Mali: le renforcement de la MINUSMA et l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord de paix, deux priorités selon le nouveau Chef des Casques bleus
En dépit de progrès tangibles dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, que soutient la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation dans ce pays (MINUSMA), des défis considérables continuent de s’y poser, en particulier sur le plan sécuritaire, a déclaré, ce matin, le nouveau Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix.
Pour sa toute première intervention devant le Conseil de sécurité, auquel il présentait le dernier rapport* en date du Secrétaire général sur la question, M. Lacroix a fait état d’attaques terroristes « de plus en plus sophistiquées », avant de rendre hommage à la mémoire du soldat français de l’opération française Barkhane tué hier.
« Comme vous le savez, une nouvelle alliance regroupant les groupes terroristes les plus actifs au Mali s’est créée sous la bannière d’Al-Qaida et de la direction d’Iyad ag Ghali (chef d’Ansar Eddine), tandis que Daech fait lentement son apparition dans la bande sahélienne », a relaté le haut fonctionnaire, en exprimant sa préoccupation devant une telle convergence de menaces dans un contexte où, souvent, la présence de l’État est faible, voire « inexistante » dans le nord et le centre du pays.
C’est pourquoi la MINUSMA, a expliqué M. Lacroix, prend actuellement les mesures nécessaires afin d’ajuster ses « priorités et sa posture ». « Si nous ne sommes toujours pas arrivés à déployer les 2 049 personnels militaires et 480 personnels de police autorisés par le Conseil de sécurité, des perspectives très concrètes de progrès existent », a-t-il assuré, en faisant allusion au redéploiement, au Mali, de la « force de réaction rapide » de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, entre mai et octobre de cette année.
Le Ministre des affaires étrangères du Mali, M. Abdoulaye Diop, s’est rangé à l’analyse du patron des opérations de maintien de la paix, en rappelant que les chefs d’État du G5 Sahel avaient décidé de la création d’une force conjointe dont le « concept stratégique » sera examiné le 13 avril par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui le soumettra ensuite pour approbation au Conseil de sécurité.
Si elle a été favorablement accueillie par la plupart des membres du Conseil, certains ont recommandé d’examiner cette proposition avec attention, comme le Japon, pour qui il faudra réfléchir aux moyens d’interagir avec la MINUSMA. Abondant en ce sens, la Suède a estimé qu’« assurer une bonne coopération avec les autres acteurs sécuritaires et garantir une différenciation entre acteurs humanitaires et militaires, et entre militaires et éléments policiers, devront être des priorités ».
Le Secrétaire général adjoint a ensuite souligné que l’opérationnalisation des patrouilles mixtes dans cette ville était effective depuis le 20 février, une nouvelle accueillie avec satisfaction par les membres du Conseil, de même que l’installation des autorités intérimaires à Taoudénit et à Tombouctou, le 13 avril, « après celles de Kidal le 28 février puis celles de Gao et Ménaka le 2 mars », a précisé le Ministre malien.
Alors que la Conférence d’entente nationale s’est achevée dimanche à Bamako, M. Diop a expliqué qu’elle avait vu la participation de toutes les parties prenantes à l’Accord de paix, à savoir le Gouvernement, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme et les partis politiques de la majorité comme de l’opposition. Les recommandations qui en sont issues serviront de base à l’élaboration de la « charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationales », s’est-il encore félicité, de conserve avec M. Lacroix.
Cependant, avec les élections de 2018 « en ligne de mire », impossible d’ignorer les retards importants enregistrés et la « fragilité » des gains réalisés jusqu’à présent, a reconnu ce dernier. La mise en œuvre de l’Accord demeure, dans l’ensemble, « lente » et la stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité n’est toujours pas finalisée, a-t-il constaté.
La représentante des États-Unis a déploré ces retards, de même que le « déficit chronique » d’équipements de la MINUSMA, qui ne possède que 62% des véhicules blindés dont elle a besoin pour effectuer ses patrouilles et n’a toujours pas le nombre d’hélicoptères nécessaires. Elle a été rejointe par son homologue du Royaume-Uni, qui a lancé un appel en faveur de l’élargissement du nombre des pays contributeurs de troupes.
Dans son rapport, le Secrétaire général de l’ONU demande aux États Membres de « remédier » à ce manque de moyens, notamment en fournissant à la Mission les unités d’hélicoptères nécessaires, « mais aussi une compagnie de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, des groupes d’appui aéroportuaire, une compagnie de forces spéciales, une compagnie de neutralisation des explosifs et munitions, et un bataillon spécialisé en convois de combats ».
