Le Conseil de sécurité rejette un projet de résolution visant à imposer des sanctions aux responsables d’attaques chimiques en Syrie
La Fédération de Russie et la Chine, deux de ses membres permanents, ont opposé leur veto
En raison de l’exercice du droit de veto de la Fédération de Russie et de la Chine, deux de ses membres permanents, le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, rejeté un projet de résolution qui prévoyait d’imposer des sanctions ciblées à un certain nombre de responsables syriens accusés d’avoir commandité, organisé ou perpétré des attaques à l’arme chimique.
C’est la septième fois, depuis le début du conflit en Syrie en 2011, que la Fédération de Russie exerce son droit de veto contre un texte relatif à cette situation, et la cinquième pour la Chine. La Bolivie a également voté contre le texte, qui a par ailleurs recueilli 9 voix pour et 3 abstentions (Égypte, Éthiopie et Kazakhstan). Le représentant syrien a remercié les « délégations amies » de leur opposition à ce projet de résolution.
Présenté par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, le texte s’appuyait sur les rapports récents* du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU, qui concluaient à la responsabilité de militaires syriens dans les attaques à l’arme chimique perpétrées dans les localités de Tell Méniss, Sarmin et Qaminas, entre avril 2014 et mars 2015.
Les sanctions prévues par le texte auraient consisté en un gel d’avoirs financiers, assorti d’interdictions de voyager pour les responsables visés, ainsi que d’un embargo sur les hélicoptères autres que civils. Également condamné « pour s’être livré à l’emploi de produits chimiques en République arabe syrienne », l’État islamique d’Iraq et du Levant/Daech fait déjà l’objet, depuis 2015, d’un régime de sanctions également applicable au réseau Al-Qaida.
La représentante des États-Unis a qualifié d’« indéfendables » les votes de la Chine et de la Fédération de Russie, à l’aune des conclusions pourtant « très claires et irréfutables » du Mécanisme d’enquête conjoint, selon lesquelles le régime syrien a utilisé à trois reprises au moins des armes chimiques et Daech une fois au moins. « Mais peut-être devraient-ils eux-mêmes mener l’enquête? » a-t-elle lancé, en déclarant que le caractère « barbare » des agissements de Daech n’excuse en rien le « comportement d’Assad ».
« Nous savons désormais que la Russie préfère couvrir Damas plutôt que condamner l’emploi d’armes chimiques », a conclu son homologue du Royaume-Uni.
Prenant acte des résultats du vote, le représentant de la France a toutefois indiqué que « nous n’avons pas le droit de nous décourager, de détourner le regard devant l’usage d’armes de destruction massive ». Son pays, a-t-il ajouté, s’est dit déterminé à se tourner vers toutes les « enceintes appropriées » pour que les responsables soient « tôt ou tard amenés à rendre des comptes ».
La Fédération de Russie a justifié son veto en affirmant que la vision promue par ce projet de résolution est « inadmissible » et illustre la « doctrine occidentale ». Elle a rappelé son scepticisme vis-à-vis des conclusions du Mécanisme d’enquête conjoint, les jugeant « insuffisantes » pour identifier les auteurs d’attaques à l’arme chimique.
Alors que de nombreux éléments accréditeraient l’utilisation de telles armes par le Front el-Nosra et des « groupes d’opposition armés », il semblerait, selon le représentant russe, que les auteurs de ce texte au « projet géopolitique destructeur » aient eu besoin du Mécanisme d’enquête conjoint pour imputer au « seul » Gouvernement syrien les attaques, et dès lors « justifier » un « changement de régime » dans le pays.
Ses collègues chinois et éthiopien ont également jugé « prématurées » et « lacunaires » les conclusions des rapports. Le premier a affirmé que celles-ci doivent se fonder sur des preuves « solides, détaillées et exactes, qui résisteront à l’épreuve de l’histoire », avant de demander que cesse la « rhétorique incendiaire » dont useraient certains membres du Conseil.
