « très complexes ». De fait, une « approche progressive » s’impose, a insisté M. Wu. Espérant que la communauté internationale fera preuve de patience vis-à-vis du Gouvernement du Myanmar, il a répété que la question de l’État Rakhine devait être traitée de « manière bilatérale », seul un accord conclu par les deux pays pouvant jouir d’une mise en œuvre pérenne. Dans ce cadre, il a demandé à la communauté internationale d’apporter à ce processus un « appui constructif ».
« Les souffrances infligées aux Rohingya dépassent l’entendement », a déploré Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis), dénonçant les meurtres de femmes et d’enfants. Face à cette situation, la représentante a rejeté toute tentative de « minimiser l’épuration ethnique » en cours dans l’État Rakhine, que près de 646 000 personnes ont fui depuis août dernier. « C’est la situation de déplacement la plus rapide depuis le Rwanda », s’est-elle alarmée.
Pourtant, a dénoncé Mme Haley, « aucune mesure concrète » n’est prise pour traduire en justice les auteurs de ces violences. « C’est inacceptable », a-t-elle martelé, appelant les autorités du pays à ouvrir une enquête indépendante sur les violations commises, y compris la « violence abjecte » imputable aux forces de sécurité du Myanmar, dont le rôle est pourtant de protéger les populations.
Avant même d’envisager un retour des réfugiés rohingya en toute sécurité, la représentante a estimé qu’un véritable « changement de culture » devait d’abord avoir lieu dans le pays. Elle a également appelé le Gouvernement du Myanmar à cesser toute entrave à l’accès humanitaire dans l’État Rakhine et à mettre en place un suivi sanitaire et psychologique des victimes de violences sexuelles.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a observé que les dernières informations à sa disposition faisaient apparaître une « stabilisation relative » de la situation dans l’État Rakhine et ses alentours. Il s’est par ailleurs félicité du fait que les forces militaires du Myanmar aient annoncé le 27 octobre une diminution du nombre de soldats déployés. Il a également tenu à saluer les efforts consentis par le Myanmar pour mettre en œuvre les dispositions de l’accord conclu avec le Bangladesh, qui prévoit de faciliter le retour des réfugiés et de garantir l’accès de l’aide humanitaire.
Pour le représentant, il convient de régler ces problèmes historiques et religieux par des moyens « exclusivement politiques », notamment par le biais d’un dialogue entre toutes les communautés et toutes les religions. Dans ce cadre, a-t-il plaidé, il faut impérativement respecter la souveraineté nationale du Myanmar.
Condamnant les actes extrémistes de militants musulmans, M. Nebenzia s’est réjoui de la signature par les deux pays d’un accord destiné à permettre le retour des réfugiés, alors que des musulmans continuent de fuir vers le Bangladesh. Il a en revanche regretté les pressions « contre-productives » que certains pays essaient d’exercer sur l’armée du Myanmar. Il faut, a-t-il dit, « éviter de se livrer à des spéculations politiques et de jouer sur les émotions en parlant notamment de génocide ». Pour régler la situation de manière concertée, a ajouté le délégué, il importe d’abord que les deux parties fassent preuve de « bonne volonté ». Faute d’un tel dialogue, « aucune solution ne sera envisageable », a-t-il conclu.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est dit préoccupé par le « sort tragique » de plus de 626 000 réfugiés ayant fui le Myanmar vers le Bangladesh depuis le mois d’août 2017, « soit la moitié de tous les Rohingya de la région ». Il a appelé le Gouvernement du Myanmar à lever les entraves à l’aide humanitaire dans l’État Rakhine, pour que les acteurs humanitaires puissent venir en aide aux personnes restées dans la zone.
Le représentant a par ailleurs salué la signature par le Myanmar et le Bangladesh, le 23 novembre dernier, d’un accord de retour volontaire des réfugiés. Il a espéré que cet accord ouvre la voie à un retour en toute sécurité des réfugiés. Il a en outre appelé les autorités du Myanmar à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l’homme commises au Myanmar, en mettant principalement l’accent sur les « actes odieux » de violence sexuelle.
