La Sixième Commission entame l’examen du rapport annuel de la Commission du droit international
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entamé ce matin l’examen des premiers chapitres thématiques du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), en abordant notamment les projets d’articles sur les crimes contre l’humanité et les projets de directives sur l’application provisoire des traités.
En début de séance, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies, M. João Miguel Ferreira de Serpa Soares, s’est félicité que la Commission du droit international et la Sixième Commission soient réunies à l’occasion de la Semaine du droit international. « Une grande part du droit international a peut-être déjà été codifiée, mais celui-ci continue de se développer progressivement dans des directions jusqu’ici imprévues », a-t-il noté.
Le Président de la Commission du droit international, M. Georg Nolte, venu présenter ce rapport de 270 pages, a vanté « la tradition d’interaction et de collaboration » entre la CDI et la Sixième Commission dans le développement progressif du droit international et sa codification. Il a fait le point sur un premier groupe de chapitres du rapport de la Commission sur les travaux de sa soixante-neuvième session, à savoir les chapitres introductifs I à III, le chapitre IX portant sur les décisions et conclusions de la commission, le chapitre IV consacré aux crimes contre l’humanité, et le chapitre V sur l’application provisoire des traités.
Alors que le crime de génocide et les crimes de guerre font l’objet de conventions, il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’instrument international juridiquement contraignant consacré à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité et à la promotion de la coopération entre États en la matière. En 2013, dans le cadre de sa soixante-cinquième session, la CDI s’est donné pour objectif d’élaborer des projets d’articles devant mener à l’adoption d’une convention sur les crimes contre l’humanité. Cette année, elle a adopté en première lecture un ensemble complet de projets d’articles, a relevé M. Nolte.
S’exprimant au nom des pays nordiques, la Suède a accueilli avec satisfaction le texte des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité, insistant sur la nécessité de « redoubler d’efforts pour mettre fin à l’impunité de ces crimes haineux ». Elle s’est notamment félicitée de l’obligation contenue dans le projet d’article 6, qui stipule que « tout État prend les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de son droit pénal ».
Les projets d’articles doivent compléter le cadre juridique établi par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et la Convention de Vienne, ont insisté l’Italie et l’Australie. Plusieurs délégations ont d’ailleurs relevé que la définition des crimes contre l’humanité est conforme à celle donnée par le Statut de Rome.
La Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), par la voix d’El Salvador, a mis l’accent sur le projet de liste de crimes pour lesquels l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État n’est pas admissible.
Soulignant que les projets d’articles relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire réservent le droit interne lorsque nécessaire, la Suisse, comme l’Autriche, s’est déclarée en faveur du projet d’article 13, qui, a-t-elle résumé, précise à juste titre que les infractions constitutives de crimes contre l’humanité ne peuvent en aucun cas être considérées comme des infractions politiques qui justifieraient un refus de l’extradition.
Pour sa part, le représentant de la Chine a regretté que des projets d’articles relatifs aux crimes contre l’humanité ne tiennent pas compte de la pratique existante et de l’opinio juris des États. Il a cité en exemple les dispositions relatives à l’extradition, à l’entraide judiciaire et à la protection des droits des victimes et des témoins, qui ne sont pas, selon lui, corroborées par la pratique des États.
Par définition, a souligné le représentant de la France, les projets de la commission doivent reposer sur l’étude de la pratique internationale. « On peut se demander dès lors dans quelle mesure les 11 projets de directives sur l’application provisoire des traités adoptés à ce jour reflètent la large pratique recensée par le Secrétariat, dont la commission a décidé de reporter l’examen à l’année prochaine », a-t-il regretté.
L’Union européenne a quant à elle salué la décision de la Commission d’élargir la portée des projets de directives afin d’inclure les traités entérinés par les organisations internationales. Elle a invité la CDI à clarifier le lien entre l’application provisoire des traités et les autres dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La Sixième Commission poursuivra son examen du rapport annuel de la Commission du droit international mardi 24 octobre, à partir de 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIÈME SESSION (A/72/10)
Déclarations
Le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies, M. JOÃO MIGUEL FERREIRA DE SERPA SOARES, s’est félicité que la Commission du droit international et la Sixième Commission soient réunies à l’occasion de la Semaine du droit international. Comme le prévoit l’Article 13 de la Charte des Nations Unies, ces deux commissions jouent un rôle important dans le développement progressif du droit international et sa codification, a-t-il noté, rappelant que leur action a mené à la création de la Cour pénale internationale (CPI).
