Quatrième Commission: les délégations souhaitent que les missions politiques spéciales disposent de leur propre budget
« Vitales », « cruciales », « essentielles », « indispensables »… À l’occasion du débat de la Quatrième Commission consacré aux missions politiques spéciales, les États Membres ont salué le rôle central de cet outil du Département des affaires politiques (DAP) pour renforcer la prévention des conflits et pérenniser les efforts déployés par les Nations Unies pour consolider la paix, soulevant toutefois la question de leur financement par un budget propre.
Comme l’a rappelé l’Inde, il y a aujourd’hui 25 missions politiques spéciales, dont 14 déployées sur le terrain, avec 10 Envoyés spéciaux du Secrétaire général des Nations Unies, qui interviennent ou qui sont actives essentiellement en Afrique et dans l’ouest de l’Asie. « Ce nombre élevé donne une idée de la fragilité de la paix et de la sécurité dans le monde actuel », a résumé son représentant, tandis que d’autres délégations ont rappelé l’évolution des conflits et donc des défis auxquels sont confrontées les Nations Unies. « La croissance continue des menaces transnationales comme le terrorisme, l’extrémisme violent, le trafic d’êtres humains et les migrations irrégulières sont les premiers facteurs de déstabilisation des États », a souligné le représentant du Kenya.
À l’instar des missions en Colombie, en Somalie, en Libye ou au Libéria, les délégations ont mis en valeur l’utilité de ces dispositifs, en particulier pour faciliter les transitions après des opérations de maintien de la paix, pour la reconstruction des institutions, la formation des corps chargés des pouvoirs régaliens (justice, police) ou encore l’accompagnement des processus électoraux.
Dans son intervention liminaire, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, M. Atul Khare a en outre souligné que les missions politiques spéciales, qui sont beaucoup plus petites en taille que les opérations de maintien de la paix, ont également des structures d’appui plus réduites en matière d’administration et de logistique alors qu’elles sont souvent déployées dans des zones reculées ou caractérisées par l’insécurité. Il a indiqué que, pris dans leur ensemble, ces éléments créent une situation particulièrement complexe, notamment en ce qui concerne la gestion des chaînes d’appui et d’approvisionnement.
Aussi, pour répondre de manière rapide et efficace aux besoins des missions politiques spéciales, a-t-il jugé important d’apporter des améliorations constantes à l’organisation, la planification et la mise en œuvre de la chaîne d’approvisionnement.
De son côté, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Tayé-Brook Zerihoun, a défini quatre priorités pour le DAP, à savoir la prévention des conflits et pérennisation de la paix, l’augmentation de l’expertise au sein du DAP et dans les missions, l’accroissement des capacités d’accompagnement des processus électoraux et le renforcement de la coopération entre le DAP et les organisations régionales et sous-régionales.
Se faisant l’écho de ces objectifs, le Kenya a d’ailleurs estimé que la Somalie était « l’exemple de ce que peut permettre une mission politique spéciale avec une bonne collaboration entre un pays hôte, une organisation sous régionale (la Communauté d’Afrique de l’Est), une organisation régionale (l’Union africaine), une opération de maintien de la paix (la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie - AMISOM) et les Nations Unies (Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie).
À l’instar de nombreuses délégations comme la Colombie ou la République islamique d’Iran, le représentant kényan a aussi soulevé la question des budgets consacrés aux missions politiques spéciales, rappelant que « plus pourrait être fait » en Somalie si le financement était « pérenne ». S’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, le Royaume du Maroc a mis en avant l’augmentation exponentielle des financements des missions politiques spéciales au cours de la dernière décennie, déplorant que ces missions ne suivent pas le cycle du budget ordinaire de l’ONU.
Rappelant que la nécessité de disposer d’un budget propre pour les financer avait été mise en lumière « depuis longtemps par de nombreux États », l’Inde et El Salvador ont demandé la création rapide d’un budget autonome « sur le modèle de celui existant pour les opérations de maintien de la paix, avec les mêmes critères de méthodologies et les mêmes mécanismes de transparence et de responsabilisation ».
Si elle a soutenu l’idée d’une fusion des départements des opérations de maintien de la paix et des affaires politiques, l’Argentine a aussi appelé à des propositions et des progrès concernant les questions de financement, regrettant que ces discussions soient « dans une impasse » depuis six ans au sein de la Cinquième Commission (questions administratives et budgétaires).
À l’occasion du dialogue interactif organisé en début de session, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a précisé que sur les 561 millions de dollars engagés pour les missions politiques spéciales en 2016, 317 millions avaient été consacrés à la gestion et la rémunération du personnel civil et 214 millions aux coûts opérationnels. Il a également rappelé qu’il était « par nature difficile d’anticiper les coûts des missions politiques spéciales », citant en exemple les attaques terroristes de ces dernières semaines en Somalie qui ont fait près de 400 morts. Il a cependant rappelé que dans la réforme envisagée par le Secrétaire général, il était prévu de passer à un budget ordinaire annuel pour mieux répondre aux évolutions sur le terrain et qu’un chapitre spécifique serait consacré aux missions politiques spéciales. L’augmentation du seuil pour les dépenses imprévues ou extraordinaires et également prévues.
