Le premier Sommet humanitaire de l’histoire de l’ONU s’ouvre sur des engagements en faveur d’un monde d’une « humanité commune et de responsabilités partagées »
ISTANBUL, 23 mai — Réunis aujourd’hui à Istanbul, en Turquie, pour le Sommet humanitaire mondial des Nations Unies, le premier que l’Organisation a organisé depuis sa création il y a 70 ans, plusieurs Chefs d’État et de gouvernement, dont le Président de la Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, et la Chandelière allemande, Mme Angela Merkel, ont fait part de leur engagement pour répondre à la crise humanitaire sans précédent que le monde connaît actuellement. À ce jour, 130 millions de personnes sont dans le besoin d’une aide humanitaire d’urgence, alors que 60 millions ont dû quitter leur foyer, ce dernier chiffre étant le plus élevé depuis la Deuxième Guerre mondiale.
En appuyant sans réserve le Programme d’action pour l’humanité, ils ont accédé à l’appel pressant, relayé par les acteurs Forest Whitaker et Daniel Craig, du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à « façonner un avenir différent ». « Aujourd’hui, nous déclarons: nous sommes une humanité, avec des responsabilités partagées », a-t-il affirmé solennellement, à l’ouverture d’une journée qui était marquée, après une émouvante cérémonie d’inauguration, par quatre tables rondes portant respectivement sur la prévention et le règlement des conflits, les déplacements forcés, le financement de l’aide humanitaire et les solutions pour éliminer les besoins humanitaires.
Fruit de trois années de consultations auprès de 23 000 personnes dans plus de 150 pays, ce Programme d’action pour l’humanité est articulé autour de cinq responsabilités fondamentales: faire preuve de volonté politique pour prévenir et faire cesser les conflits, faire respecter les normes qui protègent l’humanité, ne laisser personne de côté, améliorer les conditions de vie pour mettre fin au dénuement et investir dans l’humanité.
« Nous sommes ici à ce Sommet en ayant conscience du fait que la douleur ne connaît ni couleur, ni race, ni langue ou religion », a affirmé le Président du pays hôte, M. Erdoğan. Accompagné sur scène par deux enfants, il a jugé que le système d’aide humanitaire mondial actuel était « insuffisant » face aux défis urgents de l’humanité, dont celui des réfugiés ayant fui le conflit en Syrie.
Ce conflit a été au cœur de la première table ronde coprésidée par Mme Merkel, M. Erdoğan, M. Habib Essid, Chef du Gouvernement de la Tunisie et M. Joseph Boakai, Vice-Président du Libéria, consacrée à la volonté politique nécessaire à la prévention et la résolution des conflits. Les conflits, comme l’a affirmé M. Ban à l’ouverture de cette table ronde, sont à l’origine de 80% des demandes de financement humanitaire de l’ONU et de ses partenaires.
« Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser le désespoir et le cynisme l’emporter », a d’emblée déclaré M. Ban, qui a affirmé que le « monde a besoin de vous ». M. Erdoğan a défendu une action immédiate pour réduire les conflits et appelé le Conseil de sécurité à s’acquitter de ses responsabilités. Le destin de l’humanité ne peut dépendre de cinq pays seulement, a-t-il fait remarquer, en souhaitant que le Conseil de sécurité reflète dans sa composition la diversité géographique et culturelle de la communauté internationale.
Mme Merkel a, pour sa part, souhaité que les efforts de médiation soient complétés par des politiques ayant pour objectif de donner des perspectives économiques aux populations. Elle a également demandé que les négociations ménagent une place importante aux questions de bonne gouvernance. « Il faut s’attaquer aux racines profondes des conflits », a affirmé M. Essid, tandis que M. Boakai a appelé à la création d’un environnement propice au développement économique et à la promotion de l’état de droit.
La seconde table ronde, intitulée « Changer la vie des populations: de la fourniture d’une aide à l’élimination des besoins », que coprésidaient le Président du Mali, M. Ibrahim Boubacar Keita, et le Premier Ministre des Pays-Bas, M. Mark Rutte, a permis, selon les termes du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, aux participants de formuler des engagements visant à réduire le fossé entre les impératifs de développement et ceux de l’action humanitaire. « Il incombe, en premier lieu, aux États d’assurer l’acheminement de l’aide humanitaire », a rappelé M. Keita.
Les intervenants de la troisième table ronde intitulée « ne laisser personne de côté: un engagement pour répondre au déplacement forcé » ont fait le point sur les réponses à apporter à ce défi. M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres du Liban, l’un des trois coprésidents de la table ronde, avec M Ruhakana Rugunda, Premier Ministre de l’Ouganda, et Mme Justine Greening, Secrétaire d’État pour le développement international du Royaume-Uni, a rappelé que 90% des réfugiés du monde étaient accueillis par des pays en développement. « Ne laisser personne de côté dépend de la survie de l’État », a-t-il déclaré, en estimant que le fardeau de l’accueil des réfugiés syriens pourrait conduire à un effondrement de l’État libanais.
Enfin, animée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, la dernière table ronde sur le financement de l’aide humanitaire, que coprésidaient le Président de la République fédérale de Somalie, M. Hassan Scheikh Mohamud, le Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, M. Sabah Khaled Al Hamad Al Sabah, la Vice-Présidente de la Commission européenne, Mme Kristalina Georgieva, et le Président de la Banque mondiale, M. Jim Yong Kim, fut l’occasion pour de nombreux orateurs de reconnaître les lacunes du système de financement actuel. Le montant total requis pour l’aide humanitaire s’établit en effet, selon le Secrétaire général, à 1% des dépenses militaires mondiales.
Le Sommet humanitaire mondial reprendra ses travaux demain, mardi 24 mai, à partir de 9 heures.
Discours d’ouverture
L’acteur Forest Whitaker, Ambassadeur de bonne volonté de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour la paix et la réconciliation, a lancé un appel vibrant pour ne laisser « aucun homme, aucune femme, aucun enfant de côté » tandis que l’actrice et activiste Ashley Judd, Ambassadrice itinérante du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a déclaré que l’égalité entre les genres était à un tournant. « Trois quarts de personnes touchées par les catastrophes naturelles sont des femmes et filles, pourtant seul 0,01% du financement pour remédier aux changements climatiques leur est destiné ».
L’actrice Ashley Judd a affirmé, pour sa part, que l’inégalité entre les genres était un défi important, alors que les trois quarts des personnes touchées par les catastrophes naturelles sont des femmes et des filles. Elle a raconté avoir rencontré, au sein de communautés de régions touchées par des conflits, des filles ayant subi des mariages forcés et des survivantes du trafic sexuel.
