RDC: le Conseil examine le rapport final du Groupe d’experts en présence des familles de deux experts assassinés au Kasaï en mars
Les membres du Conseil s’inquiètent de la poursuite des violences et de la lenteur avec laquelle est appliqué l’Accord politique du 31 décembre
L’examen, ce matin, par le Conseil de sécurité, du rapport final du Groupe d’experts des Nations Unies sur la République démocratique du Congo (RDC)* a été l’occasion pour les membres du Conseil de sécurité de rendre un hommage appuyé aux deux experts du Groupe -Michel Sharp et Zaida Catalán- assassinés fin mars au Kasaï en même temps que leur interprète, en présence de membres de leur famille.
Les membres du Conseil ont en outre fait part de leurs préoccupations face à la poursuite du pillage des ressources naturelles du pays, dont le trafic illicite représente une importante source de financement pour les nombreux groupes armés responsables de multiples exactions. De même, ils se sont inquiétés de la lenteur avec laquelle est mis en œuvre l’Accord politique conclu le 31 décembre dernier ainsi que des incertitudes qui pèsent toujours sur le processus électoral.
« Cette séance ne peut être une séance comme les autres », a déclaré dès l’ouverture du débat la représentante de la France, qui, comme tous les autres intervenants à sa suite, a présenté ses condoléances aux membres présents des familles des deux victimes.
« C’est en public, face aux familles des deux experts assassinés, qu’il faut exiger la justice pour ces meurtres », a ajouté le représentant du Royaume-Uni, qui a rappelé que c’est le Conseil de sécurité qui leur avait demandé de collecter les informations pour lesquelles ils ont été assassinés, qui leur avait demandé « d’être ses yeux et ses oreilles ».
Également présent lors du débat, le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale de la RDC, M. Léonard She Okitundu, a assuré que les auteurs de l’assassinat des deux experts seraient « sévèrement sanctionnés ».
Toutefois, M. She Okitundu a jugé « inopportune » la mise en place d’une enquête internationale indépendante sur l’assassinat des deux experts, recommandée dans le rapport final. Pour le Ministre, le Gouvernement de la RDC collabore déjà avec les mécanismes de l’ONU mis sur pied et avec les instances des pays d’origine des deux victimes.
Il a reçu l’appui de la Fédération de Russie, qui a estimé que Kinshasa faisait déjà preuve d’un niveau élevé de coopération dans le cadre de l’enquête avec les Gouvernements de la Suède et des États-Unis, pays dont les victimes étaient ressortissantes.
En revanche, plusieurs autres membres du Conseil ont appuyé l’idée d’une enquête internationale ou d’un mécanisme de suivi, y compris la Suède et les États-Unis, qui enquêtent déjà sur place auprès des autorités congolaise.
Si l’assassinat des deux experts témoigne des conditions dans lesquelles travaille le personnel des Nations Unies en RDC, il est aussi un rappel des souffrances imposées à un grand nombre de civils innocents dans ce pays, a fait observer le Président du Comité chargé des sanctions relatives à la RDC (le « Comité 1533 »), M. Amr Abdellatif Aboulatta, de l’Égypte.
M. Aboulatta a estimé que le rapport présentait « une image complexe des différents défis auxquels la RDC est confrontée », qu’il s’agisse de l’évolution des groupes armés qui sévissent dans le pays, de plus en plus connectés à des groupes étrangers, ou du pillage des ressources naturelles. À propos de celles-ci, il a noté la relative efficacité de la traçabilité des minéraux mise en place et qui, bien qu’imparfaite, a considérablement réduit les possibilités pour les groupes armés de tirer directement profit de leur exploitation illicite.
À sa suite, plusieurs délégués ont souhaité le perfectionnement du système et surtout son extension au traçage de l’or, dans l’exploitation illégale duquel sont impliqués de hauts responsables militaires congolais, a affirmé le représentant de l’Italie.
Plusieurs orateurs ont également fait le lien entre les violences qui ravagent plusieurs régions -marquées par de nombreuses violations des droits de l’homme sur lesquelles enquêtaient les experts assassinés- et la non-application de l’Accord politique du 31 décembre, « seule feuille de route crédible pour permettre une sortie de la crise que connaît le pays », selon la représentante française.
