Le Conseil de sécurité débat des moyens de mettre fin à « l’abomination » de la traite des migrants et des réfugiés en transit en Afrique
Réuni à la demande de la France et « écœuré » par les images récentes montrant une « vente d’esclaves » en Libye, le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, les recommandations de deux responsables onusiens pour mettre fin à la traite des migrants et des réfugiés en transit en Afrique, parmi lesquelles la promotion du droit d’asile, le démantèlement des réseaux de trafiquants et un soutien aux autorités libyennes. De nombreuses délégations ont souhaité l’adoption d’une déclaration présidentielle.
« Le fléau de l’esclavage et des autres violations graves des droits des migrants et des réfugiés en transit en Afrique vers l’Afrique du Nord et au-delà est une abomination qui ne peut plus être ignorée », a affirmé M. Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, dans sa deuxième intervention publique devant le Conseil ce mois-ci. « Plus de 116 000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis l’Afrique du Nord vers l’Italie en 2017. »
M. Grandi a par ailleurs indiqué que plus de 17 000 réfugiés et migrants étaient actuellement en détention en Libye, tandis qu’un plus grand nombre encore était entre les mains de trafiquants, protégés par des « milices bien connues ». Il a plaidé pour que l’appui aux autorités libyennes dans la gestion des frontières soit complété par des mesures de promotion du droit d’asile, avant de soutenir les efforts visant à accélérer le retour volontaire des migrants dans leur pays d’origine.
Nous devons également veiller à identifier les demandeurs d’asile et les réfugiés qui ont besoin d’une protection internationale, a-t-il affirmé. M. Grandi a souligné la nécessité de renforcer l’accès des réfugiés à des mesures de protection dans le premier pays qu’ils atteignent. « Mais les ressources manquent, en particulier en Afrique. » Le Haut-Commissaire a en outre plaidé pour le gel des avoirs, l’imposition d’interdictions de voyager et la poursuite en justice « robuste » des trafiquants.
De son côté, le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. William Lacy Swing, a affirmé que la priorité devait être donnée au démantèlement des réseaux de trafiquants. Il a souhaité que les centres de détention libyens soient vidés de leurs occupants, avant de plaider en faveur d’accords « gagnants-gagnants », avec des garanties des pays d’origine, pour que les migrants n’empruntent pas à nouveau des routes irrégulières.
S’exprimant à leur tour, les délégations ont été nombreuses à rappeler leur « indignation » devant la vidéo « abjecte », selon les expressions du délégué de la France, montrant une vente aux enchères de migrants en Libye. Cette pratique criminelle n’a pas sa place au XXIe siècle, a estimé le délégué du Kazakhstan, qui s’est réjoui, à l’instar du représentant du Sénégal, de l’annonce par la Libye d’une enquête pour en punir les responsables.
« L’impunité n’est pas possible, nous ne l’accepterons pas », a poursuivi le représentant français, avant d’exprimer son plein soutien à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) et d’appeler la Libye à coopérer avec elle. Il a également invité les autorités libyennes à mettre fin aux pratiques de détentions arbitraires et aux exactions que subissent les migrants dans certains centres de détention.
Son homologue de la Suède s’est dit, lui, favorable à la création d’une « mission d’établissement des faits sur le crime d’esclavage en Libye » et à l’adoption de sanctions ciblées contre les réseaux de trafiquants. L’amélioration du sort des migrants et des réfugiés devrait être au cœur des efforts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a, pour sa part, préconisé le représentant de l’Italie.
Les délégations ont été nombreuses à souligner l’importance du processus politique en Libye, seule solution à long terme pour mettre fin à la traite des personnes, selon la représentante des États-Unis. « Une Libye stable est dans l’intérêt de tous », a appuyé le délégué du Royaume-Uni, qui, à l’instar des délégués de l’Éthiopie et de l’Italie, a jugé « utile » l’adoption d’une déclaration présidentielle du Conseil.
Enfin, le représentant libyen a assuré que son pays réprimait la traite des personnes mais qu’il existait des « gangs criminels » contre lesquels la communauté internationale devait se mobiliser. Il a rejeté toute tentative de réinstaller des migrants en Libye, avant de demander à l’Union européenne de revoir sa politique en la matière. « La Libye est victime d’une campagne médiatique de diffamation », a-t-il dénoncé, en rejetant, en conclusion, le portrait qui en a été fait comme d’« un pays raciste ».
