7830e séance – matin 
CS/12615

Deux responsables de l’ONU dressent, devant un Conseil de sécurité divisé, un tableau consternant des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée

Le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, ont dressé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, un tableau « consternant » de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), marquée notamment par la pratique de formes d’esclavage, d’actes de torture et de travail forcé et des persécutions pour motifs politique, religieux et racial.

Affichant, comme en 2015, ses divisions, le Conseil de sécurité n’a pu tenir cette réunion consacrée à la situation en RPDC, la troisième du genre, qu’à l’issue d’un vote de procédure.  Le vote a recueilli 9 voix pour, 5 contre (Angola, Chine, Fédération de Russie, Égypte et Venezuela) et une abstention (Sénégal).  Les neuf pays ayant voté pour avaient demandé la tenue de cette réunion dans une lettre* en date du 1er décembre, adressée au Président du Conseil de sécurité. 

Appuyée par l’Angola, la Chine, par la voix de son représentant, a expliqué que le Conseil n’était pas l’enceinte idoine pour débattre des droits de l’homme et de la « politisation » de ces droits.  Le Conseil doit se concentrer sur les questions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, a rappelé le délégué de la Chine, tandis que son homologue de l’Égypte a confié son « désarroi » devant l’insistance de certains membres à voir le Conseil se saisir de cette question.

« La situation des droits de l’homme en RPDC doit faire l’objet d’un examen par le Conseil des droits de l’homme », a insisté le délégué de la Fédération de Russie.  Ce point de vue a été balayé par la représentante des États-Unis, soutenant que cette situation ne pouvait être considérée comme « neutre », « dans la mesure où elle a un impact sur la stabilité de la péninsule coréenne ».  La réunion de ce matin se tenait 10 jours après l’adoption de la résolution 2321 (2016), par laquelle le Conseil a renforcé les sanctions à l’encontre de la RPDC.

« L’Histoire nous apprend que des violations graves des droits de l’homme sont des signes avant-coureurs d’instabilité et de conflit », a déclaré le Vice-Secrétaire général, au début de son intervention.  Il a rappelé les conclusions de la Commission d’enquête de 2014 sur les violations des droits de l’homme en RPDC, qui ont révélé le visage d’« un État sans équivalent dans le monde contemporain ».  Selon la Commission d’enquête, des crimes contre l’humanité ont été commis en RPDC.

M. Eliasson a estimé que les autorités du pays n’avaient rien fait pour remédier à cette situation.  Il a insisté sur les souffrances endurées « en raison d’un réseau cruel de camps pour prisonniers politiques, de l’exploitation économique et des discriminations sociales largement répandues ».  Aujourd’hui, 70% des habitants du pays connaissent une véritable insécurité alimentaire, a alerté le Vice-Secrétaire général.

De son côté, M. Gilmour a évoqué les traitements inhumains infligés aux détenus, tels que la torture mais aussi un accès inadéquat aux vivres, à l’eau et à l’hygiène.  « Quant à ceux qui sont accusés de crimes politiques, ils sont détenus dans des camps, dont l’existence est tenue secrète, même si l’imagerie satellite la confirme », a assuré le Sous-Secrétaire général. 

Les délégations ont également détaillé les violations commises en RPDC, le délégué du Royaume-Uni citant le témoignage d’un prisonnier d’un camp de travail, forcé de manger « un rat cru ».  La représentante des États-Unis a révélé que des enfants travaillaient dans des mines de charbon « jusqu’à 16 heures par jour », tandis que son homologue du Japon a évoqué le sort des ressortissants japonais enlevés en RPDC.

Pour remédier à la situation en RPDC, M. Eliasson a appelé à la promotion d’un dialogue sur les droits de l’homme et suggéré l’organisation de visites de l’ONU sur le terrain.  La communauté internationale doit protéger la population des violations les plus graves, a-t-il déclaré.  Le Vice-Secrétaire général a également appelé les membres du Conseil à faire en sorte que les mesures adoptées en vertu de la résolution 2321 (2016) n’aggravent pas une situation humanitaire déjà « critique ».