Le représentant syrien s’en est pris au « triangle occidental », accusé de soumettre son pays au « chantage », sur la base de « rapports incomplets » établis à partir de « faux témoignages » de terroristes qui seraient précisément soutenus, a-t-il dit, par les coauteurs du projet de résolution. Son intention inavouée? Protéger selon lui « l’arsenal nucléaire israélien ».
« Pourquoi présenter un tel texte, en sachant qu’il fera l’objet d’un veto? Pourquoi pas davantage de négociations avec d’autres membres du Conseil pour qu’ils puissent contribuer au libellé de la résolution? » s’est demandée la Bolivie, suivie sur ce point par l’Égypte, celle-ci regrettant que la séance d’aujourd’hui brise son unité qui prévalait jusqu’à présent sur la question des enquêtes relatives aux armes chimiques en Syrie.
Le représentant bolivien en a ainsi conclu que cette initiative était en réalité une « tentative d’instrumentaliser le Conseil de sécurité » et de lancer une « offensive médiatique et politique » contre les opposants au texte. Trois voix contre et 3 abstentions, « c’est pourtant un message très fort », a-t-il jugé.
* S/2016/738 et S/2016/888
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Lettre datée du 24 février 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par les Représentants permanents des États-Unis d’Amérique, de la France et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2017/170)
Déclarations avant le vote
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a dit que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis s’efforçaient depuis des mois de rassembler le Conseil de sécurité autour d’une réponse aux crimes atroces commis en Syrie. Il a rappelé que la communauté internationale, après l’emploi, le 15 avril 1915, des premières armes chimiques à Ypres, en Belgique, avait pris des mesures pour que nous ne soyons plus témoins de telles atrocités.
Le représentant de la France s’est aujourd’hui inquiété d’un retour en arrière en soulignant que ce que nous croyions intangible est désormais en danger. « Des armes interdites ont été utilisées plusieurs fois dans le conflit syrien alors que 192 États se sont engagés, en ratifiant la Convention pour l’interdiction des armes chimiques, à ne plus recourir à ces armes et à détruire leurs stocks existants », a dit M. Delattre.
Il a rappelé qu’en adoptant la résolution 2118 (2013), le Conseil de sécurité a décidé d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies à tous ceux qui utiliseraient des armes chimiques. Il a précisé que la responsabilité du régime syrien avait été établie dans trois cas d’utilisation d’armes chimiques et pour un cas s’agissant de l’organisation terroriste Daech. « Il revient donc désormais au Conseil de sécurité, comme gardien de notre système de sécurité collective, d’agir », a insisté le représentant de la France, avant de souligner la pertinence du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies.
M. Delattre a dit que la poursuite des travaux du Mécanisme décidée à l’unanimité lors de l’adoption de la résolution 2319 (2016) ne saurait retarder ou suppléer une action vitale. « En différant notre réaction face à l’exigence de justice à laquelle nous nous sommes collectivement engagés, en déclinant notre responsabilité, c’est un signal d’impunité intolérable que nous leur enverrions », a estimé le représentant de la France.
Le délégué français a cité une démarche équilibrée visant à sanctionner tous les acteurs impliqués et reposant sur des mesures ciblées dont l’adoption de mesures sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en constatant la violation de la résolution 2118 (2013). Ce projet de résolution réaffirme que les responsables de l’emploi d’armes chimiques doivent être poursuivis en justice et réitère la nécessité pour le régime syrien de se conformer à toutes ses obligations internationales.
Le texte réaffirme toutes les mesures prises à l’encontre de Daech et des groupes terroristes listés par le Conseil de sécurité et reprend les mesures spécifiques aux sanctions. Il établit un embargo sur les biens chimiques sensibles, les armes et matériels susceptibles d’être utilisés pour emporter des substances chimiques dangereuses.
