Tribunaux pénaux: sur le point d’achever ses travaux, le TPIY fait au Conseil de sécurité le bilan de 24 ans de justice internationale en ex-Yougoslavie
Vingt-quatre ans après sa création par la résolution 827 (1993), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), sur le point d’achever ses travaux le 31 décembre, a été, aujourd’hui, l’objet d’une dernière séance du Conseil de sécurité, en présence de la Présidente de la Croatie, Mme Kolinda Grabar-Kitarović, et de la Ministre de la justice serbe, Mme Nela Kuburović.
Avant de passer définitivement le flambeau au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, son président et son procureur ont dressé un bilan de l’action de cette juridiction pour juger des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ancienne République yougoslave à compter du 1er janvier 1991.
« Mission accomplie », s’est enorgueilli le Président du TPIY, M. Carmel Agius, qui a rappelé que la totalité des 161 personnes accusées d’avoir commis ou ordonné des atrocités pendant le conflit ont été jugées. « Aucun fugitif n’aura échappé aux poursuites, alors même que l’arrestation des accusés encore en fuite reste l’un des défis majeurs de la justice internationale », a assuré de son côté M. Serge Brammertz, le Procureur du TPIY et du Mécanisme, qui a déjà pris le relais du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) depuis le 31 décembre 2015.
Convaincu que les décisions du TPIY ont marqué de « véritables tournants » dans la jurisprudence du droit pénal international, le juge Agius en a voulu pour preuve le jugement rendu en 1998 dans l’affaire Anto Furundžija, qui a reconnu que la violence sexuelle peut constituer une violation des Conventions de Genève.
En outre, dans l’affaire Kunarac et consorts, il a été établi en 2001 que la présence d’un responsable gouvernemental « n’est pas nécessaire » pour conclure à ce que la charge retenue contre lui soit considérée comme un acte de torture en vertu du droit humanitaire international.
Autant de « points de non-retour », qui ont « à jamais modifié le paysage » de la justice internationale et inspiré par la suite ce Conseil dans ses propres décisions, ainsi que d’autres juridictions nationales et internationales, a affirmé M. Agius.
Celui-ci a toutefois reconnu que « ce qui s’est passé la semaine dernière » est « tout à fait regrettable », faisant allusion au suicide par empoisonnement d’un des derniers accusés au moment de son verdict, Slobodan Praljak, un Croate de Bosnie-Herzégovine. « Aussi malheureux soit-il, cet incident ne doit pas entacher les dernières semaines d’existence du Tribunal ni remettre en cause sa postérité et ses jugements », a relevé le juge, en dénonçant l’exploitation de cet incident par « certains ».
La Présidente de la Croatie a ainsi catégoriquement rejeté les « interprétations » faites du récent jugement rendu par le TPIY dans l’affaire Prlić, dans le cadre de laquelle était jugé M. Praljak, « selon lesquelles la Croatie aurait été reconnue coupable ». Mme Grabar-Kitarović a mis en garde contre le « dévoiement » de ce verdict en vue d’« insinuer » une culpabilité collective des Croates en Bosnie-Herzégovine ou d’entraver la concrétisation de leurs objectifs politiques légitimes en tant que l’une des trois communautés constitutives de ce pays. « Les Croates doivent se sentir en sécurité dans leur patrie, aux côtés des Serbes et des Bosniaques », a-t-elle affirmé.
Accusée de coopération insuffisante avec le Tribunal par certains membres du Conseil, dont l’Ukraine, la Serbie a affirmé par la voix de sa Ministre de la justice que son pays avait, au contraire, été « exemplaire ». À l’heure des bilans, Mme Nela Kuburović a toutefois reproché la « justice sélective » du TPIY, comme l’illustrerait à ses yeux la répartition des inculpés par nationalités: 70% de Serbes, 19% de Croates, 6% de Bosniaques et seulement 2% d’Albanais. De plus, a-t-elle dit, seuls des Serbes ont écopé de condamnation à vie de la part du Tribunal.
La Ministre serbe a été rejointe par la Fédération de Russie, qui s’est désolée que les accusés serbes se soient vu infliger « 1 000 ans » de peines de prison cumulées, tandis que « les anciens commandants de l’Armée de libération du Kosovo n’ont pas été condamnés ». Après s’être élevée contre le fait que le TPIY ait fermé les yeux sur l’illégalité des opérations menées par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans les Balkans, la délégation a mis en cause la qualité des « soins médicaux » fournis aux accusés, comme l’illustrerait la mort de Milošević.
Si la France a souligné le rôle « pionnier » joué par le TPIY dans le développement du droit pénal international, « une branche alors entièrement nouvelle », et la création de la Cour pénale internationale (CPI), elle a toutefois estimé que « les décisions de justice ne peuvent à elles seules conduire à la réconciliation ».
De fait, a poursuivi la représentante, il revient aux responsables politiques, aux membres des communautés les plus touchées, à la société civile, aux chefs religieux, aux parents, aux enseignants et aux représentants des victimes de trouver la force et les moyens de reconstruire leur communauté « sans céder aux tentations révisionnistes », que le juge Agius a lui aussi dénoncées.
Cet appel a été repris à son compte par la Présidente croate, qui a exhorté les dirigeants de la région à faire en sorte que les jugements du TPIY ne soient pas instrumentalisés ni mal interprétés. « Il est de notre commune responsabilité d’améliorer nos relations en tant que pays voisins », a-t-elle plaidé en conclusion. « Lorsque nous parlons de l’agression au nom d’une Grande Serbie, nous n’en imputons pas la responsabilité au peuple serbe en son entier mais bien à Slobodan Milošević », a-t-elle ajouté.