La Quatrième Commission (questions politiques spéciales et décolonisation) poursuivra ses travaux mercredi le 1er novembre 2017, à partir de 10 heures.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DES MISSIONS POLITIQUES SPÉCIALES (A/72/357/REV.1 ET A/C.4/72/L.10)
Déclaration liminaire du Secrétaire général adjoint aux affaires politiques
M. TAYÉ-BROOK ZERIHOUN, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a rappelé le rôle clef des missions politiques spéciales dans la promotion de la paix et de la sécurité internationales, soulignant les défis de plus en plus complexes auxquels ces missions sont confrontées dans l’exécution de leurs mandats. Il a rappelé que l’environnement global était de plus en plus instable et volatile, marqué par des enjeux de plus en plus complexes liés aux ressources naturelles, territoires, crises institutionnelles internes. Il a aussi évoqué l’apparition d’enjeux de plus en plus régionaux, comme en Libye et en Syrie, et l’apparition d’acteurs non étatiques tels que les organisations terroristes État islamique ou Boko Haram.
Dans ce contexte, M. Zerihoun a souligné l’importance vitale des missions politiques spéciales, qui interviennent dans la diplomatie préventive et dans les processus de transition, appuyant la reconstruction des États, le renforcement des institutions, et l’identification précoce des risques de conflit. Il a rappelé les activités de l’année passée, allant de la transformation de la Mission des Nations Unies en Colombie en Mission de vérification du cessez-le-feu, en passant par les travaux des missions politiques spéciales en Somalie et en Libye. Il a aussi mis en avant quatre priorités pour le Département des affaires politiques (DAP).
Le Sous-Secrétaire général a notamment souligné que la prévention des conflits et la pérennisation de la paix doivent figurer au cœur de la réorientation des efforts des Nations Unies pour la paix et la sécurité internationales. Il a mis en avant les priorités de la réforme du Secrétaire général pour l’architecture onusienne du maintien de la paix, insistant sur le rôle central des missions politiques spéciales dans ce processus.
M. Zerihoun a aussi insisté sur le renforcement de la coopération entre le Département des affaires politiques (DAP) et les organisations régionales et sous-régionales, afin de mieux déceler les signes avant-coureurs de crises et d’intervenir par la diplomatie préventive. Il a cité en exemple le rapprochement avec l’Union africaine, via la signature, en avril dernier, du Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité. Il a précisé que des efforts étaient aussi déployés pour renforcer la collaboration avec l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Ligue des États arabes.
Il a aussi mis en avant la nécessité de renforcer la présence des femmes dans l’agenda de la paix et du développement, appelant au déploiement de plus en plus important d’une expertise féminine au sein du DAP. Il a ajouté que le quartier général du DAP au Siège des Nations Unies continuerait d’appuyer les efforts des missions politiques spéciales pour encourager la participation politique des femmes dans les processus de prévention et de médiation.
Enfin, M. Zerihoun a indiqué que le DAP avait accru son implication dans l’assistance aux processus électoraux, afin d’augmenter les capacités des missions politiques spéciales dans ce domaine.
Le Sous-Secrétaire général a aussi mis l’accent sur la sécurité des personnels des missions politiques spéciales, rappelant le meurtre de deux membres du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo en mars 2017.
« Je n’ai aucun doute sur le fait que les missions politiques spéciales continueront à jouer un rôle critique pour appuyer la stabilité et la paix; il est donc indispensable de leur prêter attention ainsi qu’aux conditions dont elles ont besoin pour réussir », a-t-il conclu.
Présentation du Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions
M. ATUL KHARE, Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions, a indiqué que l’attentat qui a récemment frappé Mogadiscio était un rappel criant de l’environnement volatile dans lequel évoluent souvent les missions politiques spéciales. Il a indiqué que ce missions sont beaucoup plus petites en taille que les opérations de maintien de la paix et ont également des structures d’appui plus réduites en matière d’administration et de logistique alors qu’elles sont souvent déployées dans des zones reculées ou caractérisées par l’insécurité. Il a indiqué que pris dans leur ensemble, ces éléments créent une situation particulièrement complexe, notamment en ce qui concerne la gestion des chaînes d’appui et d’approvisionnement, autant de défis que le Département d’appui aux missions doit faire face lors de l’élaboration de solutions face à la situation de terrain.
M. Khare a expliqué qu’au cours de l’année passée, son département avait appuyé la réduction des effectifs, puis le retrait de la Mission des Nations Unies en Colombie et sa transition sans faille avec la Mission de vérification en Colombie, qui est en train de se déployer dans l’ensemble du pays pour contrôler la mise en œuvre du nouveau cessez-le-feu entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN). Il a indiqué qu’en Libye, son département apportait un soutien particulier à la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) qui se prépare à étendre ses activités sur tout le territoire, mettant en avant un nouveau système innovant de rotation des équipes basées à Tunis, pour permettre à cette mission de disposer d’une base arrière robuste et efficace. Il a précisé que cette expérience serait utilisée à l’avenir pour appuyer d’autres missions politiques spéciales.
Le Secrétaire général adjoint a aussi indiqué que son département soutenait le Département aux Affaires politiques (DAP) pour l’accroissement des missions en Syrie, au Burundi, et au Yémen, insistant sur le renforcement de la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales.
Il a ensuite indiqué que pour répondre de manière rapide et efficace aux besoins des missions politiques spéciales, il importe d’apporter des améliorations constantes à l’organisation, la planification et la mise en œuvre de la chaîne d’approvisionnement. Il a précisé que des méthodes d’évaluation étaient développées pour améliorer l’efficacité de ce soutien et que ces améliorations seront intégrées à la réforme voulue par le Secrétaire général. « Ces priorités, qui doivent éviter les doublons, renforcer la redevabilité et la transparence, permettront aux missions politiques spéciales d’être plus efficaces dans leurs résultats et la mise en œuvre de leurs mandats », a-t-il insisté.