L’acteur Daniel Craig, Mandataire mondial des Nations Unies pour l’élimination des mines et engins explosifs, a, quant à lui, rappelé que les mines tuaient entre 15 000 et 20 000 chaque année, mutilant beaucoup d’autres. Ce sommet a le potentiel de de lancer un mouvement humanitaire d’ampleur mondial afin d’investir dans notre humanité commune, a –t-il dit.
Adeeb Ateeq, un travailleur humanitaire, a parlé de son action de déminage en Syrie, 40% des victimes des mines étant des enfants. Bien qu’il ait perdu une jambe en raison de l’explosion d’une mine, M. Ateeq poursuit son action.
De même, Victoria Arnaiz-Lanting a décrit son expérience de survivante du typhon Haiyan, aux Philippines, après avoir perdu tous ses amis et collègues dans cette tragédie. Enfin, Victor Ochen a livré son témoignage lorsqu’adolescent, il fut réfugié dans un camp du nord de l’Ouganda, confronté aux violences, en particulier à celle de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).
« Nous sommes réunis ici parce que l’action humanitaire mondiale est soumise à une pression sans précédent », a affirmé M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU. Il a rappelé qu’il avait proposé l’organisation de ce Sommet, le premier du genre, il y a quatre ans, en raison des besoins humanitaires toujours plus pressants et d’une volonté politique défaillante. « Aujourd’hui, l’urgence n’est que plus grande », a-t-il souligné, en précisant que 130 millions de personnes, un chiffre record, avaient besoin d’une aide pour survivre. « Jamais un nombre aussi élevé de personnes ont été forcées de quitter leur foyer depuis la Deuxième Guerre mondiale », a-t-il fait remarquer. M. Ban a déclaré que les parties aux conflits violaient de manière flagrante les règles établies de longue date du droit de la guerre et du droit international humanitaire, tandis que les catastrophes naturelles frappaient avec une fréquence et une intensité accrues, en faisant de plus en plus de dégâts.
Le Secrétaire général a indiqué que ce Sommet et le Programme d’action pour l’humanité faisaient suite à trois années de consultations auprès de 23 000 personnes dans plus de 150 pays. « Nous avons créé ce Sommet sous cette forme unique et inclusive en raison des rôles importants joués dans l’action humanitaire par les personnes affectées par les crises, la société civile, les organisations non gouvernementales et autres acteurs », a-t-il rappelé. Il a ensuite cité les cinq domaines d’action dans lesquels l’humanité attend des engagements forts. Concernant la prévention et le règlement des conflits, M. Ban a déclaré que la communauté internationale devrait en faire davantage pour prévenir les conflits qui absorbent plus de 80% de l’aide humanitaire. « Cela va exiger davantage de volonté politique, de leadership et de persévérance. »
S’agissant du renforcement de la protection des civils, M. Ban a estimé qu’il était temps de respecter et de renforcer le droit international humanitaire et les droits de l’homme, les civils n’ayant jamais été aussi menacés. Afin de « ne laisser personne de côté », il a exhorté les dirigeants mondiaux à s’engager afin de diminuer de moitié d’ici à 2030 le nombre de personnes déplacées et de trouver de meilleures solutions de long terme au défi des personnes déplacées et des réfugiés, sur la base d’un partage plus juste des responsabilités. Pour « mettre fin aux besoins humanitaires », les organisations humanitaires et de développement doivent travailler plus étroitement ensemble, selon le principe de priorités partagées et de résultats collectifs, afin de répondre aux besoins à long terme de millions de personnes faisant face à des crises. « Enfin, nous devons investir dans l’humanité », a-t-il recommandé, en mettant l’accent sur la nécessité de fournir un financement plus direct aux personnes et communautés touchées, de remédier aux lacunes persistantes dans le financement de l’action humanitaire et d’investir dans des sociétés stables et inclusives.
Ces dernières semaines, a-t-il fait observer, des centaines de personnes ont été tuées dans un tremblement de terre en Équateur, des milliers de civils ont dû fuir les bombes en Syrie et des millions de personnes font face à la famine dans la partie sud de l’Afrique. « Des vies humaines sont bouleversées pour toujours. Des personnes aimées disparaissent. L’avenir prometteur de nombreuses personnes est détruit en quelques secondes. »
« Une génération de jeunes gens pense que nous nous sommes égarés, que les êtres humains ne comptent plus, que le monde valorise davantage l’argent, la célébrité et le pouvoir de la force brute plutôt que la justice, l’espoir et la protection des plus vulnérables », a poursuivi le Secrétaire général. « Nous sommes ici pour façonner un avenir diffèrent. Aujourd’hui, nous déclarons: nous sommes une humanité, avec des responsabilités partagées ». Avant de conclure, M. Ban a appelé à s’engager pour non seulement protéger la vie, mais également pour donner à chacun une chance de mener une vie dans la dignité.
Montant à la tribune en tenant la main de deux enfants réfugiés, M. RECEP TAYYIP ERDOĞAN, Président de la Turquie, qui s’est félicité d’accueillir le premier Sommet humanitaire mondial de l’histoire à Istanbul, ville chargée de civilisation et d’histoire, a dit espérer que celui-ci aboutisse à des résultats fructueux pour toute l’humanité, principalement pour ces centaines de millions de personnes qui luttent pour survivre dans des conditions de grande détresse.
« Nous sommes ici à ce Sommet en ayant conscience du fait que la douleur ne connaît ni couleur, ni race, ni langue ou religion », a affirmé M. Erdoğan, en précisant que la Turquie mettait en œuvre des activités humanitaires et de développement et des milliers de projets dans plus de 140 pays à travers le monde.
La Turquie accueille plus de trois millions de réfugiés syriens et iraquiens, a-t-il souligné. Tant que le conflit syrien perdurera, « nous ne fermerons jamais nos frontières à autrui et à l’humanité », a-t-il déclaré avec solennité. Le montant total de l’aide humanitaire et de l’aide humanitaire au développement s’élevait en 2014 à 6,4 milliards de dollars, a ajouté le Président turc.
Pour M. Erdoğan, le système d’aide humanitaire mondial actuel est insuffisant face aux problèmes urgents de l’humanité. Son fardeau ne repose que sur les épaules de quelques pays, a-t-il regretté, en estimant que chacun devrait assumer désormais ses responsabilités.
Il faut tout d’abord revoir le système d’aide mondial dans le cadre d’une perspective qui place en son centre l’être humain, a-t-il déclaré. Le Président turc a ainsi appelé à faire en sorte que les conflits actuels prennent fin et que des mesures soient prises pour prévenir l’apparition de nouveaux conflits, en assurant que la Turquie allait continuer ses efforts de médiation en ce sens.
