En cours au Siège de l'ONU

7879e séance – matin 
CS/12710

Libye: pour le Représentant spécial, l’année 2017 devra être « l’année des décisions » afin de remédier aux causes profondes des divisions

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Martin Kobler, a affirmé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que, malgré les avancées enregistrées en 2016, les Libyens n’étaient pas en mesure de remédier aux causes profondes des divisions.  L’année 2017 devra donc être « une année de décisions » pour surmonter l’impasse politique et mettre en place une armée unifiée, a-t-il déclaré.

S’exprimant aux côtés de ses homologues de la Libye et de l’Uruguay, le délégué de la Bolivie a rappelé que l’instabilité en Libye découlait de la récente intervention étrangère, « un désastre ».

M. Kobler, qui est également Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a entamé son intervention en rappelant que l’Accord politique libyen de Skhirat avait été signé il y a plus d’un an.  L’année 2016 a été consacrée à la mise en œuvre de cet accord et au rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire libyen, a-t-il poursuivi.

Bien que les progrès soient loin d’être suffisants, le Représentant spécial a tenu à insister sur certains gains importants enregistrés jusqu’à présent. 

Le Conseil de la présidence et les institutions économiques libyennes ont ainsi continué de travailler ensemble pour exécuter le budget pour 2017, tandis que la production de pétrole a augmenté pour atteindre les 700 000 barils par jour, a noté le Représentant spécial.  Sur le front sécuritaire, Daech a perdu le contrôle de toutes les zones qu’il occupait, a-t-il poursuivi, en rappelant qu’il y a un an encore ce groupe était en expansion.  M. Kobler a toutefois affirmé que Daech continuait de poser une menace.

Il a souligné la nécessité de prendre des décisions sur des amendements limités à l’Accord politique, en vue de permettre à la Chambre des représentants d’approuver le Gouvernement d’entente nationale ou bien encore d’aboutir à la formation d’une armée et d’une force de police fortes.  « C’est alors seulement que les groupes armés pourront être démobilisés efficacement. »

M. Kobler a également demandé des décisions sur la meilleure façon d’utiliser les revenus découlant des exportations de gaz et de pétrole au profit de tous les Libyens.

Sur le plan politique, le Représentant spécial a indiqué que les deux derniers mois avaient vu des « progrès visibles » et des « visions convergentes de l’est, du sud et de l’ouest sur des amendements à l’Accord politique ».  Parmi les principes agréés, M. Kobler a cité la place centrale de l’Accord comme cadre de tout processus politique, la recherche de solutions par le biais d’un dialogue inclusif ou bien encore la tenue de discussions sous les auspices des Nations Unies, « même si le processus politique doit appartenir aux Libyens ».

L’approbation de ces amendements par la Chambre des représentants devra être suivie d’une révision constitutionnelle et de l’approbation du Gouvernement d’entente nationale, a-t-il dit.  Le Chef de la MANUL a affirmé que les amendements discutés concernaient la chaîne de commandement de l’armée, en particulier le rôle du général libyen Khalifa Haftar, et la composition future et le rôle du Conseil de la présidence. 

« Je suis confiant qu’un format sera trouvé dans les prochaines semaines en vue de régler ces questions et de soumettre des recommandations pour approbation aux institutions concernées. »

Notant qu’aucun groupe ou individu ne pouvait décider seul du chemin à suivre, M. Kobler a appelé toutes les institutions libyennes à assumer leurs responsabilités dans la mise en œuvre de l’Accord politique.  « Ensemble, elles peuvent faire avancer ce processus en approuvant le Gouvernement », a-t-il affirmé, en soulignant l’importance cruciale de cette étape pour répondre aux besoins des Libyens.

M. Kobler a exhorté la Chambre des représentants à conclure ses délibérations à ce sujet, avant de saluer les efforts des pays de la région pour parvenir à un consensus en Libye.

Mentionnant la Conférence des États voisins, ayant eu lieu au Caire le 21 janvier, et la tenue du Comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) à Brazzaville, au Congo, il s’est dit impressionné par la « cohérence de l’approche » des pays voisins comme de l’UA.  La troïka formée par l’UA, la Ligue des États arabes et les Nations Unies a amélioré la coordination et la confiance, a affirmé le Représentant spécial. 

Il a précisé qu’il avait été convenu, lors de la réunion du Caire, d’associer l’Union européenne aux efforts de la Conférence.