Cet accord doit être clairement mis en œuvre, ont demandé plusieurs représentants. « À défaut, que se passera-t-il? » a demandé le représentant du Royaume-Uni, qui a fait état de 430 violations des droits de l’homme recensées officiellement depuis le début de l’année, soit plus que durant toute l’année 2015.
Le Vice-Premier Ministre s’est voulu rassurant sur ce point. Le processus d’enregistrement des électeurs progresse et les élections « auront bel et bien lieu en RDC, conformément au calendrier électoral qui sera publié par la Commission électorale nationale indépendante », a-t-il assuré.
Pour l’avenir, les États-Unis estiment que le travail du Groupe d’experts et celui du Comité n’est « pas achevé » et la Suède appuie la recommandation du Secrétaire général de prolonger de 18 mois le mandat du Groupe. Pour M. She Okitundu en revanche, la question a été réglée par la résolution 2360 (2017) qui a prévu une prolongation du mandat du Groupe d’experts jusqu’au 1er août 2018.
Quant aux sanctions elles-mêmes, prévues par la résolution 2360 (2017) jusqu’au 1er juillet 2018, le Président du Comité 1533 a annoncé son intention d’organiser en fin d’année une réunion avec les États de la région, à l’occasion de laquelle il présentera un résumé des réactions au rapport final du Groupe d’experts ainsi que ses impressions sur la visite qu’il entend faire en octobre en RDC. Ce sera, a-t-il estimé, l’occasion de promouvoir une discussion sur l’efficacité du régime de sanctions et les moyens de renforcer sa contribution à la paix et la stabilité dans le pays.
LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Lettre datée du 8 août 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo dont le mandat a été reconduit par la résolution 2293 (2016) du Conseil de sécurité (S/2017/672/Rev.1)
Déclarations
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte), Président du Comité des sanctions établi en application de la résolution 1533 (2004) du Conseil de sécurité (Comité 1533), s’est exprimé sur trois points: le rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo (RDC), les travaux du Comité depuis octobre 2016, date de la dernière présentation de la question au Conseil, et les perspectives de travail du Comité pour les mois à venir.
Le rapport final présente une image complexe des différents défis auxquels la RDC est confrontée, a expliqué M. Aboulatta. Le Groupe a pu observer des changements dans la dynamique des conflits dans le pays, manifestés par une nouvelle fragmentation des groupes armés, qui opèrent de manière à la fois plus décentralisée et très fortement liée. Les groupes armés nationaux et étrangers sont de plus en plus interconnectés, ce qui a des conséquences sur le niveau de violence, a ajouté le Président du Comité.
Comme le Groupe d’experts le précise, la mise en place de la traçabilité des minéraux en RDC a considérablement réduit les possibilités pour les groupes armés de tirer directement profit de l’exploitation et du commerce de plusieurs minéraux -étain, tantale, tungstène- tandis que s’amenuisaient celles d’en tirer des bénéfices indirects.
Mais le Groupe a constaté que le système de traçabilité de l’Initiative de la chaîne d’offre d’étain de l’ITRI, quoique bien conçu et inspiré par de bonnes intentions, présente des lacunes. Il a également constaté plusieurs ruptures de la chaîne de traçabilité des minerais dans la province du Nord-Kivu.
Le Groupe d’experts a également observé des violations continues du droit international humanitaire et des droits de l’homme, tels que des viols d’enfants dans le Sud-Kivu, des attaques contre la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), ainsi que le meurtre de deux membres du Groupe d’experts, Michael Sharp et Zaida Catalán, en mars, au Kasaï.
M. Aboulatta a rappelé à cet égard que le rapport final présente huit recommandations, dont quatre sont adressées au Gouvernement de la RDC et quatre au Conseil de sécurité. L’une de ces dernières concerne les enquêtes relatives à l’assassinat des deux experts, a rappelé M. Aboulatta, qui a attiré l’attention du Conseil sur la présence dans la salle des parents de Michel Sharp ainsi que de la sœur et de la mère de Zaida Catalán.
L’assassinat des deux experts, fait sans précédent, témoigne des conditions dans lesquelles travaillent les experts des Nations Unies en RDC ou dans d’autres pays, a poursuivi M. Aboulatta. C’est aussi un rappel des souffrances imposées à un grand nombre de civils innocents en RDC.
C’est dans ce contexte que le Comité et le Groupe d’experts jouent un rôle actif pour aborder les difficultés à long et à court terme auxquels la RDC est confrontée, a poursuivi le président du Comité.