Dans le cadre de son soixante-dixième anniversaire, en 2018, la Commission du droit international tiendra ses premières réunions à New York, a indiqué M. de Serpa Soares, avant de convoquer une conférence sur le travail de la CDI et sa coopération avec les États Membres, en juillet. « Une grande part du droit international a peut-être déjà été codifiée, mais celui-ci continue de se développer progressivement dans des directions jusqu’ici imprévues », a-t-il conclu.
M. GEORG NOLTE, Président de la Commission du droit international, a présenté le premier groupe de chapitres du Rapport de la Commission sur les travaux de sa soixante-neuvième session à l’étude, à savoir les chapitres introductifs I à III, le chapitre IX intitulé « Autres décisions et conclusions de la commission », le chapitre IV consacré aux crimes contre l’humanité, et le chapitre V sur l’application provisoire des traités.
« La commission chérit la tradition d’interaction et de collaboration entre la Commission du droit international (CDI) et la Sixième Commission dans le développement progressif du droit international et sa codification », a déclaré le Président.
En ce qui concerne les chapitres introductifs et ses autres décisions et conclusions, la CDI a fait d’importants progrès, a résumé M. Nolte. Elle a également achevé son travail concernant le sujet des crimes contre l’humanité avec l’adoption d’un ensemble complet de projets d’articles. La commission a en outre travaillé sur les questions de l’application provisoire des traités, de la protection de l’atmosphère, de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, et des normes impératives du droit international général (jus cogens).
La question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés est en transition, a-t-il expliqué. La commission a déjà commencé à travailler sur le thème de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État.
Pour faciliter le travail de la Commission, le Chapitre III du rapport attire l’attention sur des points sur lesquels des observations des gouvernements seraient particulièrement intéressantes.
Pour marquer le soixante-dixième anniversaire de la CDI, des commémorations seront organisées sous le thème « 70 ans de la Commission du Droit International, dresser le bilan pour l’avenir » à Genève et à New York.
Le chapitre IV sur les crimes contre l’humanité est une des réalisations importantes de la commission, a insisté M. Nolte, car il reconnaît que les crimes contre l’humanité n’ont pas de traité qui se concentre sur la mise en place d’un droit national, sur les juridictions nationales et la coopération interétatique dans la lutte contre l’impunité. Les commentaires et observations sur ces questions doivent être soumis au Secrétariat général le 1er décembre 2018, a-t-il précisé.
En particulier, a relevé le Président, le projet d’article 5 expose la notion de « non-refoulement » qui oblige un État à ne pas extrader un étranger en cas de risque spécifique. Le paragraphe 5 du projet d’article 6 indique que la position officielle d’une personne ne constitue pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale. Les paragraphes suivants demandent aux États de prendre les mesures nécessaires pour que les infractions visées soient passibles de peines appropriées.
Le projet d’article 13 indique les droits, obligations et procédures applicables à l’extradition d’un auteur présumé coupable selon ces articles. Les questions qui sont soulevées sont souvent les mêmes concernant la nature de l’extradition. Le projet d’article 14 aborde la question de l’entraide judiciaire, car il n’y a actuellement pas de convention en ce qui concerne les crimes contre l’humanité. Comme c’est le cas pour l’extradition, tout État n’a souvent pas de traité en la matière, lorsque cette coopération est nécessaire. Le projet d’article cherche à fournir un cadre juridique, a expliqué M. Nolte. Le projet d’article 15 aborde la question du règlement des différends entre États sur la question des crimes contre l’humanité.
Abordant le chapitre V sur l’application provisoire des traités, qui contient le texte des projets de directives provisoirement adoptés à ce jour par la commission, le Président a souligné que le projet de directive 1 concernant le champ d’application doit être lu avec le projet de directive 2 sur l’objet des projets. Le projet de directive 4 porte sur les accords provisionnels qui peuvent s’appliquer. Le projet de directive 5, lui, prévoit que l’application à titre provisoire d’un traité ou d’une partie d’un traité prend effet à la date et suivant les conditions et les modalités fixées par le traité. En outre, l’application provisoire d’un traité par un État ou une organisation internationale cesse quand l’intention de le cesser est communiquée.