Le Secrétaire général adjoint a apporté son soutien au principe de l’établissement d’un régime de sanctions ciblées du Conseil de sécurité à l’encontre des groupes extrémistes violents opérant au Mali, le représentant de la France affirmant qu’un tel régime devait viser ceux, « signataires ou non » de l’Accord de paix, qui s’adonnent à des trafics illicites.
Son collègue de l’Uruguay a penché de son côté pour une analyse préalable de l’efficacité de telles sanctions.
LA SITUATION AU MALI
Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2017/271)
Lettre datée du 5 avril 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/285)
Déclarations
Pour sa toute première intervention devant le Conseil de sécurité en sa qualité de Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. JEAN-PIERRE LACROIX a déclaré qu’il avait eu l’occasion, la semaine dernière, de se rendre au Mali avec son prédécesseur, M. Hervé Ladsous. Au cours des derniers mois, a-t-il dit, des progrès ont été enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. « Malgré l’attaque ignoble perpétrée contre le camp du Mécanisme opérationnel de coordination à Gao le 18 janvier, l’opérationnalisation des patrouilles mixtes dans cette ville est effective depuis le 20 février », a ainsi noté le haut fonctionnaire.
De plus, après Gao, Kidal et Ménaka, le Comité de suivi de l’Accord a annoncé hier l’installation des autorités intérimaires à Taoudénit et à Tombouctou avant le 13 avril. Ces avancées illustrent le retour graduel de l’autorité de l’État dans le nord du Mali dans le cadre des arrangements intérimaires, avec l’appui de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a assuré M. Lacroix.
« Nous devons, cependant, nous assurer que ces nouvelles autorités et unités mixtes disposent des moyens adéquats pour remplir leurs responsabilités et que les services de base soient mis rapidement à la disposition des populations », a-t-il prévenu. Il est en outre, selon lui, primordial de clarifier la durée de ces arrangements intérimaires compte tenu du retard pris, ainsi que le statut des groupes dissidents vis-à-vis de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme dans le cadre des mécanismes de suivi.
Le Secrétaire général adjoint a estimé que la Conférence d’entente nationale, qui s’est conclue le 2 avril, fut une occasion unique de rassembler les différents segments de la population malienne ainsi que les parties signataires.
« Malgré une participation tardive de certains acteurs clefs, tels que la CMA et de l’opposition politique, Maliens et Maliennes ont pu se parler pour la première fois depuis la crise de 2012. Nous espérons que les avancées réalisées serviront de socle à l’élaboration d’une charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale et enrichiront le processus de révision constitutionnelle, conformément aux dispositions fixés dans l’Accord de paix. »
Cependant, avec les élections de 2018 en ligne de mire et en dépit des avancées des derniers mois, impossible d’ignorer les retards importants enregistrés et de la fragilité des gains réalisés, a reconnu M. Lacroix. Dans l’ensemble, la mise en œuvre de l’Accord demeure « lente » et la stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité n’est pas finalisée, a-t-il constaté.
En outre, les critères d’intégration des combattants issus des groupes signataires n’ont pas été encore déterminés et les huit sites de cantonnement construits par la MINUSMA demeurent vides. Pour le Secrétaire général adjoint, des réformes institutionnelles et sécuritaires durables sont nécessaires, notamment concernant l’avenir de l’armée nationale reconstituée.
Sur le front sécuritaire, la situation demeure préoccupante, les attaques des groupes terroristes « de plus en plus sophistiquées » se poursuivant, a-t-il souligné, avant de rendre hommage à la mémoire du soldat français de l’Opération Barkhane tué hier.
« Comme vous le savez, une nouvelle alliance regroupant les groupes terroristes les plus actifs au Mali s’est créée sous la bannière d’Al-Qaida et de la direction d’Iyad ag Ghali (chef d’Ansar Eddine), tandis que le groupe Daech fait lentement son apparition dans la bande sahélienne. Une telle convergence de menaces est « particulièrement préoccupante » dans un contexte où souvent la présence de l’État est faible, voire « inexistante », et où la mise en œuvre de l’Accord de paix doit encore se traduire en des résultats tangibles sur le terrain.
