Soudan du Sud: le Représentant spécial décrit une situation instable mais voit dans le dialogue national une occasion d’avancer vers la paix
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud, M. David Shearer, a décrit ce matin, devant le Conseil de sécurité, une situation toujours très instable sur le terrain, avant de faire le point sur le déploiement, qui a débuté il y a trois semaines, de la Force de protection régionale (FPR) chargée de sécuriser Djouba et les alentours de la capitale sud-soudanaise.
Alors que le pays souffre toujours de conflits intercommunautaires, il a salué les efforts de médiation de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) qui ont culminé avec la signature, hier, d’un accord de cessation des hostilités.
L’exposé de M. Shearer intervenait après l’adoption, au cours de la séance précédente, de la résolution 2353 (2017) par laquelle le Conseil de sécurité a reconduit les mesures de sanction à l’égard du Soudan du Sud et prorogé le mandat du Groupe d’experts chargé de cette question, respectivement pour un an et 13 mois.
« Il peut sembler inhabituel de commencer par un bulletin météorologique, a dit le Représentant spécial, mais il est important de savoir que les pluies sont arrivées au Soudan du Sud. » Comme les pluies saisonnières dictent tous les aspects de la vie dans ce pays, et même le cycle d’un conflit, on assiste aux dernières tentatives de positionner les forces avant que les routes ne deviennent impraticables.
M. Shearer a décrit les mouvements militaires importants dans le nord et l’est du pays, ainsi que des combats à faible intensité menés par l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) dans l’ancien État de l’Unité, au centre du pays où sévit déjà une famine déclarée.
Dans l’ouest du pays, il a signalé des incidents entre l’APLS et le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition, qui a conduit 22 000 personnes à se déplacer.
Dans le sud, il a fait état des affrontements entre l’APLS et les milices, avec des violences sans relâche à Yei, comme l’atteste un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme qui recense 114 assassinats commis par les forces gouvernementales.
Sur le plan sanitaire, M. Shearer a fait état des craintes relatives à l’augmentation du risque de choléra avec la saison des pluies. Il y a 7 700 cas déclarés, a-t-il dit, mais les agences humanitaires ont pu aider 20 000 civils à quitter la région, tandis que les équipes médicales ont permis de sauver de nombreuses vies.
Le Représentant spécial s’est d’ailleurs félicité du rôle que jouent les agents humanitaires, dans « un des endroits les plus difficiles et isolés de la planète ». Il a salué en particulier les actions du Programme alimentaire mondial (PAM). Mais il a déploré que les travailleurs humanitaires soient menacés, arrêtés, détenus, attaqués et même parfois tués.
Par ailleurs, le déploiement de la FPR a commencé, a souligné M. Shearer, en précisant que le plus gros des effectifs arriverait en juillet. Le déploiement de cette force de 4 000 soldats intégrée à la MINUSS avait été autorisé le 12 août 2016 par le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2304 (2016), à la demande de l’organe régional, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).
Sur le plan politique, il a remarqué des signes d’évolution et quelques changements au sein de l’APLS. Il a rappelé que le Président Salva Kiir avait officiellement lancé le dialogue national, ce lundi, à Djouba, après avoir réitéré le cessez-le-feu et s’être engagé à examiner la question des prisonniers politiques.
À l’instar des membres du Conseil, le Représentant spécial a souligné l’importance d’une participation inclusive au dialogue national, notamment avec les éléments de l’opposition. « Il faut un processus inclusif mené par les Sud-Soudanais eux-mêmes », a résumé la représentante des États-Unis.
Mettre fin à la violence, revenir à la table des négociations, permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et le déploiement des premiers éléments de la FPR, telles ont été les demandes formulées par les membres du Conseil tout au long du débat qui a suivi l’exposé.
Les intervenants ont, comme le Représentant spécial, apprécié l’influence fondamentale des États de la région sur le processus politique.
Le représentant de l’Ukraine, comme d’autres, a regretté de constater que la MINUSS avait encore bien du mal à s’acquitter de son mandat. La Mission doit pouvoir accéder aux personnes dans le besoin, a-t-il insisté.
De même, les délégations ont demandé avec insistance au Président Salva Kiir d’assumer ses responsabilités en matière de protection des civils.
