Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens, pour les opérations de paix de l’ONU, de faire face aux menaces asymétriques et terroristes
À l’initiative du Sénégal, qui préside ses travaux pour le mois de novembre, le Conseil de sécurité a organisé, aujourd’hui, au niveau ministériel et en présence du Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, un débat public sans précédent sur les menaces asymétriques et terroristes auxquelles font face les opérations de paix des Nations Unies.
Comme le souligne la note conceptuelle mise à disposition de la soixantaine d’intervenants, la plupart des crises à l’origine du déploiement d’une opération de paix sont des conflits n’ayant pas un caractère international. Il s’agit souvent de conflits qualifiés d’« internes ou intra-étatiques », qui opposent forces gouvernementales et groupes armés non étatiques, créant ainsi des environnements de sécurité beaucoup plus complexes que par le passé.
Le Ministre des affaires étrangères du Sénégal, M. Mankeur Ndiaye, en a voulu pour preuve l’exemple du Mali, où est déployée la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), régulièrement prise pour cible par des acteurs non étatiques. « Au total, 34 Casques bleus ont été tués et 190 autres blessés entre janvier 2015 et novembre 2016 dans ce pays », a-t-il dit.
Pas plus tard qu’hier, a rappelé M. Eliasson, les « soldats de la paix » au Mali avaient été pris pour cible dans une attaque qui a fait un mort et sept blessés, conférant à ce débat une actualité douloureuse. « Voilà la situation au jour le jour: des attaques asymétriques indiscriminées », s’est indigné le représentant du Mali.
Dans ce contexte, le Chef de la diplomatie sénégalaise a plaidé en faveur de mandats plus robustes, en estimant que la résolution 2295 (2016) du Conseil renforçant la MINUSMA constituait un pas dans la bonne direction, même si le Mali a constaté que ses dispositions « tardent à se concrétiser ». « Cependant, pour un meilleur impact, nous devons renforcer nos missions en termes d’équipement et de capacités opérationnelles et envisager, de plus en plus, l’utilisation des technologies modernes », a-t-il affirmé. C’est aussi le sens du message adressé aujourd’hui par le Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), M. Raymond Tshibanda N’tungamulongo, qui a cité en exemples l’utilisation, par la MONUSCO, de drones de surveillance et la création d’une brigade d’intervention, qui a permis « d’infliger une lourde défaite à l’ex-mouvement M23, de consolider la sécurité dans l’est du pays et de rétablir la crédibilité de la Mission auprès de la population civile locale ».
Contrairement aux dispositifs des résolutions ayant autorisé ces deux avancées à titre exceptionnel, a déclaré le Ministre congolais, pourquoi ne pas envisager de tels dispositifs « à chaque fois que l’exige la situation sur le terrain »? Ceci doit aboutir sous réserve, bien entendu, de l’accord des pays hôtes et contributeurs de troupes, a-t-il reconnu.
Tous les intervenants ont été de l’avis du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, qui a conclu en 2015 que les missions de maintien de la paix des Nations Unies, « de par leur nature et leur composition », ne sont pas adaptées pour mener des opérations militaires de lutte antiterroriste. S’il a dit « comprendre l’aspiration à un rôle plus actif des opérations dans la lutte antiterroriste », le représentant de la Chine s’est plutôt prononcé pour un renforcement des capacités antiterroristes des pays hôtes. Plusieurs délégations, dont la Fédération de Russie et la Chine, ont également tenu à rappeler la primauté des principes de maintien de la paix que sont la neutralité, le non-recours à la force –sauf légitime défense et cas prévu par leur mandat–, ainsi que le consentement préalable du pays hôte. « L’abandon de ces principes, en particulier la capacité d’agir en tant que médiateur impartial, en faveur d’un accent mis sur les aspects militaires, est porteur de risques pour l’acceptation de ces missions et la sécurité des Casques bleus », a prévenu le représentant du Brésil.
Alors que le Vice-Secrétaire général plaidait pour une démarche « globale » s’appuyant sur des « arrangements plus flexibles », la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Mme Michaëlle Jean, a relayé devant le Conseil l’appel vigoureux lancé par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour que la MINUSMA agisse « de manière plus tactique et plus musclée, plus concertée et plus coordonnée avec les pays visés », et recoure « à la force ». L’Inde a toutefois évoqué le cas du mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), dont la prorogation, en août dernier, s’est faite avec un accord minimal au sein du Conseil de sécurité, une coopération insuffisante avec le pays hôte et en l’absence de consultations constructives avec les contributeurs de troupes. Le Conseil, a affirmé son représentant, doit mandater une opération uniquement pour faire ce que l’ONU est « structurellement et politiquement capable » de faire plutôt qu’alimenter des attentes qui ne pourront pas être comblées et s’absoudre de toute responsabilité. « L’approche actuelle n’est pas viable », a-t-il tranché.
Basé sur le principe de « non-indifférence à la souffrance humaine », a noté l’observateur de l’Union africaine, le modèle africain des opérations de paix s’est distingué par le déploiement de missions dotées de mandats robustes qui comptent parmi leurs principales tâches la protection des civils, la neutralisation des groupes armés ou terroristes ainsi que la promotion de l’autorité de l’État.
Faisant écho aux nombreux plaidoyers en faveur de la coopération entendus aujourd’hui, le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury Fedotov, a détaillé l’assistance que prête cette institution du système des Nations Unies aux États Membres pour qu’ils renforcent les capacités des systèmes de justice pénale nationaux à lutter contre le trafic illicite de drogues et d’armes, la criminalité organisée, le terrorisme, le blanchiment d’argent et la corruption.
C’est dans ce cadre que le Plan d’action du Secrétaire général et son Groupe d’action de haut niveau pour la prévention de l’extrémisme violent ont été identifiés par de nombreux orateurs, dont le responsable de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité, M. Jean-Paul Laborde, et le Directeur du Centre Brian Urquhart pour les opérations de paix, M. Arthur Boutellis, comme étant des outils essentiels pour s’attaquer aux causes profondes des menaces asymétriques.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: LES OPÉRATIONS DE PAIX FACE À DES MENACES ASYMÉTRIQUES
Lettre datée du 27 octobre 2016, adressée au Secrétaire général par le Chargé d’affaires par intérim de la Mission permanente du Sénégal auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2016/927)
Déclarations
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que pas plus tard qu’hier, « nos Casques bleus » au Mali avaient été pris pour cibles, dans une attaque qui a fait un mort et sept blessés, avant de préciser que ce bilan avait été aggravé avec la mort de deux civils maliens. Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies doivent envisager des stratégies pour répondre à ces menaces. « Mais comment le faire », s’est demandé M. Eliasson, en rappelant que le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix avait souligné, à juste titre, que les Casques bleus ne devaient pas se lancer dans des opérations militaires antiterroristes.