De plus, le centre du pays demeure le théâtre de vives tensions intercommunautaires, elles-mêmes attisées par des groupes extrémistes. En réponse à cette situation, les autorités maliennes ont élaboré un plan de sécurisation intégrée des régions du centre, avec le soutien de la MINUSMA.
Mais, en toile de fond, les réseaux transfrontaliers criminels demeurent très actifs. Les revenus générés de ces trafics illicites sont une aubaine financière pour les groupes terroristes sévissant dans le nord du Mali, a prévenu le Secrétaire général adjoint. « Cette situation est intenable et doit cesser. » Compte tenu de la nature transfrontalière de ces réseaux, une approche régionale est nécessaire, a-t-il préconisé.
La MINUSMA prend actuellement les mesures nécessaires afin d’ajuster ses priorités et sa posture selon les enjeux et les progrès réalisés sur le terrain. « Si nous ne sommes toujours pas arrivés à déployer les 2 049 personnels militaires et 480 personnels de police autorisés par le Conseil de sécurité, des perspectives très concrètes de progrès existent et nous sommes déterminés à tout faire pour qu’elles se matérialisent au plus vite: « le déploiement de la force de réaction rapide de la Mission en Côte d’Ivoire au Mali, initialement prévu pour février, devrait intervenir entre mai et octobre cette année ».
Quant au bataillon de combat logistique, Sri Lanka déploiera une compagnie en juillet et l’Égypte déploiera trois compagnies entre les mois de juillet et décembre. De plus, le Secrétaire général adjoint a apporté son soutien au principe de l’établissement d’un régime de sanctions ciblées, actuellement envisagé par le Conseil de sécurité.
Enfin, la MINUSMA continuera d’ajuster ses priorités et positions afin de fournir le meilleur soutien, avant que soit envisagé, en temps voulu, le réajustement de son mandat.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a convenu que le Mali était dans une situation difficile, près de deux ans après la signature de l’Accord de paix. Il a jugé urgent que les parties maliennes mettent pleinement en œuvre l’Accord de paix. Des avancées réelles ont été récemment enregistrées après de longs mois de stagnation, a-t-il dit, citant notamment le lancement de patrouilles mixtes à Gao et l’installation de certaines autorités intérimaires dans le nord du pays.
Soulignant la fragilité de ces réalisations, il a demandé aux parties signataires de démontrer leur sincérité à mettre en œuvre l’Accord de paix. Il est indispensable d’adopter des sanctions contre ceux qui entravent la mise en œuvre de l’Accord de paix, a poursuivi M. Delattre. Il a ajouté que la création d’un régime de sanctions du Conseil devrait viser ceux, signataires ou non, qui s’adonnent au trafic.
Le délégué de la France a estimé que le temps perdu par les parties maliennes signataires de l’Accord était du temps gagné par les terroristes. La MINUSMA, qui est, avec l’Opération Barkhane, en première ligne face aux groupes terroristes, doit impérativement être renforcée, a-t-il dit. Il a souhaité que de nouveaux pays contributeurs s’engagent au Mali à l’occasion de la conférence extraordinaire de génération de force de la MINUSMA qui se tiendra le 8 mai à New York.
Sans la présence de la Mission et de l’opération Barkhane pour appuyer l’État malien, les groupes terroristes seraient en mesure de reconstituer un sanctuaire capable d’accueillir des terroristes du monde entier, a-t-il insisté.
M. Delattre a salué l’initiative des États du G5 Sahel de constituer une force conjointe pour lutter contre l’expansion de la menace terroriste au niveau régional avec, dans un premier temps, un accent sur la sécurisation des zones frontalières. Cette force antiterroriste a vocation à s’inscrire dans le cadre du processus de paix malien, a-t-il dit, ajoutant qu’elle compléterait l’action de la Mission.
Le délégué a rappelé que le soldat français décédé hier était le dix-neuvième soldat français mort au Sahel depuis janvier 2013. « Nous souhaitons que le Conseil de sécurité apporte son soutien au projet du G5. »
M. FODÉ SECK (Sénégal) a estimé que les informations fournies par le Secrétaire général adjoint aujourd’hui témoignent du chemin qui reste à parcourir pour rétablir paix et stabilité au Mali. L’engagement pris par le Gouvernement malien à ne ménager aucun effort dans la mise en œuvre de l’Accord de paix donne des raisons de croire que seule la confiance mutuelle entre les signataires constituera un gage de réussite à cet égard.