Il a présenté ses efforts pour impliquer les autorités de la RDC et celles des pays de la région des Grands Lacs, afin de promouvoir des synergies entre les acteurs des Nations Unies qui travaillent sur les questions liées aux sanctions et encourager les efforts de coopération entre acteurs régionaux et internationaux, l’objectif étant de mettre en place une approche commune pour parvenir à la paix et la stabilité.
M. Aboulatta a ensuite présenté les différentes activités entreprises par le Comité pour maintenir le dialogue avec la RDC, en insistant sur la volonté de promouvoir la coopération et la collaboration entre les différents acteurs des Nations Unies et ceux de la région. Il a rappelé notamment que la fin du pillage et du trafic illicite des ressources naturelles était indispensable pour permettre à la RDC de surmonter ses conflits et de se lancer sur la voie du développement.
Les prochains mois seront cruciaux pour la RDC et le Comité veillera à ce que son travail et celui du Groupe d’experts contribuent à une évolution positive, a assuré M. Aboulatta. Le Comité demeure engagé à préserver son dialogue avec le Gouvernement de la RDC et ceux de la région, a-t-il insisté, en annonçant son intention d’effectuer une nouvelle visite en RDC fin octobre, afin d’obtenir des informations sur le terrain.
M. Aboulatta a annoncé qu’il organiserait ensuite, au Siège, une réunion du Comité avec les États de la région, à l’occasion de laquelle il présentera un résumé des réactions au rapport final du Groupe d’experts ainsi que ses impressions sur sa visite d’octobre.
Cette réunion sera également l’occasion de promouvoir une discussion sur l’efficacité du régime de sanctions et les moyens de renforcer sa contribution à la paix et la stabilité en RDC, a conclu le Président du Comité.
« Cette séance ne peut être une séance comme les autres », a déclaré d’emblée Mme ANNE GUEGUEN (France) qui est revenue sur l’assassinat, en mars dernier, de Zaida Catalán et Michael Sharp, et pour qui la présence des familles de Zaida et de Michael rappelle à nouveau, « s’il en était besoin », le caractère abject de ce crime. « Madame Maria Moresby, Madame Elizabeth Moresby, Monsieur John Sharp, Madame Michele Sharp, permettez-moi, au nom de la France, de vous adresser une nouvelle fois nos plus sincères condoléances pour la perte de vos enfants, de votre sœur, et de vous exprimer notre admiration et gratitude pour le travail de Michael et de Zaida », a-t-elle déclaré.
Notant que le groupe d’enquête qui avait été mis en place en avril dernier avait constaté que des recherches et investigations plus poussées s’imposent, la représentante a ensuite appelé le Secrétaire général à mettre en place sans délai un mécanisme spécial d’enquête pour permettre aux autorités judiciaires compétentes de mener des poursuites effectives afin que justice soit rendue.
« Nous le devons à la mémoire de ces deux experts. Nous le devons à leurs proches, aux nombreux groupes d’experts mis en place par ce Conseil, à tous les personnels des Nations Unies et au peuple congolais lui-même si éprouvé », a-t-elle lancé.
La représentante s’est ensuite inquiétée de la situation actuelle en RDC évoquant notamment la violence dans les Kasaï, « qui demeure à un niveau insoutenable », la propagation de l’insécurité jusqu’au Tanganyika, l’augmentation des conflits intercommunautaires, mais aussi les évasions de détenus, « dans des proportions inhabituelles ».
Elle a estimé qu’un retournement de cette « triste dynamique » passe nécessairement par des efforts accrus pour empêcher l’impunité des auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, « quelle que soit leur affiliation ». Elle a aussi appelé les autorités congolaises à coopérer pleinement avec l’équipe d’experts internationaux mise en place par le Conseil des droits de l’homme en juin dernier.
Alors que l’échéance fixée pour la tenue des élections se rapproche, Mme Gueguen s’est par ailleurs dite préoccupée de l’accumulation des retards dans la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre, « la seule feuille de route crédible pour permettre une sortie de la crise que connaît le pays ».
Elle a jugé urgent de mettre en œuvre l’Accord dans son intégralité, appelant notamment les autorités congolaises à prendre toutes les mesures nécessaires afin que soient organisées, comme convenu dans l’Accord, des élections crédibles et inclusives au plus tard en décembre 2017. Il est en particulier urgent que soit publié le calendrier électoral, a-t-elle ajouté.
Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a salué la mémoire des deux experts du Comité assassinés, avant de souligner l’importance de mettre sur pied un mécanisme spécial d’enquête et de suivi dirigé par l’ONU pour faire la lumière sur cet assassinat.
Elle s’est élevée contre la poursuite du trafic illicite de ressources naturelles dans l’est de la RDC, qui ne fait que renforcer le conflit armé qui sévit dans le pays. « Sans transition démocratique, nous devons nous attendre à d’autres cycles de violence généralisée », a prévenu la représentante, en appelant les autorités congolaises à annoncer rapidement un calendrier électoral « et à s’y tenir ». Sans quoi, a-t-elle annoncé, les États-Unis seront favorables au renforcement du régime de sanctions du Conseil de sécurité applicables à la RDC.
Le travail du Groupe d’experts et du Comité n’est pas achevé et « il nous faut continuer à chercher des moyens de rétablir la paix et la sécurité en RDC », a ajouté en conclusion Mme Sison.
Mme IRINA SCHOULGIN-NYONI (Suède) a condamné dans les termes les plus forts les meurtres de Zaida Catalán et de Michael Sharp, jugeant intolérable que des personnes mandatées par le Conseil de sécurité pour enquêter sur des violations des droits de l’homme soient tuées d’une manière aussi brutale.
La représentante s’est ensuite inquiétée de la fragilité de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, « y compris sa dimension ethnique ». Elle a qualifié de particulièrement préoccupantes les informations concernant la remobilisation d’anciens combattants, et a appelé à améliorer de manière significative la réintégration de ces derniers, notamment des enfants soldats.
Elle a aussi constaté que les revenus tirés des minerais de sang permettaient d’alimenter le conflit. À ce titre, elle s’est félicitée de l’imposition, par l’Union européenne, d’une réglementation qui exige des importateurs qu’ils contrôlent la chaîne d’approvisionnement de ces minerais.
La représentante suédoise s’est aussi préoccupée de la situation dans les Kasaï et au Tanganyika, constatant que l’étendue de la violence avait un impact négatif direct sur la paix et la sécurité. Elle a également parlé de l’incident de Kavumu, dans la province du Sud-Kivu, où 42 cas de viols aggravés contre des enfants ont été signalés.
Elle a voulu une plus grande collaboration entre la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit et le Comité des sanctions.
La déléguée a ensuite appelé à respecter et à mettre en œuvre les régimes de sanctions et à fournir au Groupe d’experts les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat. À cet égard, la Suède appuie la recommandation de prolonger son mandat de 18 mois afin de leur accorder le temps nécessaire pour obtenir des informations dans le cadre d’un régime plus rigoureux.
La déléguée a par ailleurs parlé du processus démocratique en RDC, appelant à la pleine mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre. Des élections libres, justes, crédibles et inclusives demeurent le seul moyen pacifique et viable de sortir de l’actuelle crise politique qui alimente autrement, comme l’illustre le conflit dans les Kasaï, davantage d’instabilité et de conflit, a-t-elle déclaré.
Revenant ensuite sur la mort des deux experts, la représentante a appuyé la proposition de création, par le Secrétaire général, d’un mécanisme de suivi qui permettrait d’établir la vérité et de traduire les auteurs en justice. Elle a aussi appelé à tirer les leçons des possibles défaillances du système. « Ce qui est arrivé à Zaida Catalán et à Michael Sharp ne doit jamais se reproduire », a-t-elle affirmé.
M. VOLODYMYR PAVLICHENKO (Ukraine) a souligné le rôle important joué par le régime de sanctions pour réduire certaines menaces en République démocratique du Congo (RDC). Par exemple, il permet d’empêcher que les groupes armés bénéficient de l’exploitation illicite de certaines ressources naturelles, comme le tungstène, a-t-il expliqué, avant de souligner le retard pris dans la mise en place d’un système de traçabilité s’agissant de l’or.
Il a ensuite dit sa préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire en RDC, laquelle est étroitement liée à la « stagnation politique » que connaît le pays.
Enfin, soulignant l’importance que les auteurs des meurtres des deux experts de l’ONU soient traduits en justice, le délégué de l’Ukraine a exhorté le Secrétaire général à mettre sur pied un mécanisme de suivi placé sous son autorité, comme le fit son prédécesseur après la tragédie de l’hôtel Terrain au Soudan du Sud.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a souhaité que les coupables du meurtre des deux membres du Groupe d’experts soient rapidement traduits en justice et jugés. Il a demandé aux autorités congolaises d’enquêter et de coopérer avec les enquêtes de la Suède et des États-Unis.
