7824e séance – matin    
CS/12608

Le Conseil de sécurité se voit proposer trois options pour la présence future de l’ONU au Libéria

Devant le Conseil de sécurité qui examinait, ce matin, la situation au Libéria, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a présenté les trois options envisagées pour l’avenir de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL).  Entre son retrait et la création d’une « mission successeur », le statu quo ou la poursuite de la réduction graduelle des effectifs, le représentant du Libéria a exprimé sa préférence pour une dernière prorogation d’un an de la Mission actuelle.  À la veille d’élections « historiques et sans précédent », le Libéria et le Conseil de sécurité doivent réussir le retrait de la MINUL, d’une manière telle qu’une nouvelle opération ne soit pas nécessaire, a-t-il dit. 

« Au Libéria, 2017 sera une année décisive pour la consolidation d’une paix durement gagnée, dont la pérennité prendra corps si la passation du pouvoir présidentiel se passe bien au début de 2018 », rappelle le Secrétaire général dans son rapport en date du 15 novembre 2016.  Malgré la stabilité actuelle et les progrès accomplis par les institutions nationales chargées de la sécurité, il conclut que le Conseil de sécurité doit rester saisi de la situation au Libéria, au moins jusqu’au 30 juin 2018, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a estimé que la passation du pouvoir, en janvier 2018, marquera « un jalon historique » pour la démocratie libérienne.  « L’année 2017 montrera si les fondements de la paix après la fin du conflit, il y a 13 ans, sont assez solides, a-t-il dit en lançant un appel au peuple et au Gouvernement libériens pour qu’ils mettent en œuvre dès maintenant les mesures nécessaires à la tenue d’élections libres, justes, transparentes et crédibles dont les résultats sont acceptés par tous.

M. Ladsous a souligné les progrès prometteurs réalisés sur le plan politique depuis que le Département des opérations de maintien de la paix a mené, en septembre, l’évaluation qui a servi de base au rapport du Secrétaire général.  Après l’élection de son nouveau Président, la Chambre des représentants s’est réunie le 8 novembre en session extraordinaire et a adopté notamment la loi sur l’autorité foncière et ratifié 32 protocoles et conventions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  En outre, des amendements constitutionnels proposés par la Présidente, il y a plus d’un an, ont pu être examinés, ainsi qu’un ensemble de lois sur les cadres économiques et financiers de la réforme agraire et la lutte contre le terrorisme.

Notant également un certain réajustement entre les partis politiques, il a mentionné que les trois grands partis d’opposition avaient formé la Coalition pour le changement démocratique pour se lancer dans la bataille électorale en octobre.

Le Libéria demeure stable, a affirmé le Secrétaire général adjoint en expliquant qu’aucun incident grave n’a justifié l’intervention de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) depuis la fin de la transition sécuritaire en juin.  La MINUL n’a pas eu à intervenir militairement durant toute l’année 2016, a-t-il dit, notant la détermination du personnel de la sécurité nationale malgré les contraintes financières et logistiques auxquelles il est confronté.  La police nationale s’est renforcée depuis l’évaluation et l’Agence pour la répression des stupéfiants a mené des opérations importantes en partenariat avec Interpol.  Si elle est appliquée, la nouvelle législation permettra aux services de maintien de se doter de mécanismes forts pour protéger la population contre les abus.  Mais, a prévenu le Secrétaire général adjoint, il faudra d’autres investissements dans les services de sécurité et une amélioration proportionnelle des services judiciaires et correctionnels.

Dans sa dernière année, le Gouvernement du Libéria a beaucoup de priorités pour pouvoir passer à son successeur un pays véritablement posé sur la rampe de la transformation, sans oublier le processus électoral qui nécessitera des ressources considérables, sachant que 87% du budget national est affecté aux dépenses récurrentes, dans un environnement d’austérité complète et de croissance négligeable.  Le Gouvernement a d’ailleurs demandé à tous les ministères, organismes et institutions de réduire d’encore 5 % leur budget.

M. Ladsous a rappelé qu’en décembre 2014, le Conseil de sécurité avait fixé une date butoir pour que les institutions nationales assument pleinement les responsabilités de sécurité de la MINUL, un défi de taille pour un pays fragile émergeant de la dévastation d’Ebola.  Comme les institutions libériennes ont relevé ce défi et respecté le délai du 30 juin 2016, le Secrétaire général propose maintenant trois options possibles concernant l’avenir de la MINUL: son retrait et la création d’une mission pour lui succéder; le statu quo; une réduction graduelle des effectifs.

Il faut de toutes les façons que le Libéria reste à l’ordre du jour du Conseil, a prévenu M. Ladsous en souhaitant le maintien, pendant les 18 prochains mois, d’une mission capable de fournir ses bons offices et un appui politique, un encadrement des institutions chargées de la sécurité et de l’état de droit, ainsi que le suivi des droits de l’homme et le soutien au renforcement des capacités.  Il est tout aussi essentiel de conserver la capacité de répondre, in extremis, à une détérioration de la stabilité.