Le représentant s’est félicité de la mise en place des arrangements intérimaires, qu’il a dit considérer comme une nécessité dans l’ensemble des régions concernées, de même que le déploiement des patrouilles mixtes. M. Seck a cependant plaidé en faveur d’une accélération des réformes institutionnelles, soulignant qu’il est temps de restructurer les forces armées maliennes pour répondre aux défis sécuritaires qui se posent avec acuité dans le nord du Mali.
Voilà pourquoi le Sénégal insiste sur la formation et l’équipement des personnels militaires sur place, a-t-il dit. Le délégué a donc annoncé que le déploiement de la force d’intervention rapide se ferait « dans les meilleurs délais », le Sénégal prenant des mesures en ce sens. Ainsi, dans une dizaine de jours, une mission de reconnaissance se rendra dans le nord du pays pour déterminer les moyens d’abriter les hélicoptères de combat.
Dakar, qui continue de plaider en faveur d’équipements conséquents pour les personnels de la MINUSMA, fournit des contingents à cette opération de maintien de la paix, notamment un bataillon de réserve de 425 soldats, a précisé M. Seck.
M. OLOF SKOOG (Suède) a exhorté le Gouvernement malien à redoubler d’efforts en vue de la mise en œuvre de l’Accord de paix, afin que les Maliens puissent toucher les dividendes de la stabilité. Il a appelé les acteurs à reconnaître que le pays aura encore besoin de temps, après l’expiration de la période intérimaire, pour consolider les gains enregistrés. L’engagement continu de l’Algérie sera un élément crucial de ce processus, a-t-il dit.
M. Skoog a estimé que le mandat révisé de la Mission devait renforcer ses capacités, ainsi que l’emploi de bons offices en vue de promouvoir la sécurité. L’ambition du Gouvernement de rétablir son autorité dans tout le pays, en particulier à Mopti et Ségou, doit aller au-delà d’une simple présence physique et s’articuler autour d’une approche de gouvernance centrée sur les habitants, a-t-il avancé.
Au Mali comme ailleurs, la primauté du politique doit être le principe directeur de l’engagement de l’ONU, a-t-il poursuivi. M. Skoog a encouragé le Secrétariat à mener une analyse politique fine, en lien avec tout le système onusien, avant tout renouvellement de mandat, en vue notamment d’assurer une plus grande cohérence entre les composantes civile et militaire de la MINUSMA.
S’agissant de l’initiative du G5, le délégué a indiqué qu’un certain nombre de difficultés devaient être réglées avant que la force prévue ne devienne opérationnelle, notamment son lien avec la MINUSMA ou bien encore les règles d’engagement. Assurer une bonne coopération avec les autres acteurs sécuritaires et garantir une différenciation entre acteurs humanitaires et militaires, et entre militaires et éléments policiers, devront être des priorités, a conclu le délégué de la Suède.
M. KORO BESSHO (Japon) a indiqué que la situation n’était pas « bonne » au Mali, en raison d’une lente mise en œuvre de l’Accord, d’un manque d’inclusion des femmes et des jeunes et de retards dans l’établissement de l’autorité de l’État dans le pays. Le délégué a demandé une application des 20 chapitres de l’Accord, lesquels, a-t-il fait remarquer, se renforcent mutuellement.
Il a en outre jugé crucial le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes pour restaurer la confiance dans les régions du nord et du centre du pays. Il a dit apprécier l’établissement par le G5 Sahel d’une force régionale pour lutter contre le terrorisme au Mali et dans la région. Ce conseil doit examiner attentivement cette proposition afin de voir comment elle peut interagir avec la Mission, a-t-il dit.
Enfin, M. Bessho a affirmé que le moment était venu pour ce conseil de discuter de la meilleure manière avec laquelle la Mission pourrait appuyer le processus politique et le renforcement des institutions au Mali.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) est parti du principe que la stabilité au Mali ne pourra être réalisée que par la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix par l’ensemble des parties signataires. Comme d’autres membres du Conseil avant lui, il s’est félicité de la mise en place des arrangements intérimaires et du déploiement de patrouilles mixtes dans les cinq régions du nord du pays, se disant toutefois préoccupé par les activités des groupes terroristes, de plus en plus sophistiquées, et qui se propagent vers le centre du pays.
L’adoption de mesures sécuritaires, a-t-il estimé, doit donc être secondée par l’opérationnalisation de la stratégie de développement du nord, sur laquelle planche actuellement Bamako. Pour la délégation russe, le terrorisme demeure la principale menace à la paix et à la stabilité dans la bande sahélienne, en raison des alliances conclues par plusieurs organisations et leur volonté manifeste d’étendre leur théâtre d’opérations.