Le travail du Groupe d’experts, auquel appartenaient Michael Sharp et Zaida Catalán, met en évidence l’exploitation illicite de ressources naturelles, alors que la fin de ce trafic illégal est essentielle pour la paix en RDC, a fait observer le représentant.
Pour le délégué, le Gouvernement de la RDC a pris « quelques mesures » pour lutter contre ces trafics et assurer une meilleure traçabilité des minéraux. Le représentant l’a donc encouragé à poursuivre dans cette voie, notamment pour lutter contre le trafic illicite d’or, dans lequel, a-t-il ajouté, il est connu que de hauts militaires de la RDC sont impliqués.
Les deux experts ont été assassinés alors qu’ils enquêtaient sur les violations des droits de l’homme commises notamment au Kasaï, en proie depuis plusieurs mois à la violence, a rappelé le représentant, qui a souhaité que les autorités de la RDC coopèrent pleinement avec l’équipe d’experts internationaux des droits de l’homme nommé par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme.
L’Italie reste préoccupée par le peu de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix de la Saint-Sylvestre, étape essentielle dans l’organisation d’élections démocratiques et transparentes. Pour le représentant, il est urgent de préparer la tenue au plus vite de telles élections.
L’Italie, attachée au régime de sanctions, est disposée à travailler, sur la base du rapport final du Groupe d’experts, avec les autres membres du Conseil de sécurité pour poursuivre ce régime.
M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a demandé que les auteurs des meurtres des deux experts de l’ONU soient traduits en justice. Il a exhorté le Secrétaire général à mettre rapidement sur pied un mécanisme de suivi placé sous son autorité, afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.
Il a souligné l’importance de la tenue d’élections crédibles en RDC, de nature à conduire à une passation démocratique du pouvoir à la fin de cette année, conformément à l’Accord politique du 31 décembre 2016. La bonne application du régime de sanctions, y compris les recommandations antérieures formulées par le Groupe d’experts, est dans l’intérêt de toutes les parties prenantes en RDC et dans celui de la communauté internationale et des pays de la région, a affirmé le délégué du Japon.
En conclusion, M. Kawamura a appelé la RDC et les autres pays concernés à coopérer de manière accrue avec le Comité et le Groupe d’experts.
Après avoir présenté ses condoléances aux familles des deux experts assassinés, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que les régimes de sanctions ne peuvent pas constituer une fin en soi et n’avaient pour objectif que de favoriser le dialogue politique.
Préoccupé de l’intensification des affrontements entre forces gouvernementales et groupes armés en RDC, il s’est élevé contre les accusations selon lesquelles la faute en reviendrait aux soldats congolais, qui feraient un usage disproportionné de la force et se rendraient coupables de violations des droits de l’homme. Ce qu’il faut privilégier, a dit le délégué, c’est la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre, dont les modalités reviennent toutefois exclusivement au Gouvernement et au peuple congolais.
La délégation a ensuite encouragé les pays de la région à redoubler d’efforts pour mettre fin au trafic illicite de ressources naturelles en provenance de RDC. M. Nebenzia s’est tout particulièrement élevé contre l’utilisation frauduleuse des certificats de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs pour exporter de l’or.
S’agissant enfin de la création d’un mécanisme d’enquête et de suivi par le Secrétaire général pour faire la lumière sur les circonstances de la mort des deux experts, il a estimé que Kinshasa faisait déjà preuve d’un niveau élevé de coopération dans le cadre de l’enquête avec les Gouvernements de la Suède et des États-Unis.
M. JONATHAN ALLEN (Royaume-Uni) a estimé que la question traitée aujourd’hui devait l’être en public. C’est en public, face aux familles des deux experts assassinés, qu’il faut exiger la justice pour ces meurtres, car c’est le Conseil de sécurité qui leur avait demandé de collecter les informations pour lesquelles ils ont été assassinés, qui leur avait demandé d’être ses yeux et ses oreilles, a déclaré le représentant.
Il faut garantir la redevabilité, a-t-il ajouté, estimant qu’une première mesure avait été prise avec l’adoption de la résolution 2360 (2017) mais qu’il fallait faire encore davantage. Le Royaume-Uni se félicite donc de la suggestion du Secrétaire général de mettre en place un mécanisme de suivi.