Par ailleurs, M. Umarov a estimé que les recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine, présidée par Kofi Annan, étaient « des plus pertinentes » et démontraient la complexité des problèmes dans la région, qui ne sauraient selon lui être réglés du jour au lendemain. Pour y parvenir, il a appelé les autorités du Myanmar à régler en priorité la question de la nationalité des Rohingya. Enfin, le représentant s’est félicité de la décision du Myanmar d’assurer la mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a constaté que, quatre mois après le début de la crise et un mois après la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité sur cette question, des centaines de milliers d’innocents de la communauté rohingya du Myanmar continuent de souffrir de discriminations et de violences. Cette crise, ainsi que tous les défis humanitaires et politiques qui en découlent, continue de menacer la paix et la sécurité dans cette région du monde, a-t-il mis en garde. C’est, selon lui, une « grave menace » qui pourrait s’exacerber et alourdir encore le fardeau que supporte le Bangladesh. Se félicitant de l’accord conclu entre les deux pays pour le rapatriement des réfugiés, il a dit espérer que ces derniers puissent retrouver leurs foyers au Myanmar.
Dans ce contexte difficile, a poursuivi le représentant, l’Égypte considère qu’il est essentiel que le Gouvernement du Myanmar s’acquitte de ses responsabilités nationales en cessant toute violence à l’encontre des Rohingya et en assurant le retour des réfugiés dans l’État Rakhine. Il faut aussi mettre un terme au « récit de la haine » qui incite à la violence et la destruction. Il importe en outre que le concept de la coexistence pacifique entre les différentes communautés soit protégé. À cet égard, a-t-il ajouté, la Commission consultative nouvellement créée devrait mettre en œuvre les recommandations du rapport final de la Commission Annan.
M. Aboulatta a également estimé que le Conseil de sécurité devait suivre cette crise pour inciter le Gouvernement du Myanmar à permettre non seulement le retour des réfugiés mais aussi l’octroi à ces derniers de documents d’identité. En conclusion, il a appelé le Conseil à tracer une feuille de route « claire et opérationnelle » pour régler de manière définitive la question de l’État Rakhine et garantir la reconnaissance des Musulmans Rohingya de cet État. « Il importe d’agir avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il insisté.
M. OLOF SKOOG (Suède) a indiqué que la crise au Myanmar était loin d’être réglée et exhorté la communauté internationale à lui apporter une attention soutenue. Il a souligné l’ampleur de la crise humanitaire, ainsi que la gravité des sévices infligés aux Rohingya par les forces armées du Myanmar. Selon de nombreuses sources d’informations, des crimes contre l’humanité auraient été commis, a-t-il affirmé, avant de souligner l’importance d’établir la vérité. La mission d’établissement des faits mandatée par le Conseil des droits de l’homme a un rôle important à jouer, a—t-il déclaré, en enjoignant le Gouvernement à lui garantir un plein accès.
Le délégué suédois a en outre jugé inacceptable que l’accès humanitaire dans l’État Rakhine soit encore des plus limités. Estimant que la création de camps de personnes déplacées était inadmissible, il a salué l’arrangement conclu entre le Myanmar et le Bangladesh pour un retour volontaire des réfugiés. Enfin, il a exhorté les autorités du Myanmar à coopérer pleinement avec l’ONU et à lutter contre les récits et la rhétorique visant à saper la capacité de l’Organisation à s’acquitter de son travail. La nomination d’un Conseiller spécial chargé d’assister le Gouvernement devrait être considérée, a-t-il conclu.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a appelé à ne pas « politiser la crise avant tout humanitaire » qui se déroule actuellement dans l’État Rakhine. Il a estimé que la signature par le Myanmar et le Bangladesh, le 23 novembre dernier, d’un accord de retour volontaire des réfugiés était un « pas dans la bonne direction ». Il faut maintenant traduire cet accord en actions « concrètes et significatrices », a-t-il déclaré, tout en appelant la communauté internationale et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) à appuyer les deux États dans la mise en œuvre de cet accord.
Le représentant a appelé le Gouvernement du Myanmar à mettre en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine, ainsi qu’à faciliter l’accès des acteurs humanitaire à l’État Rakhine.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé que 686 000 Rohingya avaient fui l’État Rakhine vers le Bangladesh voisin, cependant que des centaines de villages avaient été brulés et que des violations indicibles des droits de l’homme avaient été commises au Myanmar depuis le mois d’août 2017.