M. Erdoğan a mis l’accent sur la nécessité de renforcer les efforts visant à mettre un terme aux violations du droit international, comme c’est le cas en Syrie. « Nous continuerons à poursuivre les dictateurs qui, par leurs actes, font verser le sang et de veiller à ce que leurs crimes ne restent pas impunis », a-t-il lancé.
Il a invité en outre à renforcer les efforts d’assistance en faveur des femmes, des enfants et des personnes handicapées dans le besoin. De même, pour réduire la dépendance des réfugiés et des personnes déplacées de l’aide humanitaire, a-t-il estimé, il convient de revoir ce système d’aide afin de faire en sorte que chaque pays puisse se tenir debout.
M. Erdoğan a soutenu que l’aide de la Turquie en faveur des réfugiés était supérieure à 10 milliards de dollars, tandis que celle de la communauté internationale stagnait à 455 millions de dollars.
Le Président de la Turquie a conclu en formant le vœu que le Sommet humanitaire mondial puisse être un jalon dans l’ensemble de ces domaines.
Table ronde 1 sur le thème: « Prévenir et faire cesser les conflits »
Coprésidée par M. Recep Tayyip Erdoğan, Président de la Turquie; Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale de l’Allemagne; M. Habib Essid, Chef du Gouvernement de la Tunisie; et M. Joseph Boakai, Vice-Président du Libéria, la table ronde intitulée « Prévenir et faire cesser les conflits » a été ouverte par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, modérateur de cette table ronde. Des millions de personnes sont prises au « piège de la terreur des conflits violents » et comptent sur les dirigeants du monde pour qu’ils réaffirment et renouvellent leur engagement en l’humanité.
« Les conflits violents sont à l’origine de 80% des demandes de financement humanitaire de l’ONU et de ses partenaires. C’est la raison pour laquelle ces demandes ont augmenté de 600% ces 11 dernières années pour s’élever à plus de 20 milliards de dollars », a-t-il expliqué. La prévention et le règlement pacifique des conflits sont, a-t-il dit, la plus grande contribution que la communauté internationale peut faire pour réduire les gigantesques besoins humanitaires. « Aujourd’hui, a-t-il déclaré, j’appelle les dirigeants du monde à renouveler cette promesse et à réaffirmer notre commune humanité ». Il a aussitôt insisté sur la difficulté sans précédent de la tâche et la volonté politique qu’il faudra mobiliser pour s’en acquitter. « Nous ne pouvons pas, a-t-il martelé, nous permettre de laisser le désespoir et le cynisme l’emporter » car, a-t-il dit, « le monde a besoin de vous ».
Détaillant les étapes à suivre au cours de cette action, il a appelé à agir, au titre de la prévention des conflits, dès les premiers signes de crise. « Pour résoudre les conflits, nous devons honorer notre engagement et persévérer aussi longtemps que prendra la recherche d’une solution collective ». Enfin, s’agissant de la consolidation de la paix, il a souligné qu’il était nécessaire de renforcer les investissements dans les pays fragiles. « Je vous exhorte à faire part d’engagements ambitieux sur toutes ces questions », a-t-il conclu, en promettant que l’ONU allait, de son côté, renforcer son action préventive et réviser les capacités de ses agences afin de promouvoir une approche intégrée et cohérente destinée à remédier aux causes profondes des conflits.
Les quatre Coprésidents ont ensuite fait part de leurs remarques liminaires, suivies par M. Xanama Gusmão, personnalité éminente du G-7+, et Mme Ouided Bouchamaoui, du Quartet tunisien de Dialogue national.
Le Président de la Turquie, M. ERDOĞAN, a tout d’abord indiqué que la question traitée était fondamentale car l’ONU avait été créée pour prévenir et régler les conflits existants, avant de critiquer l’utilisation trop fréquente du droit de veto au sein du Conseil de sécurité. Il a insisté sur le caractère multidimensionnel des crises humanitaires avant d’appuyer sans réserve le Programme d’action pour l’humanité. Il a défendu une action immédiate pour réduire les conflits et appelé le Conseil à s’acquitter de ses responsabilités. Le destin de l’humanité ne peut dépendre de cinq pays seulement, a-t-il fait remarquer. C’est pourquoi, la composition du Conseil de sécurité doit refléter la diversité géographique et culturelle de la communauté internationale. Il a ensuite insisté sur les efforts de médiation de son pays visant, a-t-il précisé, à répondre aux conflits par le dialogue et le recours à des coopérations tripartites. Il a promis un appui financier de son pays d’ici à 2020 pour prévenir les conflits. En 2005, nous avons créé une alliance des civilisations et nous devons renforcer ce type d’initiatives. « Il faut maintenant joindre le geste à la parole », a-t-il dit, en appelant les dirigeants présents à agir avec détermination.
Pour la Chancelière allemande, Mme MERKEL, les efforts de prévention, les mécanismes d’alerte rapide et les stratégies de développement durable sont des instruments figurant dans une même grande boîte à outils de prévention des conflits. Les charges doivent être partagées de manière équitable, a-t-elle insisté. Il faudrait, a-t-elle recommandé, harmoniser les différents axes de l’action visant à prévenir les conflits. La médiation doit être complétée par des politiques ayant pour objectif de donner des perspectives économiques aux populations et de partager les dividendes de la paix. Jugeant essentielles des solutions politiques en matière de s conflits, Mme Merkel a estimé qu’il faudrait exiger que les négociations ménagent une place importante aux questions de bonne gouvernance. Pour elle, il ne suffit pas de susciter des pourparlers politiques. Mme Merkel a également affirmé que les jeunes, les femmes et la société civile devraient faire partie de toute solution globale. Il faut chercher des solutions avec les pays concernés par un conflit, a-t-elle préconisé, en précisant que les pays développés ne devraient pas chercher à imposer leurs recettes.
Intervenant à son tour, le Chef du Gouvernement de la Tunisie, M. ESSID, a souligné qu’il était nécessaire de revoir les priorités humanitaires dans les efforts de prévention des conflits. Il faut s’attaquer aux racines profondes des conflits, avant de s’attarder sur l’exemple de son pays, qui est caractéristique de la région. Nous avons veillé à mettre un terme aux tensions et fait en sorte qu’aucune minorité ne puisse imposer ses vues à une majorité lors des étapes de transition démocratique. Le processus de dialogue suivi par son pays a permis de renforcer le tissu social, a-t-il souligné, avant d’assurer qu’il veillera à partager les enseignements de l’expérience tunisienne. La prévention des conflits doit aller au-delà des aspects sécuritaires pour prendre en compte le développement durable, a affirmé le Chef du Gouvernement de la Tunisie. Avant de conclure, il a aussi souligné l’acuité de la menace que pose le terrorisme.
