Conseil de sécurité: le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux et le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie se heurtent à des difficultés dans l’exercice de leur mandat
Le Conseil de sécurité a, ce matin, organisé son débat semestriel sur les activités du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui doit achever ses travaux à la fin de l’année 2017, et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles du TPIY et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), juridiction qui a fermé ses portes en décembre 2015. L’un et l’autre se heurtent à des difficultés dans la réalisation de leurs objectifs, ont expliqué juges et procureurs.
« Je suis dans l’obligation de soulever une grave question, celle de la détention continue du juge Aydin Sefa Akay, laquelle met en péril la bonne exécution de notre mandat », s’est alarmé le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, M. Theodor Meron, venu présenter son rapport* annuel.
« J’appelle donc la Turquie, dont la longue tradition juridique est fermement ancrée dans l’Histoire, à remettre en liberté le juge Akay pour qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions au sein du Mécanisme », a déclaré le Président. Soutenu par l’Uruguay, le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore l’Angola, il a rappelé l’immunité diplomatique dont bénéficie tous les juges internationaux, y compris celui-ci depuis qu’il a été affecté, le 25 juillet 2016, à la procédure en cours dans l’affaire Ngirabatware.
S’agissant des huit fugitifs poursuivis pour des crimes graves commis au Rwanda, M. Serge Brammertz, Procureur du TPIY et du Mécanisme résiduel, a assuré que son Bureau redoublait d’efforts avec Interpol et les autorités nationales, non seulement pour localiser ces huit individus, mais aussi pour appréhender plus de 500 suspects à l’étranger. « Ces dossiers, a-t-il affirmé, doivent être traités et des poursuites engagées lorsque des preuves suffisantes de culpabilité existent. »
Le Rwanda a regretté qu’aucun des accusés encore en fuite n’ait été arrêté au cours des cinq dernières années, en exhortant tous les États, notamment « ceux qui accueillent des fugitifs », à respecter leurs obligations, conformément à la Charte des Nations Unies et à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Si la représentante rwandaise s’est félicitée de l’arrestation et de l’extradition récentes, par le Canada, les Pays-Bas et les États-Unis, de suspects vers le Rwanda, ainsi que la condamnation d’Octavian Ngenzi et de Tito Barahira par la Cour d’assises de Paris, elle a déploré la décision du Parquet français d’abandonner les charges contre le Père Wenceslas Munyeshyaka.
Le Président du TPIY, M. Carmel Agius, a assuré qu’il ne reste plus à juger qu’« un procès en première instance, un procès en appel et une affaire d’outrage à la cour », qu’il a qualifiés de « grands défis pour l’année à venir ». En tête de ces défis figurent la difficulté de fidéliser les employés du Tribunal alors que sa stratégie d’achèvement des travaux doit être menée à bien d’ici à la fin novembre 2017. « Force est de constater que, si rien n’est fait, l’attrition du personnel augmentera le risque que le Tribunal ne soit pas en mesure de clore les dernières affaires » d’ici à cette date, a prévenu le juge Agius. Plaidant pour que la stratégie d’achèvement soit conduite à son terme avant la date butoir de novembre, la Fédération de Russie s’est opposée à la demande du Tribunal, exprimée dans son rapport**, d’octroi d’une prime de fin de service à ses fonctionnaires.
Le Tribunal se heurte, comme l’a indiqué son président, à un autre obstacle majeur, ce qui a été également reconnu par le Procureur du TPIY et du Mécanisme résiduel, M. Serge Brammertz, et certains membres du Conseil, dont le Royaume-Uni et l’Angola. C’est, ont-ils précisé, le refus de la Serbie, en violation de ses obligations juridiques, d’extrader trois accusés –Petar Jojić, Jovo Ostojić et Vjerica Radeta– vers le Tribunal, qui doit les juger dans le cadre d’une affaire d’outrage. « Si l’affaire Jojić et consorts n’est pas entendue et close avant fin novembre 2017, ceci portera un coup sérieux à tous les efforts déployés pendant près d’un quart de siècle par le Conseil de sécurité et le Tribunal pour établir les responsabilités », a prévenu le Président, qui a assuré que son insistance sur ce point n’avait rien à voir avec une tentative de prolonger l’existence de cette juridiction.
Défendant la décision de la Haute Cour de Belgrade, et soutenu par son homologue russe, le représentant de la Serbie a répondu que la loi serbe sur la coopération avec le TPIY stipule que seuls les chefs d’inculpation pour crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité peuvent donner lieu à l’exécution des mandats d’arrêt émis par le Tribunal, mais pas une inculpation pour outrage à la cour. Sa délégation s’est en outre lancée dans un vigoureux plaidoyer en faveur de la coopération qu’aurait selon lui démontrée la Serbie avec le Bureau du Procureur. « La Serbie a remis 45 accusés au Tribunal sur les 46 qu’il a réclamés », a assuré le représentant, en précisant que l’un d’entre eux avait mis fin à ses jours. Sur les 44 restants, 14 ont été arrêtés en Serbie; 4 à l’étranger dans le cadre d’une coopération internationale entre services de sécurité; et 27 se sont rendus volontairement, a-t-il ajouté.
Tandis que la délégation serbe appelait les pays de la région à renforcer leur propre coopération, la Croatie estimait, pour sa part, que la Bosnie-Herzégovine devrait harmoniser la jurisprudence en vigueur sur l’ensemble de son territoire où différentes approches juridiques prévalent, actuellement, « en fonction de la nationalité des personnes accusées ». « Mon pays a appliqué tous les arrêts et décisions du TPIY », a affirmé, de son côté, le représentant bosnien. La mise en œuvre de la « stratégie nationale pour crimes de guerre » y contribue à l’amélioration des pratiques judiciaires, a-t-il assuré.
Le Procureur du TPIY a, au contraire, estimé que « sur le plan politique, les choses évoluent dans la mauvaise direction », causant de sérieux revers à la coopération judiciaire régionale, comme l’échec du Gouvernement serbe à exécuter la condamnation pour crimes de guerre prononcée il y a plus d’un an dans l’affaire Ðukić. M. Brammertz a également critiqué la Croatie, où persisterait, selon lui, « un décalage entre l’engagement officiellement pris en faveur de la poursuite des auteurs de crimes de guerre et ce qui se passe dans la réalité ».