« Face à ce qui est, il faut bien le rappeler, un nettoyage ethnique », le représentant a salué la déclaration présidentielle adoptée, le 6 novembre dernier, par le Conseil de sécurité. À ses yeux, la signature par le Myanmar et le Bangladesh d’un accord de retour volontaire des réfugiés, le 23 novembre, est un « premier pas » dans la mise en œuvre de cette déclaration. Toutefois, a-t-il estimé, les conditions ne sont pas aujourd’hui réunies pour envisager sereinement ce retour volontaire des réfugiés.
Pour y parvenir, il est selon lui indispensable que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) soit associé à la mise en œuvre de l’accord sur le retour et que des progrès préalables soient réalisés dans l’État Rakhine sur le plan humanitaire et de la reconstruction. De même, a ajouté M. Delattre, les violations systématiques des droits de l’homme dans la région, potentiellement constitutives, selon lui, de « crimes contre l’humanité », doivent prendre fin. Alors que des femmes sont toujours « égorgées et violées » dans l’État Rakhine, il a appelé le Gouvernement du Myanmar à ouvrir des enquêtes pour faire toute la lumière sur ces violations et mettre fin à l’impunité.
S’agissant de la mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine, présidée par M. Kofi Annan, le représentant s’est félicité de l’annonce par les autorités du Myanmar de la création d’une commission indépendante de mise en œuvre. Enfin, le représentant a estimé que de nombreux progrès restaient à accomplir pour mettre pleinement en œuvre la déclaration présidentielle du 6 novembre, y compris la nomination par le Secrétaire général d’un envoyé spécial pour le Myanmar, afin de renforcer la coopération entre le pays et l’ONU.
M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a redit l’attachement de son pays aux efforts visant à appuyer le Gouvernement du Myanmar dans sa transition démocratique. Pour sa part, a-t-il fait valoir, l’Italie contribue aux travaux du Conseil de sécurité comme en témoigne notamment la déclaration présidentielle sur cette question en date du 6 novembre. Mais en dépit des efforts déployés, les tensions restent préoccupantes dans l’État Rakhine, alors que la sécurité et le respect des droits de l’homme devraient y être garantis, indépendamment de toute considération ethnique ou religieuse, et que l’aide humanitaire devrait pouvoir être acheminée sans restriction.
Saluant le Bangladesh pour l’énorme effort qu’implique l’accueil des populations rohingya, le représentant s’est alarmé de la situation dans les camps de réfugiés, où il n’est pas rare que les enfants n’aient même pas accès aux services de base comme l’eau. Il a d’autre part jugé qu’un retour dans la dignité et la sécurité de ces réfugiés était indispensable. À cet égard, a-t-il ajouté, l’accord de rapatriement doit être mis en œuvre « de toute urgence » avec l’aide de partenaires comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Tout en saluant les mesures positives prises par le Gouvernement du Myanmar, M. Lambertini a reconnu que « beaucoup reste à faire ». La feuille de route de la Commission consultative présidée par M. Kofi Annan doit être appliquée et le dialogue intercommunautaire rétabli, a-t-il plaidé. De plus, il est urgent de faire cesser les violences sexuelles qui continuent d’être perpétrées dans l’État Rakhine et d’établir les faits. Si des « étapes prometteuses » ont été franchies grâce aux engagements du Myanmar, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à un règlement complet, a-t-il conclu, se félicitant à ce sujet de la prochaine désignation d’un conseiller spécial pour le Myanmar.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a condamné le grave climat de violence affectant plusieurs communautés dans l’État Rakhine dont les Daingnet, les Mro, les Thet, les Mramagyi et, de façon plus particulière, les Rohingya, et ayant provoqué le déplacement de plus de 640 000 réfugiés vers le Bangladesh. Il a noté qu’il y avait déjà, avant cette crise, plus de 307 000 réfugiés rohingya et qu’à présent, la population déplacée représentait près d’un million de personnes. D’autre part, l’épidémie de diphtérie vient aggraver la situation dans les camps de réfugiés de Cox’s Bazar, au Bangladesh, avec 550 cas enregistrés et 9 morts des suites de la maladie, d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Le représentant a aussi exprimé son inquiétude face aux allégations de traitements humiliants et dégradants, de violence sexiste, d’actes d’agression à caractère sexuel et de viols collectifs commis par les membres des forces armées du Myanmar contre des femmes et des enfants rohingya. Il a lancé un appel aux autorités du pays pour enquêter sur ces allégations et identifier les auteurs de tels actes qui ne doivent pas rester impunis. Le dialogue est la seule solution viable à cette crise, a-t-il ajouté, exhortant les parties concernées à mettre en place des stratégies de médiation, de bons offices, de négociation, et à éviter toute rhétorique de confrontation.