Le mandat de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) a pris fin, a rappelé, quant à lui, M. BOAKAI, Vice-Président de ce pays. Malgré une histoire émaillée d’horreurs, nous avons toujours veillé à surmonter ce passé, a-t-il déclaré. Au titre de la prévention des conflits, il a appelé à la création d’un environnement propice au développement économique et à la promotion de l’état de droit. Les conflits, qui sont inévitables, doivent être gérés avec détermination, a-t-il estimé. M. Boakai a ensuite pris l’exemple de son pays, en précisant que les autorités libériennes avaient toujours veillé à assurer un bon équilibre des pouvoirs et à remédier à la marginalisation économique. Ce Sommet doit être, selon lui, le début d’une nouvelle ère pour les personnes touchées par des catastrophes.
Pour la personnalité éminente du G-7+, M. GUSMÃO, le monde est divisé en fonction des convictions des uns et des autres, celles-ci ne faisant que se radicaliser. Il a dénoncé les agissements des grandes puissances qui veulent imposer leurs volontés. La politique des deux poids, deux mesures a provoqué un malaise entre civilisations et creusé le fossé entre divers groupes ethniques et religieux, a-t-il dit. « Nous sommes confrontés à une crise morale sans précédent », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que les « grands discours » des diplomates ne font qu’accroître la méfiance.
Mme BOUCHAMAOUI, du Quartet tunisien de Dialogue national, a affirmé que le dialogue est la seule voie possible pour répondre à la vague de violence que son pays, la Tunisie, a connue. « Nous avons montré que l’avenir du pays était entre les mains de toutes les parties prenantes », a-t-elle dit. Mme Bouchamaoui a ensuite insisté sur l’acuité des défis économiques rencontrés par son pays, en rappelant que ces défis avaient poussé les Tunisiens à se débarrasser des figures de l’ancien régime.
Au cours de la discussion qui a suivi, les participants, dont de nombreux chefs d’État et de gouvernement, ont tiré les enseignements des conflits que leurs pays ont connus, alors que d’autres ont insisté sur leur contribution pour prévenir et régler les conflits, que cette contribution vise à désamorcer les tensions religieuses, à promouvoir la médiation ou à remédier aux changements climatiques.
Le Président de la Bosnie-Herzégovine, M. BAKIR IZETBEGOVIĆ, a demandé, à la lumière de l’expérience de son pays, la création par le Secrétaire général d’un mécanisme global de réponse rapide à des signes de conflits d’ici à 2020. Il faut aller au-delà des aspects sécuritaires et politiques pour remédier aux causes profondes des conflits, a-t-il dit. Ce point de vue a été partagé par le Président de Chypre, M. NICOS ANASTASIADES, qui a souhaité que la communauté internationale refonde ses mécanismes de prévention. « Je viens d’un État qui est divisé depuis 42 ans et j’ai confiance qu’une solution politique est possible à condition que tous les acteurs fassent preuve de la même volonté politique », a-t-il dit, avant d’ajouter que Chypre pourrait devenir l’exemple d’une bonne entente confessionnelle.
Le Président du Mali, M. IBRAHIM BOUBACAR KEITA, s’est dit convaincu que la meilleure manière pour le Mali de rendre la confiance que lui a témoignée la communauté internationale est d’appliquer l’accord de paix et de réconciliation découlant du processus d’Alger. Pour sa part, le Président de la Somalie, M. HASSAN SHEIKH MOHAMED, a expliqué que le conflit dans son pays persistait en raison de l’absence de bonnes pratiques politiques, tandis que le Président de Nauru, M. BARON DIVAVESI WAQA, a déclaré que la lutte contre les changements climatiques était la « guerre » menée par les petits États insulaires en développement. « Les catastrophes naturelles ont l’effet de bombe, les eaux submergent nos territoires comme une armée », a-t-il averti.
La Ministre de l’environnement de la France, Mme SÉGOLÈNE ROYAL, s’est félicitée du succès de la récente Conférence de Paris sur les changements climatiques, qui a abouti à l’adoption de l’« Accord de Paris » succédant au Protocole de Kyoto et dont l’entrée en vigueur aura lieu après 55 ratifications par les pays responsables d’émissions de gaz à effet de serre. « Agir pour le climat permet de prévenir les conflits et les catastrophes humanitaires », a-t-elle assuré.
De son côté, le Président de l’Albanie, M. BUJAR NISHANI, a souligné, au même titre que le Qatar, l’importance de l’éducation et de la tolérance religieuse pour parvenir à un règlement des conflits. « La religion doit être une force pour le bien, permettant de prévenir et de régler les conflits », a renchéri le Secrétaire d’État du Saint-Siège, M. PIETRO PAROLIN. La médiation est essentielle pour régler les crises, a soutenu le Premier Ministre de la Finlande, M. JUHA SIPILA, tandis que le commissaire pour l’aide humanitaire de l’union européenne, M. CHRISTOS STYLIANIDES, a annoncé le renforcement du partenariat entre l’Union européenne et les Nations Unies afin de prévenir les conflits. Le représentant de la Suisse, M. DIDIER BURKHALTER, a rappelé que les violations des droits de l’homme étaient un signe avant-coureur d’un conflit et qu’une réponse à ces violations devrait faire partie de toute stratégie de prévention des conflits.
Enfin, Le Président de la Géorgie, M. GIORGI MARGVELASHVILI, a appelé la Fédération de Russie à renoncer au recours à la force en cas de non-provocation comme son pays l’a fait. La Fédération de Russie a également été montrée du doigt par le Président de l’Ukraine, M. PETRO POROSHENKO, qui l’a accusée de vouloir chercher la domination plutôt que le respect de l’application du droit international. « Voulons-nous vivre dans un monde au mépris du droit? » s’est-il interrogé.
Table ronde 2 sur le thème: « Changer la vie des populations: de la fourniture d’une aide à l’élimination des besoins »
Cette table ronde, que coprésidait le Président du Mali, M. Ibrahim Boubacar Keïta, et le Premier Ministre des Pays-Bas, M. Mark Rutte, a en particulier permis, selon les termes du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, aux participants de faire des engagements visant à réduire le fossé entre les impératifs de développement et ceux de l’action humanitaire.