Invité à s’exprimer devant le Conseil, le représentant sud-soudanais a indiqué que le Chef de l’État avait donné des instructions aux commandos sur le terrain pour permettre l’accès aux agences humanitaires.
Ayant pris note du renouvellement du mandat du régime de sanctions contre son pays, il a exprimé ses doutes quant au recours aux sanctions qui, à son avis, n’est « pas la meilleure solution pour régler le conflit ».
Il a assuré que le Président Kiir recherchait une paix durable en prenant des mesures constructives. Il a, en revanche, fait porter à l’autre partie la responsabilité de jeter de l’huile sur le feu. Si son gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre l’Accord de paix de 2015, il appartient maintenant aux mouvements rebelles de parcourir la moitié du chemin.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Déclarations
M. DAVID SHEARER, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud, a présenté la situation dans ce pays et fait le point du déploiement de la Force de protection régionale (FPR) sur le terrain. « Il peut sembler inhabituel de commencer par un bulletin météorologique, a-t-il dit, mais il est important de savoir que les pluies sont arrivées au Soudan du Sud. »
Il a en effet expliqué que les pluies saisonnières dictent tous les aspects de la vie dans ce pays et même le cycle d’un conflit. C’est ainsi que l’on voit les dernières tentatives de positionner les forces avant que les routes ne deviennent impraticables pendant les quatre prochains mois.
Il a signalé des mouvements militaires importants dans le nord du pays, sur la rive orientale du Nil dans les zones des tribus shilluk, ainsi que dans la partie nord de Jongleï, située dans l’est du pays, qui est peuplée principalement par les Nuer.
Dans l’ancien État de l’Unité, au centre du pays, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) poursuit les combats à faible intensité. Cette zone, a-t-il rappelé, a été déclarée zone de famine en février et reste très instable, avec la présence de nombreux déplacés. Il a relaté l’incident du 3 mai lors duquel une base de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a été la cible de tirs, ce à quoi les Casques bleus ghanéens ont répondu avec succès. Mais il a regretté que certaines organisations humanitaires aient de ce fait réduit leurs activités, au moment où on a le plus besoin de leur aide.
Il y a toujours des conflits intercommunautaires dans le pays, a poursuivi le Représentant spécial, en citant notamment des tensions accrues à Jongleï entre les Dinka Bor et les Murle. Il a mentionné à cet égard les efforts de médiation de la MINUSS qui ont culminé avec la signature, hier, d’un accord de cessation des hostilités.
Dans l’ouest du pays, à Greater Bahr el Ghazal, il a signalé des incidents entre l’Armée populaire de libération du Soudan (ALPS) et le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition. Cela a conduit 22 000 personnes à se rendre à Wau pour trouver refuge auprès des Nations Unies et dans les églises.
Dans le sud, il a fait état des affrontements entre l’APLS et les milices, avec des violences sans relâche à Yei, comme l’atteste un rapport sur les violations des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Ce rapport fait état de 114 assassinats commis par les forces gouvernementales.
Depuis janvier, la MINUSS a déployé des patrouilles à Yei. Sa présence permet de mener des enquêtes sur les violations des droits de l’homme.
Par ailleurs, les pluies compliquent l’intervention humanitaire et font apparaître le spectre du choléra, sachant que 7 700 cas ont déjà été déclarés. Les agences humanitaires ont pu aider 20 000 civils qui ont quitté la région pour aller à Aburoc.
Ces personnes sont arrivées dans un grand état de fatigue, ce qui constitue un terrain favorable au choléra. M. Shearer a cependant salué les interventions des équipes médicales qui ont permis de sauver des vies.
Le Représentant spécial s’est d’ailleurs félicité du rôle que jouent les humanitaires, dans un des endroits les plus difficiles et isolés de la planète. Il a salué en particulier le Programme alimentaire mondial (PAM) qui a préparé plus de 90% de son aide alimentaire pour la saison des pluies.
Mais la situation reste délicate pour les acteurs locaux du fait des violences qui ont atteint des niveaux inacceptables. Les travailleurs humanitaires sont menacés, arrêtés, détenus, attaqués et même tués.
Concernant le déploiement de la Force de protection régionale, M. Shearer a indiqué qu’il avait commencé, avec l’arrivée à Djouba de 60 membres de la compagnie d’ingénieurs de construction bangladeshi, ainsi que le déploiement à la fin du mois de l’équipe de la compagnie népalaise de préparatifs. Le plus gros des effectifs de cette force arrivera en juillet.
