L’Accord politique libyen reste le cadre du processus politique en Libye, explique le Chef de la MANUL au Conseil de sécurité
Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Martin Kobler, intervenant par vidéoconférence depuis Tunis, a informé, cet après-midi, le Conseil de sécurité de l’évolution récente de la situation en Libye, en mettant l’accent sur l’Accord politique libyen et en soulignant la nécessité de faire prévaloir le dialogue sur la confrontation.
Le Conseil de sécurité a également entendu un exposé du Président du Comité des sanctions établi en application de sa résolution 1970 (2011), M. Olof Skoog, de la Suède.
Le Représentant spécial a d’abord fait remarquer que le processus de transition libyen n’avait pas été complètement mis en œuvre. En effet, des institutions parallèles continuent d’exister et la Chambre des représentants n’a pas reconnu le Gouvernement d’entente nationale, ni adopté l’amendement constitutionnel.
Cela dit, l’Accord politique libyen a changé la situation sur le terrain, a-t-il expliqué en indiquant, par exemple, que le Conseil de la présidence travaille avec Tripoli depuis 2016. De plus, la production de pétrole a dépassé 800 000 barils par jour et « Daech n’est plus que l’ombre de ce qu’il était il y un an, même s’il reste une menace ».
De l’avis du Représentant spécial, « que vous soyez un Libyen de Benghazi, de Tripoli ou de Sabha, l’Accord politique libyen reste la meilleure perspective de la résolution de la crise libyenne ».
Où en sommes-nous? Après des mois de consultations avec les Libyens, les acteurs régionaux et internationaux, nous développons une feuille de route pour permettre des amendements limités à l’Accord, à travers un processus conduit par les Libyens, a précisé M. Kobler.
Les négociations sont guidées par les principes suivants: l’unité de la Libye requiert la formation d’un gouvernement et d’institutions sécuritaires unifiés; la solution n’est pas militaire, mais politique; les amendements à l’Accord doivent donc être limités. Malgré des préoccupations liées à leur composition, la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État ont nommé des délégations chargées de trouver des solutions.
Malheureusement, a poursuivi le Représentant spécial, les adversaires d’une solution politique cherchent à utiliser la violence pour saper les efforts en ce sens, comme l’a montré l’attaque contre la base aérienne de Brak al Shati, le 18 mai dernier.
Hier, le 6 juin, M. Kobler a rencontré, à Benghazi, le maréchal Haftar qui a reconnu qu’un service de sécurité libyen unifié était essentiel pour la paix et la sécurité. À Tripoli, le plan sécuritaire doit maintenant être étendu à l’ensemble de la ville.
« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en sorte que le dialogue l’emporte sur la confrontation, l’unité sur la division, la sécurité sur le chaos », a assuré le Chef de la MANUL.
La situation économique très difficile et l’explosion du marché noir alimentent la criminalité et la violence en Libye, a-t-il indiqué. Il a aussi signalé que la division des institutions financières, l’instabilité et le manque de confiance dans le secteur bancaire contribuent à l’inflation et au manque de liquidités. Selon lui, la Banque centrale doit agir de façon décisive pour résoudre les problèmes fiscaux et monétaires de la Libye.
Venant aux aspects positifs de la situation, M. Kobler a salué les mesures prises par le Conseil de la présidence pour établir une commission de réconciliation nationale et lancer des consultations officielles. Il a jugé crucial le rôle des femmes et des enfants à cet égard.
Les communautés internationale et régionale doivent œuvrer de concert pour appuyer le processus politique libyen, a-t-il recommandé, après avoir rappelé qu’il avait participé, le 8 mai dernier, à la onzième Réunion des États voisins à Alger et, le 23 mai, à la deuxième Réunion du Quatuor à Bruxelles.
Par ailleurs, « les migrants continuent de mourir alors qu’ils cherchent une vie meilleure », s’est inquiété le Représentant spécial en soulignant une situation des droits de l’homme toujours très préoccupante. Depuis mars, 65 civils ont été tués pendant le conflit armé.
Il nous faut aller de l’avant pour appuyer l’effort dirigé par la Libye en vue de trouver une solution durable, a conclu M. Kobler. « Sans progrès politiques, les symptômes ne feront qu’empirer », a-t-il mis en garde.
À son tour, le Président du Comité des sanctions établi en application de la résolution 1970 (2011) a présenté les travaux de cet organe pendant la période allant du 20 avril au 7 juin 2017. Il a indiqué que le Comité avait examiné de manière informelle le rapport final du Groupe d’experts établi au titre de la résolution 2278 (2016), qui doit être publié prochainement, en signalant qu’il avait fait l’objet d’un accueil mitigé.
M. Skoog a fait état de trois exemptions accordées par le Comité relatives à l’embargo sur les armes, à la demande respectivement de l’Allemagne, de l’Autriche et des Pays-Bas, ainsi que d’une notification faite a posteriori par l’Autriche.
M. Skoog a également mentionné un rapport préliminaire reçu par le Comité de la part de l’opération SOPHIA, à la suite de l’inspection d’un navire battant pavillon libyen en haute mer au large de la Libye. Des armes et du matériel connexes ont été découverts à bord, alors que le navire, selon son commandant, se rendait de Misrata à Benghazi.
Il a en outre signalé l’approbation par le Comité d’une demande d’exemption au titre du gel des avoirs, et d’une autre au titre de l’interdiction de voyage, pour des raisons humanitaires.
Prenant la parole à son tour, le représentant de la Libye a estimé que la MANUL avait « atteint un niveau maximal de convergence avec la signature de l’Accord politique libyen en décembre 2015 », tout en regrettant que certaines parties aient bloqué sa mise en œuvre. Selon lui, le rôle des Nations Unies est déterminant à cette étape, pour surmonter les obstacles politiques et apporter des amendements limités afin que l’Accord puisse être appliqué par toutes les parties.
« Il faut un seul chef de gouvernement en Libye », qui puisse relever les défis auxquels le pays est confronté, comme le terrorisme, a insisté le représentant. Il a souligné que la MANUL avait pu retourner à Tripoli, où la sécurité a été renforcée.
En raison des conditions de sécurité dégradées, le pays se heurte à diverses crises, dont la contrebande du pétrole et ses dérivés, et la traite des êtres humains, a-t-il déploré, espérant que le Conseil de sécurité tiendrait compte de la nécessité de protéger les ressources du peuple libyen.
Quand le régime de sanctions a été mis en place de façon préventive, il n’avait pas pour but de punir la Libye, a relevé le représentant. Or aujourd’hui, s’est-il plaint, ce régime a des répercussions négatives. Il a dès lors souhaité que le Conseil amende ses résolutions pertinentes pour permettre aux autorités d’investissement libyennes de participer à la gestion des fonds qui se trouvent sur des comptes gelés, afin de soutenir les activités économiques du pays.
Il faut donner la priorité aux droits de l’homme des migrants et des réfugiés, a déclaré, en fin de séance, le représentant de l’Uruguay, évoquant la situation catastrophique de ceux qui utilisent la Libye comme pays de transit pour atteindre l’Europe et qui se retrouvent victimes de mauvais traitements. Alarmé par la violence généralisée sur le territoire libyen, son homologue bolivien a également attiré l’attention sur le sort de quelque 250 000 personnes déplacées.