Le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. Theodor Meron, a fait part de son « intense période d’activité judiciaire », marquée notamment par la poursuite de la procédure d’appel dans les affaires Karadžić et Šešelj et du procès en première instance qui s’est ouvert en juin dernier dans l’affaire Stanišić et Simatović.
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE POURSUIVRE LES PERSONNES PRÉSUMÉES RESPONSABLES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 1994
Note du Secrétaire général sur le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2017/661)
Note du Secrétaire général sur le Rapport du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (S/2017/662)
Lettre datée du 17 novembre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2017/971)
Lettre datée du 29 novembre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/2017/1001)
Déclarations
M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), s’est félicité de pouvoir annoncer que 24 ans après l’adoption de la résolution 827 (1993) par le Conseil de sécurité, le TPIY a offert une réponse « audacieuse et innovante » au conflit dans cette ancienne république, ayant jugé la totalité des 161 personnes accusées d’avoir commis ou ordonné des atrocités pendant le conflit. « Mission accomplie », s’est-il enorgueilli.
Le juge a ensuite mis en exergue ce qu’il a considéré comme des tournants dans l’histoire de cette juridiction internationale. Ainsi, en décembre 1998, dans l’affaire Anto Furundžija, le jugement a reconnu que la violence sexuelle peut également constituer une violation des Conventions de Genève. Et en février 2001, dans l’affaire Kunarac et consorts, il a été établi que la présence d’un responsable gouvernemental ou de toute autre autorité « n’est pas nécessaire » pour conclure à ce que la charge retenue contre eux soit considérée comme un acte de torture en vertu du droit humanitaire international.
M. Agius a également cité l’affaire Stanislav Galić, laquelle a conclu au fait que les actes de violence délibérément dirigés contre la population civile avec pour objectif premier de « répandre la terreur » constituent une violation des lois et coutumes de la guerre. Ces décisions sont des « points de non-retour », qui ont à jamais changé le paysage de la justice internationale, et ont été reprises à leur compte par ce Conseil dans ses propres décisions, par d’autres cours et tribunaux internationaux ou nationaux, a-t-il rappelé.
Au sujet de l’affaire Prlić et al., il a reconnu que ce qui s’est passé la semaine dernière est « tout à fait regrettable », faisant allusion au suicide par empoisonnement d’un accusé au moment du verdict. « Le Tribunal attache la plus haute importance à cet incident, qui fait désormais l’objet d’une enquête approfondie », a-t-il déclaré.
Toutefois, aussi malheureuses soient-telles, ces circonstances ne doivent pas entacher les dernières semaines d’existence du Tribunal, ni remettre, de quelque manière que ce soit, en cause sa postérité et ses jugements. Il est extrêmement perturbant de constater que certains tentent d’exploiter cette situation, a estimé M. Agius, en affirmant qu’« ils ne devraient pas s’en sortir impunément ».
Évoquant la question du soutien au TPIY, le juge a estimé que le Tribunal avait reçu toutes les ressources et le soutien nécessaires pour lui permettre de mener à bien ses travaux. « Mais soyons honnêtes ici: si nous prétendons croire à la justice pénale internationale, nous devons alors accepter qu’il s’agisse d’une mission chronophage, lourde et onéreuse, et qu’elle ne peut pas être comparée à la charge d’une juridiction pénale nationale. » « Aurions-nous pu mieux faire? Probablement. Aurions-nous pu être plus efficaces? En un mot, oui. Mais permettez-moi de vous dire que ce n’est pas faute d’avoir essayé. Avions-nous le choix? Non. Y a-t-il une seule personne dans cette salle qui puisse sincèrement soutenir auprès des familles des victimes que la justice pour leurs proches disparus n’est pas un combat digne d’être mené? »
Après avoir longuement remercié les États Membres, y compris certains membres du Conseil de sécurité, les organisations régionales, et la société civile, pour avoir soutenu l’action du TPIY pendant près d’un demi-siècle, M. Agius a déclaré que la conclusion des travaux du Tribunal dans la limite prévue par son mandat ne signifie pas que « notre job est fini ». « Je quitte aussi le Tribunal avec le cœur lourd, accablé par le nombre considérable de crimes qui doivent être jugés par des juridictions nationales de l’ex-Yougoslavie, et par les centaines de victimes qui continuent de demander justice. »
Il s’est cependant félicité que de nombreuses affaires soient jugées dans des tribunaux militaires spéciaux. M. Agius a donc exhorté l’ONU à continuer de prêter assistance aux institutions pertinentes sur le terrain. « De plus, la montée du révisionnisme et du nationalisme à travers la région ne peut pas être ignorée », a-t-il prévenu. « Ne nous voilons pas la face: l’absence de guerre ne signifie pas la paix, en particulier en Bosnie-Herzégovine, où les troubles politiques se poursuivent. »
Le juge s’est félicité en conclusion du « successeur solide » au TPIY que constitue le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.
« Nous le savons aujourd’hui, le TPIY a fait plus que dissiper les doutes, il a répondu aux attentes des plus optimistes de ses défenseurs et les a même dépassées », a affirmé M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.
Le TPIY a clarifié et renforcé les principes fondamentaux du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits humains et a suscité un nouvel intérêt pour le droit international coutumier, a-t-il poursuivi. Il a affirmé qu’il n’était pas exagéré de dire que « nous vivons dans un monde transformé par les réalisations du Tribunal et par l’ampleur que n’ont cessé de prendre les autres tribunaux internationaux ».
