La Procureure de la Cour pénale internationale envisage l’ouverture d’une enquête sur les crimes commis contre les migrants en Libye
La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a affirmé, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que son Bureau examinait « attentivement » la possibilité d’ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés contre les 300 000 migrants qui vivraient en Libye, ce pays étant devenu, selon des sources crédibles, un véritable « marché » pour la traite des êtres humains. Le représentant de la Libye a, lui, dénoncé la complaisance actuelle envers les trafiquants « au nord comme au sud de la mer Méditerranée ».
Mme Bensouda, qui présentait au Conseil son exposé semestriel sur les activités menées par la Cour dans le cadre des affaires relatives à la situation en Libye, a indiqué que la situation dans ce pays continuerait de figurer parmi ses priorités en 2017. La Procureure a fait le point sur les enquêtes en cours, mentionnant la récente levée des scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Al-Tuhamy Mohamed Khaled, ancien chef de l’agence de la sécurité intérieure sous le régime du colonel Mouammar Qadhafi.
Mme Bensouda a exhorté la Libye et les États Membres à faciliter l’arrestation d’Al-Tuhamy Mohamed Khaled, qui serait en Libye, avant de demander la remise à la Cour de Saif Al-Islam Qadhafi. Ce dernier serait désormais entre les mains du Conseil militaire des révolutionnaires de Zintan, a—t-elle précisé.
La Procureure s’est ensuite dite « profondément alarmée » par les informations selon lesquelles des milliers de migrants vulnérables, notamment des femmes et des enfants, seraient détenus partout dans le pays dans « des conditions très souvent inhumaines ». Elle a affirmé que la traite d’êtres humains formait un terreau fertile pour les groupes terroristes et criminels. « Nous devons agir pour contrecarrer ces tendances préoccupantes », a affirmé Mme Bensouda, en soulignant la nécessité que son Bureau soit doté de ressources suffisantes.
La Procureure a reçu l’appui de la Suède, du Royaume-Uni et de l’Italie, le délégué de ce dernier pays demandant que les responsables de la traite des êtres humains en Libye, véritable « esclavage du XXIe siècle », soient punis.
Partisan d’une telle enquête, le délégué de la Bolivie a dénoncé la détention pour des durées parfois indéfinies de ces migrants, dont beaucoup, a-t-il rappelé, sont en partance pour l’Europe. Il a encouragé la Procureure à faire la lumière sur les réseaux criminels qui bénéficient de cette traite, tandis que son homologue du Japon a exhorté le Conseil à rester « pleinement engagé » sur ce dossier.
Les responsables de ces crimes sont les réseaux transnationaux et les milices sévissant dans mon pays, a, de son côté, accusé le représentant libyen. Il a regretté que la Procureure ne mentionne pas de mesures tangibles pour lutter contre ces réseaux dans les pays d’origine et de destination, en rappelant que la Libye était un pays de transit. Mais la charge la plus forte contre Mme Bensouda est venue du délégué de la Fédération de Russie qui a l’a accusée de « partialité ».
« La Procureure continue d’oublier les victimes découlant des frappes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) », a-t-il regretté, en déplorant également qu’elle n’ait pas fait mention des crimes commis par Daech en Libye. La déléguée de la France a, elle, demandé à la Procureure d’élargir « significativement » ses enquêtes sur les crimes commis depuis 2011, en particulier ceux imputés à Daech, à Ansar el-Charia et à d’autres groupes terroristes
Le représentant russe a en outre balayé toute interprétation qui imputerait le financement des enquêtes de la Cour en Libye à l’ONU, en rappelant la « distinction claire » faite, à ce titre, par les résolutions pertinentes du Conseil entre les pays membres du Statut et ceux qui n’en sont pas membres. « La Cour n’a pas mandat pour interpréter les résolutions du Conseil », a-t-il insisté.