De son côté, la délégué de la Nouvelle-Zélande a invité le Conseil à soutenir des « mesures concrètes » pour que les responsables des crimes commis rendent des comptes.  La représentante américaine a annoncé la volonté des États-Unis d’imposer des sanctions supplémentaires à l’encontre d’un certain nombre de dirigeants nord-coréens.  Le représentant de la République de Corée a, quant à lui, appelé la communauté internationale à continuer d’exercer des pressions.  « Le leader de la “Corée du Nord” doit réaliser, avant qu’il ne soit trop tard, que le temps n’est pas son allié », a-t-il dit.

 

* S/2016/1034

 

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

Déclarations

M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a rappelé les conclusions de la Commission d’enquête de 2014 sur les violations des droits de l’homme en RPDC, qui ont révélé le visage d’« un État sans équivalent dans le monde contemporain ».  La Commission, a-t-il indiqué, a conclu que des crimes contre l’humanité ont été commis en RPDC et demandé, à juste titre, une reddition de comptes.  Il a précisé que l’une des pistes suggérées par l’Assemblée au Conseil pour assurer une telle reddition de comptes était de déférer la situation en RPDC à la Cour pénale internationale.

M. Eliasson a estimé que les autorités du pays n’avaient rien fait pour remédier à cette situation.  La population est incapable de faire entendre sa voix en raison des restrictions et des risques auxquels elle doit faire face dans l’exercice de ses droits, a-t-il noté.  Les groupes de population les plus vulnérables continuent d’endurer de graves souffrances en raison d’un réseau cruel de camps pour prisonniers politiques, de l’exploitation économique et des discriminations sociales largement répandues.  Le pays est également en situation d’urgence humanitaire, 70% des habitants du pays -soit 18 millions de personnes- étant en insécurité alimentaire, a-t-il soutenu.  M. Eliasson a affirmé que ces besoins humanitaires aigus étaient aggravés par les récentes inondations qui ont dévasté le nord du pays en septembre.

Dans le droit fil des objectifs de développement durable, il est impératif de découpler les considérations géopolitiques de l’appui humanitaire et de développement que les Nations Unies doivent fournir aux personnes dans le besoin, a insisté M. Eliasson.  Les mesures imposées par la résolution 2321 (2016), a-t-il rappelé, n’ont pas pour objectif d’avoir des conséquences négatives pour les besoins humanitaires de la population.  Il a appelé les membres du Conseil à faire en sorte que la situation humanitaire critique ne s’aggrave pas en raison de telles mesures.  M. Eliasson a chiffré à 145 millions de dollars la somme nécessaire pour remédier aux besoins humanitaires urgents en RPDC.

L’Histoire nous apprend que des violations graves des droits de l’homme sont des signes avant-coureurs d’instabilité et de conflit, a déclaré le Vice-Secrétaire général.  Relevant les difficultés de collecter des informations rigoureuses sur les droits de l’homme en RPDC, il a précisé que ces informations révélaient des pratiques enracinées de violations de ces droits.  M. Eliasson a ensuite rappelé la responsabilité de la communauté internationale vis-à-vis de la RPDC.  La communauté internationale doit protéger la population des violations les plus graves, se montrer à la hauteur du principe de responsabilité de protéger et considérer les implications plus larges de la situation des droits de l’homme pour la stabilité régionale, a-t-il estimé.

Il a mentionné les différentes mesures prises au sein de l’ONU pour remédier à la situation des droits de l’homme dans le pays –notamment la récente résolution de la Troisième Commission sur le sujet-, ainsi que les objections exprimées par le pays vis-à-vis de ces mesures.  « Nous devons rester engagés en faveur d’une voie pacifique, diplomatique et politique pour remédier à cette situation complexe et dangereuse », a-t-il soutenu.  En conclusion, M. Eliasson a indiqué que l’ONU était prête à apporter son aide, y compris par la promotion d’un dialogue sur les droits de l’homme et l’organisation de visites dans le pays.  « Utilisons tous les outils à notre disposition –le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et toutes autres entités internationales pour bâtir un avenir meilleur pour la population de la RPDC. »

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a déclaré qu’il n’y avait eu aucune amélioration de la situation « consternante » des droits de l’homme en RPDC depuis que le Conseil de sécurité a organisé sa dernière réunion en date sur le sujet.  « La nature et l’échelle des violations commises dans ce pays soulignent le lien entre droits humains, paix et sécurité.  N’oublions pas que la Commission d’enquête a conclu à la commission de crimes contre l’humanité », a-t-il dit, en citant l’« extermination », les meurtres, les formes d’esclavage, les actes de torture, l’emprisonnement, les viols, les avortements sous la contrainte, et d’autres formes de violences sexuelles, ainsi que des persécutions pour des raisons politiques, religieuses, raciales et de genre, des transferts forcés de populations, des disparitions forcées et l’acte inhumain consistant à affamer la population ».