** S/2016/670
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE POURSUIVRE LES PERSONNES PRÉSUMÉES RESPONSABLES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991
TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES PRÉSUMÉES RESPONSABLES D’ACTES DE GÉNOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS PRÉSUMÉS RESPONSABLES DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1er JANVIER 1994 ET LE 31 DÉCEMBRE 1994
Lettre datée du 1er août 2016 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2016/669)
Rapport du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (S/2016/670)
Lettre datée du 17 novembre 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2016/975)
Lettre datée du 17 novembre 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/2016/976)
Déclarations
M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a estimé que le rapport dont est saisi le Conseil de sécurité aujourd’hui reflète le dynamisme et la diligence dont le Tribunal a continué de faire preuve au cours de la période à l’examen. « Le Tribunal, auquel il ne reste plus qu’un procès en première instance, un procès en appel et une affaire d’outrage à juger, arrive à la fin de son mandat, mais tout n’est pas pour autant terminé: il nous reste de grands défis à relever dans l’année à venir. » L’arrêt dans l’affaire Stanišić et Župljanin a été rendu au cours de la période considérée et le jugement dans l’affaire Mladić et l’arrêt dans l’affaire Prlić et consorts devraient être rendus comme prévu, en novembre 2017 au plus tard, a indiqué le Président. Il a par ailleurs été mis fin à la procédure engagée contre Goran Hadžić, à la suite du décès de l’accusé, a-t-il ajouté. « Compte tenu de la date à laquelle l’examen de ces affaires serait achevé, j’ai récemment soumis une dernière demande de prorogation du mandat des juges. Je dis « dernière » à dessein, car je suis convaincu que le Tribunal fermera ses portes fin 2017 », a-t-il annoncé, en espérant que le Conseil de sécurité approuverait la demande.
M. Agius a ensuite assuré que le Tribunal avait pris très au sérieux l’évaluation conduite par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI), notamment en ce qui concerne le Code de déontologie s’appliquant aux juges du Tribunal. En revanche, a-t-il précisé, le Tribunal n’a pas adopté la recommandation concernant le mécanisme disciplinaire, même si les juges lui ont témoigné son soutien. Considérant cependant que l’absence de mécanisme de cet ordre est un problème « systémique », le Tribunal a donc proposé que l’Assemblée générale examine la question plus globalement, au niveau organisationnel. Le Président a regretté qu’une telle évaluation par le BSCI ait été menée à la toute fin du mandat du Tribunal, ce qui est trop tard pour mettre en œuvre certaines de ses recommandations.
M. Agius a ensuite évoqué un « problème institutionnel » qui pèse sur la justice internationale: la politique. « Si le Tribunal est conscient qu’une coopération avec le TPIY peut soulever des questions sensibles au niveau politique, celles-ci ne sauraient être une excuse pour ne pas coopérer. La coopération est une responsabilité essentielle découlant du Statut du Tribunal lui-même, et elle reflète la volonté collective du Conseil de sécurité de lutter contre l’impunité », a-t-il souligné. Le Président du TPIY a expliqué qu’il faisait référence à l’affaire d’outrage à la justice Jojić et consorts, dans laquelle la Serbie n’a pas encore exécuté les mandats d’arrêt délivrés contre les trois accusés il y a 22 mois, ni soumis de rapport sur la situation depuis le mois de mai 2016.
« La Chambre de première instance saisie de l’affaire m’a informé en septembre que la Serbie continue de ne pas coopérer, en violation de l’article 29 du Statut du Tribunal. Par ailleurs, la semaine dernière, la Chambre a levé la confidentialité des mandats d’arrêts internationaux portant ordre de transfèrement concernant ces trois accusés qui avaient été décernés en octobre dernier », a ajouté le juge Agius. Rappelant l’obligation faite à la Serbie de coopérer, il a prévenu que, si l’affaire Jojić et consorts n’est pas entendue et close avant fin novembre 2017, « ceci portera un coup sérieux à tous les efforts déployés pendant près d’un quart de siècle par le Conseil de sécurité et le Tribunal pour établir les responsabilités.
Se disant confiant que le Conseil de sécurité prendra les mesures nécessaires pour prévenir un tel échec, M. Agius a souligné que son insistance sur ce point n’avait rien à voir avec une tentative de prolonger l’existence du Tribunal. Rappelant que son engagement en faveur de la conclusion des travaux du Tribunal dans les délais prévus, le Président a toutefois assuré que cette question dépend de circonstances échappant à son contrôle et qu’elle affecte considérablement le fonctionnement de cette juridiction. « Force est de constater que, si rien n’est fait, l’attrition du personnel augmentera le risque que le Tribunal ne soit pas en mesure de clore les dernières affaires d’ici à la fin du mois de novembre 2017. » C’est pourquoi, le Tribunal a présenté à l’Assemblée générale une proposition qui fait l’objet de discussions avec le Secrétariat et qui, si elle était adoptée, permettra de réduire les risques d’attrition du personnel, a précisé M. Agius avant de conclure.
M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a indiqué que les nouveaux locaux de la division du Mécanisme à Arusha avaient été inaugurés il y a moins de deux semaines. Dans ces nouveaux locaux, un espace spécifique permet de conserver les archives du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et celles de la division du Mécanisme à Arusha auprès de cette dernière, comme l’a exigé le Conseil, a-t-il précisé. M. Meron a signalé que les autorités rwandaises lui ont fait savoir que, tout en acceptant le principe que l’ONU garde la propriété des archives et en assure la gestion, les archives devraient être physiquement situées au Rwanda. Il a déclaré que les bâtiments ont été achevés sans dépassement du budget, en rappelant que le Mécanisme devrait être pour la justice internationale un modèle nouveau, « celui d’une structure petite et efficace, sans coûts excessifs ».
Le Président a insisté sur les avancées notables réalisées par le Mécanisme au cours des six derniers mois, précisant que la rédaction des mémoires était en cours dans les affaires Karadžić et Šešelj. Dans l’affaire Stanišić et Simatović, qui va être rejugée, la conférence préalable au procès est prévue au premier trimestre de 2017, a affirmé M. Meron. « Parmi les 214 décisions et ordonnances rendues pendant la période écoulée, près de 40% étaient relatives à des demandes de consultation d’informations confidentielles –c’est l’une des nombreuses formes que prend l’assistance fournie par le Mécanisme aux juridictions nationales. » Le Président a noté que ces travaux avaient été réalisés malgré les effectifs trop peu nombreux des Chambres. Le Mécanisme a également pris les dispositions nécessaires pour être totalement autonome à la fin de 2017, tout en continuant d’assurer des fonctions majeures comme la protection des témoins vulnérables, a assuré M. Meron.