Enfin, les délégations ont été nombreuses à souligner l’importance d’une solution politique en Libye jugée « cruciale » par le représentant des États-Unis, tandis que son homologue du Kazakhstan a plaidé pour un soutien fort de la communauté internationale. « L’instauration d’une paix durable en Libye doit nécessairement passer par le dialogue entre les parties, avec l’appui du Conseil de sécurité et de la communauté internationale », a conclu le délégué du Sénégal.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a souligné son engagement de faire de la situation en Libye sa priorité en 2017, avant d’insister sur les progrès accomplis depuis sa dernière intervention devant le Conseil. « Mon Bureau a continué d’user de méthodes innovantes pour collecter des éléments de preuve hors du pays », a-t-elle dit, en se félicitant de la bonne coopération des États et du Bureau du Procureur général libyen. « Mon Bureau va continuer d’explorer les options possibles pour que ses enquêteurs puissent reprendre leurs activités en Libye en toute sécurité. »
Mme Bensouda a indiqué que la Cour avait levé les scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Al-Tuhamy Mohamed Khaled, qui serait responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en 2011 dans le contexte de la situation en Libye. Cette levée des scellés devrait envoyer un message important, selon lequel la Cour demeure saisie de la situation en Libye, a-t-elle dit.
Notant qu’Al-Tuhamy Mohamed Khaled se trouverait en Libye, Mme Bensouda a exhorté la Libye et les États Membres à faciliter l’arrestation de ce dernier, avant d’appeler le Conseil à apporter son appui pour sa remise à la Cour. Elle a insisté sur l’importance de la bonne exécution des mandats d’arrêt de la Cour pour lutter contre l’impunité.
Mme Bensouda a rappelé que son Bureau avait demandé à la Chambre préliminaire d’enjoindre al-Ajimi al-Atiri, qui dirige le bataillon Abu-Bakr al-Siddiq à Zintan, de remettre à la Cour Saif Al-Islam Qadhafi. « Mon Bureau a en sa possession des informations selon lesquelles Saif Al-Islam Qadhafi ne serait plus entre les mains d’al-Atiri mais entre celles du Conseil militaire des révolutionnaires de Zintan », a—t-elle précisé.
La Procureure a appelé le Gouvernement d’entente nationale à faire tout ce qui était en son pouvoir pour remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI sans délai. S’agissant de l’affaire portée contre Abdullah al-Senussi, Mme Bensouda a rappelé que la Chambre préliminaire I avait conclu à l’irrecevabilité de cette affaire, avant de préciser que cette affaire était désormais pendante devant la Cour suprême libyenne.
La Procureure s’est dite très préoccupée par les informations faisant état de meurtres de civils, d’enlèvements, de torture et de violence sexuelle en Libye. « Mon Bureau continue de collecter les éléments d’information afférents aux violations commises contre des migrants », a-t-elle dit. « Je suis profondément alarmée par les informations selon lesquelles des milliers de migrants vulnérables, notamment des femmes et des enfants, seraient détenus partout dans le pays dans des conditions très souvent inhumaines. »
Elle a mentionné les sources crédibles selon lesquelles la Libye serait devenue un véritable « marché » pour la traite d’êtres humains, ajoutant que ces activités pouvaient former un terreau fertile pour les groupes terroristes et criminels. « Mon Bureau est en train d’examiner attentivement la possibilité d’ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés contre les migrants si les critères juridictionnels sont remplis », a-t-elle averti. « Nous devons agir pour contrecarrer ces tendances préoccupantes. »
Mentionnant des vidéos montrant des exécutions sommaires de personnes détenues par les forces armées nationales libyennes, la Procureure a rappelé les obligations qui incombent aux commandants de forces armées de prévenir et sanctionner la commission de crimes.
