asoixante-douzième session,
27e séance plénière - matin
AG/11958

Réunion de haut niveau sur la traite: Le Président de l’Assemblée ajoute à « prévention, poursuites, protection et partenariat », un cinquième, la personne

Après avoir entendu les huit derniers d’une liste de plus de 100 intervenants, le Président de l’Assemblée générale a conclu ce matin la Réunion de haut niveau consacrée à l’évaluation du Plan d’action mondial de la lutte contre la traite des personnes.  M. Miroslav Lajčák a rendu hommage au courage de Grizelda Grootboom, une survivante de la traite et une militante, venue témoigner devant l’Assemblée.

« Nous ne pouvons la laisser tomber, a dit le Président, comme nous ne pouvons laisser tomber les millions d’autres victimes de la traite dans le monde dont le sort génère des milliards de dollars. » 

M. Lajčák a également décrit le cas de Rani Hong, arrachée à sa mère à l’âge de 7 ans, avant de déclarer: « Nous devons appuyer la dignité, les droits et l’humanité des victimes de la traite.  Nous sommes devant une question humaine dont la solution exige l’implication des victimes elles-mêmes.

Partant, le Président de l’Assemblée générale a ajouté aux quatre « P » que sont la prévention, les poursuites, la protection et le partenariat, un cinquième « P », la personne, la raison d’être même des Nations Unies.

Dans la Déclaration politique sur l’application du Plan mondial, adoptée le 27 septembre, au premier jour de la réunion de haut niveau, les États Membres appellent à une « approche globale comprenant des partenariats et des mesures visant à prévenir cette traite, et à en poursuivre et à en punir les auteurs et à en protéger les victimes, ainsi qu’une action de la justice pénale proportionnelle à la gravité du crime ».    

La réunion de haut niveau, qui s’est aussi articulée autour de tables rondes dont les conclusions ont été rappelées aujourd’hui par les représentants de la Belgique et du Qatar, a conduit le Président de l’Assemblée générale à tirer huit leçons: l’importance de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, du Protocole de Palerme contre la traite des personnes et d’autres instruments internationaux; la nécessité d’une approche fondée sur les victimes, les droits de l’homme, l’égalité entre les sexes et les droits de l’enfant; et celle de s’attaquer aux causes sous-jacentes et aux facteurs de la traite dont la pauvreté, le manque d’éducation et d’opportunités, les inégalités entre les sexes mais aussi les conflits, l’insécurité et les incertitudes économiques. 

Le Président a aussi retenu les appels à un accès amélioré à la justice, au démantèlement des réseaux de trafiquants et au renforcement des poursuites judiciaires pour augmenter le nombre des condamnations; le fait que les objectifs de développement durable 5 sur l’égalité entre les sexes, 8 sur le travail décent et la croissance inclusive et 16 sur la promotion de sociétés pacifiques et inclusives concernent tous la prévention de la traite; et enfin la nécessité d’un appui renforcé aux victimes, en particulier, grâce au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies.

La prochaine réunion de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR L’ÉVALUATION DU PLAN D’ACTION MONDIAL DES NATIONS UNIES POUR LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES PERSONNES

Suite des déclarations

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a fait observer que la pauvreté, les changements climatiques, les différents niveaux de développement entre pays, les inégalités de revenus et les conflits aggravent la vulnérabilité des populations à la traite des personnes.  Les migrants deviennent donc des proies faciles et pourtant, a estimé la représentante, il est possible de remédier à cette traite grâce à trois piliers.  Le premier consisterait à prendre des mesures concrètes contre les causes de la traite comme la pauvreté, le chômage et les conflits.  Dans ce contexte, la représentante a insisté sur la nécessité de trouver une solution durable à la situation des réfugiés, ce qui exigerait un appui renforcé aux pays hôtes, conformément au principe de responsabilité partagée, et le lancement de programmes de formation dans les camps de réfugiés pour aider ces derniers à se lancer dans des activités génératrices de revenus. 

Le second pilier, a poursuivi la représentante, serait de mettre en place des cadres provisoires de protection internationale et d’aide humanitaire, dans les pays de transit et de destination.  Le troisième pilier serait de créer des voies sûres, ordonnées et légales, en adoptant une approche fondée sur les droits de l’homme pour assurer une protection aux victimes de la traite dans les pays de transit et de destination.  Il faudrait, pour ce faire, une coopération plus forte entre États et exploiter les cadres multilatéraux et bilatéraux existants, comme la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le Protocole de Palerme contre la traite des personnes et la Déclaration politique adoptée au premier jour de la réunion de haut niveau.  Ces textes pourraient à juste titre inspirer le pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières que l’Assemblée devrait adopter l’année prochaine, a estimé la représentante. 

M. BAKHTIYOR IBRAGIMOV (Ouzbékistan) a indiqué que, dans son pays, la lutte contre la traite des personnes est menée au niveau de l’État.  La loi nationale de 2008 a pour objectif d’assurer la coordination des différents départements concernés, au sein de la commission interagences.  Le représentant s’est inquiété de ce que les migrations illégales aient désormais pour corollaire la traite des personnes.  Il a plaidé pour une meilleure sensibilisation à cette question et la poursuite judiciaire des passeurs.  Il a souligné que son gouvernement a toujours été cohérent dans la lutte contre la traite et la migration clandestine et qu’il collabore avec toutes les agences de l’ONU et autres parties prenantes.