Prenant note de l’accord bilatéral conclu entre le Bangladesh et le Myanmar, le 23 novembre, en vue du retour des déplacés rohingya à leurs lieux d’origine, il a rappelé les principes du droit international à ce propos, insistant sur un retour volontaire, sûr et digne. Il a aussi salué les politiques publiques du Myanmar visant à améliorer la situation des réfugiés, et la volonté affichée des parties impliquées à aborder la crise d’une façon transversale.
M. ELBIO OSCAR ROSSELLI FRIERI (Uruguay) a souligné le lien étroit qui existe entre les violations successives des droits de l’homme et les conflits ainsi déclenchés, et la propension de ces conflits à se transformer en menace à la paix et à la sécurité internationales. C’est la raison pour laquelle son pays s’est engagé dans l’initiative du Caucus des droits de l’homme, qui met la dimension des droits de l’homme au sein de la prévention des conflits. Au-delà de l’affiliation religieuse de la population rohingya, il a estimé qu’il fallait garantir une protection des civils de manière inconditionnelle.
M. Rosselli Frieri s’est aussi préoccupé de la crise des réfugiés que cette situation entraîne. Pour son pays, il n’y a pas de limites ni d’exclusivité aux forums dans lesquels on peut débattre des droits de l’homme. De même, on ne peut pas accepter l’excuse de la souveraineté ou de la compétence nationale pour essayer d’empêcher l’examen de la situation des droits de l’homme dans les États Membres.
La crise dans l’État Rakhine, a-t-il poursuivi, ne pourra être résolue qu’en se basant sur les droits de l’homme de toutes les personnes. Il a appelé le Myanmar à aborder une fois pour toutes les causes fondamentales de la crise dans l’État Rakhine, à mettre fin à la répression et à poursuivre les responsables des violences. Il a lancé un appel au Gouvernement du Myanmar pour qu’il donne les garanties nécessaires à la conduite des travaux de la mission d’établissement des faits créée par la résolution 34/22 du Conseil des droits de l’homme. Il a, enfin, reconnu la générosité du Bangladesh et salué le travail des humanitaires.
La situation au Myanmar est l’une des pires crises de déplacement que le monde ait connue ces dernières années, a rappelé M. GORGUI CISS (Sénégal), tout en notant que ni le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ni la Commission internationale d’établissement des faits n’avaient pu accéder à l’État Rakhine pour évaluer la situation sur le terrain. Le représentant a également appelé le Gouvernement du Myanmar à garantir l’accès des acteurs humanitaires à l’État Rakhine, ainsi qu’à mener des enquêtes sur les violations humanitaires commises dans la région.
Tout en se félicitant de la signature par le Myanmar et le Bangladesh, le 23 novembre, d’un accord de retour volontaire des réfugiés dans l’État Rakhine, le représentant a réaffirmé « l’impératif de la protection des civils » contre les violences physiques. Il a appelé à prendre des mesures urgentes en ce sens pour créer les conditions d’un retour prochain des réfugiés. Enfin, il a exhorté l’ONU et le Conseil de sécurité à maintenir leur engagement au Myanmar.
Préoccupé par la violence dans l’État Rakhine, M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a rappelé que les développements récents ont été déclenchés par les attaques meurtrières commises par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan contre les forces de sécurité en août dernier. Il a ensuite réitéré la position de son gouvernement, selon lequel prendre pour cible la population civile est « totalement inacceptable », exhortant les autorités du Myanmar à faire preuve de retenue et à garantir la protection immédiate de tous les civils dans la région.
Après s’être félicité de la signature, le 23 novembre, de l’accord sur le retour des personnes déplacées en provenance de l’État Rakhine entre les Gouvernements du Bangladesh et du Myanmar, le représentant s’est dit alarmé par l’aggravation de la crise humanitaire pour les réfugiés et les personnes déplacées. Il a en conclusion appelé le Gouvernement du Myanmar à mettre en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État Rakhine dans les meilleurs délais.
M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a indiqué que le Premier Ministre du Japon, M. Shinzo Abe, avait exprimé sa profonde préoccupation devant la situation dans l’État Rakhine auprès d’Aung San Suu Kyi lors d’une rencontre le 14 novembre. Il est crucial d’agir contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme, peu importe leur pouvoir ou leur origine, a-t-il affirmé.