Mme Bensouda a souligné la nécessité que son Bureau dispose de ressources adéquates, sous peine de saper le combat de la Cour contre l’impunité en Libye. « J’appelle de nouveau ce Conseil à promouvoir le travail de la Cour en appuyant les efforts visant à lui fournir une assistance financière onusienne. »
Estimant que la justice et la reddition des comptes étaient des éléments indispensables de « l’équation libyenne » pour instaurer la paix, la Procureure a eu les mots suivants pour tous ceux, les victimes en premier lieu, qui militent pour un rôle accru de la Cour en Libye: « Je vous écoute. »
Elle a promis que les appels pour remédier aux violations commises en Libye « ne tomberaient pas dans l’oreille d’une sourde », avant de rappeler les souffrances du peuple libyen. « Bien que je n’aie aucune illusion sur le fait que la Cour soit la panacée –elle ne l’est sûrement pas– j’entends, avec mon équipe, jouer tout mon rôle. »
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a salué les efforts déployés par Mme Fatou Bensouda pour faire en sorte que Saif Al-Islam Qadhafi soit remis à la Cour. Il a toutefois rappelé que la Cour se devait de traiter à cet égard directement avec des entités émanant du Gouvernement d’entente nationale libyen et non avec des entités non reconnues comme représentatives de l’État libyen.
S’agissant de l’affaire portée contre Abdullah al-Senussi, le représentant a pris note du rapport publié par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en février 2017, lequel exprime sa préoccupation quant au respect des exigences d’un procès équitable.
Il a pris note de la décision du Bureau de Mme Bensouda d’examiner ce rapport afin de déterminer s’il présente des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause la décision de la Chambre préliminaire I de déclarer cette affaire irrecevable devant la CPI.
Tout en se félicitant de la coopération entre le Bureau de la CPI et le Bureau du Procureur général de la Libye, le représentant égyptien a par ailleurs appelé la CPI à vérifier la véracité des informations concernant des crimes qui lui seraient transmises par le Bureau du Procureur général de la Libye.
Rappelant le lourd tribut payé par la population civile libyenne depuis le début du conflit, M. OLOF SKOOG (Suède) a estimé que le Bureau de la CPI devait être impérativement doté des ressources nécessaires à l’accomplissement de sa mission en Libye. Le représentant s’est en outre félicité des efforts déployés par le Bureau de la Procureure dans les affaires en cours.
Il s’est notamment dit encouragé par la coopération entre le Procureur général de la Libye et la CPI, comme en témoigne l’arrestation récente de Saif Al-Islam Qadhafi. Le délégué a désormais appelé la Libye à remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI dans les plus brefs délais.
Dans l’affaire contre Abdullah al-Senussi, le délégué a salué la décision du Bureau de Mme Bensouda d’examiner le rapport de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), dans le but de déterminer s’il présente des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause la décision de la Chambre préliminaire I de déclarer cette affaire irrecevable devant la CPI.
S’agissant par ailleurs de l’affaire Al-Tuhamy Mohamed Khaled, le représentant a constaté la décision de lever les scellés sur le mandat d’arrêt de 2013 et a espéré que cette évolution permette de déférer l’intéressé prochainement à la Cour.
Alarmé par les informations concernant des violations de plus en plus atroces des droits de l’homme en Libye, le représentant a d’autre part salué la volonté du Bureau de la Procureure d’enquêter désormais sur les crimes contre les réfugiés et les migrants, ainsi que les crimes impliquant des réseaux de traite des personnes et de trafic de migrants.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a indiqué que la bonne coopération de nombre de pays avec la Cour était un signe positif. En ce qui concerne le manque de ressources mentionné par la Procureure, il a souligné l’engagement de son pays à y remédier. Il a demandé la remise de Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI, avant d’appeler à la poursuite du dialogue entre la Cour et les autorités libyennes.
Il a souligné la nécessité de remédier aux causes profondes de la traite d’êtres humains en Libye et de démanteler les réseaux criminels qui en bénéficient. Les responsables d’une telle traite, véritable « esclavage du XXIe siècle », doivent être punis, a—t-il dit. Le délégué italien a espéré que les conditions seront réunies pour que Mme Bensouda puisse se rendre en Libye.