« Aucun processus politique ne pourra se poursuivre sans que la question des groupes armés et de la prolifération des armes n’ait été réglée », a estimé M. Kobler.  Il a jugé que la formation en cours de la Garde présidentielle était « un pas dans la bonne direction », même si elle ne peut se substituer à une armée libyenne unifiée.  « Il s’agit d’une mesure transitoire. »

Le Chef de la MANUL a plaidé pour « l’intégration » de cette garde, une fois forgé un consensus sur la structure de commandement de la future armée unifiée.  « Les Libyens méritent de vivre en sécurité. »

Le Représentant spécial a estimé que la lutte contre le terrorisme était loin d’être achevée, les groupes terroristes et criminels continuant d’exploiter le vide sécuritaire en Libye.  Les pays voisins ont raison de s’inquiéter pour leur propre sécurité, a-t-il avancé. 

M. Kobler a souhaité des « solutions régionales » afin de remédier avec efficacité aux menaces sécuritaires.  « Il est temps de solidifier les victoires durement gagnées contre le terrorisme », a-t-il dit, en saluant les efforts pour préparer l’après phase de libération à Benghazi et à Syrte.

Notant que la Libye était désormais dotée d’un budget unifié de 37,5 milliards de dinars libyens, il a mentionné les secteurs prioritaires, tels que celui de la santé.  M. Kobler a ensuite demandé le plein respect de l’état de droit et la cessation des violations graves commises par les groupes armés, avant d’insister sur « l’extrême vulnérabilité » des migrants.  Ceux qui sont emprisonnés endurent des conditions de détention épouvantables et un grand nombre d’entre eux sont morts, a-t-il déploré.  M. Kobler a précisé avoir soumis aux autorités libyennes des recommandations concrètes afin d’y remédier.

« Tout en comprenant pleinement les préoccupations des États voisins, toutes les actions entreprises doivent respecter le droit international humanitaire et la dignité des migrants », a insisté le Représentant spécial.  Il a salué les efforts régionaux visant à remédier à la situation des migrants et souligné la nécessité de remédier aux causes profondes de ce phénomène.

M. Kobler a également apporté son appui à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) et estimé que la traite d’êtres humains pouvait constituer un crime de guerre.

En conclusion, le Représentant spécial s’est dit encouragé par les efforts des Libyens et des pays voisins pour surmonter l’impasse politique, jugeant qu’un consensus était en train d’émerger entre les parties.  « Je suis confiant qu’avec des décisions et actions audacieuses, nous allons assister à une percée sur le plan politique qui permettra de placer la Libye sur la voie de la paix, de la prospérité et de la stabilité », a dit M. Kobler.

S’exprimant à son tour, le délégué de la Libye a reconnu les divergences politiques entre les parties prenantes, avant d’affirmer que le succès de l’Accord politique dépendra du rétablissement de la sécurité.  Il a, à cet égard, assuré que la Garde présidentielle continuait d’être formée.  « Pour assurer l’unité de la police et de l’armée et rétablir la sécurité aux frontières, ces entités doivent toutefois pouvoir compter sur des moyens suffisants », a-t-il noté. 

Le délégué a rappelé que c’était la raison pour laquelle son pays avait plaidé pour que l’embargo sur les armes prévu par la résolution 1970 (2011) du Conseil ne lui soit pas imposé. 

De son côté, le délégué de la Bolivie a rappelé que l’inscription à l’ordre du jour du Conseil de la situation en Libye découlait de la politique d’intervention et de changement de régime, laquelle a eu « un effet catastrophique ». 

En Libye, « nous avons supprimé une personne qui n’était certes pas idéale mais qui maintenait la stabilité », a-t-il affirmé, en qualifiant cette intervention de « désastre ».  Le délégué a également souligné que 4 812 migrants avaient trouvé la mort en 2016 en se noyant en Méditerranée, avant d’insister sur l’absence de réels progrès dans la mise en œuvre de l’Accord.

« Plus d’un an après la signature de l’Accord, aucun progrès tangible n’a été constaté dans sa mise en œuvre », a appuyé le représentant de l’Uruguay.  Il a jugé crucial que le Conseil de la présidence regagne l’appui de la population pour avoir une légitimité complète, sous peine de ne pas pouvoir gouverner le pays, ni étendre son autorité à l’ensemble du territoire.

Il a également demandé des précisions sur les attaques qui auraient été perpétrées contre des hôpitaux et des infrastructures civiles.  Enfin, le délégué uruguayen a insisté sur la nécessité de revoir le futur mandat de la Mission pour l’adapter à la situation en Libye.

 

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