Libye: Le nouveau Chef de la MANUL multiplie les consultations politiques à l’approche de la fin de la période de transition
À l’approche de la fin de la période de transition, prévue le 17 décembre prochain, le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Ghassan Salamé, s’est dit « convaincu », devant le Conseil de sécurité, que « notre attachement à l’Accord politique libyen comme cadre de référence ne doit pas nous empêcher de nous adresser à tous les Libyens, quels que soient leurs statuts et leurs positions passées ou présentes, de sorte de pouvoir garantir une réconciliation pour tous ».
Pour sa toute première intervention devant le Conseil de sécurité en cette qualité, M. Salamé a dressé un bilan de ses activités au cours du mois écoulé, depuis sa nomination, qui fait également de lui le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Un mois d’août marqué par des consultations intensives sur les plans interne et externe, y compris avec les pays voisins, comme la Tunisie, l’Algérie, l’Égypte ou l’Italie.
« De mes entrevues, un tableau émerge clairement. La population est exaspérée par la détérioration de ses conditions de vie. À Tripoli, je suis passé de manière répétée devant la même banque entre 10 heures et 22 heures, et les gens y étaient si nombreux que j’ai cru qu’ils manifestaient. Non! Ils patientaient de pouvoir retirer une fraction de leur salaire mensuel, soit l’équivalent d’environ 25 dollars », a relaté M. Salamé, venu présenter au Conseil le tout dernier rapport* en date du Secrétaire général sur la situation en Libye.
« Les gens n’en peuvent plus des coupures d’électricité et d’eau, qui entraînent celles des réseaux téléphoniques et d’Internet. Ils ne comprennent pas comment on peut être pauvre dans un pays doté de richesses naturelles, notamment du pétrole, mais où il faut faire la queue pendant une journée pour obtenir 20 litres d’essence. »
La conviction qu’une économie prédatrice s’est enracinée dans le pays se répand parmi la population, comme si celui-ci alimentait volontairement sa propre crise, au profit de quelques-uns et au détriment de tous les autres, ce qui met en évidence un « grave problème de gouvernance » qu’il faut résoudre de toute urgence.
« À moins de relever les défis économiques, la situation humanitaire ne fera que s’aggraver », a prévenu le Représentant spécial, qui a également fait état des préoccupations sécuritaires. « Lors de ma première nuit à Tripoli, je me suis endormi au son des rafales de coups de feu », a-t-il dit.
Tandis que de nombreux civils meurent ou sont blessés dans des affrontements armés ou à cause des restes explosifs de guerre, des milliers d’autres sont détenus de manière prolongée, la plupart privés de procès équitables, a poursuivi le Chef de la MANUL, avant de rappeler que l’attaque perpétrée contre le point de passage d’al-Fuhaqa le 24 août dernier avait été attribuée à Daech.
Après avoir reconnu que la situation sécuritaire s’est améliorée dans certaines régions du pays, notamment à Tripoli, M. Salamé a identifié plusieurs éléments qui font obstacle sur le plan politique. Tout d’abord, l’incertitude qui plane sur le « sens » à donner à la fin de la période de transition politique, prévue le 17 décembre prochain par l’Accord politique.
« L’une des tâches les plus urgentes est de bâtir un consensus entre Libyens sur la signification juridique et politique à donner à cette date anniversaire », a-t-il expliqué, en prévenant des risques que ferait peser sur le pays un « vide constitutionnel ». Le Chef de la MANUL s’est félicité de constater que la plupart de ses interlocuteurs semblent s’accorder sur l’idée d’amender l’Accord politique, à propos duquel « j’espère pouvoir faire une annonce dans les prochains jours ».
De son côté, le représentant de la Libye, M. Elmahdi S. Elmajerbi, a souhaité que ces efforts aboutissent et puissent faciliter la formation d’un gouvernement d’entente nationale, qui devra selon lui relever de multiples défis, du terrorisme aux migrations illégales, en passant par la gestion des ressources naturelles, les violations des droits de l’homme et l’absence d’état de droit.
Le Représentant spécial a en outre rappelé que la légalité du vote, le 29 juillet dernier, qui visait à finaliser le projet de constitution est en cours d’examen par les tribunaux. À cela, s’ajoute le besoin grandissant d’organiser de nouvelles élections, lesquelles doivent être précédées d’un engagement formel des parties à en accepter les résultats, a souligné le haut fonctionnaire.
Enfin, a-t-il encore noté, les Libyens doivent pouvoir combiner ces trois éléments en un « ensemble politique », dont les modalités restent à définir.
Après que le Président du Comité des sanctions applicables à la Libye en vertu de la résolution 1970 (2011), M. Carl Skau, a présenté un bilan des travaux de cet organe subsidiaire du Conseil de sécurité au cours des derniers mois, le représentant libyen a tenu à rappeler qu’en ce qui concerne le « gel des avoirs », il serait souhaitable de trouver une formule qui en permette une meilleure gestion, dans la mesure où « ces fonds appartiennent au peuple libyen et aux générations futures ».
De son côté, le délégué de la Bolivie a été d’avis que la mise en œuvre du mandat du Comité 1970 ne pourra que contribuer à la stabilisation de la situation économique en Libye. Il a toutefois espéré que le prochain rapport de cet organe comprendrait un chapitre sur « la production et la redistribution des ressources issues de l’industrie pétrolière libyenne ».
Si le représentant libyen s’est félicité du retour graduel de l’ONU dans son pays, son homologue de l’Uruguay a estimé qu’après six ans, il est difficile de qualifier de « succès » l’intervention de l’Organisation en Libye, au regard de la « situation institutionnelle indéfinie » dans laquelle cohabitent deux structures gouvernementales distinctes, sur fond d’affrontements armés fréquents.
Force est de constater, s’est désolé le représentant, que poursuivre dans la même veine mènera au même résultat. Aussi a-t-il appelé le nouveau Représentant spécial à considérer d’autres options en vue de rétablir le calme dans le pays.