Sur le plan politique, il a remarqué des signes d’évolution avec la destitution, le 9 mai dernier, du chef d’état-major Paul Malong, ainsi que quelques changements dans la structure et les nominations au sein de l’APLS. Il y aura probablement un remaniement ministériel, a-t-il ajouté.
Il a souligné que le Président avait officiellement lancé le dialogue national, ce lundi à Djouba, en présence du Président ougandais. Le Président Salva Kiir a réitéré le cessez-le-feu et s’est engagé à examiner la question des prisonniers politiques.
Le Représentant spécial a souligné l’importance de la participation des éléments de l’opposition au dialogue national. Il a aussi remarqué l’influence fondamentale des États de la région sur le processus politique. Le Kenya, par exemple, discute avec des figures de l’opposition qui sont en dehors du pays.
En conclusion, il a recommandé au Conseil de sécurité de se montrer uni autour d’une stratégie commune pour faire avancer le processus politique.
Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a indiqué qu’il y avait en moyenne 2 800 Sud-Soudanais qui fuient chaque jour vers des pays voisins; 90 incidents et restrictions à l’aide humanitaire rien qu’au mois d’avril; 100 acteurs humanitaires qui ont dû se déplacer en 2017 à cause de la violence; 84 humanitaires tués depuis le début du conflit en 2017. Le Soudan du Sud est ainsi le pays le plus dangereux du monde pour travailler en tant qu’humanitaire, et l’on ignore le nombre de femmes violées, a-t-elle dit.
La représentante a souhaité que la MINUSS ait accès aux civils qui ont besoin de protection, et pas seulement quand les combats ont cessé et que les civils sont partis. Elle a condamné la campagne menée par les forces du Soudan pour mener des représailles selon des lignes ethniques et pour gagner du territoire.
Elle a demandé aux parties de mettre fin à la violence, de revenir à la table des négociations, de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et le déploiement des premiers éléments de la Force de protection régionale (FPR).
Il faut un processus inclusif mené par les Sud-Soudanais eux-mêmes. Elle a lancé un appel aux Nations Unies, à l’Union africaine et aux partenaires régionaux pour qu’ils coordonnent les efforts. Elle a rappelé avoir demandé le mois dernier d’autres sanctions et un embargo sur les armes.
« Nous devons continuer à prendre des actes concrets et à dialoguer avec les parties pour qu’elles reviennent à la table des négociations. » Elle a aussi exhorté les membres du Conseil de sécurité à utiliser les outils à leur disposition.
Préoccupé par la situation sécuritaire et humanitaire au Soudan du Sud, M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a averti que « les conséquences seront épouvantables si l’on n’arrête pas cette spirale descendante ». Il faut que les parties sur le terrain prennent des mesures concrètes et en toute bonne foi pour mettre fin aux combats et aux souffrances des Sud-Soudanais.
Le représentant a espéré que le Gouvernement allait respecter ses engagements et prendre les mesures de renforcement de la confiance qui s’imposent. De plus, « la situation humanitaire exige encore et toujours toute notre attention pour sauver des vies », a-t-il insisté.
Selon lui, une paix pérenne ne peut prévaloir que grâce à la réconciliation et au dialogue et à la confiance. À cet égard, l’Accord de 2015 reste un cadre essentiel pour mettre fin au conflit au Soudan du Sud. En outre, il est essentiel que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine et l’ONU s’expriment d’une seule voix pour relancer le processus de paix dans ce pays.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a remarqué que, deux mois après l’adoption par le Conseil de sécurité d’une déclaration présidentielle avec des étapes très claires, le Soudan du Sud s’enfonce dans un conflit et dans une crise humanitaire. Près de 900 000 Sud-Soudanais sont maintenant en Ouganda, a-t-il dit. Il a souhaité que le Président prenne les mesures qu’on attend de lui en ce qui concerne l’accès à l’aide humanitaire et le déploiement de la FPR.
