Maintien de la paix: les délégations de la Quatrième Commission unanimes sur une participation accrue des femmes et une tolérance zéro pour les abus sexuels
La Quatrième Commission (questions politiques spéciales et décolonisation) a achevé, cet après-midi, son débat consacré aux opérations de maintien de la paix qui aura notamment été marqué par les préoccupations suscitées par le problème de l’exploitation et des atteintes sexuelles, des « actes terribles », qui « sapent l’efficacité des opérations de maintien de la paix et la crédibilité de l’ensemble des Nations Unies » et qui ont été unanimement condamnés par les délégations.
« Que des victimes de guerres et de conflits soient aussi victimes de violences sexuelles aux mains de représentants de l’ONU qui sont censés les protéger dépasse l’entendement et doit cesser urgemment », avait déclaré, dès les premiers jours de l’examen de cette question, le représentant de la Suisse, pour qui « on le doit aux populations civiles, aux pays hôtes, mais aussi à la majorité écrasante de Casques bleus honnêtes qui risquent chaque jour leur vie pour la paix ».
C’est d’une seule voix que les délégations ont dit, une fois de plus, aujourd’hui, leur appui à la politique de tolérance zéro du Secrétaire général et à sa stratégie qui « implique directement toutes les parties prenantes afin d’atténuer, de prévenir et de répondre à ces actes », le représentant du Népal insistant sur le fait qu’il fallait à présent passer « d’une tolérance zéro à un scénario zéro ».
L’adhésion aux Principes de Kigali sur la protection des civils et la signature du Pacte volontaire du Secrétaire général sur les abus sexuels ont été épinglés comme des voies à suivre, plusieurs représentants appelant également les pays contributeurs de troupes à poursuivre les auteurs des faits.
En écho, le représentant de la République-Unie de Tanzanie a indiqué que des mécanismes avaient été mis en place dans son pays pour s’assurer que « tous les cas fassent l’objet d’une enquête rapide et que des mesures disciplinaires sévères soient prises à l’échelle nationale ». De son côté, le représentant de la Gambie a assuré que son pays veillait à ce que tous les officiers nommés pour être déployés sous la bannière des Nations Unies suivent des formations pour les sensibiliser sur cette problématique, tandis que le délégué du Saint-Siège a demandé à ce que « la prévention des abus sexuels contre les femmes et les enfants soit totalement intégrée à la planification des opérations de maintien de la paix ».
À l’instar de la représentante de l’Algérie, plusieurs délégations ont par ailleurs estimé que les mesures visant à garantir la présence de plus de femmes dans les troupes contribueraient à la lutte contre les violences sexuelles. De manière générale, elles sont nombreuses à avoir salué l’objectif des Nations Unies d’atteindre 15% de femmes dans les contingents armés, la déléguée de Madagascar notant que « les agents féminins, tout en étant aussi efficaces dans le domaine de la paix, jouent un rôle primordial pour la population civile ». Renchérissant, le représentant du Saint-Siège a mis en lumière leur « rôle vital » dans la prévention des conflits, la réconciliation, la réhabilitation et la reconstruction des sociétés, insistant sur la nécessité de les impliquer « comme agents actifs de pacification ».
Les pressions budgétaires sur les opérations de maintien de la paix ont à nouveau fait l’objet de plusieurs commentaires des États Membres qui ont souligné que les opérations de maintien de la paix requièrent des ressources suffisantes et prévisibles, tant sur le plan financier que des ressources humaines, le délégué de la Gambie regrettant un manque d’équipement qui affaiblit les capacités.
Après avoir longuement mis en évidence combien les inégalités économiques et sociales étaient à la base des conflits, le représentant de la Zambie, quant à lui, a dénoncé une politique « d’économies de bout de chandelle », rappelant que les ressources qui sont consacrées au développement, la paix et la sécurité ne sont pas de simples dépenses, mais des investissements.