Enfin, le projet de directive 11 intitulé « Accord relatif à l’application à titre provisoire avec les limites découlant du droit interne des États ou des règles des organisations internationales » prévoit de limiter provisoirement cette application pour prendre en compte les dispositions constitutionnelles des États, a-t-il ajouté.
Intervenant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. HECTOR ENRIQUE CELARIE LANDAVERDE (El Salvador) a salué la décision de la Commission du droit international (CDI) de tenir sa soixante-dixième session à New York et à Genève. D’après lui, la session qui aura lieu du 30 avril au 1er juin 2018 à New York devrait contribuer à renforcer l’interaction entre la Sixième Commission et la Commission du droit international. Il a encouragé un débat fructueux entre les membres de la Sixième Commission, en tant qu’organe composé de représentants gouvernementaux, et les membres de la Commission du droit international, en sa qualité d’organe composé d’experts juridiques indépendants. Il a souhaité que cette initiative se poursuive à l’avenir.
Dans ses remarques au sujet de la dernière session, M. Celarie Landaverde a pris note du texte des projets d’articles adoptés en première lecture sur la question des crimes contre l’humanité et des commentaires, ainsi que des paragraphes du préambule. Il a noté à ce propos l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que norme impérative du droit international général. Il a aussi mis l’accent sur le projet de liste des crimes pour lesquels l’immunité ratione materiae n’est pas admissible dans le contexte de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Il a ensuite mentionné le premier rapport présenté sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État.
Par ailleurs, le représentant a reconnu les efforts déployés pour adopter des projets de directives qui reflètent un développement progressif sur des thèmes tels que l’application provisoire des traités ou la protection de l’atmosphère. Il a salué l’adoption des projets de conclusion 2 et 4 à 7 concernant les normes impératives du droit international général (jus cogens).
M. Celarie Landaverde a pris note des questions spécifiques identifiées dans le rapport qui exigent des observations de la part des gouvernements, qu’il a exhortés à coopérer. Enfin, il s’est félicité de l’inscription de nouveaux sujets au programme de travail de la CDI, à savoir les principes généraux du droit et la preuve devant les juridictions internationales.
M. LUCIO GUSSETTI, délégué de l’Union européenne, a salué la décision de la Commission du droit international (CDI) d’élargir la portée des projets de directives sur l’application provisoire des traités afin d’inclure les traités entérinés par les organisations internationales. Notant que les commentaires relatifs au projet de directive 4 sur la forme de l’accord ne font pas usage du terme « unilatéral » en référence à une déclaration d’un État ou d’une organisation internationale, il a appelé la CDI à élaborer sur cette question afin d’améliorer la cohérence du droit international à cet égard.
Le délégué a souligné les efforts de la CDI visant à clarifier le lien entre l’application provisoire des traités et les autres dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Cependant, a-t-il noté, la position de l’Union européenne diffère de celle de la commission sur la mise en œuvre de l’article 60 de la Convention portant sur l’extinction d’un traité ou la suspension de son application comme conséquence de sa violation. Il a invité la CDI à clarifier les règles du droit international portant sur la suspension de l’application provisoire sur la base de l’article 60. S’il s’est ensuite félicité de la décision de la CDI de clarifier l’effet de la référence au droit interne des États dans l’application provisoire des traités, il a toutefois estimé que les projets de directives 9 et 11 sont non opposables.
S’agissant du Mémorandum du Secrétariat en date du 24 mars 2017, M. Gussetti a apprécié le fait que les suggestions émises par l’Union européenne l’an dernier aient été prises en compte. Il a estimé que la portée et la fin de l’application provisoire ainsi que l’analyse juridique des accords bilatéraux et multilatéraux contenus dans le Mémorandum doivent faire l’objet d’un examen minutieux.
Mme ELINOR HAMMARSKJOLD (Suède), s’exprimant au nom des pays nordiques, a déploré que les auteurs de crimes contre l’humanité ne soient pas toujours traduits en justice. « Il faut redoubler d’efforts pour mettre fin à l’impunité de ces crimes haineux », a-t-elle déclaré. Elle a donc accueilli avec satisfaction le texte des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité adoptés par la Commission du droit international (CDI) en première lecture.
La représentante a apprécié de voir la question du non-refoulement figurer après l’obligation de prévention dans le texte, un placement logique selon elle. Le projet d’article 5 intitulé « non-refoulement » est une disposition importante pour empêcher les personnes d’être exposées à des crimes contre l’humanité, a-t-elle insisté.