Enfin, le représentant de la France a estimé que « nous assistons aujourd’hui en Syrie à la remise en question des valeurs, des principes et du droit qui sont au fondement de notre système de préservation de la paix et de la sécurité internationales ».
« Allons-nous agir? » a demandé M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni), en affirmant que c’est la question à laquelle le Conseil de sécurité devait répondre aujourd’hui. S’exprimant avant le vote, le délégué britannique a dit que ce n’était pas une question politique, mais qu’il s’agissait simplement d’empêcher que des enfants se retrouvent « empoisonnés », tués ou mutilés, par des armes chimiques, comme le petit Mohammed, décédé à l’âge de 6 ans dans d’atroces souffrances.
Explications de vote
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a qualifié d’« indéfendables » les votes de la Chine et de la Fédération de Russie. Elle a rappelé que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avait dépêché une mission d’établissement des faits qui avait confirmé que des armes chimiques avaient été utilisées en Syrie, mais que cette mission n’avait pas pour mandat d’identifier les responsables.
C’est la raison pour laquelle, a-t-elle rappelé, le Conseil de sécurité a établi le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, qui a rendu des conclusions « très claires et irréfutables » selon lesquelles le régime syrien a utilisé à trois reprises au moins des armes chimiques et Daech une fois au moins.
D’autres rapports font même état d’attaques bien plus nombreuses, a souligné Mme Haley. Aujourd’hui, les opposants au texte affirment que l’enquête est insuffisante. « Peut-être le régime syrien et Daech devraient eux-mêmes mener l’enquête? Quel message adresse-t-on aujourd’hui au monde? » a-t-elle lancé. « Nous sommes résolus à vaincre Daech », a assuré la représentante. « Mais le caractère barbare des agissements de ce groupe terroriste n’excuse en rien le comportement d’Assad », a-t-elle ajouté.
D’autres membres du Conseil ont affirmé qu’il aurait été souhaitable de repousser de nouveau le vote parce que le moment serait inopportun, a expliqué Mme Haley. « La raison pour laquelle nous avons présenté ce projet aujourd’hui, c’est parce que nous voulons nous assurer que personne n’utilisera plus jamais d’armes chimiques contre la population civile syrienne », a-t-elle justifié.
Pour leur part, les États-Unis ont déjà mis toutes les personnes et entités visées dans l’annexe sur leurs propres régimes de sanctions et nous allons travailler avec l’Union européenne pour veiller à ce que des mesures soient prises.
M. RYCROFT (Royaume-Uni), dans son explication de vote, s’est dit « choqué » par l’usage du droit de veto par la Chine et la Fédération de Russie. C’est contraire aux responsabilités de ces deux pays de lutter contre la non-prolifération, a-t-il dit. Accusant la Chine et la Russie d’avoir, ce faisant, sapé la crédibilité de ce Conseil, il a rappelé que ce texte n’était pas de nature politique mais bel et bien technique, visant à répondre à un rapport qui avait été souhaité par tous les membres.
La Russie a préféré une nouvelle fois abuser de son droit de veto pour appuyer un régime qui assassine sa propre population et n’a que mépris pour le droit international, a-t-il dit. Il a souligné que c’était le septième veto opposé par la Russie en cinq ans sur le dossier syrien.
« Nous savons désormais que la Russie préfère couvrir le régime de Damas plutôt que condamner l’emploi d’armes chimiques », a-t-il déclaré. Devançant les dénégations de la Russie sur les preuves d’emploi d’armes chimiques en Syrie, le délégué a souligné la nature onusienne du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies.
Il a également balayé l’argument selon lequel cette résolution aurait pu entraver les efforts pour ramener la paix. « Cela n’est pas vrai. » Enfin, M. Rycroft a affirmé que le résultat de la séance de ce jour allait encourager le régime de Damas, mais aussi Daech, à utiliser des armes chimiques.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation avait voté contre le projet de résolution, « parce que la vision qu’il promeut est inadmissible ». Les interventions entendues jusqu’à présent ne font planer aucun doute: le texte illustre en fait la « doctrine occidentale », a-t-il dénoncé, en rejetant les propos « offensants » tenus par les coauteurs du texte. « Vous connaissiez notre scepticisme vis-à-vis des troisième et quatrième rapports du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies, dont les conclusions apparaissaient insuffisantes pour identifier les responsables d’attaques à l’arme chimique », a lancé le délégué.
