Le Conseil de sécurité affiche ses divisions au lendemain d’une attaque chimique présumée en Syrie
Au lendemain d’informations faisant état de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, à Khan Shaykhun, près d’Edleb, le Conseil de sécurité s’est, ce matin, réuni en urgence à la demande de la France et du Royaume-Uni, affichant, une fois encore, ses divisions sur le dossier syrien.
C’est la première fois que le Conseil de sécurité, présidé par les États-Unis, se voyait présenter, au cours d’une séance publique, un exposé sur la question de l’utilisation des armes chimiques en Syrie.
« Si elle venait à être confirmée, il s’agirait de la pire attaque à l’arme chimique commise en Syrie depuis celle de la Ghouta en août 2013 », a déclaré le Haut-Représentant pour les affaires de désarmement, M. Kim Won-Soo, en expliquant que la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) était prête à déployer une équipe sur place pour rassembler des informations sur ce bombardement aérien qui aurait fait des dizaines de morts, dont de nombreux enfants.
Alors qu’un projet de résolution présenté par les délégations des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France a été porté hier à la connaissance des autres membres du Conseil, la représentante américaine, Mme Nikki Haley, s’est, lors de son intervention, levée de son siège pour montrer à ses homologues deux photographies de victimes de cette attaque, qu’elle a attribuée au régime syrien.
« Nous ne méritons pas le titre de Conseil de sécurité si nous n’agissons pas maintenant », a-t-elle estimé. « Hier matin, nous nous sommes réveillés devant des images d’enfants morts ou dans le coma et présentant des symptômes spumeux », s’est-elle indignée, en ajoutant que des personnels de santé s’étant précipités pour aider les victimes avaient eux aussi perdu la vie « dans d’atroces souffrances ».
La déléguée des États-Unis a accusé la Fédération de Russie de ne pas assumer ses responsabilités, en affirmant qu’il n’y aurait plus d’armes chimiques à la disposition de Damas si Moscou l’avait voulu. « Lorsque l’ONU échoue de façon répétée dans son devoir d’agir collectivement, il y a des moments […] où nous sommes contraints de prendre nos propres mesures », a prévenu Mme Haley, ajoutant que si l’ONU n’agissait pas, « nous pourrions le faire ».
Le délégué britannique a pour sa part estimé que « les visages convulsés des enfants d’Edleb » étaient consécutifs au rejet par la Chine et la Fédération de Russie, le 28 février dernier, d’un précédent texte de résolution. M. Matthew Rycroft a mis en garde son homologue russe contre les conséquences d’une « utilisation abusive du veto ».
« Ne nous y trompons pas: l’absence de consensus au sein de ce conseil le 28 février pour sanctionner l’usage avéré d’armes chimiques par 1е régime syrien a déjà constitué un signal d’impunité », a souligné le représentant de la France, M. François Delattre. La Fédération de Russie, a-t-il observé, « en tant que garante de la trêve établie lе 29 décembre 2016, et en tant que membre permanent du Conseil, porte une responsabilité particulière qu’elle doit aujourd’hui assumer, aux côtés de tous les membres de ce Conseil ».
La Chine et la Fédération de Russie ont catégoriquement rejeté les accusations portées par le Royaume-Uni. Le délégué russe, M. Vladimir K. Safronkov, a indiqué que la mise aux voix du texte britannique en février dernier –« une provocation inutile et incompréhensible »– n’avait fait que perturber les pourparlers d’Astana et de Genève, un argument repris à son compte par la République arabe syrienne. « Il ne faut pas salir le Gouvernement syrien et notre gouvernement », a-t-il lancé, en accusant certains États de manipuler les résultats du Mécanisme d’enquête conjoint qui a déjà imputé à l’armée syrienne trois précédentes attaques chimiques.
Assurant que son pays n’avait « jamais » possédé ni utilisé d’armes chimiques, le délégué de la République arabe syrienne, M. Mounzer Mounzer, a dénoncé les « mensonges » ayant cours au sein du Conseil. Selon lui, l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, aurait exprimé sa préoccupation quant aux informations selon lesquelles des groupes armés illégaux seraient en possession d’armes chimiques toxiques, « obtenus à partir de la Turquie ».
« L’ensemble des capacités chimiques syriennes doivent être démantelées pour protéger les populations syriennes et, au-delà, notre sécurité collective », a jugé M. Delattre, alors que le Haut-Représentant a rappelé qu’« un hangar et des locaux demeurent encore sujets à vérification » dans le pays et qu’un certain nombre de questions demeurent en suspens.