Pour lui, l’action des opérations de maintien de la paix doit être plus souple, s’inscrire dans une démarche « globale » et s’appuyer sur des « arrangements plus flexibles ». Nous aurons besoin de davantage de prévisibilité et de moyens plus sophistiqués pour renforcer la mobilité des personnels en uniforme, de faire preuve de réactivité et d’approfondir la compréhension de l’environnement dans lequel sont déployées les missions, a-t-il préconisé. Pour le Vice-Secrétaire général de l’ONU, il sera également nécessaire de développer la collecte de renseignements et les capacités d’analyse, de même qu’ajuster la manière dont « nous menons à bien nos mandats », qu’il s’agisse des bons offices, du renforcement des capacités, de la sensibilisation des communautés et des mesures de stabilisation.
Il sera nécessaire, a poursuivi M. Eliasson, de trouver des « moyens créatifs » de réaliser les objectifs politiques fixés dans les situations où certaines parties au conflit refusent de négocier. Par ailleurs, nous devrons également mettre sur pied des coalitions de soutien autour d’objectifs politiques aux niveaux local, national et régional. Le Vice-Secrétaire général a identifié trois priorités pour mieux préparer les opérations aux menaces asymétriques. La première, c’est la nécessité de tout mettre en œuvre pour garantir la sûreté et la sécurité des personnels sur le terrain, comme par exemple en recourant aux nouvelles technologies et en déployant des brigades dotées de moyens solides pour assurer leur protection.
La deuxième priorité, a poursuivi le Vice-Secrétaire général, c’est d’adapter les moyens de nous acquitter des mandats de maintien de la paix. Ainsi, toute mesure prise en vue d’appuyer la résolution pacifique des conflits doit être ancrée dans une compréhension « claire et nuancée » de l’identité des parties au conflit, d’où elles tirent leurs ressources, et qui sont leurs alliés. Dans un tel contexte, des outils comme les régimes de sanctions du Conseil de sécurité, les « instruments normatifs », ou l’aide au développement devraient être pris en considération. Enfin, l’ONU devrait réfléchir aux moyens pour elle de soutenir les efforts déployés aux niveaux nationaux et régionaux en vue de prévenir l’extrémisme violent et le terrorisme. M. Eliasson a cité, à cet égard, le Plan d’action du Secrétaire général, qui est à la disposition des États Membres, ainsi que l’assistance technique que fournit l’Organisation dans des domaines tels que la justice pénale, le contrôle aux frontières, les enlèvements contre rançon, la réintégration des combattants terroristes étrangers, ou la lutte contre le financement du terrorisme. Le Vice-Secrétaire général a également rappelé l’importance de l’Initiative d’assistance intégrée pour la lutte antiterroriste, lancée par le Conseil de sécurité en 2014.
Mme MICHAËLLE JEAN, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a déclaré que l’espace francophone mobilisait, à ce jour, la moitié des opérations de maintien de la paix conduites par l’ONU dans le monde et que 55 États membres et observateurs de l’OIF étaient engagés dans de telles opérations. L’OIF, a-t-elle assuré, prend chaque jour la mesure des menaces d’un nouveau type, que ce soit au Mali, frappé le week-end dernier, au Liban, en République démocratique du Congo, en République centrafricaine ou en Côte d’Ivoire.
Rapportant les propos récents du Président du Niger, Mme Jean a souligné que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) devrait, comme le demandent les pays de la sous-région, pouvoir, dans l’exécution de son mandat, agir de manière plus tactique et plus musclée, plus concertée et plus coordonnée avec les pays visés, et recourir à la force. « Il y va de notre absolue responsabilité de protéger, par tous les moyens, les populations exposées aux dangers », a-t-elle affirmé.
Mme Jean a rappelé qu’elle n’avait eu de cesse de relayer vers la communauté internationale et le Conseil de sécurité les appels pressants des pays de la région du Lac Tchad pour des renforts techniques et logistiques à la force multinationale mixte, afin de contrer les attaques meurtrières de Boko Haram contre des communautés isolées et vulnérables. Elle a tenu à saluer les efforts accomplis en ce sens.
« L’espace francophone est devenu, en quelque sorte, un laboratoire des opérations de paix », a poursuivi la Secrétaire générale de l’OIF. C’est dans cet esprit qu’elle a plaidé pour le renforcement de la dimension civile des opérations de paix, gage de stabilisation dans les situations de sortie de crise et de transition. Pour Mme Jean, l’approche sécuritaire est nécessaire, mais non suffisante.
« Nous devons répondre à la détermination des attaques que nous subissons par la détermination de la contre-attaque, en déclenchant toutes nos armes de construction massive », a-t-elle ajouté en mentionnant l’éducation et la formation pour tous, la création d’emplois et l’investissement dans les initiatives économiques des femmes et des jeunes, l’enracinement de la culture de la démocratie et de la paix, et la consolidation de l’état de droit.
Concernant la dimension sécuritaire, Mme Jean a soutenu sans réserve la volonté du Conseil de sécurité de rendre, au plus vite, les opérations de paix plus sûres, plus performantes et plus robustes. Elle a insisté sur le fait qu’il est essentiel de renforcer la coopération en matière de renseignement.
En effet, a-t-elle précisé, il est indispensable que les personnels déployés soient capables de recueillir des informations et des témoignages, et de communiquer en français avec les autorités et les populations locales, surtout à un moment où les stratégies terroristes reposent sur la capacité des groupes criminels à infiltrer et à se fondre dans ces populations. L’OIF plaide ainsi pour une participation plus importante de ses États membres et pour un engagement accru de personnels francophones dans les opérations de paix.
M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a indiqué que le groupe de travail de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (CTITF) a identifié 12 recommandations à mettre en œuvre par les organisations des Nations Unies afin de prévenir l’extrémisme violent et de partager les bonnes pratiques, ainsi que de soutenir les États Membres dans leurs actions. Les efforts de l’ONUDC visent à mettre en œuvre plusieurs projets de renforcement des capacités pour améliorer les systèmes de justice pénale et promouvoir l’état de droit, a-t-il dit.
Il a détaillé l’action de l’ONUDC qui s’attèle notamment à renforcer la prévention de la radicalisation et de la violence dans les prisons, à empêcher le recrutement des terroristes, en particulier les combattants terroristes étrangers, y compris sur Internet, et à soutenir les programmes destinés aux victimes du terrorisme. Un grand nombre de ces interventions ont lieu en Afrique, en particulier dans le Sahel, ainsi que dans les pays d’Afrique de l’Ouest, du Nord et de l’Est, a-t-il précisé. M. Fedotov a ajouté que toutes les actions de l’ONUDC sont soutenues en Afrique par un réseau de bureaux sur le terrain qui travaillent en fonction des priorités établies par les États Membres et les organisations régionales en Afrique. En Afrique de l’Ouest, notre programme régional est aligné sur le Plan d’action de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et sur les priorités des pays de la région, a affirmé le Directeur exécutif.