Mme LOIS M. YOUNG, (Belize) a salué le courage de Grizelda Grootboom, victime de la traite, qui a raconté son histoire alors qu’elle aurait sûrement voulu la bannir de sa mémoire.  À Belize, a poursuivi la représentante, l’incidence de la traite est faible contrairement à celle de la prostitution qui rend tout aussi vulnérable.  Le pays a néanmoins adopté une législation et un plan national d’action, axés sur les victimes, pour combattre la traite.  Cette approche transversale consiste à bien comprendre le contexte de la traite, à la prévenir par l’éducation et la sensibilisation de l’opinion publique et à protéger les victimes, en assurant leur sûreté et en leur offrant recours judiciaire et réparation.  Belize a aussi prévu une formation pour les enquêteurs, les procureurs et les juges.

M. DURGA PRASAD BHATTARAI (Népal) a estimé que la Déclaration politique adoptée la semaine dernière devrait donner un nouvel élan à la lutte contre « ce crime immonde » qu’est la traite des personnes.  Les milliers de jeunes des régions rurales du Népal, qui sont à la recherche d’emploi dans les villes et à l’étranger, deviennent des proies faciles pour les trafiquants qui exploitent leur pauvreté et leur ignorance, s’est indigné le représentant.  Le Népal, a-t-il affirmé, essaie de lutter contre les causes de la traite, d’abord par la Constitution qui en a fait un crime et qui garantit des compensations aux victimes.  Le Népal est également très actif dans la coopération régionale, s’agissant en particulier de la traite des femmes et des enfants.  Pour le Népal, la coopération internationale doit d’abord et avant tout porter sur l’élimination des causes de la traite et sur le renforcement des capacités pour contrer la manipulation par les trafiquants des médias sociaux pour attirer leurs proies.  S’agissant de la prévention, les investissements dans l’éducation, en partenariat avec les agences des Nations Unies et les organisations de la société civile, sont essentiels, a conclu le représentant.

M. OSCAR R. DE ROJAS, Observateur permanent de l’Ordre souverain de Malte, a déclaré que son pays redoublait d’efforts pour « réduire les vulnérabilités » des migrants et les aider à se prémunir contre la traite et toutes les formes d’esclavage moderne, aussi bien à travers son réseau diplomatique que sur les plans multilatéral et bilatéral, grâce à ses ambassadeurs dans 106 pays.  Les associations nationales et l’agence mondiale de secours « Malteser International » développent des services sociaux et des interventions humanitaires, a-t-il ajouté, en se déclarant ouvert à travailler avec tous les partenaires de la société civile et d’ailleurs.  Le représentant a en effet appelé les gouvernements à coopérer davantage avec la société civile, y compris les associations religieuses, afin de mieux protéger et réhabiliter les victimes de la traite.  Il s’est enfin demandé comment exploiter l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’année prochaine, pour impulser de l’élan au Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes pour mieux protéger les victimes et les assister.

Mme JUDIT ARENAS LICEA, de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), a souligné qu’en tant que seule organisation intergouvernementale qui pour mandat exclusif de faire avancer l’état de droit et l’accès à la justice dans le contexte du développement durable, l’OIDD articule fermement son travail autour de la lutte contre les facteurs sous-jacents de la vulnérabilité des personnes à la traite tels que les inégalités, la violence sexuelle, la discrimination fondée sur le sexe, l’exclusion sociale ou encore la marginalisation.  L’OIDD a pour mots d’ordre: prévention, protection et poursuites.  Si la traite est un crime en vertu de plusieurs conventions et traités internationaux et si les gouvernements adoptent en effet des législations, il n’en reste pas moins que beaucoup reste à faire pour consolider les cadres juridiques et mettre sur pied des outils concrets pour faciliter les poursuites judiciaires, a tranché la représentante.  Elle a insisté sur la nécessité de sensibiliser les gens à leurs droits.

Mme ELISABETH NEUGEBAUER, de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), s’est félicitée de ce que son Organisation soit reconnue dans la Déclaration politique comme acteur contribuant à la lutte contre le phénomène mondial de la traite des personnes.  La coopération internationale est essentielle, a-t-elle insisté, expliquant qu’INTERPOL s’est dotée d’un programme stratégique et d’une unité spéciale contre la traite des personnes et l’exploitation des enfants.  La base de données sur les documents de voyage perdus ou volés, qui contient plus de 70 millions de pièces d’identité dans 175 pays, est particulièrement utile en ce sens.  Les notices INTERPOL, qui sont des demandes de coopération, sont tout aussi utiles pour rechercher des suspects ou lancer les alertes aux pays. La traite des personnes est une forme d’esclavage moderne, a dit la représentante, assurant qu’INTERPOL n’épargnera aucun effort pour démanteler les réseaux criminels.