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a affirmé que le Sommet humanitaire mondial devrait marquer le début d'une nouvelle approche. La crise humanitaire ne sera jamais vraiment réglée tant que nous ne nous attacherons pas à la résoudre de façon efficace et collective, a-t-il dit en substance, en ouvrant les travaux de cette table ronde. Le mot le plus important dans le monde d'aujourd'hui est « agir ensemble », a-t-il déclaré. « Il ne s’agit pas d’un point final, mais d’un tournant. »
Mme HELEN CLARK, Administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a synthétisé les différentes interventions de cette table ronde, s’est réjouie de l’accent mis notamment sur le renforcement des capacités, essentiel pour améliorer la résilience pour l’avenir si nécessaire au développement durable et à l’efficacité de l’aide humanitaire.
M. IBRAHIM BOUBACAR KEITA, Président du Mali, a appelé à préserver et à maintenir la capacité d’intervention d’urgence pour pouvoir fournir de manière prévisible et souple une aide permettant de sauver des vies humaines conformément aux principes du droit international humanitaire et à s’engager à assurer un fonctionnement cohérent. Le Mali, a-t-il dit, appuie fermement l’idée de renforcer les systèmes nationaux et locaux. Il a déclaré qu’il incombait, en premier lieu, aux États d’assurer l’acheminement de l’aide humanitaire et de protéger ceux qui la livrent aux populations dans le besoin.
M. MARTK MUTTE, Premier Ministre et Ministre des affaires générales des Pays-Bas, a affirmé qu’il y avait encore beaucoup à faire. Citant un certain nombre d'exemples de la manière dont les choses peuvent avancer, il a souligné que le succès de l’action humanitaire exigeait, au préalable, que les causes profondes de la pauvreté soient examinées. Le Bangladesh a montré, par exemple, comment, par le déclenchement de mécanismes d'alerte précoce, l’on pouvait prévenir les pertes en vies humaines.
M. MICHAEL D. HIGGINS, Premier Ministre de l’Irlande, a déclaré que des efforts cohérents et de collaboration étaient nécessaires sur les plans national et international. Il a, en particulier, insisté sur la nécessité d'examiner les modèles de développement pour déterminer les défaillances et les moyens d'améliorer les efforts existants.
M. ABDULLAH ABDULLAH, Directeur en chef de l’Afghanistan, a déclaré que son pays était reconnaissant de l'aide internationale humanitaire de développement dont il a pu bénéficier de la part de la communauté internationale, mais qu’en revanche, le financement avait été fragmenté et concentré sur des solutions rapides à court terme au détriment des gains à long terme.
M. PAVEL BĚLOBRÁDEK, Vice-Premier Ministre de la République tchèque, estimé que le Cadre de Sendai pour la prévention des catastrophes et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 avaient servi de guides pour renforcer la résilience et le financement. Pour aller de l'avant, les innovations et les capacités du secteur privé devraient être incorporées dans de tels efforts, a-t-il dit.
M. MEVLUT CAVUSGLU, Ministre des affaires étrangères de la Turquie, a souligné qu’il était nécessaire de déterminer de meilleures méthodes d’intervention, en appelant en particulier à mieux préparer les communautés aux catastrophes naturelles et aider les populations des pays touchés à se relever après de telles catastrophes. C’est pourquoi, partager le fardeau est un devoir incombant à tous, a-t-il dit. S’agissant du conflit syrien, les États ont également une responsabilité à assumer. Il faudrait ainsi améliorer la situation à long terme sur la base d’une approche holistique.
M. NEVEN MMICA, Commissaire pour la coopération internationale et le développement de l’Union européenne, a souligné que l’Union européenne s’engageait à renforcer les capacités nationales et locales pour répondre aux crises et les prévenir, notamment dans le cadre des catastrophes naturelles. L’Union européenne a pris des engagements à terme, dont le renforcement des capacités nationales et locales pour faire face aux crises en 2020. Un autre engagement a consisté à promouvoir une analyse conjointe sur la sécurité alimentaire et la nutrition, a-t-il dit, en annonçant, à cet égard, une initiative conjointe avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il a précisé qu’en 2016, l’Union européenne mobiliserait 130 millions d’euros pour venir en aide aux pays touchés par le phénomène El Niño. Enfin, il a mis l’accent sur la nécessité de mieux s’attaquer aux causes profondes des crises récurrentes plutôt que d’avoir à gérer leurs conséquences.
Mme JUSTINE GREENING, Secrétaire d’État au développement du Royaume-Uni, a invité à surmonter la fragmentation entre l’aspect humanitaire et l’aspect développement des actions engagées, prônant une approche globale et holistique. Le financement doit être modernisé, notamment en investissant dans la préparation et en augmentant l'aide en espèces. « Si nous agissons dès maintenant et ensemble, nous pouvons construire un avenir meilleur et plus prospère pour nous tous », a-t-elle assuré.
M. LE LUONG MINH, Secrétaire général de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a estimé que les partenariats étaient plus efficaces lorsqu’ils permettaient le renforcement des capacités des populations touchées. L’ASEAN, a-t-il dit, s’engage à mettre en œuvre un programme visant à améliorer la coopération et l’échange d’expériences et du savoir-faire. Il a ensuite souligné le rôle important joué par les jeunes.
M. KRISTIAN JENSEN, Ministre des affaires étrangères du Danemark, a souligné qu’il était nécessaire de renforcer la responsabilisation ainsi que les capacités locales.
M. ABDIRAHMAN YUSUF ALI AYNTE, Ministre de la planification et de la coopération internationale de la Somalie, a appelé à œuvrer de façon horizontale, en mettant par exemple l’accent sur la nécessité de s’appuyer sur les capacités innées de ceux qui ont besoin d’assistance. Ainsi, en Somalie, il a été convenu de mettre au point des programmes pour les autonomiser et compter sur leur expérience.
Mme GAYLE SMITH, Administratrice de l’Agence pour le développement international des États-Unis, a souligné qu’investir dans les capacités et la résilience était primordial, afin d’avoir les fondations idéales pour bâtir un système plus souple.
M. ROMAIN SCHNEIDER, Ministre de la coopération internationale et des affaires humanitaires du Luxembourg, a affirmé que son pays comptait prêter son soutien aux efforts visant à améliorer les liens entre l’action humanitaire et le développement. Il a souligné, en particulier, la spécificité du mandat de l’action humanitaire qui n’est pas un instrument subordonné à des ordres du jour de politique étrangère, mais un instrument et une politique à part entière qui est indépendante, impartiale et neutre.
