Soudan du Sud: Le Conseil de sécurité est invité à appuyer sans réserve et dans l’unité les initiatives régionales de paix
Le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, la situation au Soudan du Sud, toujours en proie au conflit deux ans après l’Accord de paix, alors que se déploie progressivement la Force de protection régionale (FPR) autorisée par la résolution 2304 (2016) et que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a appelé à mettre en place un Forum de revitalisation de l’Accord de paix.
Le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, M. El Ghassim Wane, l’Envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud, M. Nicholas Haysom, et le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation (JMEC), M. Festus Mogae, ont insisté sur la nécessité de relancer le processus de paix et demandé au Conseil de sécurité de se montrer uni pour appuyer sans réserve les efforts de paix de la région.
Le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix a expliqué que le déploiement de la Force de protection régionale (FPR) n’avait pas vraiment avancé ce dernier mois, tout en précisant que la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) continue de discuter avec le Gouvernement sud-soudanais afin d’accélérer le processus.
Après avoir confirmé qu’il y avait eu des « malentendus » à propos de l’hébergement du contingent rwandais de la FPR à Djouba, il s’est félicité de ce que les incompréhensions aient été levées après l’intervention du Représentant spécial du Secrétaire général, M. David Shearer. D’ailleurs aujourd’hui, le représentant du Soudan du Sud, M. Akuei Bona Malwal, a assuré au Conseil de sécurité que son gouvernement apportait un soutien sans réserve au déploiement de la Force, tout en regrettant un « manque de consultations » s’agissant de son opérationnalisation, laquelle est au cœur des discussions entre le Gouvernement, l’ONU, l’Union africaine et l’IGAD.
Sur le plan politique, les intervenants ont surtout constaté l’absence de mise en œuvre de l’Accord de paix signé le 26 août 2015 entre le Président sud-soudanais, M. Salva Kiir, et son ancien Premier Vice-Président et principal opposant, M. Riek Machar. Le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation (JMEC), qui s’exprimait aujourd’hui par visioconférence depuis la base de la MINUSS à Djouba, a rappelé que cet accord aurait dû ouvrir la voie à des progrès considérables dans la paix et la gouvernance et déploré qu’il ait fallu, « depuis le premier jour », tenter de persuader chaque partie de contribuer à sa mise en œuvre, aucune d’entre elles ne se montrant prête à faire des compromis. Le résultat, a-t-il regretté, est la très faible mise en œuvre d’un accord qui doit être revitalisé.
Le problème, a expliqué l’Envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud, qui était, lui, à Addis-Abeba, vient de ce que les gains engrangés sur le champ de bataille continuent de guider la stratégie tant du Gouvernement que de ses opposants. « À côté de ses efforts de pacification militaire, le Gouvernement fait croire à des efforts de réconciliation, y compris par la libération limitée de prisonniers politiques », a-t-il ajouté, estimant en outre que l’insécurité actuelle, l’absence d’institutions solides et la fragmentation ethnique grandissante contrecarrent l’organisation d’élections crédibles d’ici un an et sont de nature à aggraver encore le conflit.
De fait, l’insécurité continue de régner dans plusieurs régions, d’autant qu’il n’existe toujours pas de cessez-le-feu. Comme l’a expliqué le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, les combats se poursuivent notamment dans l’État du Haut-Nil, alors que les forces gouvernementales essayent toujours de s’emparer de Pagak, la place forte des opposants de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (APLS dans l’opposition).
Ces combats ont une incidence directe sur les civils ainsi que sur les opérations humanitaires destinées à soulager leurs souffrances. En juillet, la communauté humanitaire a recensé 136 incidents, soit le chiffre mensuel le plus élevé depuis décembre 2013, dont 49 impliquaient des violences contre le personnel ou les biens des acteurs humanitaires. Le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix a notamment mentionné six incidents majeurs de pillage qui ont entraîné la perte de plus de 670 tonnes de nourriture destinées aux populations civiles les plus vulnérables. Comme l’a rappelé le représentant du Japon, un Sud-Soudanais sur trois est réfugié ou déplacé.
Son homologue du Soudan du Sud a affirmé que son gouvernement n’avait pas pour politique d’entraver le travail des organisations humanitaires. Il a réclamé une présentation « responsable » des faits et un « dialogue ouvert, honnête et compréhensif » avec les agences humanitaires.