La séance a également été marquée par l’intervention du représentant de l’Australie, au nom du groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), qui s’est préoccupé, dans le cadre de l’exercice de son droit de réponse, du fait que plusieurs délégations ont régulièrement omis dans leur discours le principe du recours à la force pour la défense du mandat des missions. « Toutes énumérations des principes du maintien de la paix, sans cet élément, sont inappropriées et risquent de miner les capacités des Casques bleus sur le terrain », a-t-il déclaré.
La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 31 octobre, à partir de 15 heures.
ÉTUDE D’ENSEMBLE DE TOUTE LA QUESTION DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX SOUS TOUS LEURS ASPECTS
Suite et fin du débat général
Mme SANN THIT YEE (Myanmar) a salué le processus de réforme engagé par le Secrétaire général des Nations Unies. Elle a insisté sur le respect des principes fondamentaux du maintien de la paix –consentement des parties, impartialité et non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense- quel que soit l’évolution du contexte des conflits. Elle a rappelé l’importance de définir des mandats clairs pour les opérations de maintien de la paix, en phase avec les besoins et les défis émergeants. Elle a aussi insisté sur l’importance « de prendre entièrement en compte les voix qui s’élèvent du terrain », afin de définir des mandats adaptés qui puissent être réalisés. Elle a rappelé que la responsabilité de la protection des civils revenait en priorité aux pays hôtes et que les mandats des opérations de maintien de la paix devaient donc être définis « en appui » aux efforts déployés par les pays hôtes. Elle a également souligné que les opérations de maintien de la paix ne devaient pas se substituer aux mécanismes de règlements politiques, ou être des « solutions intérimaires ».
Rappelant que les abus sexuels perpétrés par du personnel onusien minaient la légitimité des opérations de maintien de la paix et de l’Organisation, elle a appuyé la politique de tolérance zéro du Secrétaire général. Elle a souligné que « l’accessibilité » des Casques bleus ne devait par reposer sur leur pays d’origine, mais sur leurs compétences et histoire personnelle. Elle a également rappelé le rôle important joué par les femmes dans le règlement des conflits, soutenant l’accroissement de leur présence dans les contingents de Casques bleus, afin de rendre les opérations de maintien de la paix « plus efficaces ». Elle a conclu en mettant en avant que son pays avait rejoint le « club des pays contributeurs de troupes » depuis 2015, s’engageant à poursuivre cette contribution.
M. SHANKER DAS BAIRAGI (Népal) a rappelé que les Casques bleus étaient l’aspect le plus visible des activités des Nations Unies, avec des missions de plus en plus complexes impliquant la protection des civils, la surveillance d’élections, l’appui aux réformes ou à la reconstruction des appareils sécuritaires des États et la réintégration de combattants. Il a rappelé que les opérations de maintien de la paix ne pouvaient pas se substituer aux processus politiques pour s’attaquer aux racines des conflits. Il a apporté son plein soutien à la réforme lancée par le Secrétaire général pour permettre aux missions d’être plus efficaces dans un contexte caractérisé par des nouveaux conflits, avec des acteurs non étatiques, des organisations criminelles et extrémistes transnationales. Il a notamment salué l’accent placé sur la prévention des conflits et la pérennisation de la paix.
Le représentant a mis en avant le statut des pays contributeurs de troupes « crédible et fiable » de son pays, avec plus 130 000 hommes déployés dans des opérations de maintien de la paix, dont « 76 ont donné leur vie en sacrifice ». À l’heure actuelle, 5 289 soldats de la paix népalais sont présents dans 14 opérations de maintien de la paix, a-t-il ajouté. Il a réclamé des mandats prévoyant « des scénarios de sorties de crise, avec des structures de commandement efficaces et fiables ». « La capacité sur le terrain doit être conforme aux tâches définies dans le mandat », a-t-il encore souligné, insistant sur l’importance de renforcer la formation des Casques bleus, notamment au vu de menaces de plus en plus multidimensionnelles et asymétriques. Le Népal a d’ailleurs mis en place un centre d’entrainement moderne et ambitionne d’en faire un centre de formation régional.
