Faisant un état des lieux alarmant de la situation climatique, l’Assemblée générale examine différents moyens de limiter l’augmentation de la température
L’Assemblée générale des Nations a été aujourd’hui la scène d’un état des lieux alarmant de la situation climatique mondiale, avec en tête le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres, qui a appelé la communauté internationale à lutter contre une menace que les scientifiques du monde entier dénoncent depuis des années. En même temps, de nombreux orateurs, dont la Ministre de l’environnement de la France, Mme Ségolène Royal, se sont appuyés sur le sentiment d’urgence partagé aujourd’hui par les décideurs pour espérer que les gouvernements relèveraient le défi de la transition énergétique.
Les participants ont aussi souligné les progrès déjà accomplis, notamment sur le plan du financement de la lutte contre les changements climatiques: le monde est sur la bonne voie pour atteindre collectivement l’objectif de financement de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Autre tendance positive, la courbe exponentielle d’augmentation des températures est en train de s’atténuer.
À l’heure actuelle cependant, « la survie de l’humanité est menacée si nous n’arrivons pas à influer sur la tendance actuelle qui nous amène vers une augmentation des températures de 4 degrés C d’ici à 2100 ». C’est ce qu’a déclaré le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, à l’ouverture de cet événement de haut niveau intitulé « Les changements climatiques et le Programme de développement durable ».
« Il n’y a plus de doute, c’est bien l’activité humaine qui provoque un réchauffement planétaire dangereux. » « Ce n’est pas une question d’opinion », a affirmé le Secrétaire général. Il a précisé que la mer avait atteint un niveau historique, que 2016 avait été l’année la plus chaude de l’Histoire et que les concentrations atmosphériques en dioxyde de carbone continuaient d’augmenter et avaient dépassé le seuil critique de 400 parties par million, un niveau 40% plus élevé qu’à l’ère préindustrielle.
Alors que 137 pays ont à ce jour reconnu les défis climatiques en ratifiant l’Accord de Paris et que les 193 États Membres des Nations Unies viennent d’adopter le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Secrétaire général des Nations Unies ainsi que la Ministre de l’environnement de la France ont dit la nécessité d’intégrer ces deux accords pour une mise en œuvre aussi efficace que possible de leurs dispositions. C’est pourquoi, ils ont appelé à définir des cibles au niveau national et à les atteindre d’ici à 2020.
Illustrant les progrès et les avancées, M. Guterres s’est félicité que la production d’énergie solaire ait augmenté de 50% en 2016 grâce à 300 milliards d’investissement à l’échelle de la planète, avant d’ajouter que la moitié de l’énergie produite vient de sources renouvelables. Il a salué à cet égard un secteur des énergies renouvelables qui emploie 8 millions de personnes. « Le monde avance vers une économie verte », en a conclu le Secrétaire général.
Si les changements climatiques sont une menace à la stabilité, le Secrétaire général a aussi considéré qu’ils étaient une opportunité de transformation de nos modes de consommation et de production.
Mme Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a ensuite fait le lien entre la lutte contre les changements climatiques et les opportunités de croissance qu’elle offre. En effet, a-t-elle remarqué, la lutte contre les changements climatiques pourrait se traduire par 12 000 milliards de dollars d’opportunités économiques. Elle a appelé à promouvoir une utilisation raisonnée et responsable des ressources naturelles et à protéger l’environnement en faveur des générations futures. Il faut également, selon elle, de l’innovation et des investissements pour parvenir à des sociétés plus résilientes et à des économies qui s’appuient sur des sources de croissance propres.
Poursuivant ses travaux sous le format d’une table ronde, sur le thème « volontés et actions », l’Assemblée générale a été informée de plusieurs initiatives qui cherchent à répondre aux défis des changements climatiques, notamment en France, dans l’État de Washington, ou encore au Burkina Faso où des initiatives privées novatrices ont été menées.
Au préalable, M. Hoesung Lee, Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a rappelé que le but était d’arriver à une « émission zéro » d’ici à 2100 pour limiter l’augmentation de la température à 2 degrés, mais la Ministre française de l’environnement a appelé à être plus ambitieux en visant un maximum de 1,5 degré.
Le Président du GIEC a averti que si tous les déchets alimentaires étaient réunis et formaient un pays, ils représenteraient la troisième source la plus importante d’émissions de gaz à effet de serre. Il en a conclu qu’il fallait vraiment s’orienter vers une utilisation plus responsable de nos ressources.
Le Directeur exécutif du Fonds vert pour le climat, M. Howard Bamsey, a amené la discussion sur le terrain des immenses opportunités qui se présentent en terme d’investissements dans les activités climato-sensibles. De nombreux pays en développement abordent la lutte contre les changements climatiques comme une opportunité en matière de développement, a-t-il d’ailleurs constaté. En ce qui concerne le Fonds vert pour le climat, qui est doté de 10 milliards de dollars, il se concentre sur des activités transformatrices susceptibles de créer de nouveaux marchés et opportunités.