Le Mécanisme continue de dépendre de la coopération des États Membres pour ce qui est de l’arrestation des derniers fugitifs, de l’exécution des peines et de la solution à apporter à la question délicate des personnes acquittées ou libérées qui se trouvent actuellement à Arusha, a fait observer le Président. « C’est dans ce contexte que je suis, en tant que Président de cette institution, dans l’obligation de soulever une grave question, celle de la détention continue du juge Aydin Sefa Akay, laquelle met en péril la bonne exécution par le Mécanisme de sa mission. »
M. Meron a rappelé la pratique constante et ancienne consistant à octroyer aux juges internationaux des privilèges et immunités afin de protéger l’exercice en toute indépendance de leurs fonctions judiciaires. Le Statut du Mécanisme, adopté par le Conseil, est conforme à cette pratique car il accorde aux juges du Mécanisme, a-t-il précisé, l’immunité diplomatique pour les périodes pendant lesquelles ils exercent des fonctions pour le Mécanisme.
En vertu de ce cadre juridique, a indiqué le Président du Mécanisme, le juge Akay bénéficie de l’immunité diplomatique depuis qu’il a été affecté, le 25 juillet 2016, à la procédure en cours dans l’affaire Ngirabatware et continue d’en bénéficier jusqu’à la clôture de cette procédure. « En dépit de l’immunité diplomatique à laquelle il a droit, le juge Akay est maintenu en détention et n’est pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions de juge dans cette affaire », a-t-il profondément regretté. À ceux qui veulent croire que le remplacement du juge Akay dénouerait la situation du point de vue du Mécanisme, M. Meron a affirmé qu’en vertu du droit et de la justice, cette solution n’était pas envisageable. « Je ne vois pas comment, dans les circonstances présentes, on peut, d’un côté, prétendre respecter pleinement le principe fondamental de l’indépendance de la justice et, de l’autre, écarter officiellement le juge Akay du collège auquel il a été affecté. »
M. Meron a appelé les membres du Conseil à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aboutir à une solution satisfaisante. « Je souhaiterais dire aux autorités turques qu’en soulevant la question de la détention du juge Akay devant le Conseil, je ne fais qu’obéir à mon devoir en qualité de Président du Mécanisme de défendre cette institution et de faire appliquer le droit ». S’il a souligné le droit de tous les États –y compris la Turquie– de prendre, dans le cadre de l’état de droit, toutes les mesures nécessaires au respect de l’ordre public, le Président a rappelé que tous les États doivent s’acquitter des obligations découlant des résolutions du Conseil de sécurité. « Dans ces circonstances, j’appelle le Gouvernement de la Turquie, dont la longue tradition juridique est fermement ancrée dans l’Histoire, à remettre le juge Akay en liberté dans un esprit d’humanité, afin qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions de juge du Mécanisme dans l’affaire Ngirabatware », a insisté le Président avant de conclure.
M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a rappelé que ses bureaux se concentraient sur trois priorités: premièrement, mener rapidement à bien les procès en première instance et en appel; deuxièmement, rechercher et arrêter les huit derniers accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) encore en fuite; et troisièmement, fournir une assistance aux juridictions nationales chargées des poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
À La Haye, a expliqué M. Brammertz, le Tribunal entame la phase finale de son mandat. Seules deux affaires sont encore en cours et il est prévu que le Tribunal achève ses travaux avant la fin de la semaine prochaine. Cette semaine, son Bureau présente son réquisitoire dans le procès de Ratko Mladić, « l’une des affaires les plus complexes et les plus importantes du Tribunal ». Les témoignages de plus de 150 personnes et plus de 7 800 pièces à conviction ont été réunis afin de prouver que Ratko Mladić est coupable des 11 chefs d’inculpation retenus contre lui, y compris du génocide commis à Srebrenica et dans les municipalités de Bosnie-Herzégovine concernées. Le jugement dans l’affaire Mladić devrait être prononcé en novembre 2017.
Pendant la période considérée, il a été mis fin à la procédure engagée contre Goran Hadžić à la suite de son décès en Serbie. Le Procureur a partagé le désarroi et la déception des victimes. Pour le Procureur, « il serait utile de tirer les enseignements de cette affaire et de prendre la peine d’y réfléchir ». Quant au procès dans l’affaire Stanišić et Simatović, qui devrait débuter au cours du premier trimestre 2017, il y a vu « une occasion unique pour le Mécanisme de montrer qu’il a suivi les instructions du Conseil de sécurité et qu’il a pris les mesures nécessaires pour améliorer l’efficacité et l’efficience de ses travaux ».
Pour ce qui est de la division d’Arusha, aucune procédure en première instance ou en appel n’est actuellement en cours, a indiqué M. Brammertz. Son Bureau continue de suivre cinq affaires du TPIR qui ont été renvoyées pour être jugées devant les juridictions nationales du Rwanda et de la France.
« La coopération des pays de l’ex-Yougoslavie avec le Bureau du Procureur du Tribunal et le Bureau du Procureur du Mécanisme demeure essentielle à l’achèvement de notre mandat », a par ailleurs insisté le Procureur. Il s’est fait l’écho des préoccupations que le Président du Tribunal a exprimées au sujet de la Serbie, qui continue de manquer à son obligation de coopérer avec le Tribunal.
S’agissant des huit fugitifs du TPIR, M. Brammertz a reconnu que toutes les victimes partageaient un même espoir: « voir jugés les auteurs des crimes qu’elles ont subis ». Son Bureau a redoublé d’efforts dans le domaine de la communication et de la sensibilisation, en collaboration avec Interpol et les autorités nationales. Il a souligné le fait que la recherche des fugitifs ne se limitait pas aux huit dernières personnes mises en accusation par le TPIR. Les autorités rwandaises ont identifié plus de 500 suspects qui se trouvent dans d’autres pays. Ces dossiers, a-t-il affirmé, doivent être traités et des poursuites doivent être engagées lorsque des preuves suffisantes de culpabilité existent. Il a encouragé les États tiers à coopérer avec le Rwanda afin que ces affaires soient menées à terme.