Le représentant a ensuite rappelé le lien étroit entre protection des droits de l’homme et maintien de la paix, en particulier pour ce qui est de la reconstruction des institutions et du renforcement de la démocratie et l’état de droit dans les situations post-conflit. Il a également mis en avant l’importance « cruciale » des nouvelles technologies et du renseignement pour les Casques bleus, ainsi que la communication sur la question de la protection des civils. Il a reconnu le rôle indispensable des femmes dans les opérations de maintien de la paix, soutenant les objectifs de 15% fixé par les Nations Unies. Il a par ailleurs appuyé la politique de tolérance zéro prônée par le Secrétaire général, appelant à passer « d’une tolérance zéro à un scénario zéro ». Il a fait savoir que le Népal avait adhéré aux principes de Kigali et signé le Pacte volontaire du Secrétaire général sur les abus sexuels.
M. MODEST JONATHAN MERO (République-Unie de Tanzanie) a constaté que la nature changeante du maintien de la paix complique les mandats et le déroulement des opérations. « Nous faisons face à des menaces non traditionnelles, dont le terrorisme et le crime organisé transnational, qui forcent les missions à se transformer en position de combat spécialisé pour assurer la protection des civils innocents et du personnel de l’ONU », a-t-il observé. Le représentant a regretté que les Nations Unies soient en train de réduire les forces de plusieurs missions de maintien de la paix en raison de contraintes budgétaires. « Ce processus n’est pas connecté à la situation sur le terrain. Il met les vies des Casques bleus en danger, car ces forces réduites sont ensuite sous pression et vulnérables », a-t-il dénoncé. Il a ensuite insisté sur la nécessité d’assurer une pleine participation des pays contributeurs de troupes pour faire en sorte que les mandats soient configurés et réalignés afin de refléter la réalité de la situation sur le terrain et dotés des forces et des capacités adéquates. M. Nero s’est cependant dit satisfait du nouveau taux de remboursement mis en place depuis 2017, suite au rapport du Groupe de travail sur le remboursement du matériel appartenant aux contingents. Il a cependant regretté que cette rencontre n’ait pas abordé toutes les préoccupations des pays contributeurs de troupes, se félicitant toutefois de l’examen des coûts des troupes actuellement en cours, estimant qu’il couvre précisément les défis existants.
Le représentant a ensuite rappelé que son pays est pleinement engagé à mettre en œuvre les initiatives de renforcement des capacités liées au Système de préparation des moyens de maintien de la paix, et à déployer des troupes bien entraînées, bien équipées, et disciplinées. Il a aussi appelé à renforcer la coopération entre les Nations Unies et les communautés régionales, dont l’Union africaine. M. Nero s’est ensuite attardé sur le problème des abus et de l’exploitation sexuelle, qu’il a fermement condamné. Il a annoncé que son pays avait pris des mesures rapides en collaboration avec les Nations Unies et a salué la stratégie du Secrétaire général qui « implique directement toutes les parties prenantes afin d’atténuer, de prévenir et de répondre à ces actes ». Le Gouvernement de la Tanzanie, a-t-il indiqué, a mis en place des mécanismes pour s’assurer que tous les cas fassent l’objet d’une enquête rapide et conformément avec la politique de tolérance zéro des Nations Unies, et que des mesures disciplinaires sévères soient prises à l’échelle nationale.
Mme IGHIL (Algérie) a rappelé que les opérations de maintien de la paix doivent être menées dans le respect des principes énoncés dans la Charte. Tout en se félicitant des efforts du Secrétaire général et de l’accent mis sur la prévention, elle a rappelé que les processus de réforme devaient se faire en consultation étroite avec les États Membres. Elle a aussi estimé qu’il fallait reconnaître l’importance du rôle de la politique dans le règlement des conflits et a demandé que les opérations de maintien de la paix aient des stratégies de sortie claires et des mandats réalistes incluant la composante droit de l’homme. La représentante a par ailleurs jugé nécessaire d’examiner si les opérations de maintien de la paix ont pu mettre en œuvre leur mandat.