« Le moment est venu de sortir de l’impasse et d’agir, collectivement, en conscience, avec toute la fermeté requise face â l’utilisation d’armes de destruction massive », a conclu le représentant de la France. « Le monde nous regarde, et il regarde en particulier ceux qui, en protégeant un régime indéfendable, se rendraient complices de ses crimes les plus odieux. »
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Lettre datée du 27 mars 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/260)
Déclarations
M. KIM WON-SOO, Haut-Représentant pour les affaires de désarmement, a déclaré que les informations continuaient d’affluer concernant les allégations d’utilisation d’armes chimiques à Khan Shaykhun, en Syrie, et qui auraient causé la mort d’au moins 70 civils et fait plus de 200 blessés.
La Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui est activement engagée dans la collecte et l’analyse d’informations à partir de toutes les sources disponibles, est prête à déployer une équipe sur place dès que possible. Si confirmée, il s’agirait de la pire attaque à l’arme chimique commise en Syrie depuis celle de la Ghouta en août 2013, a dit M. Kim.
Des informations font état d’une attaque perpétrée par voie aérienne sur une zone résidentielle, même s’il reste à déterminer quels ont été les vecteurs utilisés, a reconnu le Haut-Représentant. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, qui auraient été prises sur le site même de l’attaque, font également état de l’apparition de symptômes après l’attaque, tels que des problèmes respiratoires, des vomissements, des évanouissements, de l’écume à la bouche et du rétrécissement des pupilles.
Le Haut-Représentant a ensuite fait son exposé mensuel relatif à l’utilisation d’armes chimiques en général en Syrie, en commençant par la question de leur destruction. Au cours des trois dernières années, l’ensemble des matériaux et équipements chimiques déclarés ont été retirés ou détruits et quatre hangars et sept tunnels mis hors d’état de service.
Toutefois, a noté le haut fonctionnaire, un hangar et des locaux demeurent encore sujets à vérification. Par ailleurs, l’OIAC, a poursuivi M. Kim, a coopéré avec le Gouvernement de la Syrie pour vérifier et évaluer « l’évaluation de la déclaration », à propos de laquelle un certain nombre de questions restent en suspens. Les consultations de haut niveau entre l’OIAC et Damas à ce sujet se tiendront début mai, à La Haye.
Enfin, en ce qui concerne les allégations d’attaque à l’arme chimique, la Mission d’établissements des faits examine actuellement un certain nombre d’incidents qui se sont produits au cours des derniers mois en Syrie et devrait avoir achevé son rapport final dans les mois à venir. « Si le rapport concluait à l’utilisation avérée d’armes chimiques toxiques, il offrirait une base pour permettre au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU de débuter son travail et de déterminer les responsabilités », a expliqué le Haut-Représentant.
Il a, en conclusion, relayé la préoccupation profonde du Secrétaire général de l’ONU au sujet des allégations dont le Conseil est saisi aujourd’hui, M. António Guterres espérant que cet organe apportera tout le soutien nécessaire à la fois à la Mission d’établissement des faits et au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a affirmé qu’« après six années de conflit en Syrie marquées par la violence la plus effroyable contre la population civile et notamment par l’emploi avéré et répété d’armes chimiques par le régime syrien contre son propre peuple, en particulier au gaz de chlore, nous nous sommes une nouvelle fois réveillés hier en apprenant qu’une attaque ignoble venait d’être commise à Khan Shaykhun, au sud d’Edleb ».
« Les faits sont extrêmement choquants et graves », a-t-il dit, précisant qu’il s’agissait de l’exaction la plus meurtrière depuis les attaques à grande échelle commises par le régime syrien en août 2013 dans la Ghouta, où plus de 1 000 personnes avaient perdu la vie. « La France, par la voix de nos plus hautes autorités, a partagé son effroi et fermement condamné ce carnage, nouvelle preuve de la barbarie qui frappe la population syrienne depuis plusieurs années. »
Le représentant français a déclaré que « les atrocités d’hier s’ajoutent aux nouveaux soupçons d’usage de chlore à la fin du mois dernier et aux multiples cas rapportés depuis plusieurs mois, en particulier à Alep au mois de décembre 2016 ».