M. Khare a indiqué que la réforme du Secrétaire général porte notamment sur la création d’une ligne budgétaire indépendante pour les missions politiques spéciales ainsi que sur l’augmentation du seuil pour les dépenses imprévues ou extraordinaires. Il a estimé que ces mesures permettraient au Secrétariat de mieux soutenir ces missions, au moment critique de leur lancement, mais aussi d’améliorer la présentation annuelle, devant l’Assemblée générale de leurs besoins. Il a espéré que la réforme du Secrétaire général permettra à l’ONU et ses missions politiques spéciales de relever plus facilement les défis actuels et à venir.
Dialogue interactif
La question du financement des missions politiques spéciales a largement dominé le dialogue interactif avec les délégations. Le représentant de la République islamique d’Iran a notamment voulu savoir quelles étaient les activités les plus onéreuses des missions politiques spéciales, tandis que son homologue de la Colombie s’est interrogée sur l’avenir budgétaire de ces missions étant donné leur multiplication.
Suite à cela, le Secrétaire général adjoint à l'appui aux missions a indiqué que sur les 561 millions de dollars engagés en 2016, 317 millions de dollars avaient été consacrés à la gestion et la rémunération du personnel civil, tandis que 214 millions de dollars ont épongé les coûts opérationnels (unités de garde, services d’aviation, préservation de la vie: fourniture d’eau, d’électricité…). Il a expliqué qu’il est par nature difficile d’anticiper les coûts des missions politiques spéciales, indiquant, à titre d’exemple, qu’il était impossible de prévoir que les attentats terroristes fassent plus de 400 morts à Mogadiscio cette année. Il a cependant indiqué que les réformes envisagées prévoient de faire du budget ordinaire, qui est actuellement bi-annuel, un budget annuel pour mieux répondre aux évolutions sur le terrain, rappelant aussi qu’un chapitre budgétaire spécifique serait consacré aux missions politiques spéciales.
Les représentants de la République islamique d’Iran et du Venezuela ont par ailleurs demandé des précisions sur les actions de prévention, les interactions avec les États et les difficultés rencontrées sur le terrain par les missions politiques spéciales.
Dans un premier temps, le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques a rappelé que les missions politiques spéciales étaient déployées à la demande des États Membres et qu’elles pouvaient prendre différentes configurations. Il a ensuite expliqué que le mécanisme de prévention s’appuyait sur deux piliers: les alertes précoces et les actions d’urgence. Rappelant que la base du travail de coopération des missions est liée à l’appui des initiatives régionales, il a parlé de l’expertise technique que les missions politiques spéciales fournissent durant les élections. « Je ne vais pas dire que nous sommes considérés comme neutre, mais nous sommes vus en tout cas comme un fournisseur de valeur ajoutée », a affirmé M. Zerihoun.
Sur la question des difficultés rencontrées sur le terrain, le Secrétaire général adjoint à l’appui aux missions a notamment cité les déploiements effectués alors que les accords ne sont pas complètement finalisés. Il a également parlé des difficultés liées à l’utilisation des forces de sécurité locale pour effectuer des gardes lorsque les pays ne disposent pas de ressources organisées, citant notamment le cas de la Libye. Des défis peuvent également jaillir au niveau des contrats conclus avec l’ONU, faute de connaissance des spécificités administratives de l’Organisation.
Débat général
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. HALFOUNI (Maroc) a souligné l’importance du respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États dans la conduite des missions politiques spéciales. Il a ensuite appelé le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale à établir des mandats « clairs et réalisables » pour ces missions, basés sur une « évaluation objective » de la situation. Le représentant a également exhorté ces deux organes à se prémunir contre l’adoption de mandats « qui manqueraient de soutiens politiques ou ne disposeraient pas de ressources suffisantes ou ne seraient pratiquement pas réalisables ». Dans ce cadre, il a estimé qu’une approche intégrée de la planification des Missions était primordiale pour garantir le lien entre la formulation des mandats et leur mise en œuvre sur le terrain. « Nous espérons que la réforme en cours permettra de répondre à ces défis », a-t-il dit.
Par ailleurs, s’il a pris note des efforts du Secrétaire général pour instaurer une parité entre hommes et femmes, le représentant a appelé à garantir également une représentation géographique équitable dans la composition du personnel nommé à des postes de hauts rangs au sein des missions politiques spéciales, en particulier les représentants spéciaux, les envoyés et les membres de groupes de travail sur les sanctions. En outre, le représentant marocain a exprimé l’attachement de son groupe envers le consensus entre États Membres dans la définition des mandats des missions politiques spéciales. Selon lui, seules les idées et approches adoptées collectivement par les États Membres doivent être mises en œuvre. Il a également appelé le Secrétaire général à organiser des dialogues interactifs portant sur les missions politiques spéciales.
Enfin, le représentant a pris note de la complexité et de l’augmentation exponentielle des critères de financements des missions politiques spéciales au cours de la dernière décennie, notamment en raison du fait que l’établissement et le financement de ces missions ne suivent pas le cycle du budget ordinaire de l’ONU. Pour améliorer l’efficacité et la transparence budgétaire de ces missions, le représentant a appelé à ce qu’elles soient financées en fonction de critères, de méthodologies et de mécanismes identiques à ceux utilisés dans le cadre des opérations de maintien de la paix, notamment en créant un compte séparé pour les missions politiques spéciales.
M. GÜVEN BEGEC (Turquie), au nom du groupe MIKTA, qui regroupe le Mexique, l’Indonésie, la République de Corée, la Turquie et l’Australie, a salué le processus lancé par le Secrétaire général pour réformer l’architecture onusienne de la paix et de la sécurité. La transition des missions de maintien de la paix vers des missions politiques spéciales doit être financée de façon adéquate et être dotée des capacités nécessaires à cette transformation, a-t-il ajouté. Selon le MIKTA, rendre la paix durable requiert en particulier que la continuité des efforts de paix soit assurée par le biais de ressources matérielles, financières et politiques adaptées. Enfin, se référant au rapport du Secrétaire général sur les missions politiques spéciales, le représentant a insisté sur le fait que le dialogue interactif entre la direction des missions et les États Membres était le moyen le plus efficace de renforcer la contribution à une paix durable de celles-ci.