Par ailleurs, les pays nordiques soutiennent pleinement l’obligation contenue dans le projet d’article 6 qui porte sur l’incrimination en droit interne et stipule que « tout État prend les mesures nécessaires pour que les crimes contre l’humanité constituent des infractions au regard de son droit pénal ». La représentante a déclaré accorder la plus grande importance au droit des victimes et au droit à réparation de ces victimes. Seuls les crimes contre l’humanité n’ont pas de traité propre, a-t-elle noté, indiquant qu’elle va continuer à soutenir ces avancées.
Passant au thème de l’application provisoire des traités, la représentante a déclaré soutenir les efforts du rapporteur spécial et de la commission. Cependant, certaines questions méritent d’être examinées plus avant. Des défis existent eu égard à la diversité des systèmes nationaux. Les clauses types pourraient être utiles et nous sommes heureux de découvrir que celles-ci ont été intégrées et que d’autres vont être intégrées, a-t-elle déclaré. Enfin, elle a jugé essentielle la question des principes généraux de droit. Cependant, les juridictions internationales les appliquent en tant que source de droit, ce qui pose parfois problème. À cet égard, la CDI pourrait donner des indications, a-t-elle estimé.
M. HELMUT TICHY (Autriche) a salué le travail de la Commission du droit international (CDI) sur les crimes contre l’humanité. Il s’est déclaré en faveur de l’élaboration d’une convention portant sur l’extradition et l’entraide judiciaire, tout en suggérant que les accords internationaux portant sur la coopération judiciaire soient pris en compte par la CDI. Il a noté que le projet d’article 13 portant sur l’extradition stipule que l’extradition peut être refusée par un État si ses lois nationales l’interdisent. Toutefois, a-t-il relevé, dans le cas de crimes contre l’humanité, « cela ne devrait pas mener à l’impunité », ce que le droit autrichien interdit.
Concernant l’entraide judiciaire, le représentant a fait remarquer qu’elle doit être mise en œuvre en accord avec le droit interne, sans préjudice des données personnelles. Concernant le projet d’article 15 sur le règlement des différends, le représentant s’est demandé pourquoi le paragraphe 2 ne prévoit pas une limite de temps des négociations avant qu’une affaire ne soit renvoyée à la Cour internationale de Justice (CIJ), afin d’en faciliter la mise en œuvre. Au sujet de l’application provisoire des traités, il a salué le projet de directive 4 portant sur la forme de l’accord relatif à l’application provisoire, tout en notant qu’un accord sur l’application provisoire d’un traité distinct peut avoir des implications sur la résiliation d’une application provisoire. À cet égard, il s’est prononcé pour une approche flexible dans la cessation d’une application provisoire.
Les crimes contre l’humanité choquent la conscience de l’humanité, a déclaré M. MICHAEL BLISS (Australie). Les États doivent respecter leurs obligations internationales dans ces situations et condamner les autres États où de tels crimes peuvent être commis.
Le représentant a salué la contribution des projets d’articles pour ce qui est de compléter le cadre juridique établi par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). La définition des « crimes contre l’humanité » est directement reprise du Statut de Rome et le commentaire général souligne que les projets d’articles évitent tout conflit avec les obligations découlant du Statut de Rome, a-t-il noté. Pour sa part, l’Australie a érigé en infractions les crimes contre l’humanité dans son droit interne. Il a encouragé les États à mette en œuvre de façon effective les mesures administratives, législatives et judiciaires et autres mesures préventives telles qu’envisagées dans le projet d’article 4.
M. Bliss s’est félicité de l’approche de la CDI en ce qui concerne l’interaction entre le droit interne des États et l’application provisoire des traités, et qui met l’accent sur leurs obligations au niveau international. Il a précisé que les projets d’articles 9 et 10 sont sans préjudice des articles 27 et 46 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a préconisé de la souplesse pour permettre aux États de mettre en œuvre les aspects procéduraux et d’évaluer les conséquences de l’application provisoire.
Mme SUSANA VAZ PATTO (Portugal) a souhaité que la Commission du droit international (CDI) poursuive son travail sur la base du consensus. Toutefois, le souhait d’un consensus ne devrait pas bloquer la Commission, a-t-elle dit, avant d’insister sur la clarté des règles de vote. « Voter n’est pas un échec. » Notant avec satisfaction l’inclusion de deux sujets, les principes généraux de droit et la preuve devant les juridictions internationales, elle a estimé que le premier sujet était suffisamment mûr pour faire partie du travail de long terme de la commission.