M. Fedotov a déclaré que le Programme Sahel de l’Office contribuait à renforcer la capacité des systèmes de justice pénale nationaux à lutter contre le trafic illicite de drogue et d’armes, le crime organisé, le terrorisme, le blanchiment d’argent et la corruption. Le Programme Sahel est la contribution de l’ONUDC à la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, a affirmé M. Fedotov. Le Directeur exécutif a indiqué que l’Office collaborait avec le Département des affaires politiques, le Département des opérations de maintien de la paix et Interpol dans la mise en œuvre de l’Initiative de la Côte de l’Afrique de l’Ouest. Cette initiative a notamment abouti à la création d’unités contre la criminalité transnationale organisée qui ont permis d’importantes saisies de drogues et des poursuites efficaces, a-t-il noté.
En conclusion, M. Fedotov a affirmé que l’ONUDC continuera de s’attaquer aux menaces que sont le terrorisme, l’extrémisme violent et tout autre défi connexe.
M. JEAN-PAUL LABORDE, Directeur exécutif du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité, a indiqué que la menace terroriste actuelle se manifeste sous au moins trois formes différentes, la première à travers les organisations listées par le Conseil qui contrôlent un territoire comme en Syrie, en Iraq ou bien encore en Somalie. La seconde forme se traduit par la « concrétisation mortifère » d’une idéologie violente qui inspire des attaques terroristes à travers le monde, a poursuivi M. Laborde. Pour ce qui concerne la troisième forme de menace, les groupes terroristes saisissent toutes les occasions liées aux conflits locaux ou régionaux qui affaiblissent les structures étatiques pour étendre leurs activités, a-t-il dit.
Le Directeur exécutif a estimé que les deux tiers des fonctionnaires et militaires participant à des missions de paix de l’ONU opéraient dans des zones touchées par le terrorisme. La relation étroite entre les conflits locaux ou régionaux, le terrorisme et l’extrémisme violent constitue une menace sans précédent pour la sécurité internationale et place les opérations de l’ONU dans une situation de vulnérabilité nouvelle et croissante, a estimé M. Laborde.
Il a rappelé que la tâche principale de la Direction exécutive consistait à procéder, au nom du Comité, à des évaluations indépendantes de la capacité des États Membres à lutter contre le terrorisme. Au cours de plus d’une décennie maintenant, la Direction exécutive a construit un corpus de bonnes pratiques relatives à la lutte contre le terrorisme, selon les principes de l’état de droit, a-t-il dit, en ajoutant que ces bonnes pratiques sont fondées sur les résolutions pertinentes du Conseil et 19 instruments juridiques internationaux. Il a précisé que le Direction exécutive a effectué plus de 100 visites d’évaluation dans les États Membres, y compris des visites de suivi. Le Comité contre le terrorisme et sa Direction exécutive ont effectivement un mandat du Conseil pour aider les États à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, a-t-il rappelé. « Un échange d’informations solide existe déjà mais nous devons aller plus loin pour arriver à un renforcement des deux mandats. »
M. Laborde a souligné qu’il était nécessaire, pour une approche « Toutes les Nations Unies ensemble », de renforcer la coordination et le partage d’informations avec d’autres organismes de lutte contre le terrorisme des Nations Unies, tels que l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (CTITF), l’ONUDC ou bien encore le Groupe d’experts du Comité 1540. « En outre, il nous faut davantage concrétiser le concept de lutte contre l’extrémisme violent sur le terrain grâce au Plan d’action du Secrétaire général et à son Groupe d’action de haut niveau pour la prévention de l’extrémisme violent », a estimé M. Laborde.
Le Directeur exécutif a insisté sur la pertinence de l’expertise de la Direction exécutive dans le domaine du contre-terrorisme, avant de souhaiter qu’une assistance technique « accrue et rapide » soit apportée aux pays et missions dans les domaines de la sécurité et de la justice pénale notamment. Enfin, le Directeur exécutif a demandé un renforcement de la coordination et du partage d’informations entre le CTITF, les envoyés et les représentants spéciaux, l’ONUDC, le Département des affaires politiques et le Département des opérations de maintien de la paix notamment.
M. ARTHUIR BOUTELLIS, Directeur du Centre Brian Urquhart pour les opérations de paix, a fait état des conclusions du rapport que son groupe de réflexion a produit en coopération avec l’ONU. Le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix a déjà conclu que les opérations ne sont pas habilitées à mener des opérations antiterroristes. M. Boutellis a néanmoins jugé essentiel que l’ONU s’adapte aux situations complexes dans lesquelles ses Casques bleus sont de plus en plus souvent déployés. L’Organisation, a-t-il ensuite suggéré, devrait également mettre l’accent sur la recherche de solutions politiques et les efforts de prévention, comme le préconise d’ailleurs le Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent.
Le rapport du Centre Brian Urquhart avait pour objectif d’élargir la portée de la discussion pour aider les Nations Unies à faciliter l’exécution de leurs mandats dans ces situations volatiles. Pour M. Boutellis, les recommandations contenues dans ce rapport devraient permettre aux Nations Unies d’adopter des mesures plus stratégiques, en commençant par l’adoption d’une approche « plus nuancée » du terrorisme et des causes profondes de ce fléau, ce qui suppose d’obtenir des renseignements en temps réel et de procéder à des analyses. Par ailleurs, a-t-il relevé, l’Organisation des Nations Unies devrait envisager de faire preuve de cohérence accrue entre ses différents organes chargés de la lutte antiterroriste, à l’appui de la mise en œuvre des mandats de maintien de la paix. Outre un accent sur le dialogue avec les parties au conflit, le Secrétariat a été encouragé par M. Boutellis à discuter de façon « franche » avec les pays hôtes de ce que les opérations ne peuvent pas faire face au terrorisme. Ces États Membres devraient de leur côté être encouragés à promouvoir une meilleure gouvernance, a ajouté le Directeur, tout en soulignant qu’une réponse exclusivement militaire ne pouvait suffire.
M. MANKEUR NDIAYE, Ministre des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur du Sénégal, a affirmé que la « donne internationale en matière de sécurité a complètement changé avec la prolifération de conflits internes violents, à la faveur de l’émergence des acteurs non étatiques, notamment les groupes terroristes ». Selon le rapport du Secrétaire général sur le Mali, le nombre d’attaques perpétrées contre les Forces de défense et de sécurité maliennes et la MINUSMA a sensiblement augmenté durant la période couverte, a-t-il fait observer. « Au total, 34 Casques bleus ont été tués et 190 blessés entre janvier 2015 et novembre 2016 au Mali alors que durant la seule journée du 13 août 2016, 50 civils ont été tués en RDC. » Le Ministre a estimé que les attaques meurtrières qui ont visé avant-hier un convoi de la MINUSMA « soulignent l’insécurité dans laquelle baignent nos troupes ».
