7909e séance – matin
CS/12770

Syrie: appel du Coordonnateur des secours d’urgence pour garantir l’accès humanitaire et mettre fin à un « cauchemar » entré dans sa septième année

Le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a plaidé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, pour un acheminement sans entraves de l’assistance humanitaire en Syrie afin de venir en aide aux 13,5 millions de civils qui en ont cruellement besoin, avant d’exhorter les parties, réunies cette semaine à Genève, à mettre un terme au « cauchemar syrien » et à « retrouver le sens de l’humanité ».

Parmi les trois délégations à s’exprimer, le représentant de l’Uruguay a rappelé que la guerre en Syrie, entrée dans sa septième année, était plus longue que la Seconde Guerre mondiale.

« En Syrie, il n’y a pas une femme, un homme, un enfant qui n’a pas été affecté par la cruauté sans pareil de ce conflit particulièrement long et sanglant », a indiqué M. O’Brien, venu présenter le dernier rapport* du Secrétaire général sur la question.  

« Les Syriens ont vu des parties entières de leur fière et ancienne patrie partir en fumée. »  M. O’Brien, qui est également Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a souligné la responsabilité considérable des parties à Genève, « et de celles rassemblées autour de cette table », pour trouver une solution, « après des années d’intransigeance ».

« La paix en Syrie est un impératif moral et politique pour le peuple syrien et le monde. »  Une solution politique est d’autant plus nécessaire que ces derniers mois ont été, de l’aveu de M. O’Brien, parmi les pires pour les civils.

Le Secrétaire général adjoint s’est dit particulièrement préoccupé par le sort de plus de 400 000 civils dans la province de Raqqa, alors que les opérations militaires qui s’y déroulent se rapprochent de la ville de Raqqa.  Il a appelé toutes les parties à épargner les civils lors des hostilités, comme l’exige le droit international.

Le Coordonnateur des secours d’urgence a précisé que près de 40 000 personnes avaient fui les zones de combat dans le nord de la province de Hama.  « À Damas, les deux explosions à la mi-mars qui ont frappé Bab Al-Saghir, faisant des dizaines de morts et de blessés, et alors que de nombreux pèlerins étaient présents, sont un rappel odieux de la volonté des groupes extrémistes et terroristes de délibérément viser des civils », a-t-il déclaré.

M. O’Brien a ainsi jugé « extrêmement préoccupante » la détérioration de la situation sécuritaire dans les zones assiégées dans la Ghouta orientale de Rif-Damas où 400 000 personnes sont prises au piège par les forces gouvernementales.  Les trois hôpitaux publics et les 17 centres de santé dans la Ghouta orientale ne fonctionnent plus, alors que le nombre d’enfants souffrant de blessures traumatiques est très élevé, a-t-il dit.

« Trente pour cent des patients présentant des blessures en raison de la guerre sont des enfants de moins de 15 ans. »  M. O’Brien a indiqué que le renforcement du siège de la Ghouta orientale par les forces gouvernementales avait déclenché un véritable compte à rebours pour la population.  Le Secrétaire général adjoint a rappelé que l’aide onusienne avait été acheminée pour la dernière fois dans les zones assiégées de la Ghouta orientale en octobre 2016, « il y a six mois ».

Le Secrétaire général adjoint a mentionné l’accord conclu entre le Gouvernement syrien et les groupes armés non étatiques à Al Waer, à Homs, permettant l’évacuation de 3 500 personnes, y compris des combattants, entre le 18 et le 27 mars, vers Jarablus à Rif-Damas.

M. O’Brien a également cité l’accord conclu entre les parties pour des évacuations à Madaya, Zabadani, Fouaa et Kafraya, dites « les quatre villes », incluant une assistance humanitaire et une pause de neuf mois dans les affrontements.

« Je veux être clair: l’ONU n’a pas été impliquée dans les négociations de ces accords et dans le processus d’évacuation de Al Waer, mais je veux souligner notre préoccupation devant ces accords. »  Le Secrétaire général adjoint a en effet expliqué que tous les sièges constituaient des violations patentes des résolutions du Conseil.  « Tous les sièges doivent être levés immédiatement, point final », a-t-il martelé.