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
M. FILIPPO GRANDI, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a indiqué que le fléau de l’esclavage et d’autres violations graves des droits de l’homme touchant les migrants et réfugiés en Afrique étaient « une abomination » qui ne pouvait plus être ignorée. « Plus de 116 000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis l’Afrique du Nord vers l’Italie en 2017 », a-t-il dit, ajoutant que l’incapacité de prévenir et régler les conflits était à la source de leur exode. Il a précisé que les réfugiés, de même que les migrants, étaient victimes de torture, de viol et d’esclavage. Ces violations prospèrent dans les espaces où la gouvernance est faible et les réseaux criminels transnationaux forts, a-t-il affirmé. La situation en Libye est emblématique de cet état de fait, a—t-il poursuivi.
M. Grandi a indiqué que plus de 17 000 réfugiés et migrants étaient actuellement en détention dans ce pays, tandis qu’un plus grand nombre encore était entre les mains de trafiquants, protégés par des « milices bien connues ». Il a mentionné les efforts du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Libye, citant la libération de près de 1 000 demandeurs d’asile et de migrants cette année et le renforcement des mécanismes de protection. Un projet pour un centre de transit à Tripoli attend l’approbation du Gouvernement, a-t-il affirmé. Il a précisé que les opérations onusiennes étaient menées depuis la Tunisie, en raison de la volatilité de la situation en Libye. Il est impératif de continuer les opérations de sauvetage en cours, a poursuivi le Haut-Commissaire. Il a plaidé pour que l’appui aux autorités libyennes dans la gestion des frontières soit complété par des mesures de promotion du droit d’asile.
M. Grandi a rappelé qu’il avait déjà demandé plus de 40 000 places de réinstallation supplémentaires dans les pays de transit et d’asile le long des routes empruntées en Méditerranée centrale. Nous disposons de 10 500 places, un nombre encourageant quoiqu’insuffisant, a-t-il déclaré. Il a salué les Gouvernements de la Libye et du Niger pour avoir conduit, le 11 novembre 2017, la première évacuation de 25 réfugiés, qui doivent être réinstallés en France. Nous appuyons les efforts visant à accélérer le retour volontaire des migrants dans leur pays d’origine, tout en veillant à identifier les demandeurs d’asile et les réfugiés qui ont besoin d’une protection internationale, a-t-il affirmé.
M. Grandi a souligné la nécessité de renforcer l’accès des réfugiés à des mesures de protection dans le premier pays qu’ils atteignent. Mais les ressources manquent, en particulier en Afrique, a tranché le Haut-Commissaire. Enfin, il a rappelé les recommandations faites par le HCR pour mettre fin à la traite, parmi lesquelles le gel des avoirs, les interdictions de voyager, l’interruption des flux de financement et la poursuite en justice « robuste » des trafiquants.
M. WILLIAM LACY SWING, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a mis l’accent sur la problématique de la traite des êtres humains, en rappelant que l’objectif de l’OIM n’est pas d’empêcher les Africains de rallier l’Europe, mais de « sauver des vies ». Conscient de la difficulté de réunir toutes les composantes d’une solution au moment opportun, il a estimé que la priorité doit être donnée au démantèlement des réseaux de trafiquants. L’OIM et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) veulent que les centres de détention libyens soient vidés de leurs occupants, avec la coopération des autorités, mais aussi le soutien de l’Union africaine, des gouvernements des États d’origine, et de certains pays tiers.
Convaincu que les rapatriements doivent être volontaires, le Directeur général a plaidé en faveur d’accords « gagnants-gagnants », avec des garanties des pays d’origine pour que les migrants n’empruntent pas à nouveau des routes irrégulières. Face à cette « catastrophe humanitaire », M. Swing a estimé qu’il est possible d’aller de l’avant si nous obtenons des accords de toutes les parties prenantes.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a souligné la nécessité de mettre fin au fléau de l’esclavage. Il a salué l’annonce d’une enquête par les autorités libyennes pour traduire en justice les responsables de violations graves commises en Libye. Les migrations doivent être bien gérées, a—t-il dit, en soulignant la nécessité de remédier aux causes profondes des migrations. Il a promis l’aide de son pays au Gouvernement libyen pour gérer les centres de détention des migrants placés sous son contrôle. Une Libye stable est dans l’intérêt de tous, a-t-il déclaré.