Si le Président Salva Kiir a déclaré le cessez-le-feu et indiqué vouloir libérer les prisonniers politiques, c’est à lui d’agir maintenant. Le représentant a constaté avec scepticisme que les attaques des forces gouvernementales et des milices avaient continué après l’annonce du cessez-le-feu. Le Gouvernement a mis en danger les plus vulnérables, a-t-il regretté en dénonçant aussi les attaques contre la MINUSS.
Il est grand temps que le Gouvernement du Soudan du Sud tende la main vers l’opposition. Il a demandé d’utiliser le régime de sanctions pour envoyer un message clair à ceux qui s’opposent à la paix, et de faire le nécessaire pour endiguer l’afflux des armes.
Malgré des progrès récents, la situation reste aussi complexe au Soudan du Sud, a reconnu M. LIU JIEYI (Chine). Selon lui, il faut faire progresser le règlement politique pour arriver à la paix et à la stabilité. Il est très important d’arriver à la réconciliation réelle et, pour cela, il faut que toutes les parties reviennent à la table des négociations et favorisent un dialogue inclusif.
À cet égard, la Chine se félicite des efforts de médiation de la part de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’Union africaine.
La communauté internationale devrait aussi augmenter son aide au développement économique du pays, une condition de la paix, a insisté le représentant. Il a appuyé le renforcement des capacités de la MINUSS pour qu’elle mène à bien ses activités de plaidoyer et puisse renforcer la sécurité des soldats de la paix.
« Les civils qui payent le prix de ce conflit attendent plus de ce Conseil que des condamnations publiques », a lancé M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte). D’après lui, il faut établir un plan d’action par étapes pour mettre fin aux hostilités et relancer l’accord de paix. Il faut également que l’opposition présente un front unifié et pacifique.
Le représentant a espéré que la déclaration de cessez-le-feu et le lancement du dialogue national permettront de surmonter la crise politique actuelle. Parallèlement aux efforts consentis à cet effet, il est important de promouvoir la réconciliation nationale sur le plan local.
En outre, l’Égypte attend avec impatience le résultat des mesures prises récemment pour construire une armée nationale à même de protéger tous les Sud-Soudanais. « Le Conseil de sécurité a la responsabilité d’empêcher l’effondrement de l’État au Soudan du Sud et de l’appuyer à l’avenir », a-t-il conclu.
M. KORO BESSHO (Japon) a exprimé ses vives préoccupations face à la situation au Soudan du Sud, qui fait des victimes parmi de nombreux innocents et de nombreux déplacés. Les deux tiers des habitants ont en outre besoin d’une assistance humanitaire ou alimentaire. Il a demandé aux parties de cesser les hostilités avant de demander au Président Salva Kiir d’assumer ses responsabilités en matière de protection des civils. Il s’est félicité du lancement du processus de dialogue national et du cessez-le-feu, appelant à le respecter.
Il a également salué l’engagement sur ce dossier du Président Alpha Oumar Konaré, en sa qualité de Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Soudan du Sud. Il a signalé que le Japon avait dépêché sur place l’Ambassadeur Yoshifumi Okamura qui a appelé le Président Kiir et les autres dirigeants à respecter leurs engagements en ce qui concerne la cessation des hostilités et l’accès humanitaire, ainsi que pour faciliter le déploiement de la Force de protection régionale (FRP) et la tenue du dialogue national.
À son avis, les acteurs régionaux jouent un rôle important pour renforcer le processus politique. Pour ce qui est du déploiement de la FPR, il a appelé toutes les parties à coopérer avec la MINUSS.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a indiqué qu’il y a un nombre relativement important d’ONG italiennes présentes au Soudan du Sud, qui font part de la situation difficile sur le terrain. Il a regretté que les parties belligérantes adoptent des tactiques d’intimidation et mènent des attaques, ce qui empêche notamment l’aide humanitaire d’être livrée. Il a demandé à Djouba de coopérer avec les Nations Unies et d’assumer ses responsabilités pour que la Force de protection régionale (FRP) soit déployée dans les meilleurs délais.
En ce qui concerne le dialogue, il a craint que les bases restent fragiles. Il a donc recommandé d’ouvrir le dialogue à tous. Tant que les groupes de l’opposition ne sont pas pleinement associés au processus, ils ne vont pas abandonner les armes, a-t-il expliqué. Il a appelé à véritablement cesser les hostilités.