Au cours des 12 derniers mois, en dépit des difficultés qui se posent pour suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme en RPDC, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a réussi à mener à bien 110 entretiens avec des individus ayant fui la RPDC.  Cela a permis d’identifier un « problème majeur », celui du traitement infligé par les agences d’application des lois aux détenus, soumis à des traitements inhumains tels que la torture et les mauvais traitements, mais aussi un accès inadéquat aux vivres, à l’eau et à l’hygiène, dans un système judiciaire placé sous la tutelle directe du parti d’État.  Quant à ceux qui sont accusés de crimes politiques, ils sont détenus dans des camps, dont l’existence est tenue secrète, même si l’imagerie satellite la confirme, a assuré le Sous-Secrétaire général.  M. Gilmour a ensuite affirmé que les libertés d’expression, d’association et d’assemblée pacifique étaient presque totalement inexistantes, la liberté de mouvement continuant d’affecter les citoyens de la RPDC, qui ne sont pas autorisés à se rendre à l’étranger ou à se déplacer à l’intérieur même du pays sans autorisation préalable. 

En outre, le pays continue d’être affecté par les pénuries de vivres, à l’origine d’un taux de malnutrition élevé, touchant tout particulièrement les enfants, les femmes, les femmes enceintes et les personnes âgées.  Par ailleurs, le renforcement des mesures de sécurité en RPDC a des conséquences directes sur la situation des droits de l’homme, a poursuivi le Sous-Secrétaire général, en citant la cessation complète, depuis octobre 2015, de la réunion des familles séparées.  Il n’y a pas eu non plus de solution satisfaisante à la question de la disparition de 516 individus enlevés en République de Corée.  Tout juste de retour de la RPDC, les deux experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme feront rapport en mars 2017, a annoncé en conclusion M. Gilmour. 

M. KORO BESSHO (Japon) a invoqué, à son tour, le rapport de la Commission d’enquête et l’absence de progrès depuis sa publication en 2014.  Il a souligné qu’en 2016, la République populaire démocratique de Corée avait effectué deux essais nucléaires et lancé plus de 20 missiles balistiques en dépit du fait que les trois quarts de sa population nécessiteraient une assistance humanitaire, et que les besoins financiers humanitaires des Nations Unies et d’autres organisations non gouvernementales avaient atteint 122 millions de dollars.

Le Japon, à l’instar de chacun des membres du Conseil, condamne cette tyrannie, a insisté M. Bessho, en appelant les autorités de la RPDC à respecter et à garantir le bien-être et la dignité inhérente de ses citoyens.  Il a rappelé, à cet égard, la résolution 2321 du Conseil, adoptée à l’unanimité fin novembre, ainsi que celle sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, adoptée par consensus par la Troisième Commission.  Justifiant ces décisions, le représentant du Japon a établi une corrélation évidente entre les violations des droits de l’homme en RPDC et l’instabilité dans la région.

M. Bessho a fait état par ailleurs de l’enlèvement de centaines de ressortissants de la République de Corée, du Japon et d’autres pays, ce qui constitue une violation des droits de l’homme et une menace à la paix et la sécurité.

Comme les autorités de la RPDC font la sourde oreille en ce qui concerne l’amélioration de la situation des droits de l’homme sur le terrain, des efforts soutenus de la communauté internationale pour garantir la reddition de comptes demeurent nécessaires, a-t-il conseillé.  M. Bessho a notamment indiqué qu’en mars prochain, le Conseil des droits de l’homme sera saisi du premier rapport du Groupe d’experts indépendants sur l’établissement des responsabilités liées aux violations des droits de l’homme commises en République populaire démocratique de Corée.