Enfin, il a plaidé pour une solution politique en Libye et demandé la tenue d’une discussion plus globale au sein du Conseil sur le rôle de la justice dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a exhorté tous les pays de la région à coopérer avec la Cour. Il s’est dit très préoccupé par les allégations d’exécutions extrajudiciaires et de torture en Libye et a exhorté toutes les parties à y remédier. Il a affirmé que la situation des migrants en Libye s’était très nettement dégradée, avant d’estimer à 300 000 le nombre de migrants de huit nationalités vivant en Libye.
Ces migrants, dont beaucoup sont en partance pour l’Europe, voient leurs droits fondamentaux bafoués, en étant détenus parfois pour des durées indéfinies dans des centres de détention gouvernementaux comme non gouvernementaux, a-t-il dit. Le délégué a demandé à la Procureure d’enquêter sur ces violations et de faire la lumière sur l’existence éventuelle d’un « marché aux esclaves » en Libye et sur les réseaux criminels qui en bénéficieraient.
Enfin, le délégué bolivien a souligné la nécessité que la Cour soit dotée de ressources suffisantes.
« Beaucoup reste encore à faire pour mettre un terme à l’impunité en Libye », a estimé Mme SHERAZ GASRI (France), ajoutant que le soutien du Conseil à la Cour pénale internationale (CPI) et à la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) était « plus essentiel que jamais » afin d’y parvenir.
À ce titre, la déléguée a rappelé que la poursuite des enquêtes par le Bureau de Mme Fatou Bensouda requérait « une coopération pleine et entière » de toutes les parties prenantes. Estimant qu’une coopération étroite avec les autorités libyennes était particulièrement essentielle, Mme Gasri a précisé que le Mémorandum d’accord de novembre 2013 concernant le partage des responsabilités avec les autorités libyennes offrait un cadre adapté à cette coopération.
En outre, la représentante de la France a appelé tous les États, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome, ainsi que toutes les organisations régionales et internationales concernées, à coopérer pleinement avec la Cour, pour que les demandes formulées par le Bureau puissent trouver des réponses « de la façon la plus efficace et rapide possible ».
S’agissant des affaires en cours, la représentante a estimé essentiel que Saif Al-Islam Qadhafi puisse être remis dans les meilleurs délais à la CPI, conformément à la demande des juges. Invitant la Libye à tout faire pour honorer cette obligation et mettre fin à la situation de manquement dans laquelle elle se trouve, Mme Gasri a appelé les « entités non reconnues comme représentatives de l’État libyen » à permettre au Gouvernement d’entente nationale de répondre sans délai aux demandes de la Cour.
S’agissant de l’affaire portée contre Abdullah al-Senussi, la déléguée a pris note du rapport publié par la MANUL en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme de février 2017, lequel salue les efforts du Procureur général de la Libye dans la conduite des poursuites et exprime sa préoccupation quant au respect des exigences d’un procès équitable.
Mme Gasri a salué la décision du Bureau de Mme Bensouda d’examiner ce rapport, afin de déterminer s’il présente des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause la décision de la Chambre préliminaire I de déclarer cette affaire irrecevable devant la CPI.
Dans l’affaire Al-Tuhamy Mohamed Khaled, la déléguée a pris note de la décision de la Procureure de rendre public le mandat d’arrêt de 2013 et a appelé la Libye à coopérer pour que l’intéressé soit arrêté et remis à la Cour.
Enfin, Mme Gasri a pris note du souhait du Bureau de continuer à faire de la Libye une de ses priorités en 2017 et d’élargir significativement ses enquêtes sur les crimes commis depuis 2011, en particulier ceux imputés à Daech, à Ansar el-Charia et à d’autres groupes terroristes, mais également sur les exactions commises par les groupes armés à travers le pays, notamment à Benghazi.