Grâce au TPIY, les principes de justice et du droit international sont renforcés, les voix des victimes sont mieux entendues et l’établissement des responsabilités pour les crimes graves constitue de plus en plus la norme et non l’exception, a déclaré M. Meron. « L’héritage du TPIY est source de fierté. »
Le Président a indiqué que le Mécanisme connaissait une période d’intense activité judiciaire. La procédure d’appel se poursuit dans les affaires Karadžić et Šešelj et le nouveau procès en première instance qui s’est ouvert en juin dernier dans l’affaire Stanišić et Simatović suit son cours, a-t-il détaillé.
Il a annoncé qu’une audience consacrée à l’appel interjeté par l’accusation dans l’affaire Šešelj se tiendra à La Haye la semaine prochaine et que l’arrêt doit être rendu dans les premiers mois de l’année 2018. Le procès dans l’affaire Karadžić devrait se tenir à la fin du deuxième trimestre 2018 et l’arrêt devrait être rendu à la fin de 2019 au plus tard, a-t-il poursuivi. Il a précisé que tout appel susceptible d’être interjeté contre le jugement rendu récemment contre Ratko Mladić relèverait de la compétence du Mécanisme.
M. Meron a affirmé que le Mécanisme devrait tenir sa toute première audience judiciaire dans ses nouveaux locaux à Arusha dans l’affaire Ngirabatware en février 2018. Cette date pourrait être modifiée compte tenu de la demande pendante relative au retrait du conseil d’Augustin Ngirabatware, a-t-il dit.
M. Meron a déclaré que le Mécanisme s’acquittait, en tant que nouveau modèle de juridiction internationale efficace, d’une multitude de tâches, allant des préparatifs en vue de prendre en charge les fonctions essentielles, notamment administratives, dévolues jusqu’à ce jour au TPIY, à l’assistance active apportée à ce dernier en vue de la destruction de ses dossiers et du transfert de ses documents aux archives.
Le contrôle de l’exécution des peines infligées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le TPIY et le Mécanisme est l’une des fonctions résiduelles cruciales confiées par le Conseil, a-t-il dit. Le Président a affirmé, à ce titre, que quatre prisonniers devraient être, aujourd’hui même, transférés au centre de détention de l’ONU à Arusha et remis aux autorités sénégalaises, avant de saluer le rôle extraordinaire joué par le Sénégal dans le domaine de la justice pénale internationale. « J’escompte que, dans le courant de l’année prochaine, tous les condamnés qui sont encore au centre de détention de l’ONU à Arusha seront transférés vers les États chargés de l’exécution de leur peine. »
Enfin, le Président a affirmé que l’achèvement du mandat du Mécanisme de manière efficace et rapide dépendra du soutien continu de ce Conseil, de la communauté internationale et de l’engagement de toutes les parties à préserver l’héritage inestimable à la fois du TPIY et du TPIR.
Au cours de la période écoulée, a indiqué le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. SERGE BRAMMERTZ, le Bureau du Mécanisme a continué de travailler à l’achèvement rapide du petit nombre de procédures héritées du TPIY, dont la présentation des moyens à charge en première instance dans l’affaire concernant Jovica Stanišić et Franko Simatović et la gestion des deux procédures d’appel en cours dans les affaires concernant Radovan Karadžić et Vojislav Šešelj. Outre les procédures héritées du TPIY, la deuxième priorité du Bureau de M. Brammertz a été de retrouver et d’arrêter les huit derniers accusés encore en fuite du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Enfin, a-t-il dit, nous continuons d’apporter une aide aux juridictions nationales chargées de mener les enquêtes et d’exercer les poursuites concernant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide commis au Rwanda et dans les pays issus de la Yougoslavie.
« Le TPIY fermera ses portes à la fin du mois », a ensuite rappelé le Procureur, qui a souhaité revenir sur les enseignements tirés des 24 années durant lesquelles son bureau s’est efforcé de traduire en justice les auteurs des violations du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
M. Brammertz a tout d’abord estimé que, en demandant au TPIY de concentrer ses efforts sur les personnes portant la responsabilité la plus lourde pour les crimes commis et en lui imposant une date limite pour le dépôt de nouveaux actes d’accusation, le Conseil de sécurité a engagé son bureau à travailler de manière « efficace et rapide ».
La légitimité de cette « stratégie d’achèvement des travaux », a-t-il poursuivi, a de plus été renforcée par le fait qu’elle prévoyait le transfert des responsabilités du Bureau aux instances judiciaires nationales. De fait, a insisté le Procureur, si le Conseil a décidé de fermer le TPIY, c’est bien parce qu’il était convaincu que justice pouvait être rendue par ces institutions nationales, avec lesquelles le Bureau s’est attaché à développer un « système de complémentarité et de partenariat ».
En dépit, toutefois, des multiples manquements à l’obligation des pays issus de la Yougoslavie d’arrêter les fugitifs, M. Brammertz s’est enorgueilli du fait qu’« aucun fugitif n’aura échappé aux poursuites, alors même que l’arrestation des accusés encore en fuite reste l’un des défis majeurs de la justice internationale ». Sur ce point, il a salué le rôle déterminant joué par l’application de politiques de conditionnalité par l’Union européenne (UE), les États-Unis et d’autres États Membres de l’ONU.