S’exprimant au nom du groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), M. MICHAEL BONSER (Canada) a souligné que depuis 2010, le nombre de conflits armés violents avait triplé et qu’en 2016 il y avait plus de pays qui étaient confrontés à des conflits armés qu’au cours des 30 dernières années. « À ce rythme, en 2030, plus de la moitié des pauvres vivront dans des pays où le niveau de violence est très élevé », s’est-il inquiété. Dans ce contexte, il a salué les ambitions de réformes du Secrétaire général pour accroître la cohérence et l’efficacité des efforts des Nations Unies pour prévenir les conflits et placer la prévention au cœur des priorités.
Il a estimé que dans cet objectif, les missions politiques spéciales étaient indispensables pour anticiper les conflits et pérenniser la paix et la stabilité, soulignant qu’elles étaient « la meilleure expression opérationnelle des capacités politiques des Nations Unies ». Il a cité en exemple les Centres régionaux de diplomatie préventive en Asie ou en Afrique, qui sont « des outils efficaces dont le coût est relativement bas ».
Le représentant a aussi insisté sur le rôle des missions politiques spéciales dans la transition aux opérations de maintien de la paix, rappelant que de mauvaises transitions accroissaient le risque de réémergence des conflits. Il a rappelé le cas de la Sierra Leone où la transition de l’opération de maintien de la paix a duré neuf ans et nécessité plusieurs missions politiques spéciales qui ont fourni un appui politique critique qui a permis de renforcer les capacités nationales de l’État et d’assurer une paix durable, « à un coût bien moindre que l’opération de maintien de la paix qui les avait précédées ».
Le représentant a ensuite estimé que lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques de conflit, les Nations Unies devraient être en mesure de disposer d’un éventail d’outils adaptés aux différentes situations et pays. Il a encouragé par ailleurs la Commission de consolidation de la paix (CCP) à assister les missions politiques spéciales dans l’exécution de leur mandat, particulièrement dans le contexte d’une transition suite à une opération de maintien de la paix, soulignant qu’elle pouvait faciliter la mise en place de partenariat avec des acteurs extérieurs aux Nations Unies. Il a aussi souligné que pour être efficaces, les missions politiques spéciales devaient disposer de ressources adéquates.
Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a salué le processus de réforme en cours de l’architecture de la paix et de la sécurité, soulignant que celui-ci doit aller de pair avec les processus de réforme du système de l’ONU dans les domaines du développement et de la gestion. La représentante a ensuite estimé que pour permettre aux missions politiques spéciales de renforcer la prévention et d’offrir des solutions durables tenant compte des besoins au niveau régional, il est essentiel de consolider les partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales. Les efforts de l’ONU, soutenus par les États Membres et les partenaires régionaux, doivent être pleinement appuyés politiquement, a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, la déléguée indonésienne a souligné l’importance que davantage de femmes soient nommées à des postes clefs des missions politiques spéciales, et en tant que représentantes ou envoyées spéciales au sein des missions de l’ONU et des équipes de pays. Elle a aussi jugé indispensable que les étapes de transformation des missions de maintien de la paix en missions politiques spéciales soient appuyées financièrement et logistiquement de manière adéquate. S’exprimant ensuite en sa capacité nationale, la représentante a notamment indiqué que son pays appuyait la restructuration du Département des affaires politiques en un département des affaires politiques et de la consolidation de la paix.
M. CASTANEDES (Guatemala) a appuyé le plan stratégique du Département des affaires politiques (DAP), adopté en 2013, et a salué son extension à la période 2016-2019. Selon lui, ce plan stratégique constitue un outil de planification utile pour aider à la conception des missions politiques spéciales, afin que ces dernières soient dotées de mandats individuels clairs et conformes à la réalité du terrain. Il a insisté sur la nécessité pour les Nations Unies de mettre en place des stratégies politiques « plus réalistes et adaptées à la réalité idiosyncratique de chaque pays, ce qui suppose également d’améliorer, au niveau analytique, la stratégie générale et la planification ».
Le représentant du Guatemala a par ailleurs appelé à consacrer davantage de ressources à la prévention des conflits, afin de répondre suffisamment en amont aux causes sous-jacentes, avant l’éclatement des crises. Pour y parvenir, il a jugé fondamental de renforcer la coopération entre le Département des affaires politiques et les différentes agences de l’ONU, y compris le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ONU-Femmes, le Département des opérations de maintien de la paix et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
Enfin, le représentant a appelé à faire en sorte que l’établissement de missions politiques spéciales se base sur le compromis le plus large possible entre États Membres. Il a aussi appelé à ce que la réforme du pilier de la paix et de la sécurité du Secrétaire général tende vers l’amélioration de l’efficacité et la cohérence des missions politiques spéciales.
M. GABRIELA MARTINIC (Argentine) a noté qu’au cours des 10 dernières années, les missions politiques spéciales ont assumé un rôle chaque fois plus important dans les efforts de maintien de la paix et de la sécurité internationales. L’ONU a de plus en plus utilisé cet instrument pour des mandats liés à un large éventail de secteurs, depuis la diplomatie préventive, à l’appui aux processus de paix, en passant par l’assistance à l’établissement de mécanismes de justice, d’observation des régimes des sanctions du Conseil de sécurité et jusqu’à la consolidation de la paix sur le terrain.