Tout en appelant le Conseil de sécurité à continuer d’apporter son appui à la Procureure de la CPI, M. FODÉ SECK (Sénégal) a rappelé à « ceux qui exercent le pouvoir en Libye » leur obligation de coopérer pleinement avec la Cour, notamment en livrant rapidement à la justice toute personne mise en accusation par cette dernière.
La dégradation de la situation sécuritaire en Libye, a par ailleurs estimé le représentant, entrave la capacité du Bureau de Mme Bensouda à mener des enquêtes à l’intérieur du territoire libyen. « Mais cela ne l’empêche pas de fournir des efforts considérables pour obtenir l’exécution des mandats d’arrêt lancés dans le cadre de la procédure contre Saif Al-Islam Qadhafi », a salué le représentant, rappelant que la Procureure avait renouvelé son appel à la Chambre préliminaire d’enjoindre à Al-Ajimi al-Atiri de remettre à la Cour Saif Al-Islam Qadhafi.
De même, dans l’affaire Al-Tuhamy Mohamed Khaled, le représentant a salué la décision du Bureau de la Procureure, le 21 avril 2017, de solliciter l’ouverture des scellés des mandats d’arrêt, toujours devant la Chambre préliminaire, celle-ci ayant émis par la suite une décision favorable, le 24 avril dernier. Le délégué a ainsi qualifié cette décision d’« avancée considérable » dans l’exécution des ordres d’arrestation de la CPI.
Le représentant a enfin rappelé que l’instauration d’une paix durable en Libye devait nécessairement passer par le dialogue entre les parties, avec l’appui du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, afin de créer un climat susceptible de garantir la justice et le respect des droits de l’homme dans le pays.
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) s’est dit très préoccupé par la détention depuis août 2011 de quatre ressortissants ukrainiens, sans qu’aucun mandat n’ait été délivré contre eux. Il doit être mis fin à cette situation inacceptable, a-t-il déclaré. Le délégué a souligné la nécessité d’une bonne coopération des États avec la Cour, avant de noter que le climat d’insécurité dans le pays était une entrave à l’action de la CPI.
Il a apporté le soutien de son pays au travail de la Cour et a souhaité que son personnel puisse se rendre un jour en Libye. Le délégué a exhorté les autorités libyennes à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI sans délai. Justice doit être rendue pour les crimes commis par l’ancien régime, mais aussi pour ceux commis par les groupes affiliés à Daech, a-t-il déclaré.
Enfin, jugeant que la Cour était un instrument efficace pour la prévention de crimes, le délégué a exhorté tous les États Membres à coopérer pleinement avec la Cour, « sans exceptions ».
M. TAKESHI AKAHORI (Japon) a souligné l’importance d’une universalisation du Statut de Rome, en particulier dans la région Asie-Pacifique. Il a salué l’initiative de la Gambie et de l’Afrique du Sud de revenir sur leur décision initiale de se retirer de ce statut, avant d’inviter les membres du Conseil qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre ce statut.
Il a salué la bonne coopération entre la Cour et le Bureau du Procureur général de la Libye, avant de déplorer que Saif Al-Islam Qadhafi n’ait pas encore été remis à la CPI. La traite des êtres humains en Libye, en particulier des migrants, est alarmante, a-t-il dit, avant d’appeler le Conseil à rester pleinement engagé sur ce dossier.
Il a demandé la prise de « mesures adéquates » afin de mettre fin à l’impunité, avant d’indiquer que son pays suivrait attentivement le travail de la Procureure en vue de l’ouverture d’une possible enquête sur cette traite.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est dite vivement préoccupée par les violations des droits de l’homme perpétrées en Libye et par la criminalité galopante qui se nourrit de la faiblesse des institutions judiciaires dans le pays. Selon elle, le temps est venu de demander des comptes à ceux qui se livrent à des actes atroces contre les civils libyens, y compris Daech et les autres groupes terroristes sévissant dans le pays.