La représentante a ensuite dénoncé la persistance des abus commis par des Casques bleus, une préoccupation majeure pour son pays, déplorant qu’ils sapent l’efficacité des opérations de maintien de la paix et la crédibilité de l’ensemble des Nations Unies. Elle a appuyé la politique de tolérance zéro en cas d’abus et d’exploitation sexuels ainsi que l’accent mis sur la prévention et a demandé la prise de mesure immédiate pour faire face à ce fléau. Elle a estimé que les mesures visant à garantir la présence de plus de femmes dans les troupes contribueront certainement à éliminer les mauvaises conduites. Enfin, elle a appelé à davantage de coopération entre les Nations Unies et les acteurs régionaux, particulièrement l’Union africaine. Elle s’est félicitée du Cadre commun entre l’Union africaine et l’ONU, appelant à assurer le partage des tâches et une analyse conjointe, mais aussi à privilégier la transparence et la responsabilisation telle que souligné dans la résolution 2320 du Conseil de sécurité. Elle s’est par ailleurs souciée de la sureté des Casques bleus, ciblés par des groupes terroristes et des groupes armés, particulièrement au Mali, en République centrafricaine et au Soudan du Sud.
M. MAMADOU TANGARA (Gambie) a rappelé que son pays avait participé à 10 opérations de maintien de la paix autour du globe, impliquant plus de 4 000 Casques bleus. Il a soutenu les efforts déployés pour rendre les opérations de maintien de la paix plus efficaces et salué le fait que le Secrétaire général ait fait de la réforme de l’architecture du maintien de la paix l’une de ses priorités. Il a souligné la nécessité de doter les opérations de maintien de la paix de mandats clairs et réalisables, appelant au renforcement des capacités des pays contributeurs de troupes et à une amélioration des systèmes de détection précoces d’éventuels conflits et de réaction rapide. Dans ce contexte, il a insisté sur la nécessité de renforcer la place des pays contributeurs de troupes dans les prises de décisions et les consultations sur les mandats des opérations de maintien de la paix.
Préoccupé par les menaces de plus en plus asymétriques auxquelles doivent faire face les Casques bleus, il a fermement condamné les attaques prenant pour cibles des soldats de la paix et a salué les efforts déployés par le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) pour mettre en place des kits et des outils destinés à améliorer la protection des missions.
Se disant par ailleurs « consterné », qu’« en dépit des efforts déployés pour traiter le problème des abus sexuels, des cas continuent d’être mis en lumière », le représentant a déploré qu’ils « minent la crédibilité des missions sur le terrain ». « Ces actes terribles compromettent la crédibilité et l’intégrité des opérations de maintien de la paix et créent de la défiance de la part des communautés qu’elles sont censées protéger », a-t-il insisté, avant « d’exhorter les pays contributeurs de troupes à poursuivre sans délais les officiers accusés devant leurs juridictions nationales ». Il a indiqué que son pays s’assurait que tous les officiers nommés pour être déployés sous la bannière des Nations Unies suivent des formations pour les sensibiliser sur cette problématique.
Le représentant a ensuite appelé à renforcer la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, notamment avec l’Union africaine, afin d’améliorer la performance des opérations de maintien de la paix. Il s’est aussi préoccupé du manque d’équipement qui affaibli les capacités des missions et a soutenu l’appel du Département d’appui aux missions en faveur de contributions supplémentaires en matière d’équipement.
Mme LILA NADIA ANDRIANANTOANDRO (Madagascar) a salué les changements proposés par le Secrétaire général en matière de planification, de gestion et d’appui aux missions, ainsi que la création de divisions régionales conjointes pour appuyer la direction stratégique, qui « ne peuvent que renforcer l’efficacité des opérations de paix ». Après avoir fait le tour d’horizon des missions dans lesquelles sont déployés des officiers malgaches, la représentante a salué la prorogation du mandat de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), et à cet égard, a réaffirmé l’importance de renforcer les partenariats stratégiques avec les organismes régionaux « afin que les interventions soient plus rapides et efficaces sur le terrain ». Elle s’est félicitée de la signature du Cadre commun ONU-Union africaine, ainsi que du partenariat existant entre les deux organisations, « étant donné que 60% des opérations se déroulent en Afrique ».