Selon lui, de nombreux éléments accréditeraient l’utilisation de telles armes par le Front el-Nosra et des groupes d’opposition armés. Mais nous avons l’impression que les auteurs de ce texte au « projet géopolitique destructeur » avaient besoin du Mécanisme d’enquête conjoint pour rejeter sur les épaules du « seul » Gouvernement syrien la responsabilité d’attaques chimiques, et dès lors « justifier » un changement de régime dans le pays.
La Fédération de Russie a estimé qu’il était temps de revoir « de fond en comble » le fonctionnement du Mécanisme d’enquête conjoint, en le dotant par exemple d’un « mandat antiterroriste ». Il faudrait également, selon Moscou, que les autorités nationales syriennes mènent des enquêtes pour vérifier les allégations que les inspecteurs du Mécanisme n’ont pas été en mesure d’aller vérifier sur place, mais le représentant a affirmé que cette proposition avait été traitée avec mépris.
Le délégué russe s’est élevé contre les pressions politiques supposément exercées contre le Mécanisme d’enquête conjoint, avant de dire qu’aucun enseignement n’avait été tiré par le précédent en Iraq, où des pressions similaires auraient été exercées sur les inspecteurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA).
L’interdiction de pièces détachées pour les hélicoptères vise également à démanteler les efforts déployés par le Gouvernement syrien pour mener la lutte contre le « terrorisme chimique » dans la région. Les pressions exercées par les trois membres occidentaux du Conseil ne visent qu’à « revenir en arrière », a tonné le représentant. Ils refusent, a-t-il dit, de comprendre qu’il est inopportun de présenter un tel texte au risque d’affaiblir le front antiterroriste en Syrie.
Dès lors, « nous n’avions pas d’autre choix que de voter contre ce texte », qu’il a considéré comme une « provocation », « en sachant parfaitement quelle serait notre réaction ». Il est temps de résoudre ce problème « en créant une vaste coalition antiterroriste », a proposé la délégation en conclusion.
« Le Conseil doit être déterminé à montrer que l’usage d’armes chimiques n’est jamais admissible et que leurs auteurs doivent rendre des comptes », a déclaré M. KORO BESSHO (Japon). Il a souligné la neutralité du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies, dont la création a été, au demeurant, souhaitée par tous les membres.
Le Conseil doit rechercher les voies et moyens de garantir la reddition des comptes s’agissant de l’utilisation d’armes chimiques, a-t-il insisté. « On nous a dit que le moment n’était pas le bon en raison du processus politique qui se poursuit à Genève mais personne ne remet en cause l’appui du Conseil à ce processus », a-t-il dit.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a déploré les deux vetos opposés au projet de résolution, jugeant que la reddition des comptes sur l’emploi d’armes chimiques était cruciale. Le texte n’était certes pas parfait mais il constituait un pas dans cette direction de la reddition des comptes, a-t-il affirmé.
Estimant que ces crimes atroces ne pouvaient pas rester impunis, il a exhorté le Conseil à rechercher le consensus autour des mesures visant à sanctionner les responsables de l’emploi d’armes chimiques et à prévenir toute nouvelle utilisation.
M. LIU JIEYI (Chine) a salué les efforts pour consolider le cessez-le-feu et restaurer la paix en Syrie, jugeant qu’une occasion était en train de se faire jour pour y parvenir. La communauté internationale doit rester attachée à un règlement politique et encourager les parties à trouver une solution acceptable par tous, le plus rapidement possible, a-t-il dit.