Le représentant a ensuite indiqué que si le projet de résolution négocié cette année représente une révision technique, il suppose une vision à long terme de la paix durable, résultant de l’adoption de résolutions quasiment identiques de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité sur la réforme de l’architecture de la consolidation de la paix. Il a appuyé le processus de réflexion et de réforme enclenché par le Secrétaire général autour du pilier paix et sécurité et des questions relatives à la logistique et à l’administration y associées. Il a salué le nouvel accent mis sur la prévention et sur la paix durable, tout en encourageant à éviter la fragmentation et à privilégier une vision stratégique, systémique et intégrale des activités liées à la diplomatie préventive, au maintien et à la consolidation de la paix et au développement.
L’Argentine a soutenu la proposition visant à fusionner les Départements des opérations de maintien de la paix et des affaires politiques et espéré que des progrès seront enregistrés concernant les questions de financement. Il a rappelé que le Secrétaire général, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), le Panel indépendant de haut niveau sur les opérations de la paix et le Groupe d’experts sur l’architecture de la consolidation de la paix sont tous favorables à la création d’un compte séparé, à l’établissement d’un cycle budgétaire annuel et à l’accès au compte d’appui pour les missions politiques spéciales. Il a regretté que les discussions à ce sujet se trouvent dans une impasse au sein de la Cinquième Commission depuis six ans déjà, et encouragé les parties qui négocient à faire preuve de davantage de bonne volonté pour arriver à un accord.
Pour Mme CARLA ESPERANZA RIVERA SÁNCHEZ (El Salvador) l’origine des conflits a trait aussi bien à des « différences de nature économiques que culturelles, raciales, religieuses et politiques », les différences politiques étant bien souvent celles qui prédominent et conduisent à la violence. Cela rend les missions politiques spéciales d’autant plus pertinentes, a-t-elle affirmé. Étant donné le rôle de ces missions, qui va bien au-delà de la participation à un processus de négociations, la représentante a appelé à faire en sorte qu’elles bénéficient d’un appui politique et financier suffisant pour accomplir leur mandat, tout en insistant sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale, l’indépendance politique et la souveraineté des États.
Au cours des dernières années, a par ailleurs constaté la représentante, les missions politiques spéciales ont eu tendance à perturber le budget ordinaire de l’Organisation, étant donné qu’elles représentent une part « considérable » de ce budget. La représentante a par conséquent appelé à créer un compte spécial pour ces missions. Cela augmenterait, selon elle, la transparence et mettrait fin aux perturbations majeurs occasionnées pour le budget ordinaire.
La représentante a ensuite appelé le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale à établir des mandats « clairs et réalisables » pour ces missions. En tant qu’organe le plus représentatif de l’Organisation, l’Assemblée est également, a-t-elle déclaré, l’enceinte où toutes les décisions portant sur la création de missions politiques spéciales doivent être prises. Enfin, la représentante a appelé le Secrétaire général à promouvoir des mécanismes pour que les pays ayant réalisés des progrès significatifs dans la consolidation de la paix puissent partager leur expérience avec les pays où se déroulent des missions politiques spéciales.
Mme MARÍA EMMA MEJÍA VÉLEZ (Colombie) a rappelé que la première mission politique spéciale déployée dans son pays s’est terminée il y a quelques mois. Elle a estimé que le succès de cette mission politique spéciale est le résultat d’un processus sur mesure. Ce besoin de répondre à la réalité sur le terrain, de ne pas se contenter de plaquer des formules toutes faites permet, selon elle, d’établir de meilleurs paramètres. Elle a aussi insisté sur le fait que la consolidation de la paix est une tâche complexe qui doit inclure les femmes. « La transversalisation de la perspective de genre permet de relever des défis dans la prévention des conflits et la durabilité à long terme de la construction de la paix », a-t-elle notamment expliqué. Soutenant la façon dont le Secrétariat général a envisagé sa réforme, elle a assuré qu’on ne peut pas sous-estimer ce type d’engagements quand on est sur le terrain et qu’on doit compter sur des ressources suffisantes.
M. T.K.S ELANGOVA (Inde) a rappelé qu’il y existait actuellement 25 missions politiques spéciales, dont 14 déployées sur le terrain, avec 10 Envoyés spéciaux du Secrétaire général, la majorité des effectifs étant déployés en Afrique et dans l’ouest de l’Asie. Pour lui, ce nombre élevé donne une idée de la fragilité de la paix et de la sécurité dans le monde, notamment au vu du fait que ces missions politiques spéciales gèrent des conflits internes, impliquant des acteurs non étatiques, ce qui transforme profondément la nature de la réponse que doivent apporter les Nations Unies. Il a insisté sur l’importance de trouver des solutions politiques qui permettent de prévenir les conflits, en donnant la priorité à la résolution politique.
Il a ensuite déploré la persistance de la fragmentation des opérations au niveau organisationnel et conceptuel, en dépit de la reconnaissance de l’importance d’une approche globale liant le maintien de la paix aux solutions politiques durables, à l’investissement dans les institutions et la gouvernance, ainsi que le développement durable. Le représentant a également déploré que le processus de réforme des missions politiques spéciales demeure « opaque, alors qu’il nécessite plus de transparence, de consultation entre le Conseil de sécurité et les États Membres ». Il a souhaité que le Département des affaires politiques organise un dialogue interactif avec les chefs des missions politiques spéciales plus régulièrement afin de tenir au courant tous les États Membres.