Abordant ensuite le chapitre budgétaire, elle a affirmé que les missions de la paix requièrent des ressources suffisantes et prévisibles, tant sur le plan financier que des ressources humaines. Elle s’est ainsi réjouie des engagements pris par les États Membres pour l’attribution de bourses de formation et de la volonté du Secrétariat d’appuyer davantage les pays en développement désireux de fournir les troupes. Elle a aussi demandé un meilleur équilibre des sexes au sein des forces de police et de l’armée, car « les agents féminins, tout en étant aussi efficaces dans le domaine de la paix, jouent un rôle primordial pour la population civile ». Poursuivant, elle a également appelé à une meilleure prise en compte du facteur linguistique. Son pays, a-t-elle aussi indiqué, soutient en priorité la diplomatie préventive, les solutions politiques et le dialogue constructif, ainsi que la médiation, « qui doivent focaliser notre attention ». Mme Andrianantoandro a par ailleurs condamné à la fois les actes de violence à l’encontre du personnel de l’ONU, qui ont plus que doublé ces dernières années, et les cas d’exploitation et d’atteinte sexuelle à l’encontre des civils. « De tels actes entachent le travail exceptionnel et le dévouement de milliers de soldats de la paix onusiens ».
Notant que la nature des conflits a changé et que les circonstances qui ont créé l’architecture de la paix et de sécurité en 1945 ne sont plus les mêmes, M. LAZAROUS KAPAMBWE, (Zambie), a rappelé que les approches en matière de paix et de sécurité devaient également évoluer. « Les outils que nous utilisons doivent changer, les mécanismes et les règles d’engagement aussi ». Le délégué a particulièrement insisté sur le fait que toute approche qui ne prend pas en compte les causes profondes de l’instabilité ou du conflit était vouée à l’échec, ou du moins condamnée au court terme. Pour lui, il est clair que nombre de ces causes sont liées au sous-développement social et économique. « Aussi longtemps que nous avons le pauvre, l’exploité, le sous-développé d’un côté, et le riche, le développé et le privilégié de l’autre, il n’y aura pas de paix et de sécurité durable dans le monde. Aucun mur érigé autour du privilège ne sera assez haut pour être rabaissé ou suffisamment imprenable pour empêcher les brèches » a-t-il mis en garde, ajoutant que les inégalités existent à l’intérieur même des nations.
« La majorité de nos citoyens n’ont pas d’emploi, pas d’opportunité, pas d’espoir. Ils sont frustrés, désillusionnés, en colère. Ils sont marginalisés, exclus. Ils n’ont aucun intérêt pour les sociétés dans lesquelles ils vivent » a-t-il dénoncé, soulignant qu’« il n’est donc pas étonnant qu’ils deviennent la proie des extrémistes et de ceux qui les recrutent comme enfants soldats, esclaves sexuels, trafiquants de drogue, terroristes ou insurgés ». Le représentant a par ailleurs mis en garde contre les « économies de bout de chandelle », soulignant que les ressources qui sont consacrées au développement, la paix et la sécurité ne sont pas de simples dépenses, mais des investissements. Il a souligné que le monde d’aujourd’hui ne manquait pas de ressources, comme le montre les statistiques sur le PIB mondial qui n’a jamais été aussi élevé.
Mme SAADA DAHER HASSAN (Djibouti) a indiqué que les conséquences des conflits sont très lourdes et la situation est particulièrement difficile en Afrique, qui fait face aux plus grands périls de sécurité, comme cela ressort des missions conjointes Union africaine-Nations Unies en Somalie et au Soudan du Sud. Cela mobilise des moyens qui auraient pu être utilisés pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable, a observé la représentante. Cette nature changeante des menaces nécessite une plus grande compréhension de l’environnement, a-t-elle poursuivi en se félicitant de la réforme engagée par le Secrétaire général. Elle a toutefois estimé que les problèmes ne pouvaient être pris en charge par les Nations Unies seules et que le partenariat stratégique avec les organisations régionales et sous-régionales était essentiel. Elle a salué la signature du Cadre commun Union africaine Nations Unies et la résolution 1378 prise par le Conseil de sécurité en 2017 pour renforcer le travail et la coopération entre ces organisations. Pour elle, l’AMISON est un bon exemple de ce partenariat qui a permis de placer la Somalie sur la voie de la paix, avec la tenue de deux élections démocratiques. Elle a toutefois déploré que la situation sécuritaire demeure fragile, comme l’a tristement rappelé l’attentat du 14 octobre dernier qui a tué 300 personnes à Mogadiscio. « Malheureusement les terroristes d’Al-Chabab posent des menaces à la Somalie et à l’ensemble de la région. C’est pourquoi mon pays a décidé de contribuer en envoyant 2 000 hommes et femmes, la plus grande contribution à ce jour de Djibouti », a-t-elle annoncé.