Le délégué britannique a plaidé pour une intégration de la lutte contre la traite des êtres humains et de la lutte contre le terrorisme. Nous devons travailler ensemble pour éliminer l’esclavage en Libye et dans le monde, a-t-il poursuivi. En conclusion, il a jugé utile une déclaration présidentielle sur le sujet.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a expliqué que le Président Emmanuel Macron avait souhaité, à la suite du débat sur la traite des êtres humains en situation de conflit du 21 novembre dernier, tenir une réunion en urgence sur la situation intolérable dans laquelle se trouvent les migrants en Libye. « Il est en effet impératif pour le Conseil de sécurité, a précisé le représentant, de recueillir les informations précieuses dont disposent l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), afin de décider des actions concrètes à prendre pour y mettre un terme. » Dénonçant les « pratiques abjectes » qui suscitent « notre indignation », M. Delattre a plaidé pour que les crimes commis dans le cadre de la traite soient punis, que les victimes soient protégées et que le droit international soit respecté.
Il a poursuivi en attirant l’attention du Conseil de sécurité sur sa responsabilité particulière dans la lutte contre ce fléau dans la mesure où la traite prospère dans les zones de conflit et les alimente. « Nous devons agir à d’autres niveaux », a décrété le représentant en misant tout d’abord sur la justice internationale. « L’impunité n’est pas possible, nous ne l’accepterons pas. » Il a, à cet égard, exprimé son plein soutien à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) et appelé la Libye et les États concernés à coopérer avec la Cour. Le représentant a ensuite invité à aider les autorités libyennes à mettre fin aux pratiques de détentions arbitraires et aux exactions que subissent les migrants dans certains centres de détention, saluant à cet égard l’ouverture d’une enquête par la Libye.
M. Delattre a souhaité que la réponse du Conseil tienne compte de la complexité de la réalité de l’État libyen et de sa fragilité, en renforçant le dialogue avec les autorités sur le statut de réfugié et le droit d’asile et en soutenant le développement d’alternatives économiques. « Le développement des capacités libyennes est à ce titre indispensable », a-t-il poursuivi en saluant l’opération européenne Eunavformed-Sophia qui vise à renforcer l’État libyen. Il a aussi appelé à utiliser le cadre du régime de sanctions sur la Libye contre les trafiquants et les individus impliqués dans les pratiques inhumaines du trafic de migrants, comme le prévoit la résolution 1970 (2011). « La France proposera d’aider le Comité des sanctions présidé par la Suède à l’identification des individus et des entités responsables de ces trafics via le territoire libyen. » Enfin, il a proposé d’agir avec les pays d’origine et de transit pour les inciter à développer leur politique d’asile en collaboration avec le HCR.
« Il est clair que la résolution durable de ce drame ne peut avoir lieu que s’il y a une solution politique inclusive au conflit en Libye qui mette l’État libyen en situation d’y répondre pleinement », ce qui passe par une armée unifiée placée sous l’autorité du pouvoir civil, a tranché M. Delattre qui a réaffirmé son plein soutien au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Ghassan Salamé, et à son plan d’action, « qui reste le seul cadre valide pour les négociations en cours ». Avant de conclure, il a assuré que la France et ses partenaires européens et africains continueraient à lutter contre le trafic de migrants, conformément aux engagements du sommet de Paris du 28 août dernier.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que la situation des migrants africains en Libye est une source de préoccupation majeure pour son pays, alors qu’ils font l’objet d’une exploitation par des trafiquants qui prospèrent en l’absence d’état de droit. Il s’est élevé contre le sort réservé récemment à ceux mis aux enchères sur un marché aux esclaves, « un crime qui n’a pas sa place au XXIe siècle ».
Le représentant a ensuite apporté son soutien au projet de déclaration présidentielle qui circule actuellement parmi les membres du Conseil, jugeant tout à fait pertinentes les suggestions de la France et Royaume-Uni à cet égard. Pour sa délégation, il faut démanteler les réseaux de trafiquants et identifier les coupables et les traduire en justice. Aussi M. Alemu s’est-il félicité de l’annonce, faite par le Gouvernement libyen, d’ouvrir des enquêtes sur les informations faisant état de la vente de migrants à Tripoli.