« Elles illustrent tragiquement la logique autodestructrice du régime de Bashar Al-Assad, que même ses soutiens -nous le voyons aujourd’hui- ne sont pas en mesure d’empêcher, et dont le silence équivaut à cautionner ces actes barbares. »
Pour la France, « ce nouveau déchaînement de violence confirme que tant qu’il n’y aura pas eu de transition politique crédible, nul ne pourra garantir la paix et la sécurité du peuple syrien, ni le retour à la stabilité du Moyen-Orient ». « II faut sauver la Syrie de la folie destructrice d’un régime jusqu’au-boutiste, en mettant en œuvre sans délai la transition politique que ce Conseil a souhaitée et approuvée en adoptant à l’unanimité la résolution 2254 (2015) et le Communiqué de Genève. C’est depuis le début la position de la France. »
M. Delattre a estimé que « toute la lumière devait être faite au plus vite sur les détails de ce massacre ignoble », précisant que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’était immédiatement saisie de ces allégations. « L’ensemble des allégations d’utilisation d’armes chimiques doit faire l’objet d’une enquête et d’un suivi appropriés », a-t-il ajouté.
Pour la France, « face à de telles atrocités, le silence de la communauté internationale porterait la menace de l’effondrement des valeurs qui fondent les Nations Unies et de notre système de sécurité collective ». « II est enfin temps que la communauté internationale marque un coup d’arrêt aux crimes du régime syrien. II est impératif que les responsables de ces attaques répondent de leurs actes et soient traduits en justice. »
La Fédération de Russie, a observé le délégué français, « en tant que garante de la trêve établie lе 29 décembre 2016, et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, porte à cet égard une responsabilité particulière qu’elle doit aujourd’hui assumer, aux côtés de tous les membres de ce conseil ».
« C’est pourquoi la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont pris l’initiative de porter un projet de résolution pour permettre à ce conseil de réagir, de s’exprimer au nom de tous, de se faire le porte-parole de l’humanité. »
Selon lui, « la réapparition de ces armes en Syrie, y compris aux mains de Daech, sans que le système international ne soit en mesure de réagir envoie un signal d’impunité qui n’est pas acceptable ». « L’ensemble des capacités chimiques syriennes doivent être démantelées pour protéger les populations syriennes et au-delà, notre sécurité collective. »
« Ne nous y trompons pas: l’absence de consensus au sein de ce conseil le 28 février pour sanctionner l’usage avéré d’armes chimiques par 1е régime syrien a déjà constitué un signal d’impunité », a souligné M. Delattre, ajoutant: « Le massacre abject de Khan Shaykhun est un terrible rappel à la réalité et à notre responsabilité. »
« Le moment est venu de sortir de l’impasse et d’agir, collectivement, en conscience, avec toute la fermeté requise face â l’utilisation d’armes de destruction massive », a conclu le représentant de la France. « Le monde nous regarde, et il regarde en particulier ceux qui, en protégeant un régime indéfendable, se rendraient complices de ses crimes les plus odieux. »
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a indiqué que le Conseil de sécurité, le 23 février dernier, aurait pu envoyer un signal clair de son unité en sanctionnant Damas pour l’emploi d’armes chimiques. Mais la Chine et la Fédération de Russie ont opposé leur veto et envoyé un signal d’encouragement à Damas, a-t-il déploré. « Nous en avons vu, hier, les conséquences sur les visages convulsés des enfants d’Edleb », a-t-il déploré, ajoutant que le veto n’était pas sans conséquences.
Il a dénoncé l’explication avancée par la Russie, selon laquelle un entrepôt d’armes chimiques appartenant aux rebelles aurait été bombardé. Il n’y a qu’une seule force aérienne utilisant les armes chimiques et une seule partie qui refuse l’accès des inspecteurs à ces installations, a-t-il dit, voyant dans l’attaque la main de Damas.
Il a ajouté que le régime syrien avait fait du cessez-le-feu une moquerie et sapait le processus d’Astana. Que reçoit la Russie en échange de sa protection d’Assad, a demandé M. Rycroft. Le Président Assad humilie la Russie aux yeux du monde, en méprisant le processus d’Astana et en montrant la vacuité des engagements sur l’élimination des armes chimiques.
Le délégué a appelé la Russie à se joindre aux autres membres du Conseil pour appuyer pleinement le Mécanisme et à cesser de « défendre l’indéfendable ». Tant que la Russie ne changera pas de position, le Conseil sera dans l’impasse, a-t-il dit, en mettant en garde contre toute conséquence de l’utilisation abusive du veto.