Il a toutefois tenu à préciser que tous ces efforts ne visent nullement à isoler ce pays mais à amener le Gouvernement nord-coréen à un « dialogue crédible avec la communauté internationale pour répondre à un certain nombre de préoccupations ».  Un tel changement conduira assurément à une stabilité accrue dans la région, a conclu le représentant du Japon.

Lorsqu’un régime préfère développer des armes nucléaires plutôt que répondre aux besoins de sa population, la sécurité internationale est en jeu, a déclaré M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni).  Il a insisté sur la pertinence de la réunion de ce jour, les violations étant un signe avant-coureur d’instabilité et de conflit.  Le délégué s’est ensuite attardé sur le phénomène de travail forcé qui a conduit à des milliers de morts en RPDC.  Il a mentionné le témoignage d’un prisonnier de camp de travail forcé, lequel a dû faire face à la déshumanisation, à la cruauté et à la famine dans ce camp.  Ce prisonnier devrait manger des rats crus, a-t-il dit.  Ces camps ont pour but de générer les ressources nécessaires au développement du programme nucléaire du pays, en violation des résolutions du Conseil, a fait remarquer M. Rycroft.  Le délégué a également évoqué la situation des ressortissants nord-coréens à l’étranger, qui sont de véritables « esclaves modernes » et sont soumis à une surveillance permanente du régime.  Il a qualifié de « honteux » le refus des autorités de la RPDC de s’engager dans un dialogue sur les droits de l’homme.  Nous sommes cependant convaincus de l’importance de ce dialogue et c’est pourquoi, nous continuons d’avoir des relations diplomatiques avec la RPDC, a assuré M. Rycroft avant de conclure. 

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a déclaré que les violations graves et flagrantes des droits de l’homme sont le corollaire des ambitions nucléaires et de la politique agressive de la République populaire démocratique de Corée.  Dans ce contexte, il a renvoyé au paragraphe 45 du dispositif de la résolution 2321 du 30 novembre dernier en réponse au cinquième essai nucléaire effectué par ce pays.

Après avoir souligné que le dernier rapport du Secrétaire général indique que la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée n’a connu « aucune amélioration tangible » depuis la publication, en 2014, du rapport de la Commission d’enquête, il en a vigoureusement appuyé les conclusions et recommandations, de même que l’établissement, l’année dernière à Séoul, d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

La communauté internationale peut-elle tolérer la poursuite des violations flagrantes des droits de l’homme au XXIsiècle, s’est demandé l’intervenant, avant d’appuyer, en guise de réponse, la décision de la Troisième Commission quant à la nécessité de prendre des mesures appropriées pour garantir la reddition de comptes, notamment « en envisageant de renvoyer à la Cour pénale internationale la situation en République populaire démocratique de Corée, et en envisageant l’adoption de nouvelles sanctions ciblées contre ceux qui semblent porter la plus grande part de responsabilité dans les violations des droits de l’homme ».

L’année 2016 a été une année sans précédent en termes d’aggravation des tensions dans la péninsule coréenne et il ne saurait y avoir de justification au gaspillage de ressources précieuses et limitées dans des programmes militaires et ce, au détriment de la population, a encore affirmé le représentant de l’Ukraine. Pour cette raison, il importe que la communauté internationale agisse résolument, et de concert, pour trouver un équilibre entre la promotion du dialogue avec Pyongyang et l’exigence de la reddition de comptes pour les nombreuses violations flagrantes du droit international.  S’ils demeurent impunis, les régimes totalitaires se considèrent comme étant invincibles et continueront d’agir en violation de l’ordre international et des droits de leurs voisins.  Si le Conseil est sérieux en matière de prévention des conflits, il doit agir rapidement.  La paix et la stabilité de la région en dépendent, a exhorté le représentant de l’Ukraine.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que la situation en « Corée du Nord », qui reste l’une des plus graves du monde, justifiait la pleine attention et la mobilisation du Conseil de sécurité.  « Il en va de sa responsabilité, alors que certains des crimes commis peuvent être constitutifs de crimes contre l’humanité », a-t-il déclaré.  Pour lui, ces violations sont « l’expression d’un totalitarisme absolu, qui s’affranchit du respect de la règle de droit ».  Le régime nord-coréen a choisi de privilégier la répression et le développement de ses capacités nucléaires et balistiques au détriment du développement économique et du bien-être de sa population, a poursuivi M. Delattre.  En ce sens, il représente une menace pour la région, et au-delà, une menace pour la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a insisté sur trois points.  Les crimes sont commis en « Corée du Nord » à l’ombre de la censure et de l’interdiction de toute forme d’expression critique.  « C’est tout un peuple qu’on aliène ou bien qu’on emprisonne et qu’on tue sur son propre territoire », s’est-il indigné.  M. Delattre a ensuite évoqué le drame des disparitions forcées qui s’étend également à d’autre pays, comme le Japon, dont les autorités attendent toujours que soient menées les enquêtes promises par les autorités nord-coréennes.  Il a soutenu l’appel lancé par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme le 7 décembre pour répondre à la souffrance des familles, séparées parfois depuis plus de 60 ans.