Aussi le représentant s’est-il dit convaincu de l’importance de mobiliser les États de la région et la communauté internationale dans son ensemble à l’appui du Gouvernement malien. Il a notamment fait référence à la force régionale du G5 Sahel, même si la solution militaire doit, selon lui, aller de pair avec une lutte contre l’idéologie radicale et le développement économique des régions concernées.
Dans ce contexte, la délégation s’est dite préoccupée par le fait que les effectifs militaires et policiers de la MINUSMA ne soient pas complètement équipés.
M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a déploré la détérioration de la situation au Mali, avant de rappeler que le maintien de l’ordre incombe, au premier chef, au Gouvernement malien. Il a plaidé pour un engagement ferme de l’État malien, selon un ordre de priorités clair, la première priorité étant la mise en œuvre de l’Accord. Tout le peuple malien doit sentir qu’il fait partie d’un seul État, a-t-il indiqué, ajoutant que tout territoire abandonné au Mali devenait un terreau fertile pour les groupes terroristes.
Le délégué s’est dit préoccupé par les violations des droits de l’homme commises par les Forces de sécurité maliennes. Il a souligné le rôle essentiel du Gouvernement malien dans les efforts en vue du renforcement de l’efficacité de la Mission.
S’agissant de l’adoption d’un régime de sanctions, il a demandé une analyse de l’efficacité de ces sanctions. Enfin, il a souligné le caractère unique du mandat de la MINUSMA, lequel ne saurait servir de modèle pour d’autres missions.
M. YURIY VITRENKO (Ukraine) s’est dit extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire au Mali. L’ampleur des attaques terroristes dans le centre et le nord du Mali est sans précédent, a-t-il dit, ajoutant que la MINUSMA était désormais l’une des missions les plus dangereuses. Il a encouragé le Gouvernement malien et les groupes armés signataires à accélérer le lancement de patrouilles mixtes à Kidal et à Tombouctou et appuyé l’établissement, par le G5 Sahel, d’une force régionale pour lutter contre le terrorisme au Mali et dans la région.
Le délégué a regretté la lenteur des progrès sur le plan politique, soulignant la nécessité d’achever l’installation des administrations intérimaires dans le nord et de tenir des consultations nationales inclusives pour surmonter les divergences. Le but ultime est une réforme profonde des institutions nationales afin de répondre aux causes profondes du conflit et d’instaurer la paix, a-t-il dit.
Enfin, il a souligné le rôle crucial de la Mission pour instaurer la paix et demandé qu’il soit remédié aux lacunes capacitaires de la MINUSMA.
S’il a salué les progrès accomplis au Mali au cours de la période à l’examen, M. WU HAITAO (Chine) n’en a pas moins noté les difficultés posées par la multiplication des actes terroristes à travers le pays. Il a vivement encouragé les parties à accélérer la mise en œuvre de l’Accord, en demandant à la communauté internationale de leur fournir un appui constructif, mais aussi d’aider les Forces de sécurité maliennes dans les régions du nord et du centre, où les activités terroristes sont monnaie courante.
La Chine s’est en conclusion félicitée de la décision des chefs d’État du G5 Sahel de créer une « force de lutte antiterroriste » dans cette partie du Mali, tout en regrettant les « lacunes » importantes de la MINUSMA en termes d’équipements.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a déploré la détérioration du cadre sécuritaire au Mali et demandé la pleine mise en œuvre de l’Accord d’Alger. Il a estimé que les efforts devront se poursuivre après la fin de la période intérimaire pour consolider les gains enregistrés. La stabilité au Mali est cruciale pour la stabilité du Sahel, a-t-il dit, ajoutant que les activités des groupes criminels étaient des obstacles aux efforts de stabilisation.
Il a rappelé que la protection du patrimoine culturel faisait partie du mandat de la MINUSMA et insisté sur l’importance de la résolution 2347 (2017) et de la récente décision de la Cour pénale internationale (CPI) s’agissant de la destruction des mausolées de Tombouctou.
Enfin, le délégué italien a appuyé la création d’une force antiterroriste par les pays du G5 et demandé une bonne coopération entre tous les acteurs concourant au retour de la sécurité au Mali.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) s’est dit encouragé par les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de 2015, se félicitant des efforts déployés en ce sens par le Comité de suivi de l’Accord, du déploiement de patrouilles mixtes dans le nord du pays et de l’adoption récente de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation.