« Je veux demander à la Russie: que prévoyez-vous pour arrêter ces attaques? Nous avions un plan mais vous l’avez rejeté », a conclu le représentant, en l’enjoignant à se joindre au projet de résolution en circulation.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a condamné l’emploi d’armes chimiques en toutes circonstances. Les responsables doivent être jugés avec la plus grande rigueur, a-t-il dit. Il a demandé la conduite d’une enquête « ouverte, impartiale, complète, concluante et dépolitisée » et appuyé les efforts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU en Syrie.
L’emploi d’armes chimiques est un crime grave qui menace la sécurité internationale, a-t-il dit. Il a souhaité le renforcement des capacités du Mécanisme, en espérant que ce dernier se montre rigoureux dans ces efforts. Le délégué a appelé à l’unité du Conseil, qui ne doit pas être une caisse de résonance de la propagande de guerre. Le Conseil ne peut pas être un pion sur l’échiquier de la guerre, a-t-il affirmé.
Enfin, le délégué bolivien a tenu à rappeler les véritables causes de la guerre en Syrie, à savoir l’invasion de l’Iraq il y a plus de 10 ans et la politique d’intervention au Moyen-Orient.
M. LIU JIEYI (Chine) s’est dit choqué par les allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie, se déclarant opposé à ce que de telles armes puissent être employées contre une population civile. Selon lui, il est essentiel de tenir pour responsables de leurs actes les auteurs de ces attaques.
Le représentant a encouragé la communauté internationale à se mobiliser auprès de l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie pour l’aider à consolider le cessez-le-feu et à créer les conditions de confiance mutuelles entre les parties au conflit.
Le représentant a ensuite affirmé que le Royaume-Uni aurait représenté « erronément » la position de la Chine, souhaitant que la délégation cesse à l’avenir de se servir de manière abusive du Conseil, « car ce n’est pas dans l’intérêt du peuple syrien ».
M. KORO BESSHO (Japon) a affirmé que son pays était gravement préoccupé par les informations faisant état de l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie. L’utilisation d’armes chimiques n’est autorisée en aucune circonstance, a-t-il déclaré, ajoutant que ceux qui sont responsables doivent être identifiés et tenus pour responsables.
Le Japon se félicite, dans ce contexte, que la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ait déjà entamé son travail concernant Edleb. Il a exhorté le Gouvernement syrien et toutes les parties en Syrie à coopérer pleinement avec elle afin que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU puisse mener sa propre investigation.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a dit que son pays était en état de choc après l’attaque d’Edleb. « Nous sommes écœurés », a-t-il déclaré. Il a déploré le fait que le cadre juridique relatif aux armes chimiques continue d’être bafoué. Il a appuyé le projet de résolution de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni en circulation. La lutte contre l’impunité doit être la priorité de ce conseil, a-t-il dit, en l’appelant à présenter un front uni.
Il a regretté l’impasse du Conseil en févier, avant de saluer la récente adoption par l’Union européenne de sanctions ciblées visant des individus impliqués dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Le délégué italien a appelé le Conseil à agir face à l’attaque d’Edleb, laquelle devrait attirer l’attention de la Cour pénale internationale (CPI). Le délégué a souligné l’importance d’un processus politique, pour sortir du cercle vicieux de la violence.
Enfin, il a jugé que l’attaque d’Edleb était survenue « cyniquement » après la fin des pourparlers de Genève et jetait le doute sur les véritables intentions du régime syrien.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a condamné l’emploi d’armes de destruction massive « par quelque partie que ce soit », en particulier d’armes chimiques contre le peuple syrien. « Nous ne comprenons pas comment l’impunité peut continuer de prévaloir concernant ces actes inhumains », a-t-il dit, en affirmant que sa délégation soutenait le principe d’une enquête.
Regrettant les divisions de ce Conseil, qui ne parvient pas à s’accorder sur un projet de résolution et continue de s’abandonner à des « luttes intestines », le représentant a souhaité que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU puisse se saisir de cette situation, en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
« L’horreur, l’horreur », a déclaré M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay), pour dire son sentiment devant l’attaque d’Edleb, en empruntant ces termes à un personnage de Joseph Conrad. Il a indiqué que les auteurs de cette attaque avaient l’intention de faire le plus de dommages possibles, rappelant que l’hôpital traitant les victimes avait été ensuite bombardé. Ces crimes ne peuvent pas rester impunis, a-t-il déclaré.