En ce qui concerne l’ex-Yougoslavie, la situation est malheureusement plus mitigée, a regretté M. Brammertz. Même si l’établissement des responsabilités pour les crimes de guerre se poursuit, « sur le plan politique, a-t-il estimé, les choses évoluent dans la mauvaise direction ». La coopération judiciaire régionale a connu un sérieux revers, les autorités serbes n’ayant pas exécuté la condamnation pour crimes de guerre prononcée il y a plus d’un an dans l’affaire Ðukić.
Le Procureur a ainsi fait part de ses inquiétudes concernant le fait que les autorités politiques de la région ne respectent pas les engagements qu’elles ont pris dans le cadre de la poursuite des auteurs de crimes de guerre. Le Gouvernement serbe n’a pas nommé de nouveau procureur général chargé des crimes de guerre et, à ce jour, rien n’a été fait pour améliorer la capacité du service spécial chargé d’enquêter sur ces crimes au sein de la police.
S’agissant de la Croatie, a constaté M. Brammertz, il existe toujours « un décalage entre l’engagement officiellement pris en faveur de la poursuite des auteurs de crimes de guerre et ce qui se passe dans la réalité ». La politique du Gouvernement croate, a-t-il regretté, entrave la coopération judiciaire dans certaines affaires de crimes de guerre.
Son Bureau, a poursuivi le Procureur, est également préoccupé par le fait que les hommes politiques et les hauts fonctionnaires de la région entament la confiance dans la capacité des autorités judiciaires à établir des responsabilités pour les crimes de guerre, et remettent en question l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire. « Cette situation menace concrètement l’état de droit dans toute la région », a-t-il averti.
Considérant toutefois qu’il était possible d’inverser ces tendances négatives, M. Brammertz a demandé aux autorités de la région d’agir de façon responsable et de s’abstenir de politiser les enquêtes et les poursuites en cours. Il a exhorté la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Serbie à se réengager sur la voie d’une coopération régionale constructive, ainsi qu’à prendre rapidement des mesures pour rétablir la confiance dans les juridictions pénales chargées d’établir les responsabilités pour les crimes de guerre. De plus, la communauté internationale peut apporter sa pierre à l’édifice en recourant à des mesures d’incitation et à des politiques de conditionnalité.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a réaffirmé le ferme attachement de son pays au travail des deux tribunaux internationaux et à la défense du principe de l’indépendance de la justice. Il a ainsi reconnu la grande contribution de ces tribunaux à la justice internationale dans les situations de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide, ainsi que leur contribution à la reddition de comptes et au rétablissement de la réconciliation.
S’agissant de la date envisagée pour la clôture du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 2017, M. Rosselli a pris note des deux affaires en suspens, notamment la situation des trois accusés dans l’affaire Šešelj et les deux mandats d’arrêt de janvier 2015. Il a aussi relevé la difficulté à laquelle se heurte ce Tribunal à retenir son personnel jusqu’à la fin de ses travaux, en particulier les fonctionnaires qui ont accumulé le plus d’expérience.
L’Uruguay, qui assure la présidence du Groupe de travail informel sur les tribunaux pénaux internationaux, a assuré son représentant, suivra avec attention l’évolution de ces deux situations et fera tout son possible pour trouver une solution. L’intérêt de la justice internationale doit prévaloir sur les facteurs politiques et financiers circonstanciels, a-t-il souligné, en exhortant tous les États Membres de l’ONU à contribuer activement à régler ces situations.
M. Rosselli a pris note, par ailleurs, de la priorité que constitue, pour le Mécanisme résiduel, la recherche et le jugement des huit personnes, toujours en fuite, accusées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), de même que de l’importance de la coopération des États à cet égard. Il a notamment évoqué, avec une profonde inquiétude, la situation engendrée par l’affaire « délicate » de M. Augustin Ngirabatware et du juge Akay. Il a enfin invité tous les acteurs impliqués à œuvrer à une solution qui respecte la justice et les garanties nécessaires pour toutes les parties concernées.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a estimé que les tribunaux pénaux internationaux auraient, certes, pu conduire leurs travaux plus rapidement, mais que des facteurs politiques avaient également contribué aux retards. « Les gouvernements n’ont pas toujours apporté leur coopération au degré attendu et le Conseil de sécurité n’a pas été aussi actif et efficace qu’il aurait dû l’être », a-t-il fait remarquer, en invitant « chacun à assumer sa part de responsabilité ».
Soulignant que la priorité du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) était de terminer ses travaux d’ici à la fin 2017, le représentant a invité, d’une part, le Conseil de sécurité et l’ONU à lui apporter leur soutien, et d’autre part, les États concernés à faire montre de coopération. « Cette obligation de coopérer avec les tribunaux pénaux internationaux dans le but d’assurer la justice est garantie par le droit international et ne doit pas être entravée par des lois nationales », a-t-il rappelé. M. van Bohemen a ainsi appelé la Serbie à fournir son soutien aux travaux du TPIY. Même si la séparation des pouvoirs, exécutif et judiciaire, doit être respectée, a-t-il poursuivi, un pays ne peut pas se soustraire à cette obligation.
Prenant note des déficiences identifiées dans le rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI), le représentant a toutefois estimé qu’à ce stade tardif du cycle de vie du TPIY, la priorité devait être mise sur les questions pratiques et les objectifs réalisables. Se félicitant de l’engagement permanent du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux pour maximiser son efficacité, il a salué la flexibilité dont le Mécanisme fait preuve dans la phase de transition avec le TPIY.
S’agissant du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le représentant a regretté le peu de progrès réalisés pour régler la question de l’accès aux archives, soulevée par sa délégation en juin dernier. Il a dit comprendre l’envie exprimée par le Gouvernement rwandais de garder les documents originaux du TPIR au Rwanda. Reconnaissant les problèmes de processus et d’ordre pratique, il a espéré que ceux-ci seraient réglés rapidement. Il a également demandé au Mécanisme résiduel de développer un processus d’évaluation basée sur le risque concernant le transfert de ceux qui ont été acquittés et résidant dans le centre sécurisé d’Arusha.