S’agissant des crimes contre l’humanité, Mme Vaz Patto a invité la commission à se montrer prudente dans l’adoption de solutions qui se sont révélées fructueuses pour d’autres types de crimes. « Nous devons éviter la tentation de transposer des régimes existants qui n’ont pas été pensés à la lumière du contexte spécifique et de la nature juridique des crimes contre l’humanité. » Elle a ensuite commenté le projet d’article 12 « Victimes, témoins et autres personnes » et estimé qu’il bénéficierait de voir la question des réparations traitée dans un article séparé. Cela serait plus clair et un article traitant de la seule question des réparations donnerait plus de poids aux droits des victimes, a-t-elle poursuivi.
Se tournant vers l’application provisoire des traités, la représentante a rappelé que le but de la commission était de clarifier le régime juridique de l’application provisoire des traités visée par les Conventions de Vienne de 1969 et de 1986 sur le droit des traités, « sans succomber à la tentation d’en élargir le champ d’application ». De plus, une telle clarification ne peut, dans tous les cas, contraindre un Etat à changer sa pratique constitutionnelle, a-t-elle dit, ajoutant que les conventions précitées ne l’imposaient nullement. En conclusion, si elle a indiqué avoir lu avec grand intérêt le mémorandum préparé par le Secrétariat, Mme Vaz Patto a souhaité qu’il soit complété par une étude comparative des pratiques et législations nationales en la matière.
Mme DAMARIS CARNAL (Suisse) a salué le fait que le projet de préambule de la future convention sur les crimes contre l’humanité mette l’accent sur la prévention et fasse mention du Statut de Rome. Elle a également salué le fait que les projets d’articles se fondent sur un cadre juridique international existant. Soulignant que les projets d’articles relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire réservent le droit interne lorsque nécessaire, elle s’est déclarée en faveur du projet d’article 13 qui précise que les « infractions constitutives de crimes contre l’humanité ne peuvent en aucun cas être considérées comme des infractions politiques qui justifieraient un refus de l’extradition ».
La représentante a estimé que le projet de convention devrait prévoir des dispositions sur le concours de requêtes, comme le fait la Convention européenne d’extradition. Elle s’est également demandé si la convention ne devrait pas considérer une disposition prévoyant l’extradition vers un pays où la peine de mort est pratiquée si des assurances sont données qu’elle ne sera pas requise.
Soulignant la responsabilité des États de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité, M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique) a déclaré croire en la pertinence des principes fondamentaux du droit international repris dans le projet de préambule. Il a jugé tout à fait opportun l’article 5 sur le non-refoulement. Il s’est également félicité du projet d’article 12 concernant le droit des victimes, notamment sur le fait que la réparation peut être individuelle ou collective, ce qui reprend les règles de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale (CPI). Concernant les articles 13 et 14 sur l’extradition et l’entraide judiciaire, il a estimé que leur valeur ajoutée est l’obligation de sanctionner les crimes contre l’humanité et de s’aider mutuellement entre États. Le projet d’article 15 prévoit quant à lui l’arbitrage de la Cour internationale de Justice (CIJ).
Par ailleurs, le représentant a réaffirmé l’inquiétude de sa délégation concernant certains projets d’articles. Ainsi, il a estimé nécessaire de réviser le commentaire du projet d’article 3 sur la définition des crimes contre l’humanité afin qu’il reflète la réalité des débats. « Cela doit être plus équilibré », a-t-il déclaré. Puis, il a réaffirmé que le projet d’article 6 concernant l’incrimination en droit interne mérite une plus grande réflexion, eu égard à la grande diversité des systèmes juridiques.
Concernant le chapitre V sur l’application provisoire des traités, M. Alday a estimé que les projets de directives reflètent de façon satisfaisante une réflexion pragmatique, tandis que les commentaires reflètent le travail d’enquête profond qui a été fait. Les directives présentées sont compatibles avec la Convention de Vienne et d’autres instruments pertinents internationaux sur le droit des traités. Compte tenu des progrès réalisés sur ce thème, nous sommes confiants que le rapport suivant pourra compléter efficacement ce catalogue de directives, a-t-il dit. Enfin, il a préconisé un modèle uniforme de clauses particulières concernant l’application provisoire des traités, qui seront d’une grande utilité aux États au moment de négocier les traités internationaux et permettront de donner de la consistance à cette question.