En ce qui concerne la médiation régionale, il a espéré qu’un plan d’action serait parachevé avec un calendrier précis. Les acteurs de la région et notamment l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) sont les mieux placés pour aider le pays à sortir de cette situation. La solution à la crise ne peut être que politique, avec des compromis de la part de toutes les parties.
M. RENÉ ERNESTO FERNÁNDEZ REVOLLO (Bolivie) s’est dit préoccupé par la crise sécuritaire, économique et humanitaire au Soudan du Sud, où la situation ne s’est guère améliorée depuis un an. Il faut donc redoubler d’efforts pour redynamiser le processus politique et mettre fin au conflit armé.
Le représentant a salué les initiatives qui vont dans ce sens, comme la mission de bons offices du Président Yosewi Museveni de l’Ouganda qui a notamment appelé à l’unité des Sud-Soudanais. Il a également jugé fondamental l’appui des organisations régionales. Il a appuyé les principes présentés par le Secrétaire général pour parvenir à une paix durable et demandé au Gouvernement de faciliter le travail des agents humanitaires et de la MINUSS.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a noté qu’au cours des dernières années, les parties n’ont pas manqué d’utiliser la saison des pluies pour procéder à leur réarmement. « Il s’agit d’une constante au Soudan du Sud », a-t-elle regretté avant d’appeler à prévenir de telles actions, qui ne font que nourrir le conflit. Elle a estimé que l’imposition d’un embargo sur les armes y contribuerait. Elle a précisé que le Soudan du Sud vivait une catastrophe humanitaire de grande ampleur qui s’intensifie un peu plus chaque jour, avec des combats qui, ces dernières semaines, ont continué d’avoir des conséquences intolérables sur les populations civiles, notamment dans le Haut-Nil.
Elle s’est aussi inquiétée de la propagation de l’épidémie de choléra qui est un risque réel tandis que la famine, ou le risque de famine, continue de sévir dans certaines zones du pays.
Dans ce contexte, elle a estimé que la cessation des hostilités et l’accès humanitaire restaient les priorités, y compris pendant la saison des pluies. Elle a dit que les parties doivent s’y engager sans condition, et la MINUSS doit pleinement mettre en œuvre son mandat de protection des civils. Elle s’est réjouie que plus de neuf mois après sa création, la Force de protection régionale (FPR) avait enfin commencé à se déployer, face aux nombreux obstacles qui y ont été mis. Elle a exhorté les autorités du Soudan du Sud à permettre le plein déploiement, sans entraves, de cette force.
S’agissant du processus politique, elle a regretté que la mise en œuvre de l’accord de paix restait au point mort. Elle a estimé que l’ouverture du dialogue national pouvait faire naître l’espoir que les différentes composantes de la société sud-soudanaise puissent enfin s’attaquer aux multiples problèmes qui rongent le pays. Elle a appelé à un dialogue national qui doit être mené de manière transparente, impartiale et indépendante. Elle a dit que l’instruction donnée par le Président Salva Kiir aux services de sécurité d’arrêter le harcèlement des opposants était encourageante.
La représentante de la France a estimé que la mobilisation de la communauté internationale restait essentielle pour accompagner, encourager et faciliter le processus politique, dans le but de faire progresser la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2015. « La présence à Djouba du Président Yoweri Museveni ces derniers jours est en cela un signe important de la mobilisation de la région, dont nous espérons qu’elle contribuera à convaincre les acteurs sud-soudanais d’avancer sur le chemin de la paix », a-t-elle dit.
Elle a appelé l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine, les Nations Unies et les partenaires bilatéraux et multilatéraux du Soudan du Sud à rester mobilisés, et pleinement coordonnés, pour pouvoir faire avancer le processus. Au regard des enjeux actuels, la représentante de la France a estimé que le Conseil ne pouvait plus se permettre de relâcher son attention sur le Soudan du Sud. Elle a exhorté les parties sud-soudanaises à mettre en œuvre sans attendre les actes attendus et détaillés dans la déclaration présidentielle du 25 mars.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a estimé que « Djouba maintient une position constructive pour ce qui est de la Force de protection régionale ». Il a appelé le Secrétariat à coopérer avec Djouba pour régler tous les problèmes auxquels la MINUSS est confrontée.