« Quiconque a à cœur les intérêts de la population syrienne ne peut pas aller à l’encontre de ces objectifs. Quelle que soit l’éloquence de certains, tout ce qui va à l’encontre de ces intérêts ne peut pas être toléré. » Il a redit l’opposition de la Chine à l’emploi d’armes chimiques en toutes circonstances, son pays étant la cible d’armes chimiques de la part d’autres États. Le peuple chinois est plus habilité que tout autre à affirmer son opposition à l’emploi d’armes chimiques, a-t-il déclaré.
Il a rappelé les résultats probants auxquels le Conseil est parvenu par le passé avec la destruction des stocks d’armes chimiques en Syrie. Le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies poursuit ses enquêtes en Syrie et il est, dès lors, prématuré de tirer des conclusions, a-t-il poursuivi, en soulignant l’importance que lesdites enquêtes soient conformes au mandat du Mécanisme.
Le délégué a affirmé que toute conclusion devait se fonder sur des preuves « solides, détaillées et exactes, qui résisteront à l’épreuve de l’histoire ». L’emploi d’armes chimiques a été invoqué par le passé pour infliger des souffrances indicibles à la population du Moyen-Orient, a-t-il dit, en invitant à tirer les enseignements de l’histoire.
Le délégué a estimé que le projet de résolution se basait sur des éléments faisant l’objet de divergences. La mise aux voix de ce texte n’est pas propice au processus politique, a-t-il affirmé.
Invoquant la « tâche sacrée » que constitue la préservation de la paix, le délégué a invité les membres du Conseil à définir leur position selon les principes de la Charte des Nations Unies et les spécificités de la question traitée. Les attaques contre les positions d’autres États sont irresponsables et absurdes, a-t-il déclaré, s’adressant à son homologue britannique.
Il a déploré l’utilisation par certains pays d’une rhétorique enflammée et invité les membres du Conseil à réfléchir de manière approfondie à la situation en Syrie et « au rôle que nous avons joué ». « Quelles sont les actions louables et lesquelles ne le sont pas? » a-t-il demandé, en guise de conclusion.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a déploré le fait que le Conseil de sécurité n’ait pas été en mesure d’adopter le texte présenté aujourd’hui. Il s’est toutefois félicité de constater que le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies était prêt à reprendre ses enquêtes. Si sa délégation a voté en faveur du texte, a expliqué le représentant, c’est notamment en raison de son soutien de longue date au régime de non-prolifération, « indépendamment de toute considération politique ».
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a condamné l’usage d’armes toxiques, quels qu’en soient le lieu, les auteurs et les circonstances, dans la mesure où c’est une violation du droit international. Cependant, la Bolivie a voté contre le projet de résolution, estimant notamment que les listes d’individus et d’entités visés par les sanctions ne résultaient pas des travaux du groupe d’experts du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies.
Le représentant a donc jugé non conforme au droit international le texte mis aux voix aujourd’hui. De même, il a jugé important de donner du temps au Mécanisme d’enquête conjoint pour établir toutes les responsabilités dans de telles attaques.
Par ailleurs, a poursuivi le délégué, « nous avons écouté attentivement ce qu’a dit l’Envoyé spécial au sujet du cessez-le-feu, qui est « une des rares lueurs d’espoir » dans ce conflit. Selon lui, l’initiative prise aujourd’hui par les coauteurs du texte ne s’appuie pas sur des faits « complets » et des enquêtes « impartiales » et « hypothèquent » donc les efforts de paix.
« Dès lors, pourquoi présenter un tel texte, en sachant qu’il fera l’objet d’un veto? Pourquoi pas davantage de négociations avec d’autres membres du Conseil pour qu’ils puissent contribuer au libellé de la résolution? » s’est demandée la délégation. Tout ceci n’est en réalité rien d’autre qu’une « tentative d’instrumentaliser le Conseil de sécurité », de lancer une « offensive médiatique et politique » contre les opposants au texte. Trois voix contre et 3 abstentions, « c’est pourtant un message très fort », a-t-il jugé.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a souligné l’importance de déterminer les responsabilités s’agissant de l’emploi d’armes chimiques. Ces armes ont été utilisées en Syrie comme l’a montré le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies, a-t-il dit. Il a jugé que la reddition des comptes exigeait certains éléments, sous peine de devenir « politisée », avec des conséquences négatives pour le processus de paix.