Le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé que cela ne pouvait néanmoins pas découler d’un accord de reddition obtenu après la dévastation d’une zone et des déplacements forcés de civils.  Il a rappelé que les évacuations de civils devaient être sûres et volontaires.  « Il est impératif que toutes les personnes déplacées à la suite de ces accords puissent retourner chez elles volontairement, dans la sécurité et la dignité », a déclaré M. O’Brien.

« J’espérais sincèrement que 2017 inaugurerait un changement s’agissant de notre degré d’assistance humanitaire, en particulier dans les zones assiégées et difficile d’accès, dans la foulée des progrès modestes accomplis au cours des neuf derniers mois. »  Or, à l’issue du premier trimestre, nos niveaux d’accès ne présentent pas d’amélioration par rapport à l’an dernier, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.

Alors que l’objectif du convoi terrestre interagences pour le mois de mars était d’apporter une aide à 785 500 personnes, celle-ci n’est parvenue qu’à 44% d’entre elles, soit le chiffre le plus bas depuis mars 2016.  Les seules zones assiégées que le convoi a pu rallier au cours du mois écoulé sont les « quatre villes » et celle de Khan El Shih, situées à Rif-Damas, « et il y est arrivé aujourd’hui », parallèlement au parachutage d’articles de première nécessité à Deïr el-Zor pour près de 93 500 personnes. 

M. O’Brien a demandé aux autorités syriennes de simplifier les procédures bureaucratiques préalables à l’approbation des convois, jugeant excessive l’« architecture bureaucratique ».  L’ONU a, pour sa part, soumis à Damas un plan pour avril et mai avec pour objectif de venir en aide à un million de personnes démunies dans 28 localités assiégées ou difficiles d’accès. 

Il a demandé au Conseil et au Groupe international de soutien d’exercer leur influence auprès des parties au conflit.  « Près de 13,5 millions de Syriens se coucheront ce soir avec un cruel besoin d’assistance », a prévenu le haut fonctionnaire.

Le Secrétaire général adjoint a salué le Plan d’aide humanitaire pour la Syrie pour 2017, portant à 3,4 milliards de dollars le montant des besoins dans le pays cette année, avant de souligner l’importance capitale de la Conférence d’annonces de contributions qui se tiendra à Bruxelles le 5 avril prochain pour la Syrie et les pays de la région.

Enfin, M. O’Brien a demandé la consolidation et le renforcement du cessez-le-feu du 30 décembre 2016 afin de permettre le bon acheminement de l’aide humanitaire.

Un appel relayé par le délégué de l’Uruguay, qui a indiqué que cet accord de cessez-le-feu avait offert un répit aux civils, même si la violence persiste en Syrie.  Mentionnant l’accord concernant les quatre villes, le représentant a rappelé que les évacuations devaient se faire de manière volontaire.  « Nous ne voyons pas d’issue à cette guerre », a-t-il déploré.

À l’instar de son homologue uruguayen, le délégué de la Bolivie a exhorté les parties à ménager un accès inconditionnel aux convois humanitaires.  Les actions de lutte contre le terrorisme doivent se faire dans le respect de la sécurité des civils, a-t-il estimé.

S’exprimant également au nom de l’Égypte et du Japon, le représentant de la Suède a déclaré que le Conseil n’avait pas respecté ses obligations envers les Syriens.  

L’ampleur de la catastrophe humanitaire est difficile à ignorer, sept millions de personnes ne savant pas chaque jour de quoi sera fait leur prochain repas.  « Alors que les négociations menées par les Nations Unies en sont à leur cinquième tour, il n’y a pas eu de progrès soutenus en matière d’accès humanitaire », a déploré le représentant, jugeant inacceptable qu’une seule zone assiégée ait été atteinte ce mois-ci.

* S/2017/244

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