M. XU HONG (Chine) a estimé que de nombreuses dispositions des projets d’articles relatifs aux crimes contre l’humanité péchaient dans leur analyse empirique. Ces dispositions découlent pour la plupart de dispositions analogues contenues dans des conventions internationales existantes sur la lutte contre les crimes internationaux et se basent sur la pratique d’organes de la justice pénale internationale, a-t-il expliqué. Il a regretté qu’elles ne prennent pas en compte un examen attentif de la pratique existante et de l’opinio juris des États. Par exemple, les dispositions relatives à l’extradition, à l’entraide judiciaire et à la protection des droits des victimes et des témoins ne sont pas corroborées par la pratique des États, a-t-il poursuivi.
Le délégué a mentionné le projet de paragraphe 3 du préambule affirmant que l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue une norme impérative de droit international (jus cogens). Pour justifier une telle classification, le commentaire du projet de paragraphe s’appuie notamment sur des décisions de la Cour internationale de Justice (CIJ), du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ou de la Cour européenne des droits de l’homme, a-t-il affirmé, en regrettant qu’une analyse détaillée de la pratique des États ne soit pas prise en compte. Le délégué a indiqué que les éléments avancés dans le commentaire ne suffisaient pas pour prouver que l’interdiction des crimes contre l’humanité satisfait le critère prévu par l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités pour identifier une norme impérative de droit international (jus cogens), c’est-à-dire « une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble. » Le délégué a donc souhaité une analyse plus fouillée du concept de jus cogens avant de l’inclure dans des projets d’articles.
Se tournant vers l’application provisoire des traités, le délégué chinois a pris note du projet de directive 6 établissant une « règle par défaut », selon laquelle l’application provisoire des traités produirait le même effet juridique qu’un traité entré en vigueur, à moins que les parties en aient décidé autrement. « Parce que cette formulation constitue un développement majeur des règles gouvernant l’application provisoire des traités définies par la Convention de Vienne sur le droit des traités, nous invitions la commission à faire montre de la plus grande prudence. » Il a, en conclusion, estimé que l’élément clef en la matière était de déterminer la véritable intention des parties et d’examiner la pratique des États.
M. FRANÇOIS ALABRUNE (France) a commencé par saluer l’adoption des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité et de directives sur l’application provisoire des traités dans les deux langues officielles des Nations Unies. Un tel effort garantit, selon lui, « une meilleure qualité rédactionnelle ».
En second lieu, l’inscription de deux nouveaux sujets au programme de travail de la Commission du droit international (CDI) allonge la liste déjà longue des sujets à l’étude, a-t-il regretté. Le nombre élevé de sujets ne favorise pas l’achèvement des travaux dans des délais raisonnables; il ne facilite pas non plus l’examen approfondi des projets par les États. Selon lui, la CDI devrait se limiter à trois ou quatre sujets chaque année afin d’éviter la précipitation.
Concernant l’application provisoire des traités, M. Alabrune s’est félicité qu’un groupe de travail ait été constitué afin d’aider à la préparation des commentaires et projets de directives. Par définition, a-t-il souligné, les projets de la commission doivent reposer sur l’étude de la pratique internationale. « On peut se demander dès lors dans quelle mesure les 11 projets de directives adoptés cette année reflètent la large pratique recensée par le Secrétariat, dont la commission a décidé de reporter l’examen à l’année prochaine », a-t-il dit.
Le représentant a rappelé que les projets de la commission ne sont pas des textes juridiquement contraignants, et que, selon la logique du droit des traités, les États demeurent libres de s’accorder librement. S’agissant du projet de directive 4, M. Alabrune a soutenu la proposition selon laquelle l’application provisoire d’un traité peut être convenue par tout moyen ou arrangement. Une telle solution présente l’avantage de la souplesse et apparait compatible avec l’article 25 de la Convention de Vienne.