« Pour des raisons incompréhensibles, le projet de résolution a fait fi d’un élément essentiel: les preuves. » Il a rappelé que la pratique habituelle, s’agissant de l’imposition de sanctions, consistait à établir un comité des sanctions chargé de rassembler les preuves et de dresser une liste des entités et individus sanctionnés.
Il s’est dit surpris que ces étapes n’aient pas été respectées, puisque le texte contenait déjà en annexe une liste d’entités et d’individus. Cela revient à préjuger des conclusions du Mécanisme qui n’a pas livré les noms d’entités et individus à sanctionner, a-t-il dit, ajoutant que les coauteurs du texte n’avaient pas apporté les éléments de preuve les incriminant.
Le délégué a rappelé les objections formulées pendant des mois par son pays devant cette absence de preuves et le « déséquilibre » de ce texte, tout en réaffirmant la détermination de l’Égypte à voir les auteurs de l’emploi d’armes chimiques punis. Il s’est dit une nouvelle fois surpris devant l’insistance incompréhensible à présenter ce texte sans qu’il n’y ait eu d’efforts pour corriger le déséquilibre précité. « C’est pourquoi nous nous sommes abstenus », a-t-il déclaré, en mettant en garde contre toute formulation d’accusations arbitraires.
Il a regretté la division du Conseil aujourd’hui, alors que le dossier des armes chimiques en Syrie avait toujours fait l’objet d’un consensus. Certains membres savaient que la mise aux voix était vouée à l’échec, ce qui pouvait compromettre l’élan du processus politique en Syrie, a-t-il regretté.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a jugé que l’emploi d’armes chimiques était inadmissible et insisté sur l’importance de la reddition des comptes. Il a indiqué que les rapports du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies, sur lesquels les auteurs de la résolution se sont basés, ne comprenaient pas des preuves tout à fait convaincantes, tangibles ou suffisantes. « Le Mécanisme a seulement stipulé qu’il disposait de suffisamment d’informations », a-t-il dit, tout en notant les contraintes auxquelles le Mécanisme doit faire face pour s’acquitter de son mandat.
Il a déclaré que les conclusions du Mécanisme n’étaient pas suffisamment solides, ajoutant que l’identification de responsables exigeait des preuves irréfutables. Il a invité les membres du Conseil à faire en sorte que le Mécanisme puisse continuer son travail et aboutir à des conclusions sans ambiguïté. De telles conclusions auraient permis de sauvegarder l’unité du Conseil, qui est essentielle sur ce dossier, a-t-il déclaré.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a rappelé que son pays s’est toujours opposé à l’utilisation d’armes chimiques, souhaitant que les responsables de celles qui ont été utilisées en Syrie soient traduits en justice. Cependant, la réunion d’aujourd’hui révèle l’incapacité du Conseil à agir de concert sur le conflit syrien, a constaté le représentant.
Il a estimé qu’il n’était pas pertinent de rejeter la responsabilité sur un seul belligérant, affirmant qu’il fallait prendre des décisions fondées sur des « preuves irréfutables ». C’est la raison pour laquelle sa délégation s’est abstenue.
M. CARL SKAU (Suède) a déclaré que le Conseil de sécurité avait échoué aujourd’hui à assumer ses responsabilités. Les rapports du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies sont pourtant très clairs, a-t-il affirmé, estimant qu’ils avaient conclu à l’utilisation, par les forces armées syriennes, d’armes chimiques à au moins trois reprises et par Daech au moins une fois.