M. TANGUY STEHELIN (France) a déclaré que 2017, année de clôture du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), devrait être l’occasion d’un bilan général sur l’acquis et les bonnes pratiques, ainsi que les pistes d’amélioration pour une justice plus efficace. Il a estimé que ce Tribunal se montrerait un pionnier en faisant bénéficier de son expérience les autres institutions judiciaires internationales. « Cette formidable matière doit rester vivante, en mouvement », a-t-il préconisé, en ajoutant que les États de la région doivent montrer qu’ils ont la volonté d’inscrire cette œuvre de justice au service de la stabilité, dans la durée. Il a ainsi recommandé aux États concernés de coopérer pleinement avec le TPIY, comme avec le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
M. Stehelin s’est en outre félicité de voir annexer au rapport du Président du TPIY un code de déontologie des juges du Tribunal daté du 6 juillet dernier. Il s’est également dit encouragé par la volonté du TPIY de reformuler certaines recommandations, ce qui témoigne d’un examen approfondi des voies d’amélioration mais aussi d’un réel dialogue de gestion. Alors que les victimes appellent à ce que justice soit rendue, cette démarche d’efficacité doit, plus que jamais, devenir la norme et non l’exception. Il a en outre estimé essentiel de maintenir une vigilance de chaque instant à la protection des témoins ainsi qu’une attention aux droits des victimes.
Le représentant de la France a rappelé que si le Conseil de sécurité avait choisi d’instituer, dans les années 1990, les tribunaux pénaux internationaux, c’était avec la conviction que les États concernés, et leurs citoyens, en seraient les premiers bénéficiaires par la construction progressive de l’état de droit, au sein duquel l’indépendance du pouvoir judiciaire est pleinement assurée, et le devoir de mémoire accompli.
Dans ce contexte, chacun de ces États en est désormais le meilleur gardien, dans le jugement des criminels dits « intermédiaires », dans la coopération et l’entraide régionale accrue, dans l’entreprise de réconciliation régionale, et le travail de mémoire, a estimé M. Stehelin.
M. LI YONGSHENG (Chine) a salué les progrès accomplis par le TPIY pendant la période à l’examen. Prenant note des défis auxquels le TPIY est confronté, il a appelé ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour les surmonter. Le TPIY doit mener à bien sa stratégie d’achèvement de ses travaux d’ici à novembre 2017, a-t-il déclaré. Le délégué de la Chine a indiqué que le Mécanisme résiduel assumait de manière satisfaisante toutes les activités restantes du TPIR. Le Mécanisme doit garder à l’esprit la nécessité de maintenir une petite structure efficace avec un budget raisonnable, a-t-il insisté. Le représentant de la Chine a ensuite salué le travail de l’Uruguay à la tête du Groupe de travail informel sur les tribunaux pénaux internationaux.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a déclaré que la création des tribunaux pénaux fut l’une des initiatives les plus pertinentes des Nations Unies et une contribution importante à la préservation et au développement du droit international, à l’exécution de la justice et à la lutte contre l’impunité. Rappelant que ce « système judiciaire ad hoc » avait pu bénéficier de l’appui de la communauté internationale et de la coopération de tous les États pour mener à bien sa mission, il a indiqué que, suite à la décision de son pays d’accueillir les prisonniers du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la procédure en était dans sa phase finale.
Le représentant a déploré que des violations abominables du droit international humanitaire continuent d’être commises à travers le monde et appelé, à ce titre, la communauté internationale à s’en saisir, sans tenir compte des intérêts politiques des uns et des autres. « Cette même communauté internationale doit se rendre à l’évidence que la politisation des poursuites en justice compromet la neutralité et la qualité des décisions rendues, mais surtout affecte la stabilité et la paix internationales qui sont la raison d’être du Conseil de sécurité », a-t-il renchéri, en estimant que les systèmes judiciaires nationaux doivent, maintenant plus que jamais, prendre la relève pour assurer la continuité des efforts de la communauté internationale.
Rappelant que le Conseil de sécurité avait, dans sa résolution 2256 (2015), demandé au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de respecter le calendrier fixé pour l’achèvement de ses travaux mais aussi de réduire les délais de jugement, le représentant a salué l’engagement ferme affiché aujourd’hui, en qualifiant au passage « d’encourageante » la coopération apportée par le TPIY à l’examen de ses méthodes par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI). « La suite à donner aux recommandations du BSCI concernant l’adoption d’un code de conduite et la mise en place d’un mécanisme disciplinaire s’appliquant aux juges et d’un système d’information centralisé relatif aux réductions d’effectif est primordiale », a-t-il souligné avant de conclure.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) s’est réjoui d’apprendre que les affaires dont est saisi le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie s’achèveront avant la fin de l’année 2017, en espérant toutefois que les délais prévus seront écourtés. Il a ainsi appelé le TPIY à redoubler d’efforts, en notant que le Statut du Tribunal avait été amendé pour permettre le détachement d’un juge du Mécanisme auprès de la Chambre d’appel du Tribunal. Le représentant a assuré qu’il comprenait que le TPIY souhaite retenir son personnel et conserver sa mémoire institutionnelle, mais il s’est dit opposé aux demandes visant, par exemple, à octroyer une prime de fin de service à ses fonctionnaires.
S’agissant de l’affaire d’outrage à la justice, le représentant russe a renvoyé le Tribunal aux décisions pertinentes du Conseil de sécurité qui confirment la stratégie de clôture. Cette affaire, a-t-il soutenu, ne concerne pas les juges du TPIY. Des solutions sont possibles pour y parvenir, a-t-il estimé, citant notamment le renvoi d’affaires de second plan aux juridictions nationales. Insistant sur le fait que cette affaire d’outrage à la justice ne doit avoir aucune incidence sur la stratégie d’achèvement des travaux, le représentant de la Fédération de Russie a appelé les fonctionnaires du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à ne pas s’écarter des objectifs fixés par la Charte des Nations Unies et les résolutions du Conseil de sécurité.