Il ne reste plus que trois mois avant l’expiration de la période de transition prévue pour la mise en œuvre de l’Accord, s’est toutefois inquiété le représentant, en notant la gravité des défis posés par des groupes terroristes regroupés en alliance et l’expansion des réseaux criminels dans la région.
C’est la raison pour laquelle il a salué la décision du G5 Sahel de déployer une force d’intervention rapide, avant de dire que la prochaine prorogation du mandat de la MINUSMA serait l’occasion de se pencher sur la nécessité de la doter d’effectifs et d’équipements suffisants.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a déclaré que la situation au Mali avait des répercussions en Afrique du Nord et en Europe. Il a demandé la pleine mise en œuvre de l’Accord, avant de rappeler que l’armée malienne avait la responsabilité première du maintien de la sécurité dans le pays. Il a souligné la nécessité d’une restructuration des forces maliennes à cette fin. Le Conseil a la responsabilité de traiter la situation au Mali de manière réaliste, a-t-il affirmé, en appelant à pleinement utiliser les outils à disposition.
S’il a salué le rôle indispensable joué par la MINUSMA, il a mis en garde contre toute tentative d’aller au-delà de ce mandat. L’initiative des pays du G5 de créer une force antiterroriste doit être avalisée par ce Conseil, a déclaré M. Aboulatta, ajoutant que ces pays étaient les mieux placés pour restaurer la stabilité dans la région.
Après avoir pris acte des progrès déjà identifiés par les membres du Conseil ayant pris la parole avant lui, M. PETER WILSON (Royaume-Uni) s’est dit gravement préoccupé par les réticences des signataires à pleinement mettre en œuvre l’Accord d’Alger.
Considérant qu’il est de son devoir de se montrer aussi « franc » en séance plénière que lors des consultations à huis clos, le représentant a attiré l’attention sur les informations dont le dernier rapport en date du Secrétaire général fait état concernant des violations des droits de l’homme, notamment par des membres des forces maliennes et de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
En outre, en dépit d’améliorations, les défis sécuritaires restent considérables au Mali, en raison de la « porosité » des frontières, notamment avec le Niger. Les composantes militaires de la MINUSMA opèrent donc dans des conditions très difficiles, sous la menace d’actions de ceux qui veulent remettre en cause l’Accord de paix.
C’est pourquoi le représentant britannique a lancé un appel aux pays contributeurs de troupes potentiels pour qu’ils fournissent à la Mission les effectifs dont elle a besoin pour s’acquitter de son mandat.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a condamné les agissements d’Al-Qaida et de Daech dans le nord du pays et les attaques conduites par les groupes terroristes contre la MINUSMA. Il a rejeté le recours aux mines antipersonnel au Mali et déploré les violences exercées contre les civils par les groupes armés. Ces derniers devraient déposer leurs armes afin que le dialogue prévale au Mali, en vue de la résolution du conflit, a poursuivi le représentant bolivien.
Enfin, il a exhorté les pays donateurs et la communauté internationale dans son ensemble à mobiliser les moyens adéquats en vue d’appuyer le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration au Mali, ainsi que les diverses initiatives de stabilisation du pays.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a abondé en faveur d’une stratégie régionale intégrée, selon lui le moyen le plus efficace de faire progresser la paix au Mali. Il s’est donc félicité de l’intention déclarée du G5 Sahel d’aller de l’avant avec la création d’une force régionale de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. L’émergence du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » a en effet considérablement renforcé la menace terroriste dans le pays et la région, a noté le représentant. ´
En tant que Président du Comité du Conseil de sécurité créé par les résolutions 1267 (1999) sur Daech et Al-Qaida, le Kazakhstan a vivement encouragé les forces internationales déployées au Mali, ainsi que les forces armées de ce pays, à perfectionner leurs capacités de lutte antiterroristes.