Quelle que soit l’option choisie, l’idée est d’utiliser la force de réaction rapide qui sera transférée à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) lorsque l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire aura fermé au début de l’année prochaine.  En effet, cette force a également pour mandat de soutenir les services de sécurité et les forces de défense libériennes.

Le Secrétaire général n’a pas caché que la société civile libérienne a demandé à l’équipe d’évaluation de mener une véritable introspection sur les échecs de l’ONU au Libéria, pour avancer sur la base d’une « responsabilité mutuelle », vers « un contrat » qui renforcerait le partenariat futur entre le Gouvernement libérien et l’ONU. 

Nous devons garder à l’esprit que le succès de la MINUL sera jugé non seulement à l’aune de ses résultats immenses mais aussi à la façon dont elle se retirera du Libéria et de la perception qu’en auront les libériens, a déclaré le Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix.  Précisément parce que c’est « la dernière ligne droite », la gestion de son retrait définitif doit se faire « avec délicatesse et prudence ». 

Le représentant du Libéria, M. Lewis Garseedah Brown II, s’est dit en faveur d’une dernière prorogation d’un an du mandat de la Mission afin de renforcer les institutions libériennes.  La présence de la MINUL pour une année de plus –« une marque de confiance pour mon pays »- permettrait d’atténuer, si ce n’est de prévenir, les réels risques de perturbation pendant cette phase politique très critique, a insisté le délégué, rappelant la gravité de la situation qui était celle du pays avant le déploiement de la MINUL.  L’espoir en un avenir de démocratie était à peu près nul, a-t-il souligné.

Les institutions libériennes, a-t-il plaidé, ne sont pas encore pleinement capables de répondre aux défis actuels, en particulier la tenue d’élections « historiques et sans précédent ».  Le déroulement pacifique et réussi de ces élections est la dernière épreuve qui déterminera le succès de la Mission, a-t-il assuré.  Reconnaissant que les ressources sont limitées, il a insisté sur l’importance qu’il y a à ce que le Libéria et le Conseil de sécurité achèvent avec succès le retrait de la Mission, d’une manière telle qu’une nouvelle opération de maintien de la paix n’ait pas à être déployée.  Les risques afférents à la conduite de ces élections doivent être dûment pris en compte, a déclaré le représentant du Libéria.

La représentante de la société civile libérienne n’a pas dit autre chose lorsqu’elle a exprimé la crainte des femmes et des filles libériennes de voir des « politiciens sans scrupules » exploiter le vide laissé par la Mission pour contester les élections voire déclencher une violence inutile.  Mme Victoria Wollie, qui s’exprimait au nom du réseau Women In Peacebuilding Network in Liberia, a aussi parlé des menaces que font peser sur les femmes et les filles l’expansion du trafic des stupéfiants, surtout chez les jeunes et les ex-combattants, la quasi-absence d’une représentation féminine dans la vie politique, la prévalence de la violence sexuelle et fondée sur le sexe et la faible présence des filles dans la population scolaire.  Elle en a conclu que la Commission de consolidation de la paix aura à combler le fossé laissé par la MINUL.  Elle a d’ailleurs rappelé les investissements fructueux réalisés par le Fonds de consolidation de la paix en faveur des organisations féminines au cours des dernières années.

Le Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Per Thöresson, a abondé dans le sens des interventions précédentes et fait part des conclusions d’une visite effectuée récemment au Libéria et de celles du Forum multipartite sur « une paix durable grâce à la transition au Libéria » organisé par la Commission et le Gouvernement du Libéria. 

Il a ainsi adhéré au consensus selon lequel les causes sous-jacentes du conflit et ses facteurs-déclencheurs sont toujours « latents » et la réconciliation « inachevée ».  Il a mis le doigt sur le danger que sont la marginalisation des jeunes et le contexte économique difficile dans lequel se tiendront les élections.  L’économie libérienne est sous une pression considérable après Ebola et la chute des prix du fer et du caoutchouc.  Une croissance nulle persiste depuis trois ans et le Fonds monétaire international ne prévoit qu’un taux de 0,5% cette année.  Les fondations de l’économie sont fragiles, dans un contexte de déclin des recettes publiques, de sur-dépendance à l’industrie minière, d’exclusion sociale dans la structure de gouvernance et d’insuffisance des réformes de fond pour améliorer le climat des affaires, a insisté le Président de la CCP, qui a ajouté des statistiques selon lesquelles 63% des enfants ne vont pas à l’école, avec les conséquences qu’une telle situation a sur l’avenir et la viabilité de la paix.  La CCP poursuivra donc son « accompagnement politique » pour faire en sorte que le Libéria reste au cœur des préoccupations quand il aura quitté l’ordre du jour du Conseil de sécurité.

Soucieuse de se concentrer sur le renforcement des capacités du Libéria pour mettre un terme à sa dépendance à l’aide extérieure, la représentante de l’Uruguay, Mme Cristina Carrión, a recommandé que la MINUL reste au moins jusqu’aux élections pour qu’elle puisse réagir à toute détérioration de la situation. 

 

* S/2016/968

 

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