Enfin, M. Delattre a attiré l’attention sur la situation des travailleurs nord-coréens à l’étranger, « esclaves modernes d’un régime qui détourne la majorité de leurs revenus pour alimenter ses programmes nucléaire et balistique ».  Le régime de Pyongyang doit faire face à ses responsabilités, à savoir mettre fin aux violations, libérer les prisonniers politiques, juger et assurer réparation aux victimes.  « Toutes les options devront être explorées collectivement, y compris le renvoi à la Cour pénale internationale et des sanctions fondées sur des motifs droits de l’homme », a-t-il averti.

M. SEIF ALLA YOUSSEF KANDEEL (Égypte) a rappelé qu’en vertu de la Charte des Nations Unies, le Conseil n’avait pas vocation à débattre de la situation des droits de l’homme dans un pays.  D’autres organes, a-t-il indiqué, sont chargés d’examiner ces questions.  Le représentant égyptien a exprimé le « désarroi » de son pays face à l’insistance de certains pays de voir, dans les violations des droits de l’homme, une cause de conflit et d’encourager le Conseil à se saisir de ces questions.  « Nous rejetons ces positions », a-t-il déclaré.  Il est nécessaire, a souligné le délégué, que tout examen de la situation des droits de l’homme soit conduit avec neutralité, en évitant toute politisation et toute approche de « deux poids, deux mesures ».  M. Kandeel a insisté sur l’importance de remédier à la situation des ressortissants japonais enlevés en RPDC.  Après avoir insisté sur le respect de la Charte des Nations Unies, le délégué égyptien a réitéré que le Conseil devrait se concentrer sur son rôle exclusif, qui est de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a rappelé que c’est la troisième fois que le Conseil de sécurité se penche sur la situation des droits de l’homme en RPDC, qui n’a pas évolué de manière positive depuis et n’a pas, selon elle, de comparaison possible « dans le reste du monde ».  Elle a déploré la poursuite du programme nucléaire nord-coréen plutôt que de s’attaquer au problème de la malnutrition chronique.  En avril dernier, les États-Unis ont organisé une réunion au cours de laquelle il a été révélé que des enfants travaillent dans des mines de charbon « jusqu’à 16 heures par jour ».  Or, pour les États-Unis, une telle situation a un impact direct sur la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne, puisque le principal revenu à l’exportation de la RPDC résulte de la vente de charbon, ce qui permet à ses dirigeants de financer ses activités nucléaires.