Toutes les agences onusiennes, a recommandé l’Éthiopie, doivent appuyer les efforts en cours pour relever les nombreux défis qui se posent à ces jeunes contraints de chercher du travail ailleurs. Dans ce contexte, les États devraient être encouragés à ouvrir leurs frontières aux réfugiés, conformément au droit international, et à recourir à des filières plus régulières pour les migrations. Le représentant a cité en exemple la proposition du Rwanda d’accueillir 30 000 migrants africains se trouvant en Libye.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a plaidé pour des efforts internationaux afin de mettre fin à la traite des personnes en Libye. Il a condamné cette pratique criminelle et promis l’aide de son pays à la Libye pour l’éliminer. Le délégué a appuyé le processus politique en Libye et souligné la nécessité de renforcer les institutions libyennes pour protéger les populations les plus vulnérables présentes dans ce pays.
Le délégué égyptien a salué le rôle joué par le G5 Sahel et exhorté la communauté internationale à appuyer la Force conjointe du G5 Sahel, la situation dans le Sahel ayant une incidence profonde sur la situation en Libye. Il a plaidé pour la création de nouvelles filières légales pour l’accueil des migrants et réfugiés. La fermeture des frontières ne peut être la seule option, a-t-il dit. Enfin, M. Aboulatta a rappelé l’importance de la résolution 2388 (2017) adoptée par le Conseil il y a quelques jours.
Souhaitant que cette séance aboutisse à une « action rapide et décisive » du Conseil, M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a condamné l’esclavage dans les termes les plus vigoureux, en appelant le Secrétaire général à demander aux autorités compétentes d’enquêter sur les allégations de traite humaine en Libye. Il s’est félicité, à cet égard, de l’annonce du Gouvernement d’entente nationale libyen d’ouvrir une enquête à ce sujet et de l’initiative prise par l’ONU de prêter assistance aux autorités pour établir un « mécanisme de surveillance transparent » afin de protéger migrants et réfugiés des violations des droits de l’homme.
Le représentant a ensuite apporté son appui à la publication d’un rapport du Secrétaire général sur le fruit des efforts déployés par le système des Nations Unies dans sa mobilisation contre l’esclavage, mais aussi à la création d’une « mission d’établissement des faits sur le crime d’esclavage en Libye ». La délégation s’est en outre déclarée favorable à l’initiative du Bureau de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), qui envisage d’enquêter sur les allégations des crimes de traite humaine en Libye.
La Suède s’est dite par ailleurs réceptive à l’option de sanctions ciblées contre les réseaux de trafiquants. M. Orrenius Skau a lancé un appel aux autorités libyennes pour qu’elles restaurent un accès humanitaire sans entraves aux centres de détention de migrants dans le pays, qui devraient être transformés en centres de transit répondant aux normes internationales en vigueur. Dans ce contexte, des alternatives à la détention doivent être trouvées pour les femmes, les enfants et les groupes vulnérables, a estimé le représentant, pour qui les efforts du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à cet égard doivent être encouragés, notamment ceux fournis dans le cadre du Mécanisme d’évacuation d’urgence et de réinstallation temporaire.
Rappelant que l’Uruguay s’était déjà fait l’écho, en avril, devant le Conseil, d’un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sur l’existence d’un marché aux esclaves en Libye, M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a déploré l’échec collectif des principales autorités internationales à dénoncer cette situation bien plus tôt et à prendre des actions concrètes. Il est temps aujourd’hui de corriger cette erreur, a-t-il poursuivi, en collaborant à une enquête rapide sur ces crimes et en créant des mécanismes pour la reddition de comptes. Cela fait des années que les traitements inhumains dont souffrent les migrants qui transitent en Libye pour aller en Europe sont connus, a insisté M. Bermúdez Álvarez. Des centaines de milliers de migrants subsahariens sont soumis à des pratiques dégradantes, telles que la violence, la torture, la faim, les abus sexuels et même l’assassinat, constitutives de crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Pour l’Uruguay, les Nations Unies ont l’obligation d’aider les autorités libyennes à lutter contre ce fléau et à protéger les migrants, en particulier les groupes les plus vulnérables comme les femmes et les enfants.
