Mali: il faut tirer parti d’un « nouvel élan » pour mettre en oeuvre l'Accord de paix, affirme le Représentant spécial devant le Conseil de sécurité
Deux événements récents ont failli remettre en cause « tout le processus de mise en œuvre » de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a constaté, ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Mahamat Saleh Annadie, qui s’est toutefois félicité d’un élan retrouvé.
« Il s’agit du débat sur le projet de révision de la Constitution et des affrontements armés entre la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), les deux coalitions signataires de l’Accord », a précisé celui qui est également le Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), depuis Bamako, d’où il s’exprimait par visioconférence pour présenter le dernier rapport* en date du Secrétaire général sur la situation dans ce pays.
Fort heureusement, s’est réjoui M. Annadie, les efforts conjugués des principaux acteurs maliens, y compris les responsables des mouvements signataires, ajoutés à ceux de la communauté internationale, ont permis de dénouer les deux crises. « La décision du Président Ibrahim Boubacar Keita d’ajourner le référendum relatif au projet de révision constitutionnelle a atténué les tensions sociales et mis fin aux manifestations », a-t-il expliqué.
S’agissant des affrontements entre la CMA et la Plateforme, à l’issue de deux trêves renouvelables au cours de l’été, les deux coalitions sont parvenues à signer, le 20 septembre, un « Engagement », lequel consacre la cessation « totale et définitive » des hostilités. « La mise en œuvre des clauses de l’Engagement se poursuit dans de bonnes conditions », a relevé le Représentant spécial, qui a accueilli avec satisfaction la réunion de haut niveau organisée le même jour à New York.
Coprésidée par le Président du Mali et le Secrétaire général de l’ONU, cette réunion, à laquelle ont aussi participé des responsables de la CMA et de la Plateforme, a souligné la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord, notamment en créant la deuxième chambre du Parlement et en opérationnalisant les collectivités territoriales, en lançant le cantonnement et le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, en élaborant une feuille de route de la réforme du secteur de la sécurité et en redéployant progressivement les Forces de défense et de sécurité maliennes reconstituées.
Alors que depuis le 19 septembre, le Gouverneur de Kidal a pris ses fonctions, il faut tirer parti de ce nouvel élan pour que ce retour de l’État dans le nord du pays se traduise par la fourniture des services sociaux de base, a encouragé le Représentant spécial. Car, pour le Secrétaire général, qui l’écrit dans son rapport, « malheureusement, presque aucun progrès n’a été fait dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ».
Un point de vue avec lequel le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, M. Abdoulaye Diop, s’est inscrit en porte-à-faux, faisant état pour sa part de « progrès remarquables ». Selon lui, la reconnaissance par les groupes armés signataires du « caractère unitaire et laïque » du Mali et la cessation des hostilités qui les opposaient aux forces maliennes en témoignent.
Conscient de l’« impatience » du Conseil de sécurité, il a rappelé la « complexité » des défis que son pays doit relever, en particulier le « déficit de confiance » entre les deux mouvements signataires de l’Accord.
« Les sanctions adoptées récemment par ce Conseil à la demande de notre Gouvernement seront un moyen de pression supplémentaire sur les parties prenantes », s’est-il félicité, en souhaitant qu’elles soient « justes, transparentes et équitables ». Le représentant de l’Uruguay a souhaité que ces mesures ne soient pas privilégiées au détriment des « bons offices ».
Le Représentant spécial a ensuite fait état de la situation préoccupante des droits de l’homme au Mali et de la montée en puissance de l’extrémisme violent, qui entravent notamment les libertés fondamentales dans les régions du centre. Ce n’est pas seulement l’absence d’autorités de l’État dans certaines zones qui est en cause, a-t-il dit, mais aussi la conduite d’opérations antiterroristes, qui ont donné lieu à des signalements de violations des droits de l’homme.
S’il s’est félicité de la condamnation de l’ancien chef de la police islamique de Gao Aliou Mahamane Touré à 10 ans de réclusion criminelle, il a toutefois jugé essentiel d’intensifier le redéploiement des autorités sécuritaires et judiciaires ainsi que de renforcer les mécanismes de justice transitionnelle dans le pays pour lutter contre l’impunité, a-t-il préconisé.
La MINUSMA, a poursuivi M. Annadie, demeure confrontée à des groupes extrémistes et terroristes ainsi que des réseaux criminels, principaux obstacles à la mise en œuvre de l’Accord. « La perte quasi quotidienne de soldats de la paix des Nations Unies, causée par des engins explosifs improvisés ou des mines, en particulier sur les principaux axes d’approvisionnement de la Mission, devient insupportable », s’est alarmé le Chef de la MINUSMA, dont trois Casques bleus ont été tués à Gao le 24 septembre.
« Il est grand temps que le bataillon d’escorte de convoi et la force de réaction rapide régionale soient entièrement déployés », a avancé le Représentant spécial, qui d’une manière plus générale a réitéré les besoins financiers croissants de la Mission, notamment pour améliorer les systèmes de surveillance, de détection et d’alerte précoce. Une demande qui a reçu l’assentiment de la Bolivie.
Le Chef de la diplomatie malienne a, quant à lui, déploré que les « innovations majeures » apportées au mandat de la MINUSMA par la résolution 2364 (2017) ne se soient pas concrétisées, plaidant pour un renforcement de ses capacités opérationnelles et de sa coopération avec les forces maliennes.
M. Diop a assuré que les patrouilles mixtes, les autorités intérimaires et le plan d’urgence pour le développement des régions du nord mis en place par son gouvernement étaient « de plus en plus opérationnels ».
À la suite du Représentant spécial, et du Secrétaire général lui-même dans son rapport, le Ministre des affaires étrangères a plaidé pour une mobilisation des moyens nécessaires à l’« opérationnalisation effective et au fonctionnement efficient » de la Force conjointe du G5 Sahel.
Les besoins financiers se font également ressentir pour le Plan de réponse humanitaire pour 2017, d’un montant de 305 millions de dollars: celui-ci n’a été financé qu’à à peine plus de 35%, ce qui a tout de même permis au Gouvernement et à ses partenaires de prêter assistance à des milliers de citoyens affectés par le conflit dans le nord du pays.