M. ERASTUS MWENCHA, Vice-Président de l’Union africaine, a rappelé que l’Union africaine avait mis en place la Convention de Kampala par laquelle les gouvernements du continent ont pris des engagements juridiquement contraignants pour assurer la protection des populations. Elle a décidé de se pencher sur un centre de réponse rapide pour mieux faire face aux risques tout en bénéficiant de l’aide des partenaires.
Mme NGUYEN PHUONG NGA, Vice-Ministre des affaires étrangères du Viet Nam, a rappelé que son pays avait toujours placé la population au centre de ses politiques de développement, s’attachant à améliorer la qualité de vie de celle-ci. Toutes nos politiques visent à bâtir une société harmonieuse où les gens peuvent vivre dans la paix, la sécurité et la prospérité, a-t-elle dit.
M. DARIO SCANNAPIECO, Vice-Président de la Banque européenne d’investissement, s’est félicité des engagements forts exprimés par les banques et organismes des Nations Unies. La Banque européenne d’investissement s’engage, a-t-il dit, à travailler avec le secteur privé et la société civile et à déployer son savoir-faire et mobiliser son réseau organisationnel pour renforcer des partenariats et identifier des priorités afin d’être plus efficaces. Il a plaidé en faveur d’une approche structurée et pragmatique avec ses partenaires.
Mme LAHPAI SENG RAW, du METTA Development Forum (Myanmar), a assuré que les organisations non gouvernementales de son pays étaient prêtes à tout faire pour que les populations touchées ne soient pas laissées en marge, en appelant la communauté internationale à leur faire confiance.
M. ALJEANDRO MALDONALDO, Secrétaire exécutif de la coordination nationale sur la réduction des risques de catastrophe du Guatemala, a affirmé que son pays renforcera, aux côtés acteurs régionaux et internationaux, les résultats collectifs de lutte contre la vulnérabilité par le biais de la politique régionale de réduction des risques d’Amérique centrale.
M. KEVIN JENKINS, Président de World Vision International, a exprimé l’engagement de son organisation à atteindre 20% des enfants vulnérables dans les conflits ou les situations de catastrophe naturelle. Cette organisation, a-t-il assuré, a rejoint l’appel du Secrétaire général à tous pour utiliser le Programme de développement à l’horizon 2030 comme cadre.
M. SAM WORTHINGTON, Directeur exécutif d’Interaction, a appelé à développer des approches complémentaires et à faire en sorte que les États se sentent responsables à l’égard de leurs propres populations en matière d’aide, de protection et de prévention.
M. HANS-PETER TEUFERS, Vice-Président d’United Parcel Service (UPS) Foundation, a souligné l’engagement de la Fondation UPS à investir dans le renforcement des capacités nationales et locales en évitant de créer des doubles emplois.
M. GERD MÜLLER, Ministre de la coopération économique de l’Allemagne, rappelant que son pays avait déjà assuré le financement de 70% des engagements pris, a souligné la nécessité de répondre aux besoins sur le terrain, en utilisant notamment des mécanismes de financement novateurs.
M. JOHN NDUNA, Secrétaire général d’Act Alliance, a souligné l’engagement de cette organisation à augmenter la part de ses investissements humanitaires consacrés et à adapter le programme de celle-ci au Programme d’action pour l’humanité du Secrétaire général de l’ONU.
Enfin, M. KYARI ABBA BUKAR, Président du Nigerian Economic Summit Groupe, a affirmé que son organisation s’était engagée à mettre en œuvre une stratégie sociale inclusive visant à reconstruire les zones affectées par Boko Haram dans le nord-est du pays.
Table ronde 3 sur le thème: « Ne laisser personne de côté: un engagement pour répondre au déplacement forcé »
Coprésidée par M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres du Liban; M. Ruhakana Rugunda, Premier Ministre de l’Ouganda; et Mme Justine Greening, Secrétaire d’État au développement international du Royaume-Uni, la table ronde intitulée « Ne laisser personne de côté: un engagement pour répondre au déplacement forcé », animée par M. Jan Eliasson, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a permis de faire le point sur les réponses à apporter au défi des déplacements forcés, qu’ils soient causés par des conflits, des catastrophes naturelles ou l’insécurité alimentaire. Comme l’a rappelé M. Eliasson, le monde compte aujourd’hui 60 millions de personnes déplacées.
À l’instar des deux autres coprésidents, M. TAMMAM SALAM, Président du Conseil des ministres du Liban, a rappelé que 90% des réfugiés du monde sont accueillis par des pays en développement et que huit pays accueillent la moitié des réfugiés. « Ne laisser personne de côté dépend de la survie de l’État », a-t-il déclaré. Préoccupé par le sort des réfugiés syriens et des communautés hôtes, il a affirmé que le fardeau de cet accueil des réfugiés pourrait conduire à un effondrement de l’État libanais. Nous avons besoin de davantage de solidarité et de solutions durables, a-t-il dit. Le retour des réfugiés, a-t-il ajouté, devrait être la priorité de toute solution durable. Plus que jamais, nous devons favoriser le retour des réfugiés, a-t-il affirmé, en précisant que le Liban s’opposera toujours, en vertu de sa Constitution, à une naturalisation des Syriens. En conclusion, M. Salam a déclaré que la tolérance et la diversité étaient des valeurs constitutives du Liban.
« Personne ne choisit d’être un réfugié », a fait remarquer M. RUHAKANA RUGUNDA, Premier Ministre de l’Ouganda, affirmant que chaque réfugié devrait être considéré avec dignité. « L’histoire nous enseigne que ceux que nous abandonnons trouvent toujours un moyen de nous rattraper ». Il a indiqué que l’Ouganda accueillait 500 000 réfugiés, après avoir procédé à la réinstallation des quelque 1,8 million de personnes déplacées en raison des activités de l’Armée de résistance du Seigneur. Il a ainsi souligné l’importance de la Convention de l’Union africaine sur l’assistance et la protection des personnes déplacées internes, dite « Convention de Kampala », pour assurer la dignité des personnes déplacées, avant de demander l’aide internationale pour l’appliquer.
Mme JUSTINE GREENING, Secrétaire d’État au développement international du Royaume-Uni, a affirmé que s’il existait un pays de déplacés, de 60 millions de personnes, celui-ci serait quasiment comparable au Royaume-Uni. « Nous avons de moins en moins de temps pour remédier à cette question des réfugiés », a-t-elle dit, tout en se félicitant que les éléments de la réponse soient connus. Il faudrait investir dans l’éducation afin d’éviter qu’il y ait de génération perdue et également dans l’emploi des personnes déplacées, a recommandé Mme Greening. Les personnes déplacées, a-t-elle précisé, contribuent à l’économie du pays concerné. Elle a promis que son pays améliorerait pour les années à venir la prévisibilité du financement de son action humanitaire en le garantissant sur plusieurs années. « Les problèmes de certains pays deviendront ceux de tous si nous n’agissons pas rapidement », a-t-elle prévenu.