En ce qui concerne le projet de directive 6 sur les effets juridiques de l’application à titre provisoire, le représentant a invité la CDI à préciser si l’application provisoire d’un traité constitue une application à la lettre du traité ou bien une application mutatis mutandis. Au sujet des projets de directives 7, 9 et 10, il a estimé que les travaux de la commission auraient gagné à s’appuyer sur la pratique et la jurisprudence internationales, auxquelles il n’est pas fait référence. Il a douté que l’ensemble de ces articles reflètent le droit international coutumier. Enfin, il a jugé souhaitable que la CDI « ne procède pas par des déductions abstraites, ou par analogie, et qu’elle fonde en droit les projets qu’elle adopte ».
M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a remercié le Rapporteur spécial pour son traitement de la question des crimes contre l’humanité. Il a rappelé que son pays a toujours été à l’avant-garde des initiatives pour renforcer l’état de droit et combattre l’impunité pour les crimes qui heurtent la conscience de l’humanité. « Les débats que nous avons et le projet sont une excellente base pour la conclusion d’une possible convention qui pourrait aussi couvrir la promotion de la coopération interétatique », a-t-il déclaré.
Ceci étant, le représentant a jugé important qu’il n’y ait aucun conflit entre le projet d’articles sur les crimes contre l’humanité et les droits et obligations des États eu égard aux instruments pertinents, à savoir la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que la Convention de Vienne. Il s’est prononcé pour l’ajout d’un libellé qui pourrait être: « En cas de conflit entre les droits et obligations d’un État en droit interne avec ses droits et obligations au titre d’un instrument international, celui-ci prévaudra ».
Pour ce qui est de la protection des droits de l’accusé et des personnes détenues provisoirement, M. Tiriticco a pensé que le projet d’article 11, intitulé « traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction » pourrait être amélioré en appliquant les normes les plus élevées, en indiquant par exemple que la loi nationale s’applique « si et seulement si elle est pleinement compatible avec les droits humains intentionnellement reconnus ». Il s’est félicité des dispositions relatives à l’extradition et l’entraide judiciaire qui sont contenues dans ce projet d’articles.
Passant à la question de la protection de l’atmosphère, le représentant a reconnu l’importance cruciale de la communauté scientifique dans la rédaction du projet d’articles. En outre, il a estimé que les projets de directives font partie intégrante du débat général concernant le droit de la protection environnementale. Il a félicité le Rapporteur pour avoir su éviter tout chevauchement concernant ces questions. Le représentant s’est félicité des paragraphes 1 et 2 du projet de directive 9. Il a considéré que la dimension intergénérationnelle est importante concernant le développement durable. Il faut trouver un équilibre entre le développement durable et le développement économique, a-t-il souligné
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué a pris bonne note que le débat concernant les limitations reflète largement le manque de consensus qui existe entre les États concernant les exceptions originellement proposées lors de ces débats. Mais les exceptions concernant un bien privé ne peuvent faire l’objet d’exception. Il a salué la décision de réduire la liste de crimes pour lesquels l’immunité « ratione materiae » ne s’applique pas.
M. LIONEL YEE WOON CHIN (Singapour) a insisté sur la complexité et l’aspect sensible du sujet “crimes contre l’humanité”. Le résultat final de la commission sur ce sujet devra prendre pleinement en compte les vues des États sur les projets d’articles, a-t-il dit.
Se tournant vers l’application provisoire des traités, le délégué a commenté le projet de directive 6 qui dispose que « l’application à titre provisoire d’un traité ou d’une partie d’un traité produit les mêmes effets juridiques que si le traité était en vigueur entre les États ou organisations internationales concernés, à moins que le traité en dispose autrement ou qu’il en soit autrement convenu ». Il a souhaité une reformulation de ce texte, afin de remplacer l’expression « effets juridiques » qui peut avoir plusieurs sens, par une expression consacrant la forme « juridiquement contraignante » d’une telle application provisoire. Il a également demandé que la Commission fournisse des exemples permettant d’illustrer la disposition suivante: « à moins que le traité en dispose autrement ou qu’il en soit autrement convenu ».
M. Chin a noté avec satisfaction l’inclusion du sujet « les principes généraux de droit » dans le programme de travail de la commission. Il a en revanche jugé moins pertinente l’inclusion de « la preuve devant les juridictions internationales » en raison de l’abondance des études sur ce sujet. Enfin, il a approuvé le programme commémoratif visant à marquer le soixante-dixième anniversaire de la commission. « Le travail de la commission ne doit pas non seulement refléter les besoins des États mais aussi refléter les nouveaux développements en droit international et les préoccupations pressantes de la communauté internationale dans son ensemble », a-t-il conclu.