Ces dernières années, la multiplication des conflits armés et la persécution des minorités ethniques et religieuses ont eu plusieurs conséquences, dont un phénomène de migration de masse et de demande d’asile sans précédent dont les trafiquants de personnes tirent profit, a encore regretté M. Bermúdez Álvarez. La traite des personnes en situation de conflit est une problématique mondiale, qui ne concerne pas seulement les pays d’origine mais aussi ceux de transit et de destination, ceux dans lesquels les réseaux criminels opèrent et ceux par lesquels passe l’argent de la traite. Par conséquent, la lutte contre la traite relève d’un engagement de la communauté internationale dans son ensemble qui implique également, pour les États, de garantir les droits fondamentaux des victimes. Et à l’heure des négociations sur un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, l’Uruguay réitère le principe de non-criminalisation des migrations irrégulières.
M. KORO BESSHO (Japon) s’est déclaré choqué par les informations révélant que des migrants étaient vendus comme esclaves en Libye. Les réfugiés et migrants sont particulièrement vulnérables à la traite et à plusieurs formes d’exploitation, notamment le travail forcé, l’esclavage ou des pratiques similaires qui portent gravement atteinte à la dignité et à l’intégrité humaines. Il a exhorté la communauté internationale à intensifier ses efforts en vue de l’élimination de ces crimes « abominables ». M. Bessho a aussi pris note de l’engagement du Gouvernement libyen d’enquêter sur ces pratiques inhumaines, appelant à ce que justice soit faite. S’agissant du soutien du Conseil au processus politique en Libye, il a souligné la nécessité de consolider le Gouvernement et d’améliorer ses institutions, principalement le secteur de la sécurité et la sécurité aux frontières, qui devient d’autant plus urgente.
Parallèlement, M. Bessho a mis l’accent sur la nécessité d’examiner les causes profondes qui font que les personnes quittent leur foyer, estimant à cet égard que cette question exige davantage de coordination et de coopération régionale. Il convient que le Conseil remédie à la traite des migrants en œuvrant non seulement avec la Libye mais également avec d’autres États de la région et avec les organisations régionales, dont l’Union africaine, a-t-il encore conseillé.
Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) s’est dite outrée par la récente vidéo montrant une vente aux enchères de migrants en Libye. La traite des personnes est un crime qui n’a pas sa place au XXIe siècle, a-t-elle déclaré. Elle a salué les efforts de protection des migrants et des réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), deux organisations que les États-Unis soutiennent activement. Elle a souligné la nécessité de garantir les droits des migrants, ajoutant que la stabilisation de la Libye était la seule solution de long terme pour mettre fin aux violations.
Il est crucial de démanteler les réseaux criminels en Libye, a ajouté la déléguée des États-Unis, avant d’appuyer les efforts de stabilisation dans ce pays. Tous les acteurs libyens doivent dialoguer avec l’ONU de bonne foi, a-t-elle poursuivi. Enfin, elle a mis en garde contre l’imposition « d’échéances factices » en Libye et réaffirmé la nécessité de lutter contre l’impunité.
Rappelant la récente réunion du Conseil de sécurité sur la traite des personnes et l’adoption de la résolution 2388 (2017), M. GORGUI CISS (Sénégal) a relevé que dans le contexte de la situation « désastreuse en Libye », le Président de la Commission de l’Union Africaine a décidé de saisir la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour diligenter les enquêtes et les procédures juridiques pertinentes. Il a également été décidé de renforcer les efforts avec les partenaires de l’Union africaine dans ce domaine ainsi que le rapatriement de ceux qui le souhaitent. Cette question sera à l’ordre du jour du Sommet de l’Union Africaine en janvier 2018, et du Sommet Union européenne-Union Africaine prévu cette semaine à Abidjan.
Au niveau national, le Gouvernement sénégalais a « condamné de la manière la plus ferme ce trafic d’êtres humains qui constitue une grave offense à la conscience de l’humanité », a précisé son représentant. Il a salué la décision du Gouvernement d’entente nationale libyen d’ouvrir une enquête sur ces révélations et d’inviter tous les États Membres à l’appuyer dans cette démarche. Il a jugé impératif, en Libye et ailleurs, de lutter résolument contre toutes les formes de traite et de mettre l’accent sur la reddition des comptes.