Cinq mois après les meurtres de Michael Sharp, Zaida Catalán et leur interprète, la redevabilité n’est pas encore garantie et les commanditaires des deux assassinats ne sont pas arrêtés, a rappelé le délégué, qui a affirmé que les deux experts avaient été tués car ils dénonçaient les violations des droits de l’homme dans les Kasaï.
Il faut reconnaître le lien entre les violences en RDC et la non-application de l’Accord du 31 décembre, a en outre affirmé le représentant. Cet accord doit être clairement mis en œuvre. « À défaut, que se passera-t-il? » a demandé le représentant, qui a fait état de 430 violations des droits de l’homme recensées officiellement depuis le début de l’année, soit plus que durant toute l’année 2015.
Le représentant s’est dit effaré du niveau de violence en RDC, notamment au Kasaï. S’il s’est félicité que certains miliciens aient été arrêtés et jugés, il a rappelé qu’il était fait état de recrutements généralisés d’enfants par certains groupes armées, ou de viols d’enfants.
Il a également rappelé que ces groupes armés haineux finançaient leurs activités par le trafic de ressources naturelles, et a appelé à une application intégrale du régime de sanctions existant. Le représentant a enfin salué le travail du Président du Comité 1533.
M. WU HAITAO (Chine) a estimé que la sécurité des personnels de l’ONU devait être garantie et que toute entorse à cette règle est « inacceptable ». Après s’être félicité des efforts déployés par le Gouvernement congolais pour rétablir la paix et la sécurité dans le pays et organiser des élections, le représentant a affirmé que le retour de la stabilité constituerait un fondement important de la reconstruction de la RDC.
Pour sa délégation, les solutions fournies par la communauté internationale ne s’avèreront vraiment efficaces que si elles respecteront le leadership de Kinshasa. À cet égard, la Chine a considéré que les sanctions ne sont pas une fin en soi.
Elle s’est enfin félicitée de la décision du Comité des sanctions de se rendre en RDC en octobre prochain.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a salué le travail du Groupe d’experts, dont il a rappelé le contexte « difficile et douloureux », marqué par l’assassinat de deux de ses membres. Pour le Sénégal, la diminution des cas de violence liés au contexte électoral, mentionnée dans le rapport final du Groupe d’experts, constitue cependant un signe encourageant dans la perspective d’élections démocratiques et transparentes, que le Sénégal appelle de ses vœux.
Le Sénégal appelle donc la communauté internationale à mettre à la disposition de la RDC les ressources nécessaires et promises pour assurer le succès du processus électoral.
Le représentant a jugé préoccupante la poursuite de l’insécurité dans l’est de la RDC et s’est inquiété notamment de la résilience des différents groupes armés, malgré les efforts des forces armées congolaises et de la MONUSCO. Il faut donc travailler davantage pour couper ces groupes de leurs soutiens extérieurs et de leur financement, a poursuivi le représentant, qui a notamment fait observer les éléments du rapport faisant état des ressources apportées aux groupes armés par la diaspora, via les réseaux sur Internet.
M. Seck a noté que l’exploitation illégale des ressources naturelles et leur commerce illicite alimentaient également les groupes armés et a insisté sur la nécessité de travailler avec tous les acteurs concernés sur le plan international, régional et sous-régional, et notamment avec les États de la région des Grands Lacs, afin de mettre en place des mécanismes efficaces de contrôle et de traçabilité des ressources stratégiques.
Le représentant a rappelé à cet égard que le rapport du Groupe d’experts reconnaissait l’efficacité de ces systèmes, bien qu’encore imparfaits. Pour le Sénégal, il faut appliquer le même régime à l’or, source des trafics les plus lucratifs. M. Seck a également rappelé l’importance d’une coopération internationale pour couper l’approvisionnement en armes des « forces négatives ».
Le représentant a rappelé que le meurtre des deux experts constituait une violation grave du droit international humanitaire. Le Sénégal soutient les efforts déployés par la RDC en termes d’enquêtes, menées en coopération avec les Nations Unies et les autres parties intéressées.
M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) s’est dit préoccupé de constater le mécontentement croissant de la population congolaise vis-à-vis de la situation politique dans son pays, aggravé par les conditions économiques actuelles. Il a vivement encouragé la Commission électorale à coopérer avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) dans les préparatifs des prochaines élections.