La discussion qui s’en est suivie, nourrie notamment par les interventions de plusieurs chefs d’État et de gouvernement, a permis de passer en revue les défis rencontrés par les pays concernés par la question des réfugiés, qu’ils soient pays d’accueil, de destination ou de transit.
M. YALCIN AKDODAN, Premier Ministre adjoint de la Turquie, a ainsi rappelé que son pays avait enregistré la naissance de 160 000 bébés parmi les réfugiés syriens qu’il accueille. « Nous couvrons leurs dépenses de santé et d’éducation mais nous avons besoin d’aide car ils pourraient rester10 ans », a-t-il indiqué, en regrettant que l’aide reçue par la Turquie soit très limitée. Même son de cloche du côté de la Jordanie qui, par la voix de son Ministre de la coopération, a rappelé qu’elle accueillait 2,8 millions de réfugiés, dont 1,3 million de réfugiés syriens depuis 2011. Cela équivaudrait pour l’Union européenne à l’accueil sur cinq ans de 100 millions de réfugiés, a-t-il dit. M. Akdodan a demandé qu’une distinction soit faite entre « migrants forcés » et « migrants économiques » et une prise en compte des différentes capacités des pays s’agissant du partage du fardeau. « Nous avons besoin d’engagements véritables. »
Tandis que le Président de la Géorgie, M. GIORGI MARGVELASHVILI, a promis de poursuivre son action de relogement des centaines de milliers de personnes ayant fui « l’agression russe », le Vice-Président du Kenya, M. WILLIAM RUTO, a rappelé que son pays avait dépensé 7 milliards de dollars au cours des 25 dernières années pour les réfugiés, en grande partie somaliens, présents au Kenya. Le camp de réfugiés Dadaab, au Kenya, est devenu un centre de recrutement pour les Al-Chabab, a-t-il mis en garde, avant d’égrener les attaques terroristes qui ont récemment frappé son pays. Il s’est prononcé en faveur du retour des réfugiés en Somalie, alors que M. ABDURAHMAN MOHAMED HUSSEIN, Ministre de l’intérieur et des affaires fédérales de la Somalie, a souhaité que la communauté internationale augmente son aide financière au Kenya. M. SUFIAN AHEMED BEKER, de l’Éthiopie, s’est également dit en faveur du rapatriement volontaire des quelque 750 000 réfugiés que compte son pays.
« La priorité absolue est de s’attaquer aux causes de ces déplacements », a affirmé M. ALEX TSIPRAS, Premier Ministre de la Grèce, avant de souligner l’ampleur sans précédent de la crise des réfugiés. Il a souhaité que la coopération pour répondre à la question des migrants soit intégrée dans toutes les politiques économiques de l’Union européenne. « Nous devons aider les pays d’accueil et renforcer nos efforts pour que les réfugiés s’établissent dans des pays qui peuvent les accueillir », a-t-il dit, en plaidant pour des règles d’asile strictes. Convaincu que seuls des accords entre pays de transit et de destination pourraient décourager l’exploitation des migrants, il a estimé que le récent accord signé entre la Turquie et l’Union européenne était un pas dans la bonne direction.
L’Administratrice de l’USAID, agence des États-Unis chargée du développement, Mme GAYLE SMITH, et le Vice-Président de la Banque mondiale, M. HAFEZ GHANEM, ont promis d’augmenter l’action de leurs institutions, Mme Smith demandant la création d’un poste de représentant spécial pour les personnes déplacées, en précisant que « celles-ci avaient du mal à faire entendre leur voix ». Le Commissaire pour l’aide humanitaire de l’Union européenne, M. CHRISTOS STYLIANIDES, a, quant à lui, rappelé que l’Union européenne avait dépensé 2 milliards de dollars pour faire face à la crise des réfugiés en 2015 et 2016. « Souvent, on parle des réfugiés comme étant un fardeau mais nous ne devons pas perdre de vue leur potentiel économique », a-t-il dit, en écho au Premier Ministre du Portugal, M. ANTÓNIO LUIS SANTOS DA COSTA. Ce dernier a rappelé que « nous formons avec les réfugiés une seule humanité ». « Il faut garder les frontières ouvertes », a exhorté en conclusion, le Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés - NRC, M. Jan Egeland.
Table ronde 4 sur le thème: « Financement: investir dans l’humanité »
Animée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, cette table ronde sur le financement de l’aide humanitaire, que coprésidaient le Président de la République fédérale de Somalie, M. Hassan Scheikh Mohamud, le Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, M. Sabah Khaled Al Hamad Al Sabah, la Vice-Présidente de la Commission européenne, Mme Kristalina Georgieva, et le Président de la Banque mondiale, M. Jim Yong Kim, fut l’occasion pour de nombreux orateurs de reconnaître les lacunes du système de financement actuel, appelant à y apporter des réponses communes.
L’écart entre les besoins humanitaires et l’action pour y répondre s’est creusé, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, qui a fait état des estimations selon lesquelles le montant total requis pour l’aide humanitaire s’établissait à 1% des dépenses militaires mondiales. Ceux qui sont les plus démunis sont ceux qui donnent le plus et les pays pauvres sont ceux qui accueillent le plus de réfugiés, a constaté M. Ban, qui a ainsi appelé à réformer le système de financement.
C’est la raison pour laquelle, a-t-il déclaré, qu’il a mis en place le Groupe de haut niveau sur le financement humanitaire, l’an dernier, chargé de trouver les moyens pour la communauté internationale de venir en aide aux plus vulnérables. Ce groupe a conclu que des améliorations significatives doivent être apportées sur la façon dont les ressources doivent être mobilisées, allouées et utilisées.
Selon M. Ban, les organisations humanitaires et de développement doivent œuvrer de conserve en faveur des mêmes objectifs, avec les mêmes priorités. Les bailleurs de fonds, a ajouté le Secrétaire général, doivent nouer des partenariats avec les communautés et les gouvernements en première ligne de l’action humanitaire.
M. Ban a assuré que les Nations Unies s’efforceraient de faire de l’action humanitaire une action à la fois nationale et internationale et a appelé à examiner les priorités en la matière.