Évoquant ensuite l’évaluation menée par le BSCI, le représentant a indiqué que sa délégation avait pris note de plusieurs problèmes identifiés à cette occasion, notamment l’absence d’orientation claire et fondée du TPIY. Après avoir rappelé que le Mécanisme était une « structure compacte temporaire » chargée d’assurer la fin des travaux des tribunaux pénaux internationaux, il a tenu à préciser qu’il ne s’agit pas d’un nouvel organe de justice internationale. La Fédération de Russie s’inquiète que le rapport que vient de présenter le juge Meron n’indique pas de date butoir pour la conclusion des affaires dont le Mécanisme est saisi depuis plus d’un an.
M. TAKESHI AKAHORI (Japon) a réaffirmé l’attachement de son pays à la primauté du droit ainsi que son soutien aux activités du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, en soulignant le rôle significatif de ces deux organes pour la lutte contre l’impunité. À cet égard, il a rappelé le jugement de la Chambre d’appel de juin dernier du cas Stanišić et Župljanin, en saluant le fait que, malgré l’attrition du personnel, le Tribunal ait pu statuer dans les délais prévus.
« Le TPIY exige la pleine coopération des États Membres pour réaliser son mandat », a estimé le représentant qui s’est dit préoccupé par certains cas de non-coopération. Rappelant qu’il s’agissait là d’une obligation pour tous les États Membres, il les a appelés à la respecter. À la suite des recommandations faites par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI), dans son rapport S/2016/441, le Japon a pris note des efforts du Tribunal qui se sont traduits par un code de conduite, a assuré son représentant. Ces recommandations ne doivent toutefois pas faire perdre de vue que la priorité du Tribunal reste la finalisation du travail judiciaire d’ici à la fin de l’année prochaine, a estimé le représentant.
Pour ce qui est du Mécanisme, M. Akahori a salué l’ouverture de ses nouveaux locaux à Arusha en novembre. Le Mécanisme, qui est maintenant dans la phase des nouveaux procès et des appels du TPIY, doit travailler efficacement pour rendre ses jugements dans les délais attendus, voire même plus tôt, a exigé le représentant. L’arrestation des fugitifs restants étant, selon lui, une priorité pour le Mécanisme, le Japon a pris note de l’examen général, mené par son Procureur, de tous les efforts faits en ce sens et appelle tous les États Membres à coopérer avec lui. En conclusion, le représentant a espéré que les travaux du TPIY et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux permettront aux victimes de finalement obtenir justice.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a salué le fonctionnement sans heurts du Mécanisme résiduel et appelé les États Membres à l’appuyer pleinement, en participant, notamment, aux efforts visant à arrêter les fugitifs recherchés par le TPIR. Il a salué les progrès accomplis par le TPIY dans les affaires Prlić et Mladić pendant la période à l’examen. Il a invité le TPIY à concentrer ses efforts sur le bon achèvement de ses travaux dans les délais fixés. Le délégué a jugé très préoccupante la réversion de tendance s’agissant de la coopération avec le TPIY, en particulier avec l’existence « du mouvement révisionniste » dans la région. « Il y a des signaux d’alerte que la communauté internationale ne peut pas se permettre d’ignorer », a-t-il affirmé. M. Ibrahim a exhorté la Serbie à reprendre sa coopération avec le Tribunal, y compris en vue d’appréhender les personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt. Le délégué de la Malaisie a souligné l’importance que les auteurs des crimes odieux commis au Rwanda et dans l’ex-Yougoslavie soient traduits en justice. Il s’est étonné, à cet égard, que cette quête de justice semble reléguée au second plan, au profit de préoccupations liées au budget et au calendrier de l’achèvement des travaux des tribunaux.
Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a regretté que le procès Mladić n’ait pu être achevé au cours de la période à l’examen, même si elle s’est félicitée des avancées réalisées vers un tel objectif. La représentante a ensuite salué l’amendement au Statut du Tribunal qui a permis de nommer des juges ad hoc, susceptible de faciliter la stratégie d’achèvement des travaux. Jugeant essentielle la coopération, la déléguée britannique s’est toutefois dite préoccupée par l’impact de la détérioration de l’environnement politique dans la région des Balkans.
Elle a ainsi exhorté la Serbie à respecter ses obligations dans l’affaire d’outrage à la justice dont est saisi le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. La représentante a salué les recommandations faites par le BSCI, dont celles relatives au code déontologique et au mécanisme disciplinaire, avant de regretter que leur mise en œuvre risque d’absorber les ressources consacrées à la stratégie d’achèvement. Préoccupée par la détention continue du juge Aydin Sefa Akay, elle a, à son tour, estimé que cette mesure mettait en péril la bonne exécution du mandat assigné au Mécanisme résiduel. Avant de conclure, la déléguée a souhaité que tout soit mis en œuvre pour appréhender les huit derniers fugitifs réclamés par le TPIR.
Mme ISOBEL COLEMAN (États-Unis) a rappelé la condamnation historique prononcée dans l’affaire Karadžić et qui aurait été inimaginable il y a encore quelques années. Elle a noté avec une vive préoccupation les conséquences négatives, sur la quête de justice, de la rhétorique incendiaire à l’encontre des travaux du TPIY qui s’est développée dans la région. Elle a également exhorté la Serbie à coopérer avec le TPIY en vue, notamment, d’exécuter les mandats d’arrêts délivrés par le Tribunal.
La déléguée des États-Unis s’est félicitée des efforts entrepris pour appréhender les huit personnes recherchées par le TPIR, en rappelant que son pays offrait d’importantes récompenses pour toute information pouvant conduire à leur arrestation. Elle s’est dite préoccupée par les entraves apportées aux travaux du Mécanisme résiduel, en particulier la détention du juge Akay, et a espéré un dénouement rapide pour sa libération. Loin d’être une réflexion périphérique aux efforts de paix et de sécurité, la justice est bel et bien au cœur de ceux-ci, a-t-elle tenu à rappeler.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a soulevé la question de la coopération avec le TPIY, en rappelant qu’il s’agit d’une des conditions préalables à la réalisation des objectifs de justice internationale. « Malheureusement, depuis plus de 22 mois, la Serbie a échoué à exécuter les mandats d’arrêt internationaux émis pour trois accusés serbes », a constaté le représentant, qui a demandé à Belgrade de s’acquitter de ses obligations juridiques. Il a ensuite souligné l’importance du problème posé par l’attrition du personnel, qui entrave la stratégie d’achèvement des travaux de cette juridiction. Sur une note plus positive, le représentant ukrainien a salué les projets de manifestations relatives à l’héritage du Tribunal, envisagées pour ce dernier exercice biennal, afin d’assurer la pérennité de ses réalisations au-delà de sa fermeture en 2017. L’Ukraine a également apporté son soutien au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, dont il a salué les activités depuis sa création.