Le délégué a salué les efforts du Bangladesh pour répondre à la crise humanitaire et indiqué que l’aide du Japon s’élevait à 18,6 millions de dollars. Il a encouragé le Gouvernement du Myanmar à assurer un plein accès humanitaire et salué l’accord signé entre ce dernier et le Bangladesh pour le retour des personnes déplacées ayant fui l’État Rakhine vers le Bangladesh. Le Japon espère que cet accord sera mis en œuvre et que les retours se feront de manière volontaire, digne et sûre, a-t-il affirmé.
En conclusion, M. Kawamura a exhorté la communauté internationale à appuyer les efforts du Gouvernement pour une solution de long terme et soutenu la mise en œuvre des recommandations de la Commission Annan visant à remédier aux causes profondes de la crise.
M. HAU DO SUAN (Myanmar) a souligné que l’empressement de son pays à accueillir de nouveau la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten, lors de sa future visite au Myanmar, du 14 au 17 décembre 2017, témoignait du « désir sincère » des autorités du pays à coopérer « en toute bonne foi » avec l’ONU. Dans ce cadre, le représentant a tenu à rappeler que le Myanmar condamnait toute violation des droits de l’homme commise sur son territoire. « S’il y a des preuves concrètes, nous sommes prêts à prendre des actions contre les auteurs quels qu’ils soient, en accord avec la loi », a-t-il affirmé.
De fait, selon lui, le Gouvernement du Myanmar n’a ménagé aucun effort pour atténuer les conséquences humanitaires, sécuritaires et socioéconomiques des « attaques terroristes » perpétrées le 25 août dernier par l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan contre des postes de police, dans le canton de Maungdaw. À l’heure actuelle, a-t-il poursuivi, les autorités du pays s’efforcent de parvenir à une paix durable dans l’État Rakhine. Le représentant en veut pour preuve que, depuis le 5 septembre 2017, « aucun affrontement majeur avec les terroristes » n’a été rapporté. Il a précisé que les troupes du Myanmar s’étaient retirées des cantons de Maungdaw et de Buthidaung et que les forces de police avaient pris le relais du maintien de l’état de droit dans ces zones.
De plus, a-t-il dit, le Gouvernement du pays, en collaboration avec le Gouvernement de l’État Rakhine, s’efforce de faciliter le retour des agences humanitaires de l’ONU et d’autres organisations internationales dans la région. Le représentant a précisé que, d’ores et déjà, le Programme alimentaire mondial (PAM) apportait une aide alimentaire aux cinq villages à majorité musulmane restants dans le canton de Rathedaung et, depuis le mois d’octobre, dans les cantons de Maungdaw et de Buthidaung.
Par ailleurs, le représentant a indiqué que, le 23 novembre, le Myanmar et le Bangladesh avaient signé un accord sur le retour volontaire des Rohingya déplacés de l’État Rakhine. D’après cet accord, a-t-il expliqué, un groupe de travail commun doit être formé dans les trois semaines suivant la signature. Une réunion est prévue, le 19 décembre prochain à Dhaka, afin de finaliser le mandat de l’accord et d’établir ce groupe de travail commun. Une fois cela fait, le représentant a indiqué que le retour des personnes déplacées commencerait dans les deux mois suivant la signature de l’accord. Il a précisé que le Gouvernement du Myanmar avait demandé au Bangladesh l’autorisation de rapatrier en priorité 500 réfugiés hindous. Cependant, a-t-il dit, le Bangladesh a indiqué son intention d’inclure ces 500 réfugiés aux côtés des déplacés musulmans, au sein de la première vague de retour.
Par ailleurs, le représentant a déclaré que le Myanmar approuvait les recommandations formulées par la Commission consultative sur l’État Rakhine, présidée par M. Kofi Annan, qui constituent selon lui une feuille de route pour régler les problèmes de fond dans l’État Rakhine. Le Myanmar, a-t-il assuré, est déterminé à mettre en œuvre ces recommandations. À cette fin, le pays a mis sur pied, le 12 septembre dernier, une commission de mise en œuvre des recommandations sur l’État Rakhine.