Les missions de maintien de la paix de l’ONU ne sont pas adaptées pour mener des opérations militaires de lutte antiterroriste. M. Ndiaye s’est dit convaincu que le succès actuel et futur des opérations de paix sera largement tributaire de leur capacité à s’adapter à l’évolution des environnements dans lesquels elles sont déployées. Dans cette perspective, le Sénégal, qui est le septième contributeur de troupes dans le monde, souligne la nécessité de doter les opérations de paix des capacités nécessaires pour qu’elles mènent à bien leurs mandats, a-t-il dit. « Cela requiert un examen objectif de la réalité et du quotidien du personnel déployé sur ces théâtres d’opérations. »
Le Ministre a appuyé le réajustement des concepts opérationnels des opérations de paix afin de tendre vers des mandats plus robustes, estimant que la résolution 2295 (2016) du Conseil sur la MINUSMA était un pas dans la bonne direction. « Cependant, pour un meilleur impact sur le terrain, nous devons renforcer nos missions en termes d’équipement et de capacités opérationnelles et envisager, de plus en plus, l’utilisation des technologies modernes », a-t-il dit. Les expériences de la MINUSMA, de la MONUSCO et de la MINUSCA, qui font appel à des capacités militaires et à des technologies modernes, démontrent, a affirmé M. Ndiaye, qu’une utilisation responsable de ces outils induisait des effets multiplicateurs d’efficacité.
Le deuxième axe d’action est relatif à la collaboration interinstitutions innovante dans la lutte contre les menaces asymétriques, a poursuivi le Ministre. Les organismes pertinents de lutte contre le terrorisme devraient accompagner les opérations de paix en leur faisant bénéficier de leur expertise, a-t-il souhaité. Il faudrait également une plus grande coopération entre les entités compétentes de l’ONU, ainsi qu’une coopération renforcée entre les opérations de maintien de la paix et les institutions de lutte contre le terrorisme, les pays contributeurs de troupes et de police et l’État hôte. En conclusion, M. Ndiaye a souligné que le renforcement de l’efficacité des opérations de paix exigeait « une volonté politique indéfectible, constante et à l’aune de l’ampleur de l’impact que représentent les menaces asymétriques ».
M. PAVLO KLIMKIN, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a estimé que les opérations de paix de l’ONU ont fait leurs preuves en tant qu’instrument adaptable et flexible dans le règlement des conflits. Sa délégation salue les différentes décisions relatives au maintien et à la consolidation de la paix qui ont été prises au cours de cette année à la fois par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale et, en particulier, la résolution sur l’examen de l’architecture de la paix, qui avait été adoptée simultanément par ces deux instances et qui place la prévention des conflits au cœur de l’approche du maintien de la paix.
En tant que pays contributeur de troupes et d’unités de police, l’Ukraine attache un intérêt particulier à la question de la disponibilité de troupes adéquates pour les besoins des missions, a assuré son représentant. C’est dans ce sens qu’elle a décidé, à la suite du Sommet de haut niveau de 2015, de renforcer sa participation au Système de préparation des moyens de maintien de la paix de l’ONU.
Elle est favorable à l’intégration de nouvelles technologies et de capacités de renseignements dans les opérations de paix, ce « qui contribuerait à renforcer leur efficacité ». Pour ce qui est de la protection des civils, le représentant a souligné qu’en mai dernier, l’Ukraine avait souscrit aux Principes de Kigali. Il a demandé à ce qu’on fournisse aux pays contributeurs de troupes des informations suffisantes et opportunes sur la situation sécuritaire sur le terrain. « Il est impératif que le personnel de maintien de la paix soit préparé et puisse rapidement prendre des décisions par rapport à l’usage de la force en cas de menace terroriste imminente ou de menaces pour la population civile », a-t-il expliqué.
Les opérations de paix de l’ONU n’ont pas pour mandat de mener des activités de lutte antiterroriste, a estimé le Ministre. Cette responsabilité incombe en premier lieu aux gouvernements, a-t-il rappelé. Les mandats de ces opérations, a-t-il insisté, doivent être clairs, cohérents, réalisables et, en même temps, robustes afin de contribuer à rétablir la sécurité et l’ordre public. Sa délégation est d’avis que le personnel de maintien de la paix devrait pouvoir avoir recours à la force lorsqu’il est directement menacé ou lorsque des civils le sont. Compte tenu de la nature changeante des conflits actuels, qui ne sont plus nécessairement internes, mais transfrontaliers et hybrides, l’Ukraine souhaite que l’approche de l’ONU en tienne compte en vue de pouvoir rapidement et efficacement répondre aux nouveaux défis.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a rappelé que ce débat n’avait rien de « théorique », comme en témoigne l’attaque perpétrée ce week-end contre les Casques bleus de la MINUSMA, causant la mort de l’un d’entre eux et blessant d’autres. Pour la représentante des États-Unis, les opérations doivent être mieux préparées avant leur déploiement dans des environnements de plus en plus complexes. C’est pourquoi il ne suffit pas de les doter des meilleurs équipements, mais il faut aussi leur assurer un entraînement adéquat, a souligné Mme Power, qui a regretté l’insuffisance pour nombre de missions du matériel et du soutien logistique, de la formation, ainsi que du leadership nécessaire face aux menaces asymétriques.
Pour la déléguée des États-Unis, si les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ne peuvent devenir une force de lutte antiterroriste, la menace terroriste ne peut être non plus « ignorée ». C’est particulièrement vrai de la MINUSMA, qui a été déployée en 2013 pour stabiliser la situation au Mali, dont la moitié du territoire était passée sous la coupe de groupes armés terroristes. Elle a constaté que 65 soldats de la paix y avaient été tués depuis le début de l’année. Mme Power a regretté que cette Mission souffre toujours de lacunes en termes de capacités, notamment l’absence de véhicules blindés. Convaincus qu’il faut commencer par déployer des soldats mieux entraînés et équipés, les États-Unis ont annoncé qu’ils proposent une formation aux contingents et s’apprêtent à équiper la MINUSMA en moyens de communication adéquats.
Certains d’entre nous sont « sceptiques » quant à l’utilisation de nouvelles technologies, parfois jugées intrusives, a reconnu la représentante. C’est la raison pour laquelle elles doivent être utilisées en coopération avec les pays hôtes, a-t-elle préconisé. Les menaces asymétriques exigent également un changement de cap dans le commandement des opérations, lesquelles, a précisé Mme Power, devraient, par exemple, cultiver leurs relations avec les populations locales, les leaders communautaires et les représentants de la société civile et tirer parti des outils de lutte antiterroriste.
M. IGNACIO YBÁÑEZ, Vice-Ministre des affaires étrangères et de la coopération de l’Espagne, a déclaré que les opérations de maintien de la paix apportaient tous les jours la preuve de leur utilité. Il faut cependant qu’elles soient mieux adaptées à des environnements changeants et complexes, a-t-il insisté. Le Vice-Ministre a souligné que ces opérations devraient être dotées de règles d’engagement et de mandats clairs. Les procédures actuelles, a-t-il fait remarquer, ne sont pas adaptées aux environnements instables dans lesquels les missions évoluent. Il a également souhaité que les chefs de mission bénéficient d’un pouvoir et d’une autonomie accrus. Soulignant l’enjeu essentiel que constitue la protection des civils, il a estimé qu’une telle protection pouvait exiger un recours à la force et une attitude volontariste des Casques bleus. La formation des contingents à la prévention des conflits est essentielle, a-t-il souligné, avant de défendre l’idée de renforcer le dialogue entre le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes.