M. SEIF ALLA YOUSSEF KANDEEL (Égypte) a souligné qu’il était nécessaire pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) d’achever ses travaux dans les délais fixés. Le TPIY doit être doté des ressources administratives et financières nécessaires à son bon fonctionnement, a-t-il insisté. Le délégué a ensuite mis l’accent sur l’importance de préserver les acquis des tribunaux pénaux internationaux. L’Égypte, a-t-il dit, suit avec attention la détention d’un juge du Mécanisme par son pays d’origine en raison d’accusations portées contre lui. « Mon pays espère que les efforts du Secrétariat auprès de ce pays permettront d’aboutir à une solution satisfaisante, qui préservera l’indépendance et la dignité de la justice internationale », a déclaré le représentant de l’Égypte.
M. ISAÍAS ARTURO MEDINA MEJÍAS (Venezuela) a déclaré que le travail des tribunaux pénaux internationaux avait réaffirmé l’engagement de la communauté internationale en faveur de la lutte contre l’impunité de tous les crimes atroces et les garanties de non-répétition. Ces efforts contribuent au renforcement de l’état de droit sur le plan international par le biais de la lutte contre l’impunité. M. Medina Mejías a ainsi appelé à renforcer la coopération entre le Mécanisme résiduel et les États, conformément aux mandats conférés en vertu de la résolution 1966 (2010), s’agissant en particulier de l’arrestation des fugitifs.
Le représentant vénézuélien a salué, à cet égard, la coopération entre le Bureau du Procureur et les autorités de la Bosnie-Herzégovine, de la Serbie et de la Croatie durant la période à l’examen, tout en jugeant fondamental l’appui d’autres États, et des organisations internationales, pour une issue positive des affaires en suspens. Il a insisté, dans ce contexte, sur l’accès aux documents, aux informations pertinentes et aux témoins, ainsi que la garantie de protection de ceux-ci et de leur réinstallation. Toutes ces démarches contribueront, a-t-il estimé, à la consolidation de l’état de droit dans les territoires de l’ex-Yougoslavie.
Par ailleurs, M. Medina Mejías a salué les efforts du Bureau du Procureur visant à assister les instances judiciaires nationales qui faisaient partie de ces territoires pour qu’elles mènent à bien les procès des auteurs de crimes de guerre. Réaffirmant l’indépendance et l’impartialité des juges, il a mis l’accent sur la nécessité de conduire des procès équitables et de prononcer des sentences appropriées. M. Medina Mejías a appuyé, en outre, le plan stratégique adopté par le Mécanisme résiduel, en l’invitant également à maintenir son rythme de travail pour que la transition soit réussie et sans entrave.
M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a pleinement appuyé les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), en saluant les indications données aujourd’hui concernant le calendrier de sa stratégie d’achèvement des travaux. Il a cependant regretté le problème d’attrition du personnel auquel fait face cette juridiction. Il a également regretté que les trois accusés dans le cadre de l’affaire d’outrage à la justice n’aient toujours pas été livrés au Tribunal. Le représentant a ensuite rappelé que tous les pays doivent assister le TPIR pour localiser les huit derniers fugitifs recherchés. Se félicitant de l’inauguration, il y a moins de deux semaines, des nouveaux locaux de la Division d’Arusha, avec un espace destiné aux archives, il a estimé qu’il s’agit là d’une matérialisation de l’idéal de justice internationale et de la postérité du TPIR. Avant de conclure, le délégué s’est dit vivement préoccupé par l’arrestation du juge Akay, dont la détention constitue, a-t-il souligné, une violation du principe de l’immunité diplomatique des juges internationaux.
M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) a salué les efforts du TPIR en vue de conclure ses travaux dans les délais impartis. Cela est d’autant plus méritoire que ces efforts se déroulent dans des circonstances difficiles, marquées par la disparition d’un membre de ce Tribunal, a-t-il déclaré. Le représentant a estimé que le Mécanisme résiduel était devenu « une institution modèle », conciliant efficacité et transparence. Au titre des questions en suspens, le délégué a mentionné les huit fugitifs recherchés par le TPIR, avant d’exhorter la Serbie à coopérer avec le TPIY pour que les mandats d’arrêt délivrés soient exécutés. À un an de la clôture du TPIY, il est essentiel que les États de la région reprennent le flambeau et s’engagent à poursuivre les responsables de crimes de guerre, a-t-il souligné, avant de mettre en garde contre toute tentative de « révisionnisme historique ». La justice internationale peut devenir réalité lorsqu’il y a suffisamment de volonté politique, a rappelé le délégué de l’Espagne. En conclusion, il a souligné qu’il était nécessaire de préserver l’héritage des tribunaux pénaux internationaux.
M. MILOŠ VUKAŠINOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a encouragé le TPIY à mener à bien sa stratégie d’achèvement de ses travaux dans les délais impartis. Il a souligné la coopération robuste de son pays avec le TPIY et indiqué qu’il en sera de même avec le Mécanisme. « Mon pays a appliqué tous les arrêts et décisions du TPIY », a-t-il assuré. Le délégué a ensuite insisté sur l’engagement de la Bosnie-Herzégovine pour renforcer son système judiciaire, afin que les personnes responsables d’atrocités soient traduites en justice. La mise en œuvre de notre stratégie nationale pour crimes de guerre contribue à l’amélioration des pratiques judiciaires dans le pays, a-t-il affirmé.
Cette stratégie, a-t-il précisé, a d’ores et déjà porté ses fruits, malgré de nombreux obstacles, citant l’efficacité accrue des procédures suivies dans les affaires de crimes de guerre. « Nous sommes également pleinement engagés en faveur d’une coordination régionale plus robuste », a-t-il soutenu. Le Mécanisme résiduel, a-t-il souligné, doit faire fond sur les meilleures pratiques du TPIY et du TPIR pour s’acquitter de son mandat. « La fermeture du TPIY ne signifie pas la fin de la lutte de mon pays contre l’impunité », a-t-il tenu à préciser avant de conclure.