M. GORMAN BEST, de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a parlé de la mobilité humaine sans précédent qui favorise le phénomène de la traite.  Le monde compte aujourd’hui quelque 244 millions de personnes, auxquelles s’ajoutent plus d’une centaine de millions d’autres fuyant les catastrophes naturelles, les conflits et autres urgences humanitaires.  Bien que les cadres de protection soient chaque fois plus renforcés, la prévention, elle, laisse encore à désirer, de même que la lutte contre la « demande ».  Il faut, a-t-il préconisé, renforcer les capacités d’assistance aux victimes de la traite et rendre plus strictes le contrôle des frontières.  Il faut approcher les communautés pour savoir ce dont elles ont besoin.  Pour ce faire, il faut améliorer la collecte des données, ce qui pourrait d’ailleurs constituer la base d’une plateforme d’échanges.  Dans cette optique, l’OIM compte lancer un projet collaboratif, dès le mois prochain

Déclaration de clôture

M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, a conclu la réunion de haut niveau en remerciant particulièrement Grizelda Grootboom, une survivante et une militante, qui a courageusement parlé de son expérience de victime de la traite, sans oublier de lancer un appel à l’action.  « Nous ne pouvons la laisser tomber, a dit le Président, comme nous ne pouvons laisser tomber les millions d’autres victimes de la traite dans le monde dont le sort génère des milliards de dollars dans le monde. » 

Le Président est revenu sur les mots de Mira Sorvino, Ambassadrice de bonne volonté de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) selon laquelle les trafiquants traitent les victimes comme « une marchandise ».  Le Président s’est attardé sur le cas de Rani Hong, arrachée à sa mère à l’âge de 7 ans, avant de dire: « Nous devons appuyer la dignité, les droits et l’humanité des victimes de la traite.  Nous sommes devant une question humaine dont la solution exige l’implication des survivants. »

Le Président a rappelé qu’au premier jour de la réunion de haut niveau, le Secrétaire général de l’ONU et le Directeur exécutif de l’ONUDC ont tous deux appelé à des poursuites judiciaires contre les trafiquants.  Nous avons, a dit le Président, adopté la Déclaration politique qui est, a-t-il estimé, un engagement fort à aller de l’avant et une consécration du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes. 

Nous avons, a-t-il poursuivi, entendu en tout 98 États Membres dont 17 ministres et vice-ministres.  Le Président a rappelé les questions auxquels ils étaient priés de répondre: quels sont les progrès enregistrés dans la lutte contre la traite des personnes et que faut-il faire pour aller plus loin?

Le Président a d’abord passé en revue les leçons tirées de l’expérience et ensuite le fait que des millions de personnes dans le monde sont victimes du trafic forcé, de la servitude sexuelle et autres formes d’exploitation.  La traite des personnes touche surtout les plus faibles et les plus vulnérables, dont les femmes, les filles et les garçons.  Un certain nombre d’États, a poursuivi le Président, a souligné l’importance de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, du Protocole de Palerme contre la traite des personnes et d’autres instruments internationaux.  De nombreux États ont aussi expliqué leurs lois et plans nationaux et reconnu que la traite est un crime grave et une violation des droits fondamentaux. 

Quelques États ont plaidé pour une approche fondée sur les victimes, les droits de l’homme, l’égalité entre les sexes et les droits de l’enfant.  Ils ont aussi souligné l’importance d’une approche multipartite, des campagnes de sensibilisation et de la coopération bilatérale, régionale et internationale.

La nécessité de s’attaquer aux causes sous-jacentes et aux facteurs de la traite a été soulignée à maintes reprises, dont la pauvreté, le manque d’éducation et d’opportunités et les inégalités entre les sexes.  De nombreux intervenants ont ajouté à cette liste, les conflits, l’insécurité et les incertitudes économiques qui forcent de millions de gens à quitter leurs pays et à devenir vulnérables.  Les États ont appelé à un pacte mondial sur les migrations qui tiennent compte de la vulnérabilité des migrants. 

Les États ont aussi rappelé que les objectifs de développement durable 5 sur l’égalité entre les sexes, 8 sur le travail décent et la croissance inclusive et 16 sur la promotion de sociétés pacifiques et inclusives concernent tous la prévention de la traite, et mettent l’accent sur les femmes et les enfants.  La réunion de haut niveau aussi, a encore relevé le Président, a donné lieu à des appels à un accès amélioré à la justice, au démantèlement des réseaux de trafiquants et au renforcement des poursuites judiciaires pour augmenter le nombre des condamnations.  Beaucoup d’orateurs ont attiré l’attention sur les énormes profits générés par la traite et la nécessité de s’attaquer à la fois à l’offre et à la demande. 

Enfin, la nécessité d’un appui renforcé aux victimes, en particulier, grâce au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies, a été soulignée.  Si nous nous sommes réjouis des progrès, a conclu le Président, nous savons néanmoins qu’il faut faire beaucoup plus pour nos quatre piliers que sont la prévention, les poursuites, la protection et le partenariat, le cinquième « P » étant la personne, la raison d’être même des Nations Unies.

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