Face aux menaces asymétriques, le Vice-Ministre a déclaré qu’une démarche sécuritaire n’était pas suffisante, avant de plaider pour une « démarche intégrée » qui viserait notamment à lutter contre l’extrémisme violent. Il a insisté, à cet égard, sur l’importance d’une bonne mise en œuvre du Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent, qui vise à intégrer une telle prévention dans les activités pertinentes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et des missions politiques spéciales. Si les opérations de paix ne doivent pas être engagées dans des actions de contre-terrorisme, elles ont néanmoins « un rôle important » à jouer dans la lutte contre le terrorisme, a-t-il estimé.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a déclaré que les mandats des opérations de maintien de la paix devraient s’adapter à l’évolution des menaces qui se posent aujourd’hui et sont souvent de nature asymétrique, telles que les actes terroristes ou la dissémination d’engins explosifs improvisés. Le représentant a toutefois insisté sur la nécessité de faire une distinction entre groupes armés et groupes terroristes. Les premiers, qui ont des objectifs politiques, s’en prennent le plus souvent à des cibles militaires, et les seconds commettent des attaques qui prennent pour cibles les civils. Le représentant a, lui aussi, reconnu que les opérations de maintien de la paix n’avaient pas pour rôle de lutter contre le terrorisme.
Pour M. Aboulatta, il est nécessaire qu’elles renforcent leurs protocoles sécuritaires et qu’elles disposent de garanties suffisantes pour protéger leurs personnels. Il a également jugé nécessaire de garantir les capacités médicales des opérations, de renforcer les formations et de multiplier les exercices de simulation. Le représentant a estimé que la coordination entre le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et les bureaux de pays de l’ONU doit être renforcée, tout en respectant les mandats de chaque entité. Le meilleur moyen de lutter contre les menaces asymétriques, a-t-il souligné, c’est de préserver l’unité de l’Organisation.
M. KORO BESSHO (Japon) a indiqué que son pays s’était porté coauteur de la résolution 2295 (2016) du Conseil de sécurité pour que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dont les troupes ont été attaquées par des terroristes, soit renforcée aux plans militaire et logistique. Le représentant a ajouté que le Japon partageait l’avis du Secrétaire général selon lequel les missions de l’ONU ne sont pas des instruments du contreterrorisme. À cette aune, il a estimé que le Conseil de sécurité devait néanmoins doter les opérations de maintien de la paix d’un mandat suffisamment robuste pour leur permettre d’assurer la sécurité tant des civils que de leur personnel, celui-ci agissant dans un environnement complexe l’exposant à des menaces asymétriques.
M. Bessho a recommandé que le Conseil examine chaque cas en prenant en compte les capacités des forces de sécurité nationale et la présence de forces internationales. Concernant le renforcement de la composante militaire des opérations de maintien de la paix, il a souligné l’importance de former les Casques bleus aux techniques d’information et de communication adaptées aux réalités du terrain. Il a également insisté sur la nécessité d’améliorer la formation des policiers et d’appuyer activement les réformes des secteurs de la sécurité, de la justice et des polices des frontières. En outre, le représentant japonais a noté que l’échange optimal et accru d’informations entre les institutions du contre-terrorisme pourrait contribuer à réduire les risques auxquels sont exposés les Casques bleus.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a indiqué que 116 000 membres du personnel onusien étaient déployés sur le terrain au sein d’opérations de paix. Ce personnel doit faire face à une augmentation des menaces asymétriques, a-t-il affirmé. Les Casques bleus doivent ainsi disposer de l’équipement et de la formation adéquats, a-t-il estimé, avant de souligner qu’il était également nécessaire d’assurer une meilleure collecte des renseignements. Le délégué de la Malaisie a appuyé les recommandations formulées par le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix.
Les pays hôtes doivent développer des mécanismes de partage des informations avec les opérations et être prêts à assumer leurs responsabilités en matière de sécurisation du personnel de l’opération dès son déploiement, a recommandé le représentant. L’éradication des menaces asymétriques prendra des décennies, a-t-il prévenu, avant de mettre l’accent sur le rôle central que les femmes peuvent jouer à cet égard. Enfin, le délégué de la Malaisie a indiqué que son pays contribuait aux opérations de paix depuis les années 60.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a dénoncé le recours de plus en plus fréquent aux menaces asymétriques, motivées par la haine, l’intolérance ou encore le mépris des droits humains. Toutefois, comme le Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix l’a souligné, celles-ci n’ont pas pour vocation de se lancer dans des opérations antiterroristes, a-t-il relevé. Un tel constat justifie pour les missions de mettre l’accent sur des stratégies de prévention qui tiennent compte des causes profondes du terrorisme et sur la promotion de solutions politiques négociées aux conflits, a souligné le représentant. Il a également souligné les mérites de l’assistance aux processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants. De leur côté, a indiqué M. Martins, les pays hôtes doivent tirer parti de la présence d’une opération de maintien de la paix pour renforcer leurs capacités de lutte contre le terrorisme, et faciliter dès lors la mise en œuvre des stratégies de sortie des missions. Avant de conclure, le représentant de l’Angola s’est déclaré favorable à la mise au point d’une « approche de lutte contre les menaces asymétriques », fondée sur une meilleure coopération de l’ONU et de ses partenaires.
M. LIU JIEYI (Chine) a souhaité que les opérations de paix soient mieux adaptées aux environnements changeants dans lesquels elles sont déployées. Le principe de neutralité, le non-recours à la force sauf légitime défense et cas prévu par leur mandat, ainsi que le consentement préalable de l’État hôte d’une opération sont des principes fondamentaux gouvernant l’action des opérations de paix, a-t-il rappelé.
Le pays hôte doit être informé du calendrier de déploiement des opérations, ainsi que d’un calendrier précis sur le retrait des effectifs. Le délégué a demandé que les opérations de paix soient dotées de mandats réalistes, clairs et adaptés aux circonstances des pays dans lesquels elles seront déployées. Il a ensuite dit « comprendre l’aspiration à un rôle plus actif des opérations de paix dans la lutte contre le terrorisme », avant de souligner qu’il était nécessaire de renforcer les capacités antiterroristes des pays hôtes dans ce domaine. Le délégué de la Chine a demandé une amélioration de la chaîne de commandement des opérations et une coordination accrue entre les composantes civile, militaire et policière des missions, en particulier pour faire face à des situations d’urgence.
Rappelant que « 129 soldats de la paix avaient fait l’ultime sacrifice en 2015 », le délégué a souhaité que les procédures de protection et d’évacuation dans les situations d’urgence soient renforcées. Les budgets des opérations de paix approuvés par l’Assemblée générale pour les années 2016 et 2017 sont extrêmement élevés, a-t-il fait remarquer. C’est pourquoi, il a exhorté ceux qui utilisent ces ressources financières à le faire de manière « responsable ». Le représentant a insisté sur l’importance que les pays contributeurs reçoivent la « reconnaissance » que justifie leur engagement, avant de demander une interaction étroite entre ces pays, d’un côté, et l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, de l’autre. Avant de conclure, il a rappelé qu’à ce jour, 2 600 soldats chinois avaient été déployés au sein d’opérations de paix de l’ONU.