Lorsque les systèmes judiciaires nationaux ne sont pas en mesure de le faire, la justice internationale devrait pouvoir s’y substituer en toute indépendance, a poursuivi le représentant. Dans cette optique, il a insisté sur la nécessité de la coopération internationale et régionale en ce qui concerne l’identification, la protection, l’assistance et l’échange d’informations. « Ce n’est que lorsque la Libye sera dotée d’un État fort et stable ainsi que d’institutions unifiées qu’elle pourra assurer un contrôle efficace sur l’ensemble de son territoire », a déclaré le représentant. En conclusion, il a recommandé d’aborder cette question dans le cadre de la recherche d’une solution politique à la crise libyenne, « par l’adoption d’une approche globale et concertée promouvant le développement et la migration régulière basée sur le respect des droits de l’homme ».
Les causes des déplacements de population sont complexes, a déclaré M. SHEN BO (Chine), et les actions entreprises ne doivent pas se contenter de soigner les symptômes, mais trouver des solutions durables à la pauvreté et lutter contre le racisme. À cet effet, la communauté internationale doit travailler de concert avec les pays voisins, l’Union africaine et les États arabes, a affirmé le représentant, pour qui la coopération doit être renforcée à tous les niveaux pour démanteler les organisations terroristes et les réseaux de trafiquants. Il a souhaité que tous les États Membres mettent en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, assurant que son propre pays ne ménagerait pas ses efforts en ce sens.
M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a rappelé que le Conseil avait débattu de la situation en Libye à trois reprises ce mois-ci, signe de l’acuité de la crise dans ce pays. La traite des personnes n’a pas sa place au XXIe siècle, a-t-il dit, en saluant l’annonce d’une enquête pour traduire en justice les auteurs des violations graves commises contre les migrants et réfugiés en Libye. Le délégué du Kazakhstan a plaidé pour une politique migratoire concertée et le règlement de la situation en Libye. Enfin, il a condamné dans les termes les plus fermes « l’esclavage moderne » constaté en Libye.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a noté que la question à l’ordre du jour du Conseil avait déjà été abordée il y a deux semaines dans le cadre du débat public sur la traite des êtres humains et lors de l’examen de la situation en Libye. Il a tenu à rappeler que la Libye n’est pas un pays isolé, et que le trafic de migrants comporte une dimension régionale claire, qui englobe les pays voisins et l’Europe.
« Au prétexte d’une situation difficile, nous avons entendu aujourd’hui des allusions à la nécessité d’une ingérence immédiate en Libye. Nous savons que certains aiment faire cavaliers seuls au mépris de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale des États », a déploré le représentant, en assurant que cela ne ferait qu’aggraver la situation en Libye. Il a estimé au contraire qu’il faudrait resserrer la coopération avec l’Union africaine.
Choqué par les informations relatives aux ventes d’esclaves aux enchères en Libye, M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a jugé « épouvantable qu’un crime aussi effroyable soit perpétré au XXIe siècle ». Il a appelé toutes les autorités compétentes en Libye à enquêter sur de telles activités et à veiller à ce que les responsables soient punis. Il a aussi encouragé la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) à enquêter sur ces atrocités.
La situation avec les migrants ne constitue qu’un des nombreux éléments de l’instabilité actuelle dans le pays, a constaté le représentant. Le manque de progrès dans le dossier politique et le vide en matière de sécurité sont exploités par les réseaux criminels. Les détentions arbitraires, la torture, les enlèvements, les exécutions illégales, la traite des personnes, la contrebande d’armes et de stupéfiants sont une « réalité quotidienne » en Libye, a-t-il déploré.
M. Vitrenko a réitéré son appui au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Ghassan Salamé, qui œuvre actuellement avec toutes les parties pour la reprise d’un processus politique inclusif dirigé par les Libyens. Toute tentative visant à saper ce processus est inacceptable, a-t-il insisté. Sans opportunités économiques, en particulier pour les jeunes en Afrique, a-t-il enfin averti, il est fort à craindre que les régions de l’Afrique du Nord et subsaharienne ne demeurent des zones instables.
Gravement préoccupé par la situation inadmissible endurée par les migrants en Libye, M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a soutenu la demande d’enquête urgente de l’Union africaine afin d’identifier les responsables de ces pratiques inhumaines et de les traduire en justice. À cet égard, il a estimé que le Conseil devrait envisager d’adopter une résolution soutenant les mécanismes d’enquête et les initiatives de l’Union africaine. Le Gouvernement d’entente nationale doit également coopérer avec le Bureau de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) et, s’il s’avère que ces faits constituent des crimes contre l’humanité, la compétence de la Cour doit être activée pour les juger.