S’il n’est pas possible d’identifier catégoriquement les responsables de cette attaque, le délégué de l’Uruguay a tenu à rappeler que le Gouvernement syrien avait la responsabilité de protéger sa population.
Enfin, le représentant a déploré le fait que le Conseil de sécurité continue de faire partie du problème en Syrie plutôt que de sa solution.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a condamné l’attaque à l’arme chimique perpétrée contre la population civile syrienne, avant d’encourager l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à mener une enquête sur ce crime ignoble et l’emploi « délibéré » de telles armes.
Pour le délégué, la Mission d’établissement des faits doit établir les faits pour que les auteurs soient traduits en justice. Tout retard dans la divulgation des faits encouragera la poursuite de tels crimes, a-t-il prévenu.
Concernant le rapport mensuel sur l’utilisation des armes chimiques en Syrie, il a constaté que certains problèmes continuent de se poser, en particulier l’impossibilité de détruire trois sites, « faute de sécurité suffisante ». Le représentant a donc dit attendre avec impatience la reprise des consultations de haut niveau à Damas au début du mois de mai.
« Nous aimerions également que des mesures plus rapides soient prises pour que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU puisse faire son travail efficacement, sachant que ce mandat expirera en novembre prochain. »
M. OLOF SKOOG (Suède) a rappelé que l’utilisation d’armes chimiques pouvait constituer un crime de guerre ou un crime contre l’humanité. Ce qui s’est passé à Edleb doit faire l’objet d’une enquête sans délais, a-t-il dit. Il a souligné l’importance que le Conseil présente un front uni, à la lumière de ce qui s’est passé ces dernières 24 heures.
« Nous devons tout faire pour faciliter le travail de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et du Mécanisme », a poursuivi M. Skoog, en apportant le soutien de son pays au projet de résolution en circulation. Il a appelé les autorités syriennes à coopérer pleinement avec la Mission d’établissement des faits.
Saluant le fait que le Mécanisme sera bientôt pleinement opérationnel, il a dit attendre avec intérêt des informations supplémentaires sur les quatre cas d’emploi d’armes chimiques par le régime syrien et Daech, ainsi que sur les cas les plus récents.
Le représentant suédois a rappelé que son pays avait activement appuyé la récente adoption par l’Union européenne de sanctions ciblées visant des individus impliqués dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie. « L’attaque à Edleb montre la nécessité que le Conseil œuvre à la cessation de tout emploi d’armes chimiques », a conclu M. Skoog.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) s’est déclaré préoccupé par les informations en provenance de Syrie faisant état d’attaques à l’arme chimique au cours des huit derniers mois. Il a dit être d’accord avec le Secrétaire général, qui s’est élevé dans une lettre contre les dangers que font peser de telles armes sur la population civile et le régime de non-prolifération.
Après une enquête appropriée de la Mission d’établissement des faits, les coupables devraient être identifiés « sur la base de preuves tangibles » afin de rendre des comptes. À cet effet, il faut que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU reprenne son travail le plus rapidement possible, a souligné le représentant, en demandant que l’on lui apporte tout le soutien nécessaire.
Il ne s’agit pas seulement, a-t-il dit, de rendre justice aux victimes d’attaques à l’arme chimique mais de préserver le régime de non-prolifération. Ce n’est que grâce à un processus politique inclusif que l’on pourra faire face à des attaques comme celle commise hier à Khan Shaykhun. Plus le Conseil fera preuve d’unité s’agissant de ce dossier, plus la communauté internationale sera en mesure de contrer la menace posée par les armes chimiques, a ajouté le représentant en conclusion.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a indiqué qu’une véritable boîte de Pandore avait été ouverte en 2012 et que les conséquences des actions et décisions prises il y a cinq ans continuaient encore de se faire sentir. Le Conseil s’est montré très prolixe et éloquent pour condamner l’emploi d’armes chimiques en Syrie, mais c’est à peu près tout, a-t-il déploré, en soulignant l’absence patente d’actions.
Le délégué a affirmé que les civils à Edleb venaient de payer « le prix ultime » en raison de l’inaction du Conseil. À la lumière de telles circonstances, il a estimé que se réfugier derrière la répétition de formules incantatoires telles que « l’implication du Mécanisme » ou bien encore « nécessité de la pleine coopération du Gouvernement syrien » constituait un affront au peuple syrien.