Rappelant les inefficacités bureaucratiques et la fragmentation, le représentant a regretté que le rapport du Secrétaire général ne fasse pas mention de la manière dont a été utilisé le budget des missions politiques spéciales, « en dépit du fait que ce soit le mécanisme le plus utilisé des Nations Unies ». Notant que les missions politiques spéciales ne suivent pas les cycles budgétaires réguliers, il a appelé à les doter de ressources plus pérennes et a défendu « la création d’un budget propre pour les missions politiques spéciales, sur le modèle de celui existant pour les opérations de maintien de la paix, avec les mêmes critères de méthodologies, de transparence et de redevabilité ».
M. OLIVIER MARC ZEHNDER (Suisse) a indiqué le Secrétaire général a relevé dans son rapport que les missions politiques spéciales sont des outils parmi les plus importants dont dispose l’ONU. Selon le représentant, ces instruments ont joué un rôle clef dans la prévention des conflits grâce à leur flexibilité et leur caractère préventif. Il est démontré, a-t-il continué, qu’on ne peut pas aborder la paix et la sécurité sans se préoccuper des droits de l’homme et du développement. C’est pourquoi la Suisse appelle à rapprocher les trois piliers onusiens pour parvenir à une meilleure synergie. Accompagnée de 70 États Membres, la Suisse a lancé un appel à Genève à ce propos afin d’utiliser le pilier des droits de l’homme pour renforcer la prévention des conflits. À propos de l’appui et du financement des missions politiques spéciales, le représentant a estimé qu’il fallait renforcer la transparence et éviter le chevauchement d’activités.
M. KAI SAUER (Finlande) a constaté qu’en réponse au contexte sécuritaire mondial, les Nations Unies ont placé beaucoup de pression sur les missions politiques spéciales. Mais, a-t-il insisté, si on nourrit l’objectif d’une organisation plus réactive et efficace dans sa capacité à prévenir les conflits, il faut que ces missions soient correctement dotées et financées pour remplir pleinement leurs rôles. Accueillant avec satisfaction le rapport du Secrétaire général sur les missions politiques spéciales, ainsi que ses conclusions sur les efforts nécessaires pour améliorer l’expertise, l’efficacité et la transparence, il a noté que la notion phare de ce rapport c’est celle de la prévention qui doit passer par la diplomatie préventive et la médiation. Un rôle qui est selon lui dans les attributions des missions politiques spéciales qui bâtissent les capacités et la résilience des sociétés. Concluant sur le projet de résolution consacré aux missions politiques spéciales, il a assuré qu’il ne s’agissait cette année que d’ajustements techniques et espéré que de nombreux pays le soutiendront.
M. SOSPETER KARANI IKIARA (Kenya) a salué le travail des missions politiques spéciales, particulièrement leur rôle central dans la pérennisation de la paix, la prévention des conflits et la consolidation de la paix. Il a apporté son plein soutien aux priorités du Secrétaire général pour accroître la diplomatie préventive en faveur de la paix. Il a insisté sur l’importance de la coopération régionale et sous régionale, rappelant la collaboration du Kenya avec la Conférence internationale des Grands Lacs, l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et la Communauté d’Afrique de l’Est.
Le représentant s’est dit en revanche préoccupé par « la croissance continue des menaces transnationales comme le terrorisme, l’extrémisme violent, le trafic d’êtres humains et les migrations irrégulières », les considérant comme le premier facteur de déstabilisation des États. Face à cette menace asymétrique, le représentant a insisté sur la nécessité pour les Nations Unies d’être plus « flexibles et proactives », citant les exemples de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), la Mission d’appui en Libye (MANUL) ou du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS).
Il a également salué la création d’un Bureau de lutte contre le terrorisme, « étape utile » pour faire face à ces nouveaux défis. Il a souhaité que celui-ci coopère directement avec les missions politiques spéciales. Il a également apporté son soutien à la réforme voulue par le Secrétaire général et a appelé à renforcer la coordination entre les entités des Nations Unies, ainsi que les formations, pour réduire le risque de fragmentation. Il a aussi souligné que le succès des missions politiques spéciales dépend aussi « d’un financement pérenne et prévisible, avec une coopération appropriée à tous les niveaux ».
Le représentant s’est par ailleurs félicité des « remarquables avancées » en Somalie, avec la tenue d’un processus électoral et le renforcement des capacités sécuritaires de l’État somalien. C’est là, a-t-il estimé, l’exemple de ce que peut permettre une missions politique spéciale et une bonne collaboration entre un pays hôte (Somalie), une organisation sous-régionale (la Communauté d’Afrique de l’Est), une organisation régionale (Union africaine), une opération de maintien de la paix (AMISOM) et une organisation internationale par le truchement de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie. Il a toutefois souligné que plus pourrait être fait si le financement de la mission politique spéciale était pérenne.
M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a estimé que les missions politiques spéciales ont été bénéfiques à la sécurité internationale, estimant toutefois qu’elles doivent être définies par des politiques développées conjointement par les États Membres où chacun pourrait faire entendre sa voix. Il a aussi insisté sur le fait qu’elles doivent avoir des mandats bien définis et disposer des moyens adéquats pour pouvoir les remplir. Jugeant que ces missions ne doivent pas impacter le budget régulier de l’Organisation et qu’il y a besoin d’identifier un mécanisme de financement différent, il a rappelé que le mouvement des pays non alignés avait proposé que les missions politiques spéciales soient financées grâce à un mécanisme analogue à celui qui finance les opérations de maintien de la paix.