Le représentant a salué ensuite les efforts consentis par l’ONU pour améliorer la situation humanitaire au Soudan du Sud et il a appelé toutes les parties à faciliter l’accès humanitaire. Il a tenu à souligner que parmi les causes de la faim dans ce pays, il n’y a pas seulement des raisons créées par l’homme, mais des conditions climatiques très défavorables.
La stabilité ne sera possible que s’il l’on garantit la fin de toutes les confrontations armées et l’annonce d’un processus politique sans exclusion, a-t-il poursuivi, en saluant la décision récente du Président de lancer un dialogue et un cessez-le-feu, et en demandant à l’opposition de prendre des mesures similaires.
Le représentant a appuyé les initiatives du Secrétaire général pour ce qui est de coordonner les actions triangulaires de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de l’Union africaine et de l’ONU. À cet égard, il s’est félicité de constater que les acteurs régionaux jouent un rôle de plus en plus important.
Une paix pérenne au Soudan du Sud ne sera pas garantie par un embargo sur les armes, mais par une solution politique, a-t-il insisté. Selon lui, « l’adoption de sanctions supplémentaires contre Djouba n’est pas opportune ».
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a déploré les violences commises à l’encontre des agents humanitaires et a appelé à traduire en justice les auteurs de ces actes. Il a souhaité que la MINUSS ait la liberté de circulation qu’elle requiert, le pays devant respecter l’accord sur le statut de la force à cet égard. Il n’y a pas de solution militaire à un conflit, a-t-il affirmé en espérant que le dialogue national permettrait de trouver une solution.
Il s’est donc félicité des engagements du Président Salva Kiir à cet effet. Il a plaidé en faveur d’une réforme du secteur de la sécurité, ainsi que pour l’amélioration du système de justice. Il faut aussi associer les femmes et les jeunes au processus de règlement des conflits, sans oublier la DDR. Il a appuyé les efforts de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et des Nations Unies pour aider le pays sur cette voie.
Condamnant la violence au Soudan du Sud, M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a jugé choquant de voir qu’elle s’associait à un niveau d’impunité très élevé. La paix n’est possible qu’avec la véritable détermination des deux parties, et avec la reddition de comptes, a-t-il dit.
Un dialogue politique global est la seule solution pour régler le conflit. Le représentant a indiqué qu’il suivait de près, « avec un optimisme prudent », le dialogue national inauguré en début de semaine par le Président sud-soudanais. À ce sujet, il a salué la participation dynamique des partenaires régionaux pour promouvoir la paix.
Le représentant a regretté de constater que la MINUSS avait encore bien du mal à s’acquitter de son mandat. Elle doit pouvoir accéder aux personnes dans le besoin, a-t-il insisté. « La liberté de circulation de la MINUSS et des travailleurs humanitaires n’a rien d’un privilège, c’est un droit. »
En outre, la Mission doit pouvoir réagir face à différents scenarios. L’Ukraine, pays contributeur de troupes, attend avec impatience le lancement de la Force de protection régionale au Soudan du Sud telle qu’envisagée dans la résolution 2304 (2016).
M. GORGUI CISS (Sénégal) a appelé à une action urgente de la communauté internationale pour mettre fin aux violations des droits de l’homme et protéger la population civile, en évitant la famine. Il a demandé aux parties de cesser les combats, de reprendre le dialogue et de trouver un accord. Il a salué le cessez-le-feu unilatéral déclaré par le Président Salva Kiir et a espéré qu’il se concrétiserait. Il a dit qu’il n’y avait pas de solution militaire à la crise.
Le représentant s’est réjoui des progrès accomplis dans le déploiement des premiers éléments de la Force de protection régionale (FPR). Il a demandé au Gouvernement de transition sud-soudanais de coopérer avec cette force pour ne pas retarder son déploiement. Il l’a aussi engagé à lever les restrictions à la liberté de mouvement de la MINUSS.
Enfin, il a déploré les attaques dont sont victimes les travailleurs humanitaires et appelé à garantir l’accès aux civils qui sont dans le besoin.
M. CARL SKAU (Suède) a estimé qu’il fallait que les membres du Groupe d’experts soient désignés sans délai pour poursuivre leur travail important. Face au peu de progrès réalisés pour résoudre le conflit, et ce, malgré la déclaration de lundi du Président sud-soudanais sur un cessez-le-feu unilatéral, la région et le Conseil de sécurité devraient convenir de suivre la situation de près et demander des comptes au Soudan du Sud et aux acteurs concernés.