En dépit de ce succès, le Procureur a reconnu que les blessures laissées par les crimes commis dans la région ne sont toujours pas cicatrisées. « Des personnes condamnées pour crimes de guerre continuent d’être considérées par beaucoup comme des héros, tandis que victimes et survivants sont ignorés et déboutés », a-t-il regretté, constatant l’échec du TPIY dans sa mission de réconciliation en ex-Yougoslavie.
La réalité, a-t-il regretté, est qu’il n’y a toujours pas dans la région de véritable volonté de reconnaître les « immenses méfaits » commis dans le passé et d’aller de l’avant, surtout parmi les dirigeants politiques.
Selon lui, en effet, les criminels de guerre se cachent trop souvent derrière la responsabilité collective de leur peuple, arguant du fait que toute leur communauté est également coupable. « Je tiens à dire haut et fort, une nouvelle fois, ceci: aucune communauté ne porte la responsabilité de ce que les hommes ont fait », a martelé le Procureur, avant d’appeler le Conseil à soutenir les instances judiciaires nationales, tout comme il a toujours soutenu son bureau.
M. ELBIO OSCAR ROSSELLI FRIERI (Uruguay) a noté que le TPIY achevait son mandat avec un bilan positif, après 24 années de travaux et 161 personnes jugées, sans qu’il ne reste aucun fugitif. Il a cependant regretté qu’il n’ait pas pu trouver de solution en ce qui concerne les mandats d’arrêt de trois accusés.
Le Tribunal ayant par ailleurs avancé dans ses activités de liquidation, le Mécanisme résiduel est maintenant en bonne position pour exercer ses fonctions de façon autonome pour la première fois depuis sa création en 2010. En ce qui concerne le TPIR, il a souligné la priorité que le Mécanisme doit accorder aux poursuites judiciaires de huit fugitifs accusés. M. Rosselli Frieri a aussi souligné l’importance fondamentale de la coopération pour le bon fonctionnement du Mécanisme, en appelant les États à la renforcer.
Faisant ensuite le bilan du TPIY à la veille de sa fermeture, le représentant a estimé que cette juridiction avait contribué au développement du droit international et permis de renforcer l’état de droit, sans compter qu’il fut pionnier dans certains domaines du droit international humanitaire.
Le TPIY a défini le « conflit armé » et contribué à la définition du crime de génocide et d’autres crimes internationaux, en faisant jurisprudence en matière de crimes sexuels et de crimes contre le patrimoine culturel.
En outre, le Tribunal a contribué au développement du concept de responsabilité de commandement, a-t-il ajouté avant de parler aussi de sa contribution à la réconciliation des peuples.
Avant de conclure, il a rappelé que son pays avait eu le privilège de présider ces deux dernières années le Groupe de travail informel sur les tribunaux pénaux internationaux.
M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a salué l’achèvement des travaux du TPIY après 24 ans d’existence, en rendant hommage à cette juridiction pour avoir contribué à façonner le droit pénal international. Il a ensuite souligné l’importance de continuer à rechercher les fugitifs dans le cas du Rwanda. « Nous avons la responsabilité collective de continuer à faire fructifier le legs des deux tribunaux pénaux internationaux, a estimé le représentant. »
Il a rappelé que la responsabilité des crimes de génocide revient en priorité aux États, mais que la communauté internationale doit être en mesure de leur prêter assistance lorsqu’ils n’y parviennent pas ou échouent à le faire. Le Conseil de sécurité, a-t-il souligné, a ouvert « l’ère de la responsabilité » pour les crimes graves et atrocités en mettant en place des tribunaux qui sont aussi des instruments de prévention des conflits.
M. Lambertini a annoncé en conclusion le souhait de sa délégation que soit élargi le Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux à un plus grand nombre d’États Membres.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a souligné l’importance d’une bonne utilisation des ressources financières et administratives du Mécanisme. Il a salué l’apport du TPIY et du TPIR dans la lutte contre l’impunité, avant d’appeler à faire le bilan de ces tribunaux en vue notamment de la création éventuelle de nouveaux tribunaux pénaux internationaux.
Ces tribunaux sont des outils importants aux mains de la communauté internationale pour punir les auteurs de violations graves du droit international, a affirmé le délégué de l’Égypte.
Enfin, M. Aboulatta a souligné l’importance de ne pas politiser les instruments de la justice pénale internationale.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a pris acte des mesures prises par le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux pour chercher et arrêter les fugitifs, et dans le même temps, pour renforcer les actions de recherche des fugitifs.
Ce qui est louable, a ajouté le représentant, est que le Mécanisme, en dépit de ses moyens limités, s’efforce de renforcer les capacités des systèmes judiciaires nationaux pour poursuivre les crimes de guerre, avec une attention particulière dans la région des Grands Lacs et l’Afrique de l’Est.
Saluant l’engagement du Tribunal et du Mécanisme à assurer l’administration de la justice internationale, le représentant s’est félicité de leur respect et adhésion aux principes importants d’objectivité, d’indépendance et d’impartialité.
Il a également déclaré que l’héritage et l’expérience du Tribunal devaient être examinés sérieusement, ainsi que la nécessité de traduire en justice, d’une manière responsable, tous les auteurs des crimes de guerre.
M. LI YONGSHENG (Chine) a pris note des efforts du Mécanisme résiduel pour rationaliser ses travaux, accroître son efficience et réduire les dépenses, conformément aux demandes du Conseil de sécurité.
Il a également salué la contribution décisive du TPIY et du TPIR aux pratiques judiciaires désormais en vigueur dans le droit pénal international. Rappelant que son pays avait toujours soutenu le principe de l’état de droit, le représentant a assuré que la Chine continuerait d’appuyer le Mécanisme.