La représentante s’est en outre appesantie sur le sort de plusieurs réfugiés nord-coréens, établis notamment au Japon et en République de Corée, et qui continuent de vivre dans la peur et la culpabilité.  « Il y a tellement de personnes qui se lèvent chaque matin en constatant avec effroi que des membres de leurs familles ont été enlevés par le régime nord-coréen », s’est-elle indignée.  S’adressant à eux et, plus généralement, aux victimes des violations du régime, Mme Power les a assurées que des archives sont en cours de constitution et que les éléments de preuve seront réunis pour garantir la lutte contre l’impunité et la reddition de comptes.  La déléguée américaine a par ailleurs annoncé la volonté de son gouvernement d’imposer des sanctions supplémentaires à l’encontre d’un certain nombre de dirigeants.  Sa délégation se félicite cependant de l’adoption récente, par la Troisième Commission, d’une résolution relative à la situation des droits de l’homme en RPDC, avant d’encourager les États Membres à redoubler d’initiatives de leur côté.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a estimé que l’examen de la situation des droits de l’homme dans un pays au sein de ce Conseil n’était pas dénué de fondement.  Le lien entre violations des droits de l’homme et possibilité de survenue d’un conflit est très clair, a-t-il déclaré.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par la situation des droits de l’homme en RPDC, avant de rappeler le contexte de tensions qui est celui de la péninsule coréenne.  « Nous reconnaissons néanmoins que cette situation n’est pas propre à la RPDC et qu’elle concerne d’autres pays, sans pour autant que ces derniers ne soient inscrits à l’ordre du jour du Conseil », a-t-il noté.  Le délégué de l’Uruguay a évoqué les « quelques signaux positifs » envoyés par la RPDC, dont la coopération de ce pays avec le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.  Il a mentionné la résolution, récemment adoptée par la Troisième Commission, qui exprime clairement la position de la communauté internationale sur la situation des droits de l’homme en RPDC.  En conclusion, le représentant a défendu la voie du dialogue et du compromis pour remédier à cette situation.

Mme CAROLYN SCHWALGER (Nouvelle-Zélande) a partagé les préoccupations du Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, et du Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, ainsi que celles exprimées par certains membres du Conseil de sécurité, au sujet de la gravité et de la nature systématique des violations des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  N’ayant constaté aucune amélioration depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur cette question, elle a passé en revue le type de violations dont il a été fait cas comme les meurtres, la torture, l’esclavage, le viol, les avortements forcés et d’autres violences sexuelles.  « Il n’est pas surprenant dès lors que le régime de la RPDC fasse autant d’efforts pour empêcher toute évaluation indépendante de la situation », a-t-elle ironisé.

Accusant ce régime d’exercer un contrôle ferme sur sa population, ancré dans la terreur, Mme Schwalger a poursuivi l’énumération de ses pratiques affligeantes et contraires aux droits de l’homme, en concluant que le leadership de la RPDC ne se sentait nullement tenu de respecter les lois du système international.  « Le programme d’armes de destruction massive de Pyongyang illustre bien cette attitude », a-t-elle ajouté, avant de souligner qu’il était impératif de ne pas accepter en silence ce rejet des normes internationales sous prétexte qu’il s’agit « de questions internes ».  Un tel silence équivaudrait à abandonner le peuple nord-coréen, à abandonner les pays voisins de la RPDC qui vivent avec une menace sécuritaire élevée, et à « renoncer nous-mêmes, compte tenu des nombreux affronts du régime nord-coréen, aux résolutions du Conseil », a estimé la représentante.

Malgré le temps écoulé depuis la publication du rapport de la Commission d’enquête, l’urgence de ses recommandations reste pertinente, a déclaré la représentante.  La Nouvelle-Zélande, a-t-elle dit, salue le travail du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Séoul qui fournit des renseignements sur la situation actuelle en RPDC, ainsi que la nomination du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme, M. Tomas Quintana, qui vient de faire sa première visite dans la région.  Pour Mme Schwalger, le Conseil de sécurité devrait être disposé à soutenir des mesures concrètes pour que les responsables des pires crimes du régime de la RPDC rendent des comptes.  La Nouvelle-Zélande réitère son appel au leadership de la RPDC pour qu’il mette immédiatement fin aux violations des droits de l’homme et coopère véritablement avec le Rapporteur spécial et d’autres mécanismes internationaux des droits de l’homme, a indiqué Mme Schwalger, avant d’encourager les États qui ont une influence sur Pyongyang à engager les autorités sur les questions des droits de l’homme.