Quant aux efforts de paix, les initiatives sont pourtant nombreuses. L’Envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud a longuement décrit les différents efforts régionaux dont l’initiative de l’Ouganda, axée sur la réunification de certaines factions du parti APLS, qui n’a pas abouti à ce stade, du fait de l’absence de la faction « dans l’opposition » de M. Riek Machar. L’Envoyé spécial a aussi indiqué que le Haut-Représentant de l’Union africaine (UA) et ancien Président du Mali, M. Alpha Oumar Konaré, attendait l’adoption de la stratégie globale de l’UA pour le Soudan du Sud et défendait la primauté de solutions internes et une présence robuste de la Force régionale de protection.
Mais c’est surtout des initiatives de l’IGAD dont il a été question. L’Envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud a fait état de l’élan suscité par la décision prise le 12 juin dernier par les chefs d’État de l’organisation régionale de convoquer un Forum de revitalisation de haut niveau pour l’Accord de paix de 2015. Il s’agit de rassembler le Gouvernement et les groupes d’opposition sud-soudanais dans un dialogue sur la manière de mettre en œuvre l’Accord. L’Envoyé spécial a dit voir dans cette initiative « un réel potentiel ».
Il s’est toutefois dit préoccupé par la prudence avec laquelle l’IGAD engage les acteurs de l’opposition, ce qui pourrait alimenter les doutes sur l’impartialité de l’organisation régionale. L’Envoyé spécial a également déploré que le Président Salva Kiir, faisant fi de ses engagements vis-à-vis de l’IGAD, continue de donner la priorité au dialogue national et à la réunification des branches du parti APLS, le processus de revitalisation étant cantonné à un « rôle supplétif ». C’est également l’observation que le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix a faite après la visite du Chef de son département, M. Jean-Pierre Lacroix, qui était à Djouba du 1er au 3 août.
Pour l’Envoyé spécial, il est crucial de voir les initiatives de l’IGAD et de l’Union africaine comme complémentaires. « Avec la logique sous-jacente du dialogue national, le processus de réunification des APLS, le Forum de revitalisation de l’IGAD et le Plan d’action de l’Union africaine, on pourrait avoir l’impression que ces initiatives vont s’affaiblir l’une l’autre », a-t-il reconnu. Pour l’éviter et en promouvoir au contraire la complémentarité, l’Envoyé spécial a souligné l’importance d’un engagement clair en faveur d’un processus de paix inclusif et crédible.
Le Président de la Commission mixte de suivi et d’évaluation (JMEC) a, pour sa part, expliqué que sa tâche consistera à aider l’IGAD à organiser le Forum. Toutefois, a-t-il fait observer, on ne sait pas sur quoi les choses déboucheront même si des objectifs ont été fixés. À ces yeux, le Forum permettra d’étudier les moyens de relancer le processus de paix « en tenant compte des réalités actuelles ».
Pour le représentant du Soudan du Sud, le processus de revitalisation doit simplement consister à imprimer un nouvel élan « plutôt qu’à renégocier l’Accord ». Le fait que le Gouvernement provisoire d’union nationale ait largement mis en œuvre l’Accord sur le règlement du conflit et la cessation unilatérale des hostilités déclarée par le Président Salva Kiir ne signifie pas qu’un chèque en blanc a été donné aux rebelles pour qu’ils poursuivent leurs attaques et leurs provocations contre la population locale et que l’armée sud-soudanaise restera assise, les bras croisés.
Les trois intervenants principaux l’ont tous rappelé: pour que le processus de paix réussisse, il faut que les différents acteurs fassent preuve de volonté politique. Le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix a ainsi estimé que les mêmes hommes qui « assument une responsabilité directe » dans le conflit et les malheurs de la population « peuvent sortir le pays du gouffre, mais il faut une véritable volonté politique de mettre fin aux opérations militaires, de négocier pacifiquement et de faire les compromis nécessaires pour parvenir à une paix durable ».
C’est pourquoi, il a appelé le Conseil de sécurité à se prononcer « fermement, à l’unanimité et sans réserve » pour les efforts de paix dans la région, y compris ceux de l’IGAD et du Forum de revitalisation, tout en jugeant « plus que nécessaire » d’assurer une étroite coordination entre l’IGAD, l’Union africaine, les Nations Unies et la communauté internationale dans son ensemble pour mettre fin aux souffrances de la population civile et aider le pays à se placer sur une trajectoire plus positive.
Les quatre membres du Conseil de sécurité qui ont pris la parole, à savoir l’Uruguay, la Bolivie, le Kazakhstan et le Japon, ont soutenu cette approche, en appelant à la cessation des hostilités et à la reprise d’un dialogue politique sans exclusive, qui se déroulerait dans la transparence avec le soutien de la MINUSS.