Mme ELSA HAILE (Érythrée) a reconnu l’importance des missions politiques spéciales dans une approche globale de pérennisation de la paix. Elle a rappelé le rôle crucial de l’Assemblée générale pour guider le Secrétariat dans ses politiques y afférant. Elle a fermement soutenu la tenue régulière de dialogues interactifs et inclusives avec les États Membres sur l’ensemble des politiques ayant trait aux missions politiques spéciales. Elle a rappelé que ces dernières devaient être développées, mises en œuvre et contrôlées sur la base de consultations et selon un processus conforme à la Charte des Nations Unies. Elle a aussi mis en avant le besoin, pour le Secrétariat, d’informer les États Membres de manière complète, en leur procurant des informations détaillées, et dans un délai raisonnable, avant ces dialogues interactifs. La représentante a en outre souhaité recevoir des rapports plus détaillés sur les mesures prises par le Secrétariat pour renforcer son efficacité, assurer sa transparence et l’équilibre dans la représentation géographique.
M. YUTAKA SEKITO (Japon) a souligné que les missions politiques spéciales jouent un rôle préventif en appuyant les efforts de consolidation de la paix, de renforcement de la sécurité et de réforme de la justice. Notant le dynamisme des bureaux régionaux, il a notamment cité le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) qui travaille efficacement avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine pour réduire les tensions électorales en Gambie, ou encore les activités du Bureau du coordonnateur des Nations Unies pour les programmes d’assistance humanitaire et économique concernant l’Afghanistan (UNOCA). Il a aussi salué le travail de la Mission en Colombie qui a appuyé la mise en œuvre d’un accord de paix « historique », ainsi que de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan et de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq qui répondent à des besoins de reconstruction à grande échelle. Le délégué japonais a souligné que pour remplir efficacement leurs tâches, ces missions ont besoin de mandats clairement définis. Notant qu’une perspective de terrain est indispensable pour définir les contours de ces mandats, il a recommandé qu’un examen stratégique régulier de ces missions politiques spéciales soit organisé conjointement par le Conseil de sécurité et les États Membres.
« Nous reconnaissons le succès qu’ont connu ces missions par le passé, quoique de façon inégale », a déclaré M. NASIR (Maldives). Selon lui, les missions politiques spéciales continueront d’être des « instruments forts et fructueux » de la diplomatie onusienne, à condition que les États Membres y investissent davantage de ressources financières, d’expertise et de capital politique et que les objectifs de ces missions soient « clairement compris ». Du point de vue du représentant, les missions politiques spéciales, tout comme les opérations de maintien de la paix, devraient comporter, entre autres, un mandat de renforcement de l’État. Il a également estimé que l’autonomisation des femmes devait systématiquement être l’un des principaux objectifs des missions politiques spéciales. En outre, le représentant a insisté sur la nécessité pour ces missions de bénéficier d’un soutien plus large parmi les populations qu’elles sont censées aider, en améliorant leur communication et en entretenant des relations plus soutenues avec ces populations, de même qu’avec les organisations régionales et sous-régionales. Cela suppose, a estimé le délégué, des mandats clairs et adaptés au contexte politique, économique et social spécifique de chaque pays. « Les Maldives sont convaincues que cela peut être obtenu via un engagement continu, de la conception à la finalisation de ces missions, et au travers des leçons tirées d’expériences précédentes », a-t-il affirmé.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que les efforts du Secrétaire général pour réformer l’architecture onusienne de la paix et la sécurité resteraient sans effet sans un appui actif de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Il a ensuite soutenu la priorité accordée par le Secrétaire général au développement de la diplomatie préventive, qui s’accorde parfaitement à la notion de paix durable, a-t-il ajouté. Le représentant a également souligné l’urgence de rendre le système des Nations Unies dans son ensemble plus cohérent sur le plan institutionnel, cela pour garantir que la prévention des conflits et la paix durable figurent au cœur des activités politiques de l’Organisation, y compris des mandats des missions politiques spéciales. Évoquant la situation au niveau régional, le délégué a par ailleurs estimé que l’Union africaine et ses mécanismes régionaux avaient démontré la volonté politique nécessaire et l’engagement requis pour répondre efficacement aux situations de crise et consolider la paix.
M. WOUTER HOFMEYR ZAAYMAN (Afrique du Sud) a appelé à établir un partenariat robuste entre les missions politiques spéciales et les organisations régionales et sous-régionales. Il a indiqué que les envoyés mandatés par les régions peuvent également être utilisés par les Nations Unies afin de renforcer le rôle des missions politiques spéciales, ajoutant que lors de la dernière consultation conjointe entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, ce partenariat a été mis en exergue.
Le représentant a ensuite souligné que les missions politiques spéciales devaient être dotées de ressources adéquates et prévisibles. À cet égard, il a demandé l’amélioration des sources de financement, des progrès dans la réforme du financement et de l’appui. De plus, la création d’un compte séparé devrait non seulement accroître la prévisibilité et la transparence mais aussi accorder aux missions politiques spéciales la reconnaissance qu’elles méritent comme un instrument unique pour résoudre les conflits. Le représentant a réitéré l’appel des pays non alignés pour que le financement soit assuré par la mise en œuvre des mêmes critères, méthodes et mécanismes utilisés pour financer les opérations de maintien de la paix. Cela permettra de créer des missions politiques spéciales plus souples dans leurs déploiements et dans l’exécution de leurs mandats respectifs, a-t-il affirmé.
M. TORE HATTREM (Norvège) a jugé que les missions politiques spéciales sont les instruments de terrain de l’ONU aux fins les plus opérationnelles, et qu’à ce titre elles avaient besoin d’un maximum de soutien. Les missions déployées en République arabe syrienne, en Colombie et en Afghanistan en sont les meilleurs exemples, selon lui. Il a expliqué que le besoin de ces missions s’est accru du fait de leur bon rapport coût/efficacité. « Si nous échouons à les appuyer, l’alternative sera souvent de déployer des opérations de grandes échelles », a prévenu le délégué. C’est pourquoi il a regretté que les États Membres n’aient pas encore pu se mettre d’accord sur un cadre de travail correctement financé, alors même que ce serait synonyme d’économies pour les Nations Unies. Rappelant que la Norvège soutient la restructuration du pilier de la paix et de la sécurité de l’ONU et partage même l’objectif de « pilier unique », il a estimé qu’inclure les missions politiques spéciales dans l’éventail des opérations de la paix permettrait une approche holistique.