« En tant que membre du Conseil de sécurité et membre responsable de la communauté internationale », Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a soutenu le principe de cette réunion.  Elle a pris note du « débat constructif » engagé avec la RPDC, notamment dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, à l’Examen périodique universel auquel le régime nord-coréen a accepté de se soumettre.  Elle a cependant estimé que la visite du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans ce pays constituerait pour son gouvernement une opportunité d’articuler clairement sa position.  La représentante a également plaidé en faveur de la coopération de Pyongyang avec le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Condamnant la reprise, en 2016, des essais nucléaires et des tirs de missile balistique par la RPDC, la déléguée de la Malaisie a encouragé celle-ci à « revoir à la hausse » ses possibilités de dialogue avec le Conseil de sécurité, notamment à travers du Comité des sanctions et de son Groupe d’experts.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a déclaré qu’il incombait à chaque État de veiller à la protection des droits de l’homme de ses citoyens.  La jouissance des droits de l’homme, a-t-il souligné, est nécessaire à la dignité humaine.  Le délégué a appelé à la mise en place des conditions nécessaires à une coopération internationale renforcée et à un dialogue constructif dans le domaine des droits de l’homme.  Il a ensuite évoqué les mécanismes d’ores et déjà établis.  Le Conseil des droits de l’homme et les examens périodiques universaux sont des instruments pertinents, bien que perfectibles, a-t-il estimé.  En conclusion, le représentant du Sénégal a encouragé la RPDC à coopérer davantage avec les entités chargées de la défense des droits de l’homme, en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a estimé que toute violation des droits de l’homme constituait, par définition, une menace à la paix et à la sécurité internationales.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, sa délégation a soutenu l’organisation de cette réunion, tout en affirmant qu’il est établi que les citoyens nord-coréens veulent fuir leur pays et sont prêts à risquer leur vie pour cela.  Le représentant s’est toutefois félicité de la présentation récente de rapports devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ou le Comité des droits de l’enfant, convaincu qu’« il faut aller plus loin ». 

Tout en soulignant l’importance des sanctions contre la RPDC, il a estimé qu’elles ne suffisaient pas.  C’est pourquoi, M. Oyarzun Marchesi a plaidé pour un soutien vigoureux à la société civile et à la lutte contre l’impunité.  Le représentant de l’Espagne a également souhaité que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RPDC puisse se rendre dans le pays et que le Gouvernement nord-coréen fasse toute la lumière sur le sort des détenus des camps de travail et des personnes disparues.  La paix et la sécurité dans la péninsule coréenne ne seront garanties qu’à condition que ce pays reconnaisse ses responsabilités, a tranché le délégué espagnol.

M. CHO TAE-YUL (République de Corée) a regretté que la RPDC continue d’ignorer les appels de la communauté internationale pour améliorer sa situation des droits de l’homme.  Les habitants de la « Corée du Nord » sont, dès leur naissance, condamnés à une vie misérable, « piégés dans l’appareil étatique qui bafoue systématiquement leurs droits de l’homme fondamentaux », a-t-il déclaré.  Le projet de résolution adopté par la Troisième Commission de l’Assemblée générale, le mois dernier, a bien souligné que la gravité du problème résidait dans les violations systématiques, généralisées et flagrantes commises en RPDC « par des institutions contrôlées par ses dirigeants ».

Les dirigeants de Pyongyang font régner la terreur pour la survie de leur régime et consacrent leurs maigres ressources à leurs programmes nucléaire et balistique, tout en mendiant l’aide internationale, s’est indigné M. Cho.  La course à l’armement de la RPDC menace non seulement la paix et la sécurité internationales, mais aussi la survie de son peuple.  C’est la raison pour laquelle le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer pour résoudre la situation des droits de l’homme dans ce pays, a-t-il fait valoir. 

En outre, l’histoire de la division de la péninsule coréenne depuis plus d’un demi-siècle est celle de l’agonie de 130 000 familles séparées de part et d’autre de la frontière, a poursuivi le représentant.  Or, aucun régime ne peut se maintenir en place tant que ses habitants sont prêts à risquer leur vie pour échapper au règne de la terreur, a-t-il averti.  En attendant un changement d’attitude de la part de la RPDC, il a recommandé que la communauté internationale reste unie et continue d’exercer des pressions sur la RPDC.  « Le leader de la “Corée du Nord” doit réaliser, avant qu’il ne soit trop tard, que le temps n’est pas son allié.  Il lui faut écouter la voix de la raison », a conclu M. Cho.

 

 

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