Poursuivant, la représentante a exhorté la communauté internationale à continuer à contribuer aux capacités de développement de l’Afrique. « Il faut se focaliser sur la prévention des conflits et le règlement pacifique ». Elle a également demandé de renforcer la coopération triangulaire, insistant par ailleurs sur la prise en compte de l’aspect sexospécifique dans tous les aspects du maintien de la paix. La représentante a aussi dit être grandement préoccupée par la récurrence des abus et de l’exploitation sexuels, soulignant que son pays appuie pleinement le Pacte volontaire du Secrétaire général.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé que les opérations de maintien de la paix étaient un instrument indispensable des Nations Unies, qui ont contribué à la résolution de nombreux conflits internes ou entre États. Il a salué la réforme engagée par le Secrétaire général des Nations Unies, alors que les opérations de maintien de la paix font face à de nouveaux défis et qu’elles ont besoin de nouvelles politiques pour s’assurer qu’elles répondent aux objectifs et idéaux des Nations Unies. Rappelant que le Saint-Siège considérait que la protection des civils avait une dimension cruciale dans les opérations de maintien de la paix, le représentant a estimé que celle-ci devrait être « l’un des éléments centraux des mandats des missions », soulignant que c’était aussi « souvent un élément décisif du succès et de la légitimité » des déploiements de Casques bleus. Il a réitéré son « appel aux producteurs d’armes pour limiter la fabrication et la dissémination d’armes qui sont ensuite utilisées pour terroriser les populations civiles et détruire les infrastructures ».
« Le Saint-Siège reconnaît le rôle vital que les femmes peuvent jouer dans la prévention des conflits, au travers de la médiation et de la diplomatie préventive, pour la réconciliation, la réhabilitation et la reconstruction des sociétés, ainsi que pour empêcher la reprise de conflits armés », a-t-il expliqué, insistant sur la nécessité de les impliquer « comme agents actifs de pacification ». Il a salué la contribution des femmes dans les opérations de maintien de la paix.
Abordant le problème des abus sexuels, il a pris note de la nouvelle politique mise en place pour renforcer les règles qui gouvernent la discipline du personnel. « Les Nations Unies doivent continuer de s’assurer que la prévention des abus sexuels contre les femmes et les enfants est totalement intégrée à la planification des opérations de maintien de la paix », a-t-il encore demandé, avant d’insister sur l’importance de la reconstruction des États et de la coopération entre le Conseil de sécurité, les pays contributeurs de troupes, les pays hôtes et les organisations régionales ou sous-régionales. Il a souhaité que cette relation de collaboration soit renforcée au travers d’interactions régulières qui consolident la confiance, la transparence et le consensus dans le processus de « décolonisation de décision ».
Droit de réponse
S’exprimant au nom du Groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle Zélande), le représentant de l’Australie a rappelé que les opérations de maintien de la paix doivent respecter les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux du maintien de la paix –consentement des parties, impartialité et non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou pour la défense du mandat d’une mission.
Il s’est préoccupé du fait que plusieurs interventions de délégations ont régulièrement omis le principe du recours à la force pour la défense du mandat. « Toutes énumérations des principes du maintien de la paix, sans cet élément, sont inappropriées et risquent de miner les capacités des Casques bleus sur le terrain », a-t-il déclaré.