Dans le cadre des opérations de maintien de la paix, a constaté M. FRANCOIS DELATTRE (France), l’impératif de protection des civils se trouve confronté de manière grandissante aux menaces asymétriques. C’est en particulier le cas au Mali, où le Conseil de sécurité a confié à la MINUSMA le mandat nécessaire pour faire face à de telles menaces et protéger les Casques bleus. « La MINUSMA n’est pas seule dans ce théâtre complexe, car elle peut compter sur le soutien de la France », a-t-il assuré. La force Barkhane mène ainsi des opérations contre-terroristes au Mali et au Sahel, en soutien aux États de la région, tout en apportant un appui à la MINUSMA.
La nécessité de faire face aux menaces asymétriques doit guider le déploiement et le fonctionnement des opérations de maintien de la paix, a expliqué M. Delattre. Tout d’abord, la mise en place de la cellule stratégique de planification proposée par le Secrétaire général, et à laquelle la France a apporté un appui financier, doit permettre d’identifier les défis auxquels les opérations sont appelées à faire face. Ensuite, le Conseil de sécurité doit donner aux opérations un mandat clair sur l’usage de la force, si et lorsque celui-ci est nécessaire. Enfin, les opérations de maintien de la paix doivent disposer des moyens adéquats, qu’il s’agisse de moyens humains ou d’équipement, pour l’accomplissement de leur mandat.
Les capacités de recherche de l’information et d’analyse sont essentielles pour anticiper et comprendre les menaces sur le terrain, tout comme le fait de disposer de troupes parlant la langue locale, a poursuivi le représentant. Il a salué, à cet égard, les efforts de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Répondre à tous ces défis passe, a estimé M. Delattre, par l’approfondissement du dialogue triangulaire entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police. Affaiblir durablement les menaces asymétriques nécessite d’en identifier les causes et les mécanismes précurseurs et d’agir en amont. Ceci implique de réfléchir aux moyens par lesquels le système des Nations Unies prend en compte la menace que représente l’extrémisme violent, a-t-il souligné avant de conclure.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a cherché à établir une distinction claire entre deux concepts: la protection contre les menaces asymétriques ou terroristes présentes dans l’environnement des opérations de maintien de la paix, d’une part, et la lutte contre le terrorisme, y compris les opérations militaires contre-terroristes, d’autre part. Pour le représentant de l’Uruguay, les Casques bleus ne doivent pas mener d’opérations militaires de lutte contre le terrorisme. Si un État n’est pas en mesure de lutter lui-même contre le terrorisme qui le frappe, il peut demander l’aide d’une force multinationale équipée et mandatée par l’ONU. Le représentant a mentionné, à titre d’exemple, la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).
M. Rosselli a jugé fondamental que les opérations de maintien de la paix soient dotées des ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mandat. Les concepts opérationnels doivent être adaptés aux scénarios et aux menaces existants, pour que les troupes puissent faire usage de la force en cas d’affrontement et conformément au droit humanitaire international. C’est pourquoi, il a proposé que le Département des opérations de maintien de la paix, en collaboration avec les États Membres, développe non seulement des modes d’emploi, mais aussi une « doctrine d’emploi », relative aux tactiques et aux techniques utilisés par les opérations de l’ONU dans les environnements où agissent des terroristes. Par ailleurs, a-t-il souligné, les opérations de maintien de la paix peuvent jouer un rôle d’appui au développement et de renforcement des capacités institutionnelles des États en matière de prévention du terrorisme.
M. PETR ILIICHEV (Fédération de Russie) a relevé lui aussi que les opérations de maintien de la paix étaient de plus en plus souvent déployées dans des environnements caractérisés par l’émergence de menaces asymétriques. L’apparition de ces menaces est la conséquence du changement de nature des conflits, a fait observer le représentant, en dénonçant le danger que posent les groupes armés illégaux. Ces derniers, a-t-il dit, utilisent souvent civils et infrastructures comme boucliers.
M. Iliichev a jugé nécessaire de respecter les principes de base du maintien de la paix, à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force. Quant aux « mesures de prévention » évoquées par de nombreux orateurs, elles font encourir à l’ONU le risque de devenir partie aux conflits, a-t-il estimé. Le délégué de la Fédération de Russie s’est ensuite rallié à la position selon laquelle les opérations militaires et antiterroristes sont contre-productives et contraires aux principes même du maintien de la paix, mais relèvent au contraire de la responsabilité du pays hôte. Pour la Fédération de Russie, la priorité doit être aux processus de rétablissement de la paix, et au renforcement –dès la phase de planification– de la sécurité des Casques bleus, en vue de leur permettre de s’acquitter pleinement de leur mandat.
Soulignant l’importance de fournir aux opérations de paix des Nations Unies un financement et un équipement adéquats, le représentant a jugé que les pays fournisseurs de contingents avaient encore beaucoup à faire pour assurer le succès de ces opérations. Quant au recours à des « mesures de sécurité active », elles doivent être adoptées avec l’accord du pays hôte, a ajouté M. Iliichev. Avant de conclure, le délégué russe a dénoncé l’Ukraine qui « poursuit ses activités de propagande », avant de s’interroger sur la capacité de ce pays à s’acquitter de ses responsabilités de membre non permanent du Conseil de sécurité.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a insisté sur le fait que la création de toute opération de maintien de la paix devait respecter strictement les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. Les pays non alignés considèrent que « les opérations de maintien de la paix ne doivent pas être utilisées comme une alternative pour s’attaquer aux causes profondes des conflits, ni pour les gérer ». La gestion des conflits, a-t-il ajouté, doit se fonder sur des outils politiques, sociaux et de développement durable.
Les pays non alignés, a réitéré M. Ramirez, considèrent qu’il incombe en premier lieu à l’Assemblée générale de discuter de toutes les questions relatives au maintien de la paix. C’est ainsi que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix est le seul forum de l’ONU habilité à examiner en profondeur les thèmes y relatifs, a-t-il estimé. De même, la pleine participation des pays contributeurs de troupes aux débats est importante, dans le cadre d’une coopération triangulaire avec le Secrétariat et le Conseil de sécurité.