Devant de telles conclusions, le Conseil aurait dû agir aujourd’hui, a poursuivi le représentant, en assurant que la Suède continuerait d’œuvrer avec tous les membres du Conseil à l’établissement des responsabilités. « La reddition des comptes n’a rien de politique et il n’y aura pas d’impunité pour les responsables », a-t-il ajouté.
M. FODÉ SECK (Sénégal) a déclaré que rien ne pouvait justifier l’emploi de produits chimiques toxiques contre des civils. Le Sénégal, partie à la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, a voté en faveur de ce projet, a rappelé le représentant.
« Ceci étant, avec 3 voix contre et 3 abstentions, le Conseil ne peut que se rendre à l’évidence, ce texte n’a pas recueilli un soutien suffisant ». Mais ses membres doivent s’unir pour régler définitivement cette crise qui n’a que trop duré, a conclu le délégué.
M. DELATTRE (France) a regretté l’échec du Conseil de sécurité à adopter ce projet de résolution, estimant que tous les éléments étaient pourtant réunis pour établir les responsabilités. « Nous n’avons pas le droit de nous décourager, de détourner le regard devant l’usage d’armes de destruction massive », a-t-il déclaré, en ajoutant que la France ne se résignerait pas.
« Les responsables seront tôt ou tard amenés à rendre des comptes », a poursuivi le représentant, en assurant que son pays était déterminé à se tourner vers toutes les enceintes appropriées à cette fin.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a jugé que l’emploi d’armes chimiques en Syrie, confirmé par les rapports du l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), constituait une violation du droit international et souligné la nécessité que les responsables soient traduits en justice.
L’incapacité du Conseil à répondre aux violations de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques ne fera qu’encourager l’impunité, a-t-il affirmé, en marquant la préoccupation de son pays.
M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a déclaré qu’il n’était pas surpris de constater que le « triangle occidental » continuait d’essayer de soumettre son pays « au pire des chantages », en s’appuyant sur des « rapports incomplets » et établis à partir de « faux témoignages » de terroristes précisément soutenus par les coauteurs du texte.
« La position de la Syrie au sujet des armes chimiques reste inchangée: nous sommes contre et elles sont inacceptables », a-t-il assuré, en rappelant que c’est la raison pour laquelle Damas est devenue partie à la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction.
« Or, en dépit de nos efforts, nous constatons que ce projet est motivé par l’intention de protéger l’arsenal nucléaire israélien », a accusé le représentant. Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait reçu 87 lettres de son Représentant permanent à ce sujet et qu’il s’était également tourné vers son Comité contre le terrorisme, auquel les agissements de groupes terroristes armés contre des civils auraient été signalés.
Après avoir affirmé que leurs démarches avaient été délibérément ignorées, il s’est demandé ce qu’il était possible de faire devant l’insistance des pays coauteurs du texte. « Mon pays est désolé de constater qu’ils tentent de politiser les rapports de différents mécanismes », a lancé la délégation, en accusant aussi le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies de ne pas respecter son mandat.
Selon le représentant, il n’existerait aucune preuve tangible de l’usage de chlore dans le pays. Il a donc considéré que le travail fourni par le Mécanisme d’enquête conjoint était « incomplet » et « partial », et que certaines preuves auraient été « déplacées » d’un site à l’autre, empêchant le Mécanisme de les analyser.
Par ailleurs, « quel est l’intérêt d’utiliser des armes chimiques à l’encontre d’un nombre limité de terroristes alors que des armes conventionnelles auraient pu obtenir des résultats plus concluants? » s’est-il demandé. La Syrie ne croit pas à ces armes, a-t-il tranché, « refuse de les utiliser », car elles sont « contraires à l’éthique ».
Le Gouvernement s’oppose totalement aux conclusions des rapports du Mécanisme d’enquête conjoint et la délégation a donc remercié les « délégations amies », celles qui ont voté contre ce projet de résolution et qui se sont abstenues.