Ces formules forment un mur derrière lequel se dissimulent le régime syrien et la Fédération de Russie, a-t-il dit, estimant qu’il était temps d’abattre un tel mur. En conclusion, le représentant a appuyé le projet de résolution en circulation.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a déclaré que rien ne saurait justifier une atrocité comme l’utilisation d’armes chimiques contre des populations civiles, comme ce qui est arrivé à Khan Shaykhun hier. Un incident aussi regrettable rappelle l’importance de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), dont il a demandé qu’elle soit en mesure de s’acquitter pleinement de son mandat.
Le représentant a demandé à tous les États Membres, en particulier à ceux de la région, de faire preuve de coopération pour éliminer les armes chimiques et de destruction massive.
En conclusion, M. Seck a appelé à ce que soit déterminée, de manière « rapide et fiable », la nature des évènements d’hier dans la province d’Edleb, pour que les auteurs de ces actes rendent des comptes.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déploré la dimension idéologique du débat d’aujourd’hui, lequel s’inscrit dans une campagne contre Damas qui sera ultimement rejetée par l’histoire. La Russie a une position claire: l’emploi d’armes chimiques est inacceptable et les responsables de tels crimes doivent rendre des comptes, a-t-il dit. Il a estimé que le point de départ de l’emploi d’armes chimiques en Syrie était à trouver dans les lignes rouges édictées par les États-Unis en 2012. Cela a été le point de départ de provocations de groupes terroristes qui se sont employés à discréditer Damas, a-t-il déclaré.
Il a rappelé que Damas avait demandé une enquête sur l’emploi de gaz sarin dans la banlieue d’Alep, en critiquant le silence opposé par « nos partenaires occidentaux ». Ce silence a encouragé l’impunité, comme l’a montré l’attaque chimique commise en 2013 dans la Ghouta orientale, a-t-il dit.
Il a rappelé que les experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avaient conclu qu’El-Nosra et Daech produisaient des substances chimiques pour les utiliser en Syrie et en Iraq. Il s’est dit favorable à une reconduction pour un an du mandat du Mécanisme, ainsi qu’à son élargissement géographique. « Il ne faut pas salir le Gouvernement syrien et notre gouvernement », a-t-il affirmé, en accusant certains États de manipuler les résultats du Mécanisme.
Il a regretté la mise aux voix d’un projet de résolution, le 23 février, alors que le processus d’Astana et de Genève fonctionnait parfaitement. Ce vote a été une provocation inutile et incompréhensible, a-t-il déploré. Il a estimé que la situation serait aujourd’hui toute autre si l’initiative sino-russe avait été considérée.
Le délégué russe a affirmé qu’il n’était pas nécessaire d’adopter une résolution, les éléments à disposition étant insuffisants. Il a ensuite mentionné certains points dudit projet de résolution, dont il a souligné l’incohérence, et souhaité, par exemple, que ce projet prévoie la condamnation de tout emploi d’armes chimiques, quels qu’en soient les auteurs.
S’agissant de l’attaque d’Edleb, il a indiqué que les éléments d’information étaient ceux, « falsifiés », fournis par les Casques blancs et l’Observatoire syrien des droits de l’homme à Londres, qui se sont depuis longtemps discrédités. Il a notamment évoqué les témoignages contradictoires sur le nombre de victimes ou sur la nature du gaz employé, chlore ou gaz sarin. Ce projet de résolution a été élaboré à la hâte et même avec négligence, a-t-il tranché.
Le délégué a indiqué que, le 4 avril, l’aviation syrienne avait procédé à des frappes contre un dépôt d’armes et de nettoyants chimiques, lesquels devaient être utilisés en Iraq et en Syrie. Les symptômes à Edleb sont les mêmes que ceux recensés à Alep en 2016, où l’emploi d’armes chimiques avait été avéré, a-t-il souligné.
Le délégué russe a déploré l’insuccès du Conseil à répondre à l’emploi d’armes chimiques par les groupes terroristes. Les Occidentaux sont indifférents aux actions terroristes à Mossoul, a-t-il accusé. Le représentant russe s’est élevé contre le manque de respect manifesté à l’endroit de son pays par le délégué britannique. « Vous ne faites rien pour stabiliser la situation en Syrie mais vous soumettez des projets de résolution provocateurs et exercez des pressions sur le Mécanisme afin qu’il parvienne à des conclusions qui vous arrangent », a-t-il dénoncé.