En sa capacité nationale, le représentant a tenu à souligner qu’il faudrait analyser en profondeur les conditions politiques et de sécurité sur le terrain avant de déployer des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Le Conseil de sécurité doit également approuver des mandats clairs notamment en ce qui concerne la protection des civils, pour éviter que les opérations deviennent partie au conflit. Enfin, a-t-il dit, les Nations Unies ne peuvent en aucun cas utiliser des moyens électroniques pour collecter des renseignements, ou détecter les radars ou les ondes radioélectriques du pays d’accueil ou de ses voisins, s’ils menacent la confidentialité des communications de ces pays.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a insisté sur les risques sécuritaires accrus qui pèsent sur les Casques bleus. Si les opérations de paix n’ont pas vocation à être engagées dans des actions de contre-terrorisme, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les menaces asymétriques auxquelles elles sont confrontées, a-t-il affirmé. Les opérations de paix des Nations Unies doivent disposer des capacités pour faire face de manière efficace à ces menaces, a-t-il insisté avant d’appeler de ses vœux une meilleure planification du déploiement de ces opérations. Ces opérations doivent se tenir prêtes à agir « parallèlement » aux acteurs engagés dans des actions antiterroristes, a-t-il dit. M. Rycroft a souligné que les Casques bleus devraient être dûment formés et équipés pour s’acquitter efficacement de leurs tâches. Le Conseil doit davantage engager les pays contributeurs de troupes, ces derniers devant, de leur côté, partager leur expérience, a-t-il déclaré. Enfin, le délégué du Royaume-Uni a souligné l’importance de prévenir l’extrémisme violent et invité le Conseil à réfléchir aux moyens par lesquels les Casques bleus pourraient contribuer à relever ce défi.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a reconnu que demander aux opérations de maintien de la paix de l’ONU d’accomplir des tâches contre-terroristes ou anti-insurrectionnelles « mènerait tout droit au désastre ». Toutefois, dans un avenir prévisible, les Casques bleus vont continuer d’opérer dans un environnement où les groupes armés, y compris terroristes, posent une grave menace. Par conséquent, a-t-il souligné, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur permettre d’opérer de la façon la plus sûre et la plus efficace possible.
Avant tout, M. van Bohemen a recommandé que le Conseil de sécurité donne aux opérations de maintien de la paix des mandats clairs et réalistes. Les Casques bleus doivent comprendre le rôle qu’ils doivent ou ne doivent pas jouer face aux menaces asymétriques. Lorsque de telles menaces se présentent, il faut faire en sorte qu’ils soient adéquatement formés et équipés, ce qui n’est pas souvent le cas. Or, a insisté le représentant, la capacité des Casques bleus à défendre la population civile dans des environnements à haut risque est sapée quand leur propre sécurité n’est pas garantie, comme on l’a vu au Soudan du Sud.
Ensuite, a poursuivi le représentant, le Conseil de sécurité doit pouvoir mieux surveiller les Casques bleus qu’il déploie dans des environnements où existent des menaces asymétriques. C’est pour cette raison que la Nouvelle-Zélande appuie l’idée d’organiser régulièrement des exposés sur l’appréciation des situations. Le Conseil doit également coordonner ses travaux avec les autres entités internationales actives dans la lutte contre-terroriste, a-t-il conclu, en appuyant le Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent.
Reprenant la parole, le représentant de l’Ukraine a contesté l’affirmation russe selon laquelle les questions soulevées par sa délégation n’avaient rien à voir avec le sujet à l’ordre du jour. Après avoir rappelé que son pays était directement victime des menaces asymétriques posées par la Russie, il a voulu savoir qui était le mieux placé pour siéger au Conseil de sécurité? « Un État agresseur ou un État agressé? »
Le représentant de la Fédération de Russie a relevé, de son côté, que plusieurs pays avaient souligné l’importance de rechercher des solutions pacifiques au conflit. Pourtant, les Accords de Minsk restent lettre morte, et les Forces de sécurité ukrainiennes multiplient les détentions arbitraires et autres violations, a-t-il accusé. C’est pourquoi, il a demandé aux autorités à Kiev d’accélérer les mesures de confiance.
M. RAYMOND TSHIBANDA N’TUNGAMULONGO, Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), a jugé difficilement compréhensible, pour la population civile de pays en conflit, qu’elle soit prise à partie et massacrée par les éléments des forces négatives, et que les soldats de la paix chargés de les protéger ne soient pas à même de le faire, « quelle qu’en soit la raison technique ou juridique ». C’est ainsi, a-t-il rappelé, que, dans l’est de son pays, en août dernier, les populations civiles de Béni s’en sont pris aux intérêts et installations de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), « exprimant leur frustration, leur incompréhension et leur désapprobation » vis-à-vis du « présent mode opératoire » des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Le Chef de la diplomatie congolaise a toutefois salué la création, au sein de la Mission, de la brigade d’intervention, qui a permis de renforcer considérablement la capacité de dissuasion de la force onusienne, d’infliger une lourde défaite à l’ex-mouvement M23, de consolider la sécurité dans l’est de la RDC et de rétablir la crédibilité de la MONUSCO auprès de la population civile. « Il en est de même de l’utilisation, autorisée par le Conseil de sécurité elle aussi, de nouvelles technologies, à l’instar des drones, qui contribuent à la collecte de renseignements sur l’ennemi », a ajouté le Ministre.
Contrairement aux dispositifs des résolutions ayant autorisé ces deux avancées à titre exceptionnel, a-t-il dit, « il y a lieu de faire preuve de réalisme et de courage, d’envisager une évolution, voire un changement de paradigme, en rendant ces dispositifs envisageables à chaque fois que l’exige la situation sur le terrain. Sous réserve, bien entendu, de l’accord des pays hôtes et contributeurs de troupes ».
Convaincu que la prévention constitue encore la meilleure des options, Le Ministre a indiqué que la coopération avec les gouvernements et les organisations régionales et sous-régionales est à l’ordre du jour dans un tel cadre.
M. CARLOS SERGIO SOBRAL DUARTE (Brésil) s’est dit en défaveur d’un assouplissement des principes fondamentaux du maintien de la paix que sont l’impartialité, le consentement des parties et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense, prévus par un mandat. L’abandon de ces principes, en particulier la capacité d’agir en tant que médiateur impartial, en faveur d’un accent mis sur les aspects militaires, est porteur de risques pour l’acceptation de ces missions et la sécurité des Casques bleus, a-t-il estimé.
Il a affirmé qu’une excessive militarisation de la réponse onusienne à des menaces asymétriques était de nature à mettre en danger la composante civile des missions. La mise en œuvre de la composante protection des civils d’un mandat contre toute menace imminente ne doit pas être confondue avec un engagement direct, a affirmé M. Duarte.
Le délégué du Brésil a souhaité que les Casques bleus soient mieux entraînés et bénéficient de meilleurs équipements. Il est également crucial de mettre en place une réponse plus robuste au défi que constituent les engins explosifs improvisés, a-t-il poursuivi. Il a exhorté le Conseil à agir contre l’acheminement d’armes dans les zones de conflit, avant de demander une interaction accrue entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs.
En conclusion, le délégué du Brésil a souhaité que la distinction entre opérations de paix et opérations antiterroristes soit préservée.
M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a noté les difficultés que représentent pour la clarté de l’action des opérations de paix le fait que celles-ci opèrent dans un environnement asymétrique aux côtés d’une force non onusienne. « Pour aller de l’avant de manière pragmatique, nous pouvons œuvrer avec les organisations régionales et autres, en particulier dans les situations qui exigent des réponses allant au-delà du modèle de maintien de la paix centré sur un pays. »
Il a souligné la nécessité que les opérations de maintien de la paix disposent d’une boîte à outils rénovée. Le maintien de la paix ne consiste pas à combattre un ennemi et l’évolution vers des mandats plus robustes n’a pas fondamentalement altéré cet état de fait, a-t-il dit. Il a ajouté que le maintien de la paix n’était pas en lui-même une stratégie mais plutôt un outil stratégique.