Sa délégation a également félicité l’Uruguay de la qualité de sa présidence du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a salué l’apport significatif du TPIY et du TPIR à la lutte contre l’impunité. Le Mécanisme a également joué un rôle important, a-t-il dit. Le représentant a salué la bonne mise en œuvre de la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY, dans le respect du calendrier fixé.
Le délégué de la Bolivie a ensuite insisté sur l’importance des efforts de diffusion des réalisations du TPIY en vue de promouvoir la réconciliation. Le travail du TPIY doit se poursuivre pour panser les plaies qui sont encore ouvertes, a conclu le représentant.
Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a rappelé que le TPIY, dont les travaux prendront fin en décembre, a été la première juridiction internationale saisie de crimes pénaux internationaux depuis Nuremberg. Elle a noté l’importance du verdict rendu dans l’affaire Mladić, qui a été reconnu coupable de sa participation au massacre de Srebrenica et de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Mme Sison a donné l’assurance que le soutien des États-Unis dans les Balkans se poursuivrait, notamment auprès du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux. La représentante s’est ensuite félicitée des efforts déployés pour parvenir à l’achèvement des travaux dans les délais demandés et opérationnaliser le Mécanisme.
Elle a rappelé que son pays est pleinement engagé en faveur de l’arrestation des huit fugitifs restants recherchés par le Mécanisme en relation avec des crimes graves commis au Rwanda, soulignant qu’une récompense de « 5 millions de dollars » par accusé était toujours offerte par son pays pour toute information décisive de nature à localiser ces individus.
Les États-Unis, a-t-elle ajouté, exhortent toutes les organisations pertinentes à coopérer avec le Mécanisme à cette fin.
Mme SUSAN JANE DICKSON (Royaume-Uni) a affirmé que le TPIY avait travaillé d’arrache-pied pour rendre la justice, avant d’insister sur son héritage considérable. Le TPIY a bien montré qu’il ne saurait y avoir d’impunité pour les auteurs de crimes graves, a-t-elle dit.
Elle a souligné en outre la contribution du TPIY à la réconciliation dans la région, « même si cela n’était pas son premier rôle ». La déléguée britannique a mentionné ensuite les difficultés qui subsistent, en regrettant notamment que les mandats d’arrêt de trois personnes n’aient pas encore été exécutés.
La représentante a appuyé le travail du Mécanisme résiduel et s’est félicité de la bonne transition qui s’opère entre le TPIY et le Mécanisme.
Enfin, la représentante a demandé l’arrestation des derniers fugitifs, avant de saluer les efforts de formation et de soutien des juridictions nationales du Bureau du Procureur du TPIY.
Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) a salué le fait que le TPIY a prononcé ses derniers jugements dans l’affaire relative à Ratko Mladić, le 22 novembre dernier, et a statué sur son dernier appel, sur le cas de Prlić et consorts, le 29 novembre.
Elle a rappelé que le TPIY fut unique en ce qu’il est le premier tribunal qui a statué sur des violences sexuelles liées à un conflit. Il fut aussi le premier tribunal à considérer que les violations contre l’héritage culturel constituaient un crime contre l’humanité, et enfin, le premier tribunal à inculper un chef d’État en exercice pour crimes de guerre.
Pour la Suède, l’héritage du TPIY, tout comme celui du TPIR, ne se limite pas au seul fait d’avoir rendu justice aux victimes, il inclut aussi l’importante contribution du Tribunal au développement de la justice pénale internationale.
En outre, la Suède dit espérer qu’après la fermeture du TPIY, que les juridictions nationales vont prendre leurs responsabilités et suivre les pas du Tribunal en contribuant à la réconciliation dans la région. La Suède regrette que la Serbie n’ait pas exécuté les mandats d’arrêt émis par le TPIY en janvier 2015.
La Suède partage l’inquiétude du Procureur sur l’étendue de l’idée de rejet des crimes et faits établis par le Tribunal dans les affaires qu’elle a traitées. Ces questions pourraient avoir de réelles conséquences sur la réconciliation dans les Balkans occidentaux. C’est pourquoi la création d’archives par le Tribunal est un élément clef de son héritage.
La représentante de la Suède a dit espérer que le Conseil de sécurité adoptera une déclaration à la presse sur la clôture des travaux du Tribunal avant la fin de l’année afin de reconnaître son rôle pour que justice soit rendue dans le cadre d’atrocités commises en ex-Yougoslavie.
En outre, elle a souhaité que le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux continue le travail de protection des victimes et témoins. Elle a fait part de sa préoccupation sur le fait que huit individus inculpés par le Tribunal pour des crimes sérieux restent en liberté. C’est pourquoi la Suède invite les États à coopérer pleinement avec le Mécanisme pour l’arrestation rapide de ces individus et sur d’autres questions pertinentes.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a rappelé que, lorsque le Conseil de sécurité a adopté sa résolution 827 (1993), le 25 mai 1993, créant le TPIY, la région était encore en proie aux massacres et aux opérations de nettoyage ethnique, « constitutifs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide ».
Vingt-quatre ans plus tard, le 31 décembre prochain, a-t-elle dit, le TPIY va fermer ses portes après avoir jugé la totalité des 161 personnes qu’il a mises en accusation, « démontrant qu’il est possible de traduire en justice les auteurs des crimes les plus odieux, quelles que soient les fonctions -politiques ou militaires- qu’ils occupent, quel que soit leur rang ».