M. FAIYAZ MURSHID KAZI (Bangladesh) a estimé que le Secrétaire général avait bien défendu dans son rapport la nécessité d’aligner les missions politiques spéciales aux défis qu’elles doivent relever. Il a estimé que beaucoup dépend de l’appui accordé aux missions et des équipes chargées de la gestion des comptes de ces missions. Il a appelé à doter ces missions de ressources prévisibles pour les renforcer, réitérant son appui à la tenue de discussions approfondies sur le financement des missions politiques spéciales et à la création d’un budget qui leur serait spécifique. Si l’analyse et l’alerte précoce sont bien utilisées par les missions politiques spéciales pour prévenir l’émergence ou l’escalade des conflits, le délégué a cependant considéré que la Commission de consolidation de la paix pourrait les assister davantage notamment au niveau des réformes. Il s’est enfin félicité ce que les femmes avaient pu accomplir au sein de la Mission en Colombie et de la bonne répartition géographique au sein de ces missions en général.
Le Bangladesh a par ailleurs regretté qu’il ait été mis un terme au poste de représentant spécial pour le Myanmar l’an dernier, à l’inverse des recommandations du Bangladesh. Face à la situation actuelle, il a dit espérer que les Nations Unies se soient rendues compte de leur erreur, et rappelé que le Bangladesh avait proposé une résolution pour l’envoi d’un Envoyé spécial du Secrétaire général au Myanmar. Il a jugé crucial pour toutes les parties concernées de faciliter le retour volontaire des Rohingya chez eux, déplorant « l’écart immense » entre les engagements pris par le Myanmar et les réalités sur le terrain.
M. EZZIDIN Y. BELKHEIR (Libye) a rappelé que son pays avait une longue expérience de coopération avec les missions politiques spéciales de l’ONU, citant notamment le succès de la Mission d’appui en Libye (MANUL) en matière d’appui aux élections de 2012 et 2014, ainsi que ses contributions au renforcement de l’état de droit, des droits de l’homme et de la société civile. Il a indiqué que des défis persistent toutefois, qui empêche notamment l’accueil de la MANUL sur le territoire libyen.
Le représentant a noté que le principe d’appropriation n’était pas observé, des rapports étant publiés par la MANUL sans coordinations avec le Ministère des affaires étrangères libyen. Il a notamment déploré la publication du rapport de 2016 sur les migrants en Libye, estimant qu’un rapport sur un sujet aussi vaste et aussi complexe aurait dû se faire en coopération avec le Gouvernement libyen. Dans ce rapport, la MANUL se soucie plus de la situation des migrants illégaux et moins sur la situation des Libyens, a-t-il déploré, soulignant que conformément au mandat établi pour les missions politiques spéciales, la MANUL n’aurait pas dû s’emparer de cette question sans concertation avec le Gouvernement libyen. Il a déploré que cela ait diminué la confiance du peuple libyen dans l’action des Nations Unies, souhaitant par ailleurs que les réseaux sociaux ne servent pas à exprimer des points de vue personnels des membres de la MANUL.
Déplorant les actions qui éloignent les missions politiques spéciales de la population, le représentant a insisté sur l’importance de prendre en compte les spécificités locales, afin d’éviter des erreurs « d’ordre historique, culturelles ou linguistiques ». Il a notamment regretté que certains éléments de la mission ne parlent même pas la langue locale, mettant en lumière la faiblesse des mécanismes en place. Pour autant, le représentant a expliqué ne pas vouloir minimiser le rôle des Nations Unies et celui de la MANUL mais mettre en lumière la complexité et les défis nombreux qui existent, afin d’améliorer toutes les missions politiques spéciales.
Droits de réponse
Réagissant à l’intervention du Bangladesh, la représentante du Myanmar a assuré comprendre la préoccupation de la communauté internationale face à la situation humanitaire des Rohingya. Elle a indiqué que son pays avait identifié et rapidement adopté des mesures pour améliorer le sort de ces personnes, comme le rapatriement, la réhabilitation et la réinstallation, ainsi que des dispositions humanitaires. Elle a ajouté que le Myanmar travaille avec la Croix-Rouge et qu’il aide également les Rohingya qui sont réfugiés au Bangladesh. Elle a aussi assuré qu’un représentant des États-Unis s’est rendu récemment au Myanmar pour voir la situation sur le terrain. Elle a enfin tenu à rappeler que le Myanmar est parmi les pays les moins développés, mais qu’il a fait de nombreux progrès sur les droits de l’homme au cours des dernières années et qu’il appliquera tous ses engagements.
Le délégué du Bangladesh a estimé que sans l’engagement de la communauté internationale, il y aurait eu beaucoup moins de progrès multilatéraux avec le Myanmar. « Nous avons vu des signes inquiétants par le passé, a-t-il expliqué. Nous nous étions mis en accord sur un accord en 10 points, mais ensuite nous avons constaté que des dispositions avaient été supprimées ou omis par les autorités du Myanmar dans le document qu’ils ont publié sur les médias sociaux. Nous aurions aussi aimé entendre le Myanmar dire qu’il apporterait tout son soutien et son aide à l’Envoyé spécial du Secrétaire général qui sera nommé sur cette question », a-t-il indiqué.