Malgré de graves lacunes, a reconnu Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda), le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a produit une jurisprudence substantielle, avec la définition du crime de génocide, du crime contre l’humanité, du crime de guerre et du viol comme arme de guerre, et en matière de responsabilité. « Les doctrines juridiques développées par le TPIR ont contribué à la justice postgénocide, la réconciliation et l’apaisement au Rwanda. »
Toutefois, Mme Rugwabiza s’est dite préoccupée par le fait que les auteurs du génocide et leurs acolytes tentent de nier le génocide commis en 1994 contre les Tutsis, de déformer les faits et de réécrire l’histoire. Elle a appelé les États Membres, les individus, les institutions et la communauté internationale, dans son ensemble, à dénoncer sans équivoque tout effort visant à minimiser l’ampleur du génocide.
La représentante a regretté qu’aucun des accusés du TPIR encore en fuite n’ait été arrêté au cours des cinq dernières années. Elle a exhorté tous les États, notamment ceux qui accueillent des fugitifs, à respecter leurs obligations, conformément à la Charte des Nations Unies et à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elle s’est également inquiétée de la tendance à libérer de façon anticipée des « cerveaux » reconnus coupables de génocide.
Elle a salué les efforts récents du Canada, des Pays-Bas et des États-Unis pour arrêter et extrader des suspects vers le Rwanda, de même que la condamnation d’Octavian Ngenzi et de Tito Barahira à la Cour d’assises de Paris. Elle a cependant déploré la décision du Parquet français d’abandonner les charges contre le Père Wenceslas Munyeshyaka. Enfin, elle est revenue sur la question des archives du TPIR qu’elle souhaite voir transférées au Rwanda car, a-t-elle dit, elles représentent un pan de leur histoire que les Rwandais ne cesseront de réclamer.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a indiqué que, le mois dernier, son pays avait marqué le vingt-cinquième anniversaire de la tragédie de Vukovar, ville qui a essuyé, lors de son siège en 1991, plus de 6,5 millions de tirs avant de tomber entre les mains de l’envahisseur. Il a rappelé que le TPIY avait condamné deux personnes pour les horreurs commises à Vukovar: « l’une est morte en cours de procédure et l’autre, condamnée à 10 ans de prison, a fait l’objet d’une libération anticipée ». « Un tel déséquilibre entre l’ampleur des crimes et les résultats modestes en matière de justice est quelque chose que nous devons garder à l’esprit lorsque nous procéderons à l’évaluation historique définitive de ce Tribunal », a-t-il déclaré.
Le délégué croate a regretté les approches différentes suivies en Bosnie-Herzégovine s’agissant des poursuites judiciaires en fonction de la nationalité des personnes accusées. Il a souligné qu’il était nécessaire d’assurer l’harmonisation de la jurisprudence dans ce pays. Le travail des juges doit demeurer impartial et indépendant, a-t-il insisté. Cela vaut tant pour les affaires transférées par le TPIY aux juridictions nationales que pour les affaires déclenchées à l’initiative des procureurs nationaux, a-t-il précisé. La Croatie, a-t-il dit, est prête à apporter son appui aux pays de la région dans ce domaine. Enfin, tout en saluant le travail du TPIY, M. Drobnjak a rappelé que beaucoup restait encore à faire et que de nombreuses victimes attendaient depuis longtemps que la justice leur soit rendue.
M. ČEDOMIR BACKOVIĆ (Serbie) a défendu le niveau de coopération dont aurait fait preuve son pays avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). « La Serbie a remis 45 accusés au Tribunal sur les 46 réclamés par le Tribunal. L’un d’entre eux a mis fin à ses jours. Sur les 44 restants, 14 ont été arrêtés en Serbie; 4 à l’étranger dans le cadre d’une coopération internationale entre services de sécurité; et 27 se sont rendus volontairement », a rappelé le représentant, qui a souligné que le Procureur du TPIY avait eu un accès illimité à d’importants éléments de preuve se trouvant en Serbie –documents, archives et témoins.
Jusqu’à présent, a assuré le représentant, la Serbie a répondu favorablement à 2 151 des 2 172 requêtes d’assistance présentées par le Bureau du Procureur, ainsi qu’à 7 des demandes déposées par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux. En outre, a poursuivi M. Backović, 757 individus ont été autorisés à témoigner par la Serbie, en dépit de l’obligation de confidentialité à laquelle ils étaient tenus en vertu de « secrets d’État, militaires ou officiels », tandis que Belgrade a répondu favorablement aux 11 demandes de protection des témoins.
Si M. Backović a réaffirmé l’engagement de la Serbie en faveur de la justice internationale pour les crimes graves, elle a toutefois estimé que l’objectif de reddition de comptes ne pourrait être réalisé qu’à condition d’une coopération régionale de l’ensemble des pays de la région, et non seulement celle de son pays. Le représentant a reconnu que la non-élection d’un nouveau procureur pour crimes de guerre avait donné lieu à des retards dans la mise en œuvre des documents stratégiques. Il a cependant annoncé qu’une nouvelle procédure d’élection était sur le point d’être achevée.
Évoquant ensuite l’affaire Jojić et consorts, le représentant serbe a rejeté les accusations de refus d’extrader les trois individus concernés, à savoir Petar Jojić, Jovo Ostojić et Vjerica Radeta. Il a rappelé que la Haute Cour de Belgrade avait décidé, en mai 2016, que les conditions juridiques pour l’exécution des mandats d’arrêt émis à l’encontre de ces accusés n’étaient pas réunies dans cette affaire, précisément parce que la Loi sur la coopération avec le TPIY stipule que seuls les chefs d’inculpation pour crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité constituent les bases juridiques à l’exécution de tels mandats d’arrêt, à l’opposé d’une inculpation pour outrage à la cour. La loi serbe, a-t-il assuré, est alignée sur les dispositions du Statut du TPIY. M. Backović a indiqué que la Serbie n’avait jamais échoué à exécuter un mandat d’arrêt. Dans ce cas précis, la décision rendue par la Haute Cour de Belgrade était comparable à celle de la France, lorsqu’elle a refusé l’extradition de Florence Hartmann, une décision qui n’aurait jamais été portée à l’attention du Conseil, a-t-il expliqué.