Alors que la région est aujourd’hui en paix, que la Slovénie et la Croatie sont désormais membres de l’Union européenne et que les autres pays de Balkans occidentaux sont en voie de stabilisation, le TPIY a joué un « rôle majeur » dans cette évolution, a observé la représentante, assurant que, plus largement, le Tribunal « laisse un héritage fondamental qui concerne la communauté internationale dans son ensemble ».
Mme Gueguen a ainsi souligné son rôle de « pionnier », le TPIY ayant contribué au développement du droit pénal international, « une branche du droit entièrement nouvelle », et à la création de la Cour pénale internationale. Pour ces raisons, a-t-elle ajouté, la France se félicite que le Secrétaire général participe à la commémoration prévue fin décembre à La Haye.
La déléguée a toutefois estimé que, s’il est crucial que les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes aussi graves que le génocide, le crime contre l’humanité ou le crime de guerre, « les décisions de justice ne peuvent à elles seules conduire à la réconciliation ».
De fait, a-t-elle poursuivi, il revient aux responsables politiques, aux membres des communautés les plus touchées, à la société civile, aux chefs religieux, aux parents, aux enseignants et aux représentants des victimes de trouver la force et les moyens de reconstruire leur communauté « sans céder aux tentations révisionnistes ».
Les États concernés se doivent de « préserver l’œuvre accomplie par la justice internationale en en acceptant les décisions » et de la « poursuivre en continuant sans relâche à juger les auteurs de crimes qui relèvent de leur compétence », a insisté Mme Gueguen.
Avec la clôture du TPIY, deux ans après celle du TPIR, le travail du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles de ces deux institutions « demeure de la plus haute importance », a-t-elle encore fait valoir, rappelant l’ensemble des États à leur responsabilité de coopérer pleinement, notamment pour permettre l’arrestation de huit fugitifs mis en accusation devant le TPIR.
Avant de conclure, la représentante a tenu à rendre hommage au Président du TPIY, M. Carmel Agius, et au travers de lui « aux juges, aux procureurs, à l’ensemble de leurs équipes, aux traducteurs et interprètes, aux avocats, aux associations qui ont fait depuis 24 ans le succès du Tribunal ».
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a rappelé que, le 31 décembre, après de nombreux retards, le TPIY achèvera ses travaux. « Nous espérions tous qu’il jouerait un rôle impartial en rendant la justice, mais malheureusement, cela n’a pas été le cas », a-t-il estimé, en l’accusant d’avoir pratiqué « une politique de deux poids, deux mesures ».
Le représentant s’est désolé que la grande majorité des condamnés soient des Serbes, « 60% des accusés ayant reçu 1 000 ans de peines de prison cumulées », a-t-il soutenu. Selon le délégué russe, le jugement rendu contre Ratko Mladić a prouvé que le processus de restauration de la confiance dans les Balkans est un échec. Il s’est aussi désolé que les anciens commandants de l’Armée de libération du Kosovo n’aient pas été condamnés.
En outre, a martelé la Fédération de Russie, le TPIY a fermé les yeux sur l’illégalité des opérations menées par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans les Balkans.
Par ailleurs, sa délégation a déploré le niveau des services médicaux fournis aux accusés, comme l’illustre selon lui la mort de plusieurs accusés, à commencer par Milošević. « Il est surprenant que le Tribunal ait refusé la remise en liberté provisoire des accusés pour recevoir des soins médicaux en Russie », a-t-il dit.
Dénonçant la récente « tragédie » survenue en plein verdict, le représentant s’est posé de sérieuses questions sur la sécurité des accusés. Persuadé que le TPIY a « discrédité » l’idée même de justice internationale, le délégué a estimé que « les espoirs de voir renaître la paix et la réconciliation » dans les Balkans ont été anéantis. À la lumière de cette situation, le Conseil a peu de raisons selon lui de se risquer à créer une autre juridiction du même type.
Évoquant en conclusion le Mécanisme, il a tenu à rappeler qu’il s’agit d’une « structure temporaire » au « mandat restreint », dont sa délégation attend qu’il se concentre sur l’achèvement rapide des affaires en suspens dans le respect des délais accordés pour les jugements.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a indiqué que le soutien de son pays aux tribunaux pénaux internationaux s’était déjà traduit par l’accueil des personnes condamnées par le TPIR au sein des prisons sénégalaises, dans des cellules rénovées et répondant aux normes pénitentiaires internationales. Il a insisté sur le rôle fondamental joué par le Mécanisme dans le renforcement de l’état de droit et dans la promotion de la stabilité et de la réconciliation progressive tant dans les Balkans qu’au Rwanda.
Évoquant l’accusé du TPIY qui s’est donné la mort en pleine audience, le délégué a déclaré que cet incident triste et regrettable ne devrait pas remettre en cause la belle réussite de cette création de la communauté internationale.
L’héritage du TPIY est un référentiel pour les juridictions nationales en matière de jurisprudence et de bonnes pratiques, a-t-il dit. Le délégué a appelé le Mécanisme à faire siennes les questions de la réinsertion de ceux qui ont été acquittés ou de ceux qui ont purgé leur peine, de l’utilisation optimale des ressources financières et administratives, de l’accès aux archives, de la réinstallation des témoins et de la pratique systématique d’audit afin d’améliorer son fonctionnement.
La vocation temporaire du Mécanisme implique la nécessité d’adopter une gestion efficace et rigoureuse et le bénéfice d’un soutien constant de ce Conseil, a-t-il conclu.