M. HASSAN SHEIKH MOHAMUD, Président de la Somalie, a en particulier invité à voir ce qui est fait au quotidien par les travailleurs humanitaires. Il faut, a-t-il dit, se pencher sur les besoins de ces hommes et de ces femmes courageux. De même, convient-il de renforcer la résilience des communautés pour s’adapter aux chocs et aux évolutions de façon récurrente. Le Président somalien a souligné également la nécessité de s’adapter à des échéanciers plus longs et à abandonner des programmes d’un ou deux ans.
M. SABAH KHALED AL HAMAD AL SABAH, Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, a estimé que le Plan d’action pour l’humanité du Secrétaire général contenait des engagements importants que son pays s’efforcerait de mettre en œuvre.
Mme KRISTALINA GEORGIEVA, Vice-Présidente de la Commission européenne, a appelé, notamment, à élargir la base de donateurs en matière de développement, le secteur privé ayant sa part de contribution. Elle a, de même, mis l’accent sur la nécessité de faire en sorte que les ressources allouées soient attribuées « en première ligne » des populations dans le besoin.
M. JIM YONG KIM, Président de la Banque mondiale, a notamment appelé à mettre à jour les outils de financement et à trouver de nouvelles approches de financement. Il a souligné l’importance de renforcer considérablement les fonds accordés aux États fragiles.
M. MICHAEL D. HIGGINS, Président de l’Irlande, a fait remarquer qu’une petite partie du financement nécessaire pour aider les réfugiés syriens avait été reçue. L’assistance humanitaire internationale doit reconnaître et accroître les capacités qui existent déjà dans les pays concernés, a-t-il dit, en soulignant que son pays s’était engagé à appuyer le renforcement du leadership national et la responsabilité partout où cela était possible.
M. DANIEL KABLAN DUNCAN, Premier Ministre de la Côte d’Ivoire, a indiqué que son pays, dont la situation économique s’est considérablement améliorée, entendait en particulier renforcer ses structures nationales.
M. XAVIER BETTEL, Premier Ministre du Luxembourg, a appelé avec force à dépasser l’égoïsme ambiant que l’on peut constater notamment avec la montée des populismes.
M. ALEXANDRE DE CROO, Vice-Premier Ministre et Ministre de la coopération de développement de la Belgique, a mis l’accent sur le pouvoir transformateur des instruments numériques et a appelé à renforcer le soutien à la prévention des catastrophes.
M. FRANK-WALTER STEINMEIER, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a déclaré que son gouvernement fournirait des fonds supplémentaires aux efforts humanitaires et a exhorté les autres à contribuer généreusement et à participer à la recherche de mesures de financement innovantes. Il a également insisté sur le rôle des institutions humanitaires locales.
M. FRANCESCO ROCCA, Vice-Président de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a déclaré que si davantage de ressources étaient nécessaires, plus d'argent ne résoudrait pas forcément le problème, estimant que le renforcement des capacités locales et nationales avait un impact très important. Pourtant, a-t-il fait observer, peu de ressources ont été acheminées vers les principaux acteurs locaux.
Mme MARIE-CLAUDE BIBEAU, Ministre du développement international et de la francophone du Canada, a affirmé que son pays avait annoncé aujourd’hui l’allocation de 125 millions de dollars sur cinq ans au bénéfice d’un programme œuvrant à bâtir la résilience face aux chocs, y compris la sécheresse en Éthiopie provoquée par le phénomène El Niño. Il faut songer ensemble à la façon dont nous pouvons davantage aider nos partenaires locaux pour avoir un impact encore plus grand, a-t-elle également déclaré.
M. ESPEN BARTH EIDE, Directeur exécutif du Forum économique mondial, a affirmé que le Forum s’était lancé dans une approche novatrice et engagé à faciliter l’émergence de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé.
Mme LILIANE PLOUMEN, Ministre du commerce extérieur et de la coopération de développement des Pays-Bas, a mis l’accent sur le principe de la transparence.
M. BORGE BRENDE, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a souligné la nécessité de renforcer les fonds en faveur de l’éducation des enfants dans des situations d’urgence.
Mme MARGOT WALLSTRÖM, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a indiqué que son pays souscrivait aux cinq engagements essentiels du Secrétaire général en matière de financement humanitaire. Elle a mis l’accent sur la nécessité d’investir davantage dans la prévention des conflits et des catastrophes, à soutenir les solutions durables aux déplacements, ainsi que le Cadre de Sendai, à investir dans les capacités des intervenants locaux. Enfin, a-t-elle indiqué, la Suède s’engage à doubler le solde du Fonds central d’intervention d’urgence et à plaider sa cause auprès des donateurs.
M. DAVID MILLIBAND, Président d’International Rescue Committee, a appelé à une réforme importante du système de financement. Il convient, selon lui, de s’engager ensemble à partager les résultats en matière de santé, d’éducation et de revenus. M. Milliband a souligné l’importance d’harmoniser les stratégies entre les bailleurs de fonds et les personnes ou organismes chargés de la mise en œuvre des politiques d’assistance.
Mme MAITA BINT SALEM AL SHAMSI, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a affirmé que son pays s’était engagé à augmenter l’aide humanitaire de 15 % d’ici à 2020 par rapport au montant prévu. Elle a ainsi souligné la nécessité de contribuer au Fonds central d’intervention d’urgence.
M. NACI KORU, Ministre des affaires étrangères de la Turquie, a jugé qu’il était essentiel de privilégier le financement de l’aide humanitaire et de renforcer la résilience des bénéficiaires et des acteurs qui la délivrent. Davantage d’outils devraient être mis à la disposition des acteurs de première ligne et faire en sorte qu’ils puissent avoir accès à des fonds prévisibles. Il a exprimé la volonté de la Turquie de donner suite à ce sommet important.
M. MATS GRANRYD, Directeur général de Groupe Speciale Mobile Association (GISMA), a souligné l’engagement du GISMA d’élargir la charte de connectivité humanitaire par laquelle plus de 60% d’opérateurs mobiles dans plus de 50 pays se sont mobilisés pour appuyer l’assistance humanitaire.
Mme MARIA LUISA NVARRO, Ministre des affaires multilatérales et de la coopération du Panama, a rappelé le rôle central de son pays en matière de développement durable.
M. ROBERT FILIPP, Président de la Banque européenne d’investissement, a mis l’accent sur les efforts de la Banque en vue de fournir une palette élargie de services, de financements et d’expérience. La Banque européenne d’investissement compte ainsi renforcer la résilience économique, en stimulant notamment les programmes d’éducation et de santé. De même, a-t-il mis l’accent sur la nécessité de s’attaquer aux causes mêmes de la migration.