« Ce n’est plus le temps de jouer à des jeux », a-t-il averti. Il y aura des conséquences si les accords ne sont pas respectés. Le représentant a appelé toutes les parties à rejoindre la table des négociations. Selon lui, un dialogue national serait un bon pas dans la bonne direction, à condition d’être inclusif. Regrettant en outre que le déploiement de la Force de protection régionale ait pris du retard, il a espéré qu’elle sera bientôt opérationnelle. « Ni la Force de protection régionale ni la MINUSS ne sont une panacée à la crise », a-t-il toutefois averti.
M. Skau a condamné les violations graves du droit international humanitaire et demandé l’acheminement rapide, sûr et sans entrave de l’aide dans tout le pays. Il a salué les efforts en cours pour empêcher une flambée de choléra à grande échelle.
Le monde regarde vers l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pour qu’elles établissent une feuille de route pour la paix, et le Conseil de sécurité doit rester uni pour appuyer ces efforts régionaux, a-t-il ajouté. Il a souhaité que le Secrétaire général inclue dans son prochain rapport des propositions plus concrètes sur ces efforts.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a estimé que le lancement du dialogue national et la déclaration de cessation unilatérale des hostilités annoncés lundi par le Président Salva Kiir étaient « un pas dans la bonne direction ». Il a recommandé de suivre de près l’évolution du processus de dialogue et la mise en œuvre réelle du cessez-le-feu.
Seul un dialogue inclusif sera légitime et pourra permettre au pays de sortir du conflit, a averti le représentant. La fin des actions armées est également un élément essentiel pour assurer la viabilité de ce processus. Le Conseil de sécurité a été informé que huit mois après sa création, le déploiement de la Force de protection régionale a commencé, s’est-il réjoui, même si des questions sont encore en suspens. Il a exhorté le Gouvernement à lever toutes les entraves faites à la Mission.
M. JOSEPH MOUM MAJAK NGOR MALOK (Soudan du Sud) a pris note du renouvellement du mandat du régime de sanctions contre son pays et du mandat du Groupe d’experts, assurant vouloir continuer à collaborer avec celui-ci et avec le Conseil de sécurité. Mais le recours aux sanctions n’est pas la meilleure solution pour régler le conflit au Soudan du Sud, a-t-il estimé.
Le Gouvernement d’unité nationale rejette l’idée qu’il entrave le déploiement de la Force de protection régionale (FPR). Au contraire, il estime avoir fait preuve d’un esprit de coopération. Le retard dans le déploiement est dû à d’autres facteurs, a assuré le représentant.
Il a ensuite assuré que, depuis les évènements de juillet 2016, le Président Salva Kiir avait recherché une paix durable pour le pays en prenant des mesures constructives. Il a ainsi eu des contacts avec les parties prenantes comme les dirigeants de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), les représentants de la Commission mixte de suivi et d’évaluation et les représentants des Nations Unies.
Le Président Kiir a annoncé plusieurs amnisties et encouragé le dépôt des armes. L’autre partie, au contraire, continue de jeter de l’huile sur le feu, a relevé le représentant sud-soudanais.
Il a souligné que, le 22 mai 2017, le Président Kiir avait annoncé le démarrage du dialogue national et avait demandé de mener des consultations dans le cadre d’un processus inclusif. Cette initiative ne remplace pas l’accord sur la résolution du conflit, mais c’est une occasion de tenir compte des différents points de vue et de résoudre des points en suspens.
Le Président a assuré que le dialogue serait libre, voulant être un espace favorisant la participation de tous. Le Président a aussi demandé aux autorités de ne pas harceler les rebelles qui veulent participer à ce dialogue.
Le Président Kiir a par ailleurs souligné qu’un cessez-le-feu unilatéral permettrait d’acheminer l’aide humanitaire et a donné des instructions aux commandos sur le terrain pour permettre l’accès aux agences humanitaires.
Enfin, le représentant a assuré que son gouvernement, depuis la signature de l’Accord de paix de 2015, s’était engagé à mettre en œuvre celui-ci, en respectant l’esprit et la lettre. Il appartient aux mouvements rebelles de parcourir la moitié du chemin, a-t-il prévenu.