M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a souligné le soutien important apporté par le Conseil de sécurité aux tribunaux pénaux internationaux et, partant, à la lutte contre l’impunité. Il s’est félicité de la transition sans heurt entre le TPIY et le Mécanisme.
Les États doivent apporter leur concours au Procureur du TPIY pour appréhender les fugitifs, a-t-il dit, en appelant au renforcement de la coopération internationale.
Le représentant éthiopien a noté les difficultés rencontrées par le TPIY, en particulier les retards constatés dans certaines affaires, avant de souligner sa contribution cruciale à la lutte contre l’impunité.
Le Conseil devrait saluer la fermeture des portes du TPIY par une déclaration, comme il l’a fait pour le TPIR, a-t-il conclu.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a salué le travail accompli par les 87 juges et 5 procureurs et 4 greffiers qui se sont succédé au TPIY, une juridiction ayant inculpé 161 personnes de crimes graves. Il a rappelé les difficultés auxquelles cette juridiction aurait été confrontée dès le début, « partie de zéro », et confrontée à l’impossibilité de certains témoins de comparaître et au manque de coopération de certains États, en particulier la Serbie.
Vingt-quatre ans plus tard, le Tribunal peut s’enorgueillir d’une jurisprudence considérable, comme par exemple le concept de responsabilité dans le commandement et le fait que la destruction du patrimoine culturel puisse être considérée comme un crime contre l’humanité.
M. Yelchenko s’est félicité que le Tribunal, en jugeant les accusés, ait donné la possibilité à des milliers de personnes de prendre la parole. Il a émis le souhait qu’un jour, les « crimes contre l’humanité » commis lors de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie puissent être jugés. Il a rappelé l’importance pour les États de coopérer avec le Mécanisme pour l’aider à localiser les derniers fugitifs.
En conclusion, le délégué a regretté que la proposition du Président du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux d’adopter une déclaration présidentielle aujourd’hui ait été rejetée, « ce qui n’augure rien de bon » pour la suite des travaux du Conseil.
Il a également regretté qu’il fût impossible de rendre justice aux victimes du vol 17 Malaysia Airlines, lequel s’est abîmé dans l’est de l’Ukraine, en créant une juridiction internationale.
M. KORO BESSHO (Japon) a salué la contribution du TPIY à la lutte contre l’impunité. L’administration de la justice dépend grandement de la coopération internationale, a-t-il dit. Soulignant les difficultés récurrentes de la coopération des États avec le TPIY, il a déclaré que « le Conseil aurait peut-être dû en faire plus » pour y remédier.
S’agissant du Mécanisme, le délégué a également insisté sur l’importance de la coopération avec ce dernier, en enjoignant les États à appréhender les fugitifs.
Enfin, il a réitéré l’engagement fort du Japon en faveur de « la cause » de la justice pénale internationale.
Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a regretté que, « une fois de plus », son homologue de l’Ukraine détourne l’attention du Conseil de sécurité de la situation à l’ordre du jour. Si sa délégation souhaite recourir à la justice internationale pour juger des crimes commis en Ukraine, alors ses premiers clients seraient les autorités de Kiev, a-t-il estimé.
Il est assez révélateur que la délégation russe ait décidé de commenter sa déclaration, a déclaré son collègue de l’Ukraine. La seule façon « responsable et honnête » de sortir de l’impasse actuelle est de mettre fin à l’agression et à l’occupation de son pays par la Fédération de Russie.
« Dans l’évaluation globale du travail du Tribunal, nous devons faire une distinction entre une pure évaluation juridique et les connotations politiques inhérentes à ce travail », a affirmé Mme KOLINDA GRABAR-KITAROVIĆ, Présidente de la Croatie. Elle s’est dite « assez satisfaite » de l’apport du TPIY à la lutte contre l’impunité en prenant l’exemple des affaires Babić et Martić, dans lesquelles le Tribunal a établi l’existence d’une entreprise criminelle collective visant à expulser la population croate du territoire croate occupé en vue de créer « une Grande Serbie ».
D’un autre côté, la Croatie a marqué le triste anniversaire des atrocités commises à l’automne 1991, a-t-elle poursuivi. « Assiégée pendant trois mois et complètement détruite, la ville de Vukovar a subi un sort qui n’avait plus été vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. » Malgré « cette horreur », la Présidente a déploré qu’aucun des responsables n’ait été poursuivi par le TPIY.
Elle a ensuite mentionné un certain apaisement pour les familles des victimes du génocide de Srebrenica découlant du procès de Ratko Mladić. L’évaluation critique du TPIY ne signifie pas une diminution de notre soutien pour son travail, a-t-elle dit. Elle a néanmoins regretté que le TPIY ait davantage mis l’accent sur les questions de procédure plutôt que de rendre justice aux victimes. « En de trop nombreuses occasions, la justice a été rendue trop tard quand elle n’a pas été rendue du tout. »
La Présidente a estimé que le fait que Slobodan Milošević ait échappé à une condamnation définitive était une faille béante dans l’héritage du TPIY.
La Présidente a rappelé que le TPIY n’avait pas pour vocation de se prononcer sur la légitimité de la guerre mais sur la responsabilité pénale d’individus. Il n’est pas facile de rassembler le courage d’admettre que certains de nos compatriotes ont commis des crimes et devaient être jugés pour cela, a-t-elle dit. « Nous avons affronté cette vérité en Croatie et nous n’espérons rien de moins des autres pays », a-t-elle déclaré, en faisant une distinction entre responsabilité individuelle et culpabilité collective.