Il a souhaité en conclusion savoir quelles mesures sont prises par le Gouvernement malien pour atténuer les conflits interethniques entre les « nationalités » fulani et bambara.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a souligné la nécessité que les missions de l’ONU disposent de mandats réalistes et rendent des comptes s’agissant de leur action. Exprimant l’intention de son pays d’examiner attentivement le mandat de la MINUSMA, elle a indiqué que celle-ci faisait face à un défi de taille: « Il n’y a pas de paix au Mali que les Casques bleus puissent préserver. »
Elle a déploré l’accumulation des retards dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. Le deuxième défi auquel la Mission est confronté est le déficit chronique dans son équipement, a-t-elle dit. Mme Haley a précisé que la Mission ne possédait que 62% des transports blindés dont elle a besoin pour conduire ses patrouilles. LA MINUSMA n’a pas non plus le nombre d’hélicoptères nécessaires, a-t-elle dit.
La déléguée a exhorté le Gouvernement malien à en faire davantage dans la mise en œuvre de l’Accord, avant de souligner la nécessité de combler les lacunes capacitaires de la Mission. La MINUSMA est moins bien dotée que la force onusienne déployée dans le sud du Liban par rapport à leurs tâches respectives, a remarqué la déléguée.
Enfin, Mme Haley a souhaité que les missions de maintien de la paix disposent de mandats visant à les rendre le plus efficaces possible.
M. ABDOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères, de la coopération internationale et de l’intégration africaine du Mali, a été heureux de confirmer, qu’outre les nombreuses réformes institutionnelles en cours dans son pays, la Conférence d’entente nationale venait de se tenir, avec succès, du 27 mars au 2 avril derniers, à Bamako.
Elle a été inclusive de toutes les parties prenantes à l’Accord de paix, à savoir le Gouvernement, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme, les partis politiques de la majorité comme de l’opposition, et « l’ensemble des forces vives de la nation ». Les recommandations qui en sont issues serviront de base à l’élaboration de la charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationales, a précisé le chef de la diplomatie malienne.
Autre action majeure dans la mise en œuvre de l’Accord selon lui, le compromis trouvé par les parties autour de la désignation des présidents des autorités intérimaires pour l’ensemble des régions du nord du Mali, lors de la réunion de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord tenue à Bamako, le 10 février 2017.
Tandis que celles de Kidal ont été installées le 28 février, et celles de Gao et Ménaka le 2 mars, il sera procédé, le 13 avril, à la mise en place des autorités de Tombouctou et de Taoudénit. Dans le domaine de la défense et de la sécurité, les patrouilles mixtes ont été opérationnalisées, tandis que le processus de révision constitutionnelle suit son cours, l’objectif principal à ce stade étant de mettre en place une deuxième chambre du Parlement, a relevé le Ministre.
Au-delà de ces mesures, le Gouvernement poursuit ses actions de développement sur le terrain, là où les conditions le permettent, grâce notamment au « Programme d’urgence pour la relance du développement des régions du nord » et de la « Programme de reconstruction et de relance économique ».
Pour faire face à la situation sécuritaire dans les régions, le Gouvernement malien a pris trois mesures importantes, a dit le Ministre, en faisant tout d’abord valoir un plan de sécurisation intégré de ces régions qui vise entre autres à assurer la présence et l’opérationnalité de l’administration publique à tous les niveaux, lutter contre la prolifération des armes légères et coordonner la stratégie de lutte contre l’insécurité et le terrorisme.
M. Diop a en outre indiqué que des mécanismes traditionnels de prévention et de gestion des conflits étaient mis en œuvre, tandis qu’un pôle de magistrats travaille avec les leaders traditionnels dans le cadre de la justice transitionnelle.
Le chef de la diplomatie malienne a toutefois regretté que, 10 mois après son adoption, les dispositions de la résolution 2295 (2016) peinaient à se matérialiser, en raison des « lacunes » dans les capacités opérationnelles de la Mission, demandant au Conseil de sécurité de se saisir de cette question.
Reconnaissant que l’un des défis majeurs à la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali reste la recrudescence des attaques des groupes terroristes, le Ministre a rappelé que les chefs d’État du G5 Sahel avaient décidé de la création d’une force conjointe dont le concept stratégique sera examiné le 13 avril par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui le soumettra ensuite pour approbation au Conseil de sécurité.
Revenant sur la situation des droits de l’homme dans le pays, évoquée par le Secrétaire général dans son rapport, M. Diop a assuré que les cas d’allégations de violations qui y figurent et sont « imputés au Gouvernement » sont commis dans des zones où les services judiciaires et d’enquêtes sont absents pour cause d’insécurité. Il a toutefois réitéré la détermination des autorités maliennes à prendre les mesures appropriées pour prévenir, et au besoin, punir les auteurs de tels actes.