Il a jugé que le délégué britannique parlait de la Chine et de la Russie en termes inacceptables. « Je pensais que cette diplomatie britannique rudimentaire appartenait au passé, mais cela n’est pas le cas », a conclu le représentant russe.
Mme NIKKI HALEY (États-Unis) a jugé « intéressants » les propos tenus par la Fédération de Russie, dans la mesure où le Conseil de sécurité a voté à l’unanimité la résolution portant création du Mécanisme d’enquête conjoint, qui a conclu à l’utilisation, à trois reprises, d’armes chimiques dans le cadre d’attaques, mais il semblerait maintenant que certains n’aiment pas ses conclusions.
« Nous ne méritons pas le titre de Conseil de sécurité si nous n’agissons pas maintenant », a-t-elle déclaré. « Hier matin, nous nous sommes réveillés devant des images d’enfants morts ou dans le coma avec de la mousse au coin des lèvres », a-t-elle lancé, en brandissant, debout, des photos de victimes. « Nous savons qu’Assad se trouve derrière l’attaque, qui dépasse en gravité les attaques antérieures », a accusé Mme Haley, en affirmant que des « agents plus létaux » avaient été employés.
Des personnels de santé se sont précipités pour aider les victimes, perdant eux aussi la vie dans d’atroces souffrances, a-t-elle poursuivi. Pour sa délégation, la Russie ne saurait se soustraire à ses responsabilités, et si elle les avait assumées auparavant, « il n’y aurait plus d’armes chimiques à la disposition du régime syrien ».
Mais la vérité, selon la représentante, c’est que le Président syrien n’a aucune intention de cesser l’utilisation de telles armes. « Sans aucun fondement, Moscou tente de jeter l’opprobre sur d’autres », a martelé Mme Haley, en affirmant que la Russie, la Syrie et l’Iran n’ont aucun intérêt à faire la paix.
Le Président Assad a clairement dit qu’il ne souhaitait pas prendre part à un processus politique digne de ce nom, et il est soutenu par Moscou et Téhéran. « Combien d’enfants devront encore mourir avant qu’ils ne se préoccupent du sort des civils? » L’attaque d’hier est une « honte », a encore dit la représentante. « Si nous ne sommes pas capables de nous mettre d’accord, quid de notre capacité à venir en aide au peuple syrien? Si nous ne sommes pas prêts à agir, alors le Conseil de sécurité continuera de se réunir mois après mois pour exprimer son indignation et nous continuerons d’être témoins de ces images insupportables. »
« Lorsque l’ONU échoue de façon répétée dans son devoir d’agir collectivement, il y a des moments dans la vie des États où nous sommes obligés de prendre nos propres mesures », a déclaré Mme Haley, ajoutant que si l’ONU n’agit pas, « nous pourrions le faire ».
M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a dénoncé les « mensonges » ayant cours dans ce Conseil, remettant en mémoire les évènements en 2003 au sujet de l’Iraq. Il a dit que la Syrie ne possédait aucune arme chimique ni n’avait jamais utilisé de telles armes ou autres armes de destruction massive. Il s’agit de crimes contre l’humanité, a-t-il affirmé.
« Les médias ne cessent de diffuser des informations mensongères au sujet de son pays relativement à ce qui s’est passé à Khan Shaykhun et certains gouvernements accusent le nôtre sans la moindre justification afin de nous ramener à la case départ et servir des objectifs politiques clairs », a tonné le représentant.
Selon lui, l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, aurait exprimé sa préoccupation quant aux informations selon lesquelles des groupes armés illégaux seraient en possession d’armes chimiques toxiques, « obtenus à partir de la Turquie ».
Pour le délégué, il est pour le moins étrange que ceci coïncide avec la tenue de pourparlers à Astana ou à Genève, attestant selon lui de la volonté de certains de miner le processus politique en cours. Les principaux bénéficiaires de ces attaques? D’après lui, il s’agit des pays qui soutiennent les groupes armés afin de saper les pourparlers en cours.
Il a ensuite rappelé que le Président du Conseil de sécurité au mois de mars avait déclaré son opposition de principe à tout projet de résolution présenté par la Russie ou la Chine au sujet du conflit en Syrie. Rejetant catégoriquement les accusations montées de toutes pièces, la délégation a assuré que « nous continuerons de combattre le terrorisme ».