À cette aune, elle a rejeté les interprétations faites du récent jugement rendu par le TPIY dans l’affaire Prlić, selon lesquelles la Croatie aurait été reconnue coupable. Toute interprétation en ce sens, formulée en dehors de tout cadre juridique et indépendamment de toute preuve, est fallacieuse, a-t-elle tranché.
Elle a mis en garde contre le dévoiement de ce verdict en vue d’insinuer une culpabilité collective des Croates en Bosnie-Herzégovine ou d’entraver la concrétisation de leurs objectifs politiques légitimes en tant que l’une des trois communautés constitutives de ce pays. Les Croates doivent se sentir en sécurité dans leur patrie, aux côtés des Serbes et des Bosniaques, a-t-elle affirmé.
La Présidente a ensuite rappelé le rôle historique joué par la Croatie dans la survie même de la Bosnie-Herzégovine en tant qu’État indépendant. Alors qu’elle était elle-même victime d’une agression, la Croatie a accueilli pendant des années des centaines de milliers de réfugiés en provenance de la Bosnie-Herzégovine, a-t-elle insisté.
La Présidente a en outre insisté sur le rôle critique joué par son pays en vue de vaincre l’agression menée au nom d’une Grande Serbie. « Je veux être claire, lorsque nous parlons de l’agression au nom d’une Grande Serbie, nous n’en imputons pas la responsabilité au peuple serbe en son entier mais bien à Slobodan Milošević », a-t-elle affirmé.
Enfin, plaidant pour la réconciliation entre les pays de la région, la Présidente a exhorté les dirigeants de ces derniers à faire en sorte que les jugements du TPIY ne soient pas instrumentalisés et mal interprétés. Il est de notre commune responsabilité d’améliorer nos relations en tant que pays voisins, a-t-elle conclu.
Les efforts de la Serbie en vue de coopérer de manière « efficace et impartiale » avec le TPIY, quoique bien plus importants que ceux d’autres pays issus de l’ex-Yougoslavie, n’ont pas suffisamment été reconnus, a déploré la Ministre de la justice serbe, Mme NELA KUBUROVIĆ. À ses yeux, la Serbie s’est comportée de manière « exemplaire », non seulement en s’acquittant de son obligation de coopérer avec le TPIY, mais aussi en vertu des résultats obtenus par ses institutions judiciaires nationales.
En effet, selon elle, les jugements rendus par les tribunaux serbes attestent de la volonté du pays de punir les auteurs des crimes les plus graves commis dans la région. De plus, a-t-elle précisé, sur les 46 personnes dont l’extradition avait été demandée à la Serbie par le TPIY, 45 ont effectivement été extradées, la dernière ayant commis un suicide avant son extradition. Parmi ces 45 personnes extradées, a ajouté la Ministre serbe, figuraient certains officiers militaires de haut rang, ainsi que des hauts représentants politiques.
Par ailleurs, Mme Kuburović a déclaré que la Serbie avait donné suite à l’intégralité des 2 183 demandes d’assistance formulées par le TPIY, en plus d’autoriser 759 témoins de nationalité serbe à témoigner librement devant le Tribunal.
Pourtant, a-t-elle déploré, le rapport final du TPIY indique que la Serbie n’a pas coopéré avec le Tribunal, car elle n’a pas arrêté et transféré deux personnes dans l’affaire concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta. Selon elle, cet argument est « erroné » et « condamnable », dans la mesure où le tribunal indépendant serbe compétant dans cette affaire a rejeté la demande du TPIY en vertu d’une loi conforme au statut du TPIY, et d’après laquelle Jojić et Radeta n’ont commis aucun crime.
Pour Mme Kuburović, le fait que, sur l’ensemble des personnes condamnées par le TPIY, 70% soient Serbes, 19% Croates, 6% Bosniaques et seulement 2% Albanaises, illustre bien la « justice sélective » qui a été rendue par le TPIY. De plus, seuls des Serbes ont écopé de condamnation à vie de la part du Tribunal.
La Ministre a jugé incompréhensible le fait qu’un faible nombre de personnes aient été condamnées pour le meurtre et l’expulsion de centaines de milliers de Serbes, surtout lorsque l’on considère les chiffres rapportés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) concernant les déplacements forcés de Serbes qui se sont produits à partir de 1999. « Faut-il en conclure que les victimes serbes ont une moindre valeur », s’est-elle interrogée.
Par ailleurs, Mme Kuburović a estimé que les Serbes condamnés devaient purger leur peine en Serbie, et non dans des « pays lointains ». Elle s’est engagée, dans le cas du transfert de condamnés serbes dans leur pays d’origine, à prendre des garanties de sécurité qui s’imposent et à accepter une surveillance internationale. Le pays, a-t-elle ajouté, a toujours pour priorité de renforcer et d’améliorer son système judiciaire national, pour faire en sorte que tous les responsables de crimes de guerre soient punis.
Au final, la « justice sélective », la disparité ethnique des personnes accusées et condamnées, ainsi que les violations du droit à un jugement dans des délais raisonnables et le non-respect des garanties de procédures font désormais partie de l’héritage laissé par le TPIY, a estimé la Ministre serbe.
De son point de vue, l’affaire concernant Vojislav Šešelj, qui s’est soldée par un acquittement en première instance après 13 ans de procès, a fortement entaché les travaux du Tribunal.
À l’aune, enfin, de l’incapacité du TPIY, « pour des raisons extrajuridiques », à proprement établir la responsabilité des crimes commis, Mme Kuburović a estimé que le Tribunal n’était pas parvenu à contribuer à la réconciliation régionale.