Le représentant a prié tous les États d’aborder la situation des migrants en Libye de façon humaine par le biais de la coopération et du dialogue international, régional ou bilatéral, et de travailler au renforcement de mesures effectives pour combattre et éliminer la traite de personnes, d’aider les victimes à se réinsérer, de traduire les responsables devant la justice et d’augmenter les opportunités pour la migration. Il a aussi réitéré l’importance de l’application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, demandant aux États qui ne l’ont pas encore fait d’en ratifier le Protocole pour prévenir, éliminer et punir la traite de personnes.
Pour conclure, M. Llorentty Solíz a rappelé que la crise en Libye est le résultat de l’application de politiques d’interventionnisme et d’ingérence dans les affaires internes d’un autre État, qui a entraîné des millions de déplacés, de réfugiés et de morts, avec pour effet collatéral le transfert d’armes et de combattants dans la région du Sahel, ce qui a considérablement renforcé la capacité militaire des groupes terroristes.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a souligné la nécessité d’améliorer le sort des migrants et réfugiés en Libye, avant de saluer les efforts de l’OIM et du HCR en ce sens. Ces efforts reçoivent le soutien actif de l’Italie, a-t-il précisé. Les migrations humaines sont au cœur de notre présidence, a-t-il assuré, en mentionnant notamment la récente séance du Conseil sur les enjeux sécuritaires en Méditerranée. Il a également cité l’importance de la résolution 2388 (2017) adoptée par le Conseil il y a quelques jours.
Les images d’une vente aux enchères de migrants en Libye sont écœurantes, a insisté M. Cardi, en saluant l’annonce d’une enquête pour traduire en justice ses responsables. Il a rappelé les importantes opérations de sauvetage conduites par son pays en Méditerranée, ainsi que l’action de l’Italie pour sensibiliser pleinement l’Union européenne aux enjeux migratoires. Le délégué a rappelé que la stabilisation de la Libye et le renforcement des institutions de ce pays étaient la seule solution à long terme. L’amélioration du sort des migrants et des réfugiés devrait être au cœur des efforts de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a-t-il poursuivi. En conclusion, le délégué italien a appuyé l’adoption d’une déclaration présidentielle du Conseil sur ce sujet.
S’exprimant au nom du Président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’entente nationale, M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a évoqué sa préoccupation devant certaines informations relayées par les médias selon lesquelles des migrants africains seraient victimes de traite humaine dans son pays. « Nous condamnons de tels actes et j’ai donné pour instruction aux organes de sécurité d’authentifier les vidéos diffusées dans la presse et d’ouvrir des enquêtes, en vue de poursuivre les auteurs de ces crimes », a-t-il dit, en lisant la déclaration du Président.
Le représentant a ensuite assuré que la législation libyenne réprime la traite des personnes, ainsi que l’esclavage. Mais, a-t-il ajouté, il existe des gangs criminels transnationaux opérant dans les zones de conflit, contre lesquels la communauté internationale doit se mobiliser, dans les pays d’origine et de destination. Il a donc appelé l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à assumer ses responsabilités, en expliquant que les migrations constituent un problème multidimensionnel et que les pays tels que la Libye ne peuvent assumer seuls ce fardeau. Aussi faut-il aider les pays d’origine à faire face aux « facteurs d’émigration » dans le cadre d’actions de prévention.
Le représentant a rejeté toute tentative de réinstaller des migrants « dans des pays de transit comme les nôtres », demandant à l’Union européenne de revoir sa politique en la matière. M. Elmajerbi a également déclaré qu’il faut aider ceux qui sont bloqués en Libye afin de leur épargner un dangereux périple. « La Libye est victime d’une campagne médiatique de diffamation », a-t-il dénoncé, en rejetant le portrait qui en a été fait comme d’« un pays raciste », alors que beaucoup de nos concitoyens sont « noirs » et « bien intégrés ». Si elle veut résoudre la question des migrations, la communauté internationale doit rester unie et adopter une démarche commune de lutte contre les causes profondes de ce phénomène. Il faut également un appui politique et sécuritaire à la Libye pour l’aider à asseoir son contrôle sur l’ensemble de son territoire, a plaidé le délégué. « Nous traversons une période d’instabilité, et ne devons pas être accusés d’un problème international », a conclu la Libye, qui a à nouveau souligné l’importance de la coopération régionale pour les aider à trouver une solution adaptée.