Après avoir dénoncé la hausse des violations des droits de l’homme, en particulier les femmes et les filles, en RDC, le représentant a lancé un appel en faveur d’un désarmement volontaire et de la réinsertion des ex-combattants.
« Nous devons nous atteler à la prévention et à la stabilisation du pays, voilà pourquoi nous demandons le respect de la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Accord du 31 décembre dernier », a ajouté le délégué.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a déclaré que les conditions atroces dans lesquelles les deux membres du Groupe d’experts avaient perdu la vie rappelaient les difficultés et les tragédies auxquelles sont confrontées de nombreuses victimes des violences en RDC. Elles rappellent aussi les sacrifices constants que consent le personnel des Nations Unies sur le terrain, qu’il soit militaire, policier ou civil. « Ces sacrifices méritent notre gratitude et notre respect », a ajouté le représentant.
L’Uruguay soutiendra toutes les enquêtes nécessaires à l’identification des responsables de ces actes lâches. Le représentant a pris note du résumé analytique de la Commission d’enquête des Nations Unies, transmis hier au Conseil de sécurité, et a invité tous les membres du Conseil à examiner en détail son contenu, et spécialement ses recommandations.
M. Bermúdez a ensuite rendu hommage au travail du Comité 1533. Il a cité notamment la visite du Président du Comité en RDC l’an passé et les réunions organisées en présence des représentants spéciaux du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé et chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. L’Uruguay souhaite que le Comité continue dans cette voie et appuie l’idée d’une nouvelle visite de sa présidence en RDC en octobre.
Le représentant a également rendu hommage au travail du Groupe d’experts et a dit souscrire à ses différentes analyses. L’Uruguay est préoccupé par les activités des groupes armés, les violations des droits de l’homme et l’absence de progrès concrets dans le processus politique.
Le représentant a rappelé l’urgence d’une mise en œuvre rapide et de bonne foi de l’Accord politique du 31 décembre, afin que puissent être organisées des élections démocratiques, crédibles et inclusives au plus tard en décembre 2017.
Après avoir un rendu un hommage appuyé aux deux experts assassinés, M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a souhaité que tout soit mis en œuvre pour faire traduire en justice les auteurs de ce crime. Devant l’escalade des violences dans différentes régions du pays, l’Union africaine et les pays de la région ont une immense responsabilité pour rétablir la paix et la sécurité, a-t-il estimé.
Mais pour cela, il faut s’attaquer aux autres problèmes, dont le trafic illicite des ressources naturelles, en particulier l’or. Les situations humanitaire et des droits de l’homme dans le pays sont également sources de préoccupation, a noté le représentant.
Prenant note de la volonté du Président du Comité 1533 de se rendre en RDC en octobre prochain, le délégué éthiopien a souhaité que cette visite soit de nature à favoriser l’application des différentes mesures prévues par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a rendu hommage au travail du Groupe d’experts et à ses deux membres assassinés en mars au Kasaï. Il a exprimé sa préoccupation face à l’absence de résultats dans l’enquête sur les responsables du double meurtre, qui doit aboutir à l’arrestation et au jugement de ces derniers par les tribunaux compétents dans le respect de la souveraineté nationale de la RDC.
La Bolivie est consciente des difficultés croissantes rencontrées par le Groupe d’experts et le Comité 1533 dans leurs travaux, du fait de la réorganisation des différents groupes armés et de leurs liens avec des groupes étrangers.
Si le mécanisme de traçabilité des minerais permet de réduire les revenus des groupes armés, il comporte encore des lacunes qui doivent être comblées, a fait observer le représentant. En particulier, l’or n’est pas soumis à cette traçabilité, a-t-il rappelé, avant d’insister sur la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux.
Le représentant s’est dit préoccupé par le pillage systématique des ressources de la RDC par les groupes armés, des membres des forces armées ou encore par des entreprises multinationales. Pour assurer la fin des hostilités et le développement social et économique, il est essentiel que les États maintiennent un contrôle effectif sur leurs ressources, a-t-il ajouté.
Il a en outre estimé que le régime de sanctions ne pouvait constituer une fin en soi. Les sanctions ne devraient être imposées qu’en cas de menace contre la paix et la sécurité internationales ou d’agression et devraient être élaborées dans des conditions très transparentes et être soumises à des évaluations périodiques, a poursuivi M. Llorentty Solíz.