Le représentant a tenu à informer le Conseil qu’aujourd’hui même, un conseil consultatif composé de cinq membres internationaux « très respectés » et de cinq membres issus du Myanmar avait été créé pour aider la Commission de mise en œuvre des recommandations sur l’État Rakhine. Ce conseil consultatif permettra, selon lui, de fournir un avis indépendant à la Commission pour mettre en œuvre efficacement les recommandations.
Enfin, le représentant a dénoncé « l’application discriminatoire et sélective d’actions redondantes » contre son pays au nom des droits de l’homme, par l’intermédiaire de divers mécanismes de l’ONU. De plus, il a dénoncé « l’arrogance de certains membres du Conseil qui refusent d’appeler mon pays par son nom official ». Selon lui, ce « manque d’esprit constructif » nuit à la coopération sur la question. Toutefois, il a précisé que cela ne remettait pas en cause la volonté de son pays de coopérer pleinement avec les Nations Unies.
Après avoir réitéré l’engagement de son pays à respecter les dispositions de la déclaration présidentielle du 6 novembre dernier, M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a indiqué que les arrivées des Rohingya ont atteint désormais une moyenne quotidienne de 100 à 400 personnes. D’après les dernières données du Groupe de coordination interagences, le Bangladesh a reçu quelque 646 000 Rohingya depuis le 25 août et leur nombre continue à augmenter. De nombreux Rohingya fuient leur pays parce qu’ils refusent de céder aux pressions et d’accepter des pièces d’identité les désignant comme « Bengalis ».
Le Bangladesh et le Myanmar, a-t-il rappelé, ont signé le 23 novembre dernier, un « accord bilatéral sur le déplacement des personnes du Myanmar accueillies au Bangladesh » et s’emploient à mettre sur pied un groupe de travail conjoint pour initier le processus de rapatriement dès la troisième semaine de janvier 2018. Le représentant a exigé que la disposition sur « une période raisonnable » ne serve pas de prétexte pour prolonger indéfiniment le processus de rapatriement. Avec le nombre actuel des maisons construites, ce processus, qui concerne tout de même quelque 650 000 personnes pourrait prendre des décennies, s’est-il alarmé, devant une situation qui pourrait devenir « intenable ».
Le nombre de maisons construites est non seulement insuffisant, mais il semble que celles réservées à la majorité musulmane ne correspondent en rien à la réalité. À ce stade, nous n’en tirerons aucune conclusion, a promis M. Bin Momen, en faisant néanmoins état des rumeurs sur le maintien des abris provisoires comme on le voit déjà dans le centre de l’État Rakhine.
L’imposition d’une vérification nationale niant aux Rohingya une identité fortement ancrée dans leur pays est l’une des raisons de la violence, a rappelé le représentant. Or, a-t-il dénoncé, les autorités du Myanmar poursuivent leur politique de division pour convaincre une partie des Musulmans d’accepter des pièces d’identité les désignant comme « Bengalis ». La politique d’État consistant à traiter les Rohingyas comme des « immigrés en situation irrégulière » et donc des « non-citoyens », doit cesser, s’est impatienté le représentant.
La vérification qui doit être menée avant les retours doit tenir compte de la déshumanisation, de la dépossession et de la mise à l’écart des Rohingya qui ont fui sans papiers ou preuve de leur domiciliation dans l’État Rakhine. On attend des autorités du Myanmar qu’elles appliquent des critères et des modalités claires pour procéder à une vérification sans discrimination indue, a prévenu M. Bin Momen qui a dénoncé l’absence de mesures contre les discours de haine propagés dans certains segments de la population de l’État Rakhine et d’ailleurs.
Tout ceci montre, a-t-il conclu, que la signature de l’accord bilatéral ne garantit en rien le retour effectif de ceux qui ont fui. Même si le Myanmar a réitéré son engagement à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Kofi Annan, il n’a fait jusqu’ici que multiplier les commissions, comités, sous-comités et mandats. « Comment compte-t-il naviguer dans ce labyrinthe pour assurer des résultats concrets dans l’État Rakhine? » s’est demandé le représentant. Le Myanmar, a-t-il conseillé, doit plutôt « corriger sa longue tradition de déshumanisation et de mise à l’écart d’une communauté entière et extirper de sa société le sentiment antimusulman qui l’a conduit à nier la citoyenneté de ses propres ressortissants ». Le représentant a aussi appelé le Conseil de sécurité à se saisir des cas de torture et de mauvais traitements que les femmes et les filles rohingya ont dit avoir subi.