À titre d’exemple, le Gouverneur de l’État de Washington, M. Jay Insle, s’est vanté d’avoir « une des économies les plus robustes des États-Unis » grâce à la détermination de l’État qui a permis d’y créer des dizaines de milliers d’emplois verts. Faisant le lien entre démocratie locale et lutte contre les changements climatiques, il a expliqué que l’État fédéral ne pouvait pas empêcher un État d’adopter une loi locale sur les seuils d’émissions de gaz à effet de serre. Personne, a-t-il prévenu, ne forcera son État, qui a décidé de fermer ses centrales à charbon et de taxer les émissions de gaz à effet de serre, à revoir ses ambitions à la baisse.
« Le business vert est bon », a déclaré, pour sa part, la Princesse Abze Djigma, qui est à la tête de la société AbzeSolar S.A. Cette entreprise a lancé l’opération « MAMA-LIGHT » qui permet aux femmes du Burkina Faso d’accéder à une électricité d’origine solaire. La princesse a saisi cette occasion pour appeler la communauté internationale à mettre à la disposition des pays en développement des technologies vertes.
De son côté, la Ministre de l’environnement de la France a dit avoir engagé son pays sur la voie de la transition énergétique avec la loi de 2015 visant une baisse de 40% des émissions d’ici à 2030, ainsi que la Stratégie nationale bas carbone qui permet de fixer des objectifs à l’horizon 2050. Elle a également signalé le lancement, en janvier 2017, d’une « obligation d’État verte » d’un montant de 7 milliards. Ce nouvel outil de financement en matière de changement climatique a vu un total de 22 milliards d’offres d’investissement de la part de 200 investisseurs mondiaux.
« Qu’attend-on du secteur privé en matière de financement de la lutte contre les changements climatiques? » a demandé le Président-Directeur général de World Resource Institute, M. Andrew Steer, qui intervenait en sa qualité de modérateur de la discussion. L’expert du Fonds vert pour le climat a expliqué qu’il existait une variété de formes d’investissement, outre des bourses dédiées à cette cause. Actuellement, il y 10 milliards de dollars à investir, a-t-il précisé.
S’adressant ensuite à la Ministre française de l’environnement, le modérateur a demandé des précisions sur les liens entre l’Accord de Paris et le Programme 2030. « Tout ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques concerne la lutte contre la pauvreté, le rôle des femmes, la raréfaction de l’eau, et la désertification », a répondu Mme Royal. « Aujourd’hui, on est en train d’arrêter les projets opérationnels pour commencer les chantiers », a révélé la Ministre.
Le Gouverneur de l’État de Washington a, quant à lui, été amené à expliquer plus avant la marge de manœuvre dont dispose un État fédéré aux États-Unis. Un État peut notamment décider de son propre seuil d’émission de gaz à effet de serre et du niveau d’investissement sur cette question.
Interrogée sur l’importance de la créativité des entreprises dans le domaine de l’énergie solaire, la Présidente-Directrice générale de la société AbzeSolar S.A. a estimé que les entreprises devaient prendre en compte les attentes des populations qui ont souvent des solutions aux problèmes auxquels elles sont confrontées. Elle a aussi souligné la nécessité de disposer de financements inclusifs pour renforcer la résilience des communautés.
Le représentant des Fidji, dont le pays accueillera la vingt-troisième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 23), a dit la volonté de son gouvernement de mettre en exergue l’importance de l’appropriation pour pouvoir réaliser les objectifs de développement durable et mettre en œuvre l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
En récapitulant les travaux de la journée, le Président-Directeur général de World Resource Institute a rappelé que, pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait « réduire de moitié les émissions chaque décennie d’ici à 2050 ». Parmi les 17 initiatives lancées en marge de l’Accord de Paris, la plupart a déjà produit des résultats tangibles, a-t-il noté.
Il a salué l’avènement d’une révolution intellectuelle qui nous permet aujourd’hui de ne plus avoir de doute sur la possibilité de parvenir à une société productive à faible émission de carbone, avant de souligner les nombreuses preuves qui montrent qu’il n’y a pas de contradiction entre les objectifs de protection de notre environnement et nos ambitions de croissance économique.
De son côté, M. Daniele Violetti, représentant du Secrétaire exécutif de la CCNUCC, a appelé à inclure tout le monde dans ce combat, chacun devant en effet pouvoir s’approprier les enjeux des changements climatiques. Il a souhaité que les droits des personnes les plus touchées par les changements climatiques soient reconnus lorsque que sont entreprises des actions dans ce domaine.
Enfin, Mme Elizabeth Cousens, de la Fondation des Nations Unies, a appelé à s’attaquer aux obstacles techniques qui entravent la mise en œuvre des accords, ainsi qu’aux problèmes de connaissances et d’éducation. Elle s’est félicitée que les femmes représentent 30% des actifs dans le secteur des énergies renouvelables, soit le double de ce qu’elles représentent dans le secteur des énergies fossiles.