La représentante a appelé à renforcer les capacités des institutions étatiques libyennes, et notamment son système judiciaire. Elle s’est dite convaincue que les exactions commises en Libye seront amenées à perdurer à moins que tous les Libyens n’œuvrent « dans la cohésion et dans l’union » à une solution politique au conflit actuel. La représentante a enfin appelé les Nations Unies, l’Union africaine et les autres organisations régionales concernées à appuyer les Libyens pour y parvenir.
M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) s’est dit préoccupé par l’augmentation des activités de traite des êtres humains à destination de l’Europe en Libye et a appelé à tenir pour responsables les criminels bénéficiant d’un tel trafic.
Estimant que le soutien de la communauté internationale était primordial pour mettre fin au conflit libyen, le représentant a en outre appelé à appuyer la reconstruction des institutions étatiques du pays, en particulier les forces de défense et de sécurité. Il a enfin salué les efforts des organisations régionales pour parvenir à une paix durable dans le pays.
M. ZHANG DIANBIN (Chine) a soutenu les efforts de l’ONU en Libye et a plaidé pour une solution politique dans le pays, qui procéderait des Libyens eux-mêmes. Cela est la condition préalable pour une justice réelle en Libye, a-t-il dit. « La position de mon pays sur la CPI reste inchangée », a conclu le délégué de la Chine.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a souligné le peu de progrès s’agissant de l’action de la Cour en Libye. Notant la récente levée des scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Al-Tuhamy Mohamed Khaled, il a rappelé que ledit mandat d’arrêt avait été délivré en 2013. Il a dénoncé l’approche partiale de la Cour, qui semble concentrer son action sur les crimes commis par certaines parties, oubliant ceux commis par les rebelles.
La Procureure continue d’oublier les victimes découlant des frappes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a-t-il regretté. Il a également déploré que le dernier rapport du Bureau de la Procureure ne contienne aucune allusion aux crimes commis par Daech. « La Procureure pense-t-elle que les actes des terroristes ne doivent pas faire l’objet d’une enquête? » a-t-il demandé, en dénonçant le « tableau incomplet » dressé par Mme Bensouda, qui passe notamment sous silence l’appui aérien extérieur apporté aux terroristes.
Il a balayé toute interprétation qui imputerait le financement des enquêtes de la Cour en Libye à l’ONU, en rappelant la « distinction claire » faite, à ce titre, par les résolutions pertinentes du Conseil entre les pays membres du Statut et ceux qui n’en sont pas membres et contribuent sur une base volontaire. Il a dénoncé en outre l’interprétation défendue par la Procureure selon laquelle l’obligation de protéger le personnel de l’ONU en Libye s’étendrait au personnel de la CPI. La Cour n’a pas mandat pour interpréter les résolutions du Conseil, a-t-il conclu.
M. STEPHEN TOWNLEY (États-Unis) a demandé la poursuite des efforts afin de mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires commises en Libye et de remédier à l’exploitation des migrants. Une solution politique est cruciale en Libye, a-t-il dit, avant de se féliciter de l’appui international robuste apporté à la mise en œuvre de l’Accord politique libyen.
Le délégué a indiqué que l’extrémisme violent continuait de prospérer en Libye, malgré les revers essuyés récemment par les groupes terroristes. Il a souligné la nécessité de respecter le droit international dans la conduite des opérations antiterroristes, avant de demander une bonne reddition des comptes pour les crimes commis pendant la révolution libyenne.
Enfin, le délégué a exhorté les autorités libyennes à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI sans délai, avant de prendre note de la levée des scellés sur un mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Al-Tuhamy Mohamed Khaled.
Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a souligné l’urgence qu’il y avait en Libye à parvenir à une réconciliation nationale. « Il faut avant tout rétablir l’autorité de l’État », a-t-elle estimé, appelant les autorités du pays à « sortir de l’impasse » dans laquelle elles se trouvent.
