RDC: la mise en œuvre de l’accord politique dépend de l’adhésion et de la « bonne foi » de tous les acteurs, déclare M. Hervé Ladsous au Conseil de sécurité
L’accord du 31 décembre, entre les signataires et les non-signataires de l’accord antérieur du 18 octobre, ouvre des perspectives nouvelles pour une résolution pacifique de l’impasse politique en République démocratique du Congo (RDC), selon le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous.
« Cependant, des efforts majeurs seront nécessaires afin d’obtenir l’adhésion de tous les acteurs et une mise en œuvre de bonne foi », a prévenu, ce matin, le Chef du Département des opérations de maintien de la paix, venu présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies dans ce pays (MONUSCO).
Cet accord, signé sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), est intervenu à un moment critique de la vie politique de la RDC, a rappelé M. Ladsous, en faisant état de tensions politiques et d’incidents violents dans un certain nombre de villes du pays après le 19 décembre, date de l’expiration du second et dernier mandat du Président Joseph Kabila.
En effet, les 19 et 20 décembre, des affrontements entre manifestants et Forces nationales de sécurité ont causé la mort d’au moins 40 civils et de 2 policiers. De plus, a-t-il relevé, au moins 140 personnes ont été blessées pendant les violences, 683 personnes arrêtées, dont 291 personnes ont depuis été poursuivies en justice, puis libérées. S’il s’est dit optimiste au vu des derniers développements dans le pays, le représentant de l’Uruguay n’a pu qu’exprimer sa préoccupation devant les violations des droits de l’homme et le « rétrécissement de l’espace politique » en RDC.
Même si l’accord, salué par le Conseil le 4 janvier, et de nouveau aujourd’hui, a contribué à « décrisper » une situation potentiellement « explosive », certains acteurs politiques n’y ont pas encore adhéré, à l’instar du Mouvement de libération du Congo (MLC). Bien que ce dernier vienne d’indiquer qu’il le ferait incessamment, le MLC soutient que le Rassemblement serait favorisé par les arrangements de la transition politique, qui prévoient d’octroyer à cette coalition de l’opposition les postes de premier ministre et de chef du Comité de suivi de l’accord.
Le MLC n’est pas seul, a noté M. Ladsous: « les membres de l’opposition menés par le Premier Ministre actuel, M. Samy Badibanga, sont eux aussi réticents à signer l’accord », jugeant irréalistes certains arrangements, notamment ceux relatifs au processus électoral. En outre, M. Badibanga et son gouvernement redoutent des conséquences politiques dans l’éventualité d’un nouveau gouvernement d’union nationale placé sous la direction du Rassemblement.
De son côté, la majorité présidentielle a adressé des « signaux inquiétants », en exprimant, au moment de la signature de l’accord, des réserves qui restent à éclaircir, a poursuivi le Secrétaire général adjoint. Face à la situation actuelle, la majorité relève également que l’accord ne serait pas assez inclusif, puisque ni le MLC ni l’opposition proche du Premier Ministre au pouvoir ne l’ont signé.
« Un appui politique, financier, technique et logistique majeur sera nécessaire pour que les élections se tiennent en décembre 2017 », a prévenu M. Ladsous, rejoint sur ce point par Mgr Marcel Utembi, qui s’exprimait au nom de la CENCO. « Des retards dans l’actualisation du fichier électoral, dans la formation du gouvernement de transition et dans la mise en œuvre des clauses de l’accord pourraient avoir un impact négatif sur le respect des délais impartis », a prévenu le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix. Il a affirmé que le Secrétariat et la Mission de l’ONU dans ce pays -la MONUSCO- demeureront activement et discrètement engagés auprès des parties, « afin de fournir le meilleur appui possible ».
Le représentant de la RDC a insisté sur la détermination du Président congolais, M. Joseph Kabila, à poursuivre le processus en cours pour l’organisation des élections, « à bonne date », conformément au calendrier qui sera fixé par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Il a assuré que le processus de révision du fichier électoral se poursuivait à travers tout le pays: « sur 26 provinces, 12 sont déjà couvertes par les opérations d’enrôlement », a-t-il précisé.
Pour faciliter l’application de l’accord, le Président Kabila a renouvelé sa confiance à la CENCO en lui demandant de poursuivre des consultations avec l’ensemble de la classe politique en vue de la mise en œuvre, a fait valoir le délégué congolais. « La mise en place et le bon fonctionnement du Conseil national de suivi de l’accord et du futur gouvernement d’union nationale dépendront de la bonne foi et de la volonté politique, ainsi que des dispositions juridiques et des moyens financiers suffisants », a estimé Mgr Utembi, en faisant écho au message de M. Ladsous.
Le Secrétaire général adjoint s’est également attardé sur la situation dans l’est de la RDC, qui demeure « précaire », en raison des opérations menées par les « groupes armés étrangers » que sont les Forces démocratiques alliées (ADF) et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), et par des milices, dont certaines seraient liées à des acteurs politiques congolais et à des membres de la diaspora.
La MONUSCO, « à l’appui des Forces nationales de sécurité congolaises », poursuit ses efforts contre les activités déstabilisatrices de groupes armés tels que les ADF et les FDLR, avec des résultats qui demeurent cependant limités. « Il nous semble que les résultats sont en deçà de ce que nous attendions », a fait remarquer le représentant congolais, en arguant que le remplacement de la brigade d’intervention de la MONUSCO par les « bataillons à déploiement rapide » se serait avéré inefficace.
Les effets de l’instabilité dans des pays limitrophes, notamment au Soudan du Sud et au Burundi, continuent en outre de toucher la RDC, avec l’arrivée d’environ 70 000 réfugiés sud-soudanais dans les provinces du Haut-Uélé et de l’Ituri ces six derniers mois, a constaté M. Ladsous. Les informations faisant état d’« infiltration » par le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition, notamment dans les camps de réfugiés en RDC, sont aussi « une source majeure de préoccupation ».
Le représentant de la RDC a jugé anormal que le territoire de son pays devienne, une fois encore, « l’asile de combattants armés en provenance d’un pays voisin », en faisant référence à la présence d’éléments sud-soudanais. Il a demandé au Conseil de prendre toutes les dispositions nécessaires pour les faire « évacuer » rapidement. Soulignant les limites de la politique de redditions volontaires des groupes armés étrangers, le représentant a demandé l’accélération des procédures de rapatriement, notamment celles des FDLR et de leurs familles.
« Mon gouvernement ne peut comprendre que les appels au rapatriement de ces combattants n’aient pas reçu d’écho favorable », a-t-il dit, avant de demander à l’Ouganda et au Rwanda de faciliter le rapatriement des ex-M23 se trouvant en RDC.