Seul le Conseil de sécurité peut appliquer de telles sanctions, a ajouté le représentant, qui a dénoncé la tendance à appliquer des sanctions unilatérales, y voyant une violation des principes de la Charte des Nations Unies comme du multilatéralisme.
La Bolivie salue les efforts du Représentant spécial du Secrétaire général pour assurer la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre, et elle exhorte les différentes parties à travailler dans la cadre d’un dialogue sans exclusive et dans le respect de la Constitution de la RDC.
M. LÉONARD SHE OKITUNDU, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale de la RDC, a affirmé que les auteurs de l’assassinat des deux experts de l’ONU, Michael Sharp et Zaida Catalán, seront « sévèrement sanctionnés ». S’adressant aux parents des deux victimes, présents dans la salle, il a rappelé que « Michael et Zaida étaient, certes, au service des Nations Unies mais également, et d’une manière indirecte, à celui de mon pays à qui ils ont rendu d’appréciables services en sillonnant son territoire pour dénoncer tout ce qui constitue une entrave à la paix ».
« Notre devoir nous impose de donner un sens à leur sacrifice et de conjuguer nos efforts pour que cette paix qu’ils ont tant désirée devienne réalité », a-t-il dit.
Soulignant l’importance de la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre 2016, le Vice-Premier Ministre a déclaré que les dissensions internes au sein de certains partis politiques de l’opposition, « inhérentes à tout processus politique », n’enlevaient rien au Gouvernement de sa légalité issue de l’investiture par le Parlement national.
Les opérations d’actualisation du fichier électoral ont suffisamment évolué, a-t-il dit, ajoutant que les opérations d’enrôlement « proprement dites » devraient débuter avant la fin de ce mois. « Les élections auront bel et bien lieu en RDC, conformément au calendrier électoral qui sera publié par la Commission électorale nationale indépendante », a-t-il assuré.
Concernant le volet sécuritaire, M. She Okitundu a indiqué que les capacités opérationnelles des Forces démocratiques alliées (ADF) avaient sensiblement diminué, avant de rappeler le cas des 340 combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui s’étaient rendus aux forces congolaises il y a trois ans et restent cantonnés en RDC.
Il a déploré que les appels de son pays pour leur réinstallation dans un pays tiers en dehors des pays de la région des Grands Lacs soient restés lettre morte. Le Vice-Premier Ministre a ensuite condamné « l’activisme militaire » de l’ex-Mouvement du 23 mars (ex-M23) et exhorté le Conseil à envisager des sanctions à leur endroit.
Il a également promis que toute la lumière serait faite sur les allégations des graves violations des droits de l’homme portées contre les forces armées de la RDC.
Revenant sur la mort des deux experts de l’ONU, il a indiqué que l’enquête avait permis d’identifier 16 suspects. Neuf d’entre eux sont déjà aux arrêts, a-t-il dit, rappelant que 19 audiences avaient déjà eu lieu. Le Vice-Premier Ministre a souligné que la justice congolaise collaborait déjà avec l’ONU, avant de mentionner la nomination de trois experts internationaux par le Haut-Commissaire des droits de l’homme.
Le déplacement de ces experts, ainsi que de ceux de l’Union africaine, doit s’opérer dans le strict respect des termes de référence déterminés et s’inscrire dans le cadre de l’assistance à apporter aux enquêtes diligentées par la justice militaire congolaise, a-t-il estimé.
M. She Okitundu a souligné l’excellente coopération de son pays avec les experts du FBI, ainsi que l’acceptation de son gouvernement de collaborer avec la Suède dans les enquêtes menées par la justice congolaise malgré l’absence d’une convention d’entraide judiciaire entre la RDC et la Suède.
Enfin, s’agissant de la recommandation contenue dans le rapport relative à la mise en place d’une enquête internationale indépendante sur l’assassinat des deux experts, le Vice-Premier Ministre a jugé « inopportune » la mise en place d’une telle enquête, dans la mesure où son Gouvernement collabore déjà avec les mécanismes de l’ONU mis sur pied et avec les instances des pays d’origine des deux victimes.
« Quant à la demande de prorogation du mandat du Groupe d’experts, mon gouvernement estime que cette question a déjà été réglée dans la résolution 2360 (2017) du Conseil qui le prorogeait jusqu’au 1er août 2018 », a-t-il conclu.