Saluant les efforts de Mme Bensouda pour poursuivre les enquêtes de la CPI malgré les entraves subies par la Cour en Libye, la représentante s’est dite préoccupée par l’augmentation des attaques contre des innocents sur le territoire libyen, citant notamment les attaques contre des installations médicales à Benghazi. Elle s’est également insurgée contre les crimes dont sont victimes les migrants et a salué à cet égard la décision du Bureau de la Procureure d’enquêter sur ces exactions.
S’agissant des affaires en cours, la représentante a appelé les autorités libyennes à faire en sorte que Saif Al-Islam Qadhafi puisse être remis dans les meilleurs délais à la CPI. Dans l’affaire Al-Tuhamy Mohamed Khaled, la déléguée a salué la décision de la Procureure de rendre public le mandat d’arrêt de 2013 et a appelé la Libye à coopérer pour que l’intéressé soit arrêté et remis à la Cour.
Tout en se disant consciente des contraintes financières de la Cour, la déléguée s’est enfin dite prête à collaborer avec d’autres États Membres pour que la Cour dispose des ressources nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Soulignant l’importance de renforcer le rôle de la CPI dans les pays n’ayant pas la capacité à rendre la justice de manière satisfaisante, M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a encouragé les États Membres qui ne seraient toujours pas parties au Statut de Rome à y adhérer dans les plus brefs délais.
Le représentant a constaté avec pessimisme les errements dans la mise en œuvre de l’Accord politique libyen, ainsi que la persistance de la menace terroriste et de l’urgence humanitaire dans le pays. Afin de mettre fin à la crise institutionnelle actuelle, le représentant a appelé à progresser sur la voix d’une véritable transition démocratique.
« Il faut éviter que la situation d’impunité et de violence se prolonge », a-t-il ajouté, tout en engageant le Gouvernement d’entente nationale à remettre à la Cour Saif Al-Islam Qadhafi, Abdullah al-Senussi et tous ceux ayant commis des crimes contre l’humanité depuis 2011.
Exprimant sa préoccupation face aux entraves faites aux activités de la CPI en Libye, le délégué a enfin appelé à tout faire pour que la Cour puisse enquêter sur les crimes commis contre des migrants dans le pays, notamment en s’assurant qu’elle dispose des ressources nécessaires pour réaliser ces enquêtes.
Même si la Libye n’a pas adhéré au Statut de Rome, a rappelé M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye), elle continue de coopérer étroitement avec la CPI. Estimant que les retards dans l’exécution des mandats de la Cour étaient dus à la situation sécuritaire difficile sur le terrain, le représentant a estimé que l’amélioration de la sécurité passait avant tout par un renforcement de l’État libyen, y compris son armée et sa police.
Un tel renforcement permettrait d’instaurer un climat sécuritaire propice à une coopération accrue entre les institutions libyennes et la CPI, a-t-il affirmé.
Le représentant a par conséquent appelé la communauté internationale et l’ONU à soutenir le Gouvernement d’entente nationale, afin que ce dernier puisse étendre son autorité sur l’ensemble du territoire libyen. « Cela permettra aux institutions du pays de garantir l’exercice de la justice en toute transparence », a-t-il dit, tout en précisant que le renforcement des institutions judiciaires libyennes ne se traduirait pas par une diminution de la coopération du pays avec la CPI.
S’agissant de la traite des êtres humains, le représentant a rappelé que les responsables de ces crimes étaient les réseaux transnationaux et les milices sévissant sur le territoire libyen. Il a ainsi regretté que le rapport de la Procureure ne mentionne pas de mesures tangibles pour lutter contre ces réseaux dans les pays d’origine et de destination.
Selon lui, les pays de transit n’auraient pas ces réseaux sur leur territoire sans « la complaisance » actuelle envers les trafiquants « au nord comme au sud de la mer Méditerranée ».
Le représentant a enfin regretté l’absence d’informations dans le rapport de Mme Bensouda sur les personnes déplacées à l’intérieur de la Libye.