Le maintien de la paix requiert un consensus politique entre les membres du Conseil de sécurité, les pays contributeurs de troupes et autres acteurs sur les coûts, les limites et dangers des opérations dans des environnements à haut risque, a poursuivi M. Akbaruddin. « Cependant, nous constatons des divergences de vues plutôt que le consensus au sein de ce Conseil. »
Le délégué de l’Inde a évoqué le renouvellement du mandat de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) en août qui s’est fait avec un accord minimal au sein de ce Conseil, une coopération peu approfondie avec le pays hôte et sans consultations efficaces avec les contributeurs de troupes. Le Conseil doit mandater une opération pour faire uniquement ce que l’ONU est structurellement et politiquement capable de faire plutôt que de délivrer une multiplicité de mandats, alimenter des attentes qui ne pourront pas être comblées et s’absoudre de toute responsabilité, a-t-il affirmé. « L’approche actuelle n’est pas viable. »
M. Akbaruddin a, en outre, souhaité qu’une conception proactive de l’usage de la force soit adoptée avec « la plus extrême prudence ». Une réponse militaire des soldats de la paix ne peut constituer une réponse à long terme à des défis qui sont fondamentalement d’ordre politique, a-t-il conclu.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a déclaré que face à l’évolution de l’environnement sécuritaire des opérations de maintien de la paix, caractérisée par l’intensification des menaces asymétriques, les décisions conduisant au déploiement des missions devait être basées sur des consultations approfondies et une préparation minutieuse tenant compte des réalités du terrain. Elle a ajouté que les suggestions et les idées innovantes des pays contributeurs de troupes, en particulier, devaient être prises en compte dans l’élaboration des mandats des opérations de maintien de la paix.
Pour la représentante, il est impératif que ces mandats évitent de faire des Casques bleus des parties aux conflits ou, du point de vue des populations locales, des instruments d’intervention extérieure. La militarisation accrue des missions de l’ONU dites de stabilisation pourrait les rendre dangereuses et risquées, a-t-elle averti, en éloignant ces missions de leurs objectifs initiaux.
Mme Lodhi a par ailleurs souligné que le maintien de la paix était d’autant plus utile et efficace « qu’il existe effectivement une paix à maintenir et un processus politique en cours à appuyer ».
Concluant son intervention, elle a rappelé que le Pakistan, depuis 1960, avait fourni 150 000 membres du personnel à 41 missions de l’ONU déployées dans 23 pays, 144 Casques bleus ayant perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.
M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a déclaré que les opérations de maintien de la paix devaient être créées conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies. Il a rappelé le rôle « unique, indispensable et irremplaçable » du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34). Des sujets aussi sensibles que l’usage des technologies et du renseignement devraient notamment être abordés au sein du Comité des 34. Ensuite, les pays qui fournissent des contingents et du personnel de police doivent être impliqués dans le processus de prise de décisions à toutes les étapes des opérations.
La protection des civils relève avant tout de la responsabilité des pays hôtes, a poursuivi M. Khoshroo. Lorsqu’elles en ont le mandat, les opérations de maintien de la paix peuvent appuyer les efforts nationaux en ce sens. Par conséquent, a-t-il insisté, « toute intervention militaire de l’ONU ou de forces étrangères sous prétexte de protéger des civils est inacceptable ».
En outre, les organisations régionales peuvent, dans le cadre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, être des partenaires importants dans le maintien de la paix et de la sécurité régionales.
Pour M. JORGE SKINNER-KLÉE (Guatemala), il est impératif d’améliorer la protection et la sécurité du personnel de maintien de la paix. Il a salué les initiatives prises en ce sens et a invité les Nations Unies à partager tous les renseignements pertinents avec les pays contributeurs de troupes. Il a mis l’accent sur la nécessité pour les Nations Unies de s’adapter aux différents scénarios et d’investir davantage dans la prévention.
De nos jours, on ne saurait nier que des groupes extrémistes sont un phénomène émergent auquel il faut répondre sans pour autant remettre en question la doctrine du maintien de la paix, a estimé le représentant. Pour illustrer son propos, il a rappelé que sur les 11 pays les plus touchés par le terrorisme, sept sont couverts par des mandats de l’ONU. Néanmoins, les opérations de paix n’ont pas été conçues pour lutter contre le terrorisme.
À ce sujet, son pays continue de s’interroger sur la portée et l’incidence des opérations « robustes » et estime qu’elles ne sont pas conformes à la doctrine du maintien de la paix. La prévention des conflits est une responsabilité partagée qui doit être coordonnée entre tous les acteurs concernés, les organisations internationales et régionales, les agences spécialisées et la société civile pour pouvoir traiter les causes profondes des conflits.
« Il faut venir à bout des silos au sein de l’Organisation pour réaliser les trois piliers de la Charte des Nations Unies: droits de l’homme, paix et sécurité et développement », a-t-il conclu.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a prôné une approche intégrée en matière de maintien de la paix, tant à l’ONU que sur le terrain, seul moyen selon lui de couvrir efficacement l’intégralité des besoins des pays hôtes. À cet égard, il a salué la création de l’Unité de planification de police au Secrétariat, ajoutant que les partenariats les plus importants « sont ceux liant les autorités locales et les communautés ».
À son tour, il a mis l’accent sur la nécessité d’améliorer les formations dispensées lors des phases de pré-déploiement des missions de l’ONU, cela pour assurer à terme la sûreté et la sécurité du personnel de terrain ainsi que l’exécution la plus complète possible du mandat de protection des civils. M. Cardi a expliqué que les carabiniers italiens avaient formé à ce jour, en anglais et en français, quelque 10 000 éléments originaires d’une centaine de pays et dépêchés par 16 organisations régionales et internationales.
Il a cité pour exemple de contribution italienne à une mission spécifique, l’effort entrepris par son pays pour doter la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) d’une unité d’appui chargée de répondre aux nouvelles menaces criminelles.
Par ailleurs, le représentant a estimé crucial que les opérations de maintien de la paix participent plus activement à la protection de l’héritage culturel des pays hôtes, un moyen, a-t-il dit, de faciliter la prévention des conflits et la réconciliation entre communautés.
Mme CHULAMANEE CHARTSUWAN (Thaïlande), s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a rappelé que les pays de la région contribuaient à hauteur de 5 000 hommes et femmes à 12 opérations de paix des Nations Unies. Elle a ainsi insisté sur la nécessité d’assurer la sécurité du personnel de maintien de la paix. Après avoir fermement condamné toute attaque visant directement le personnel de l’ONU, elle a rappelé les cas de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) qui ont connu des pertes graves cette année. L’ASEAN réaffirme le rôle du Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C-34), en tant qu’instance appropriée pour examiner et décider des questions de politique relatives au maintien de la paix de l’ONU.
Les opérations de paix doivent rester fidèles aux principes de la Charte des Nations Unies et du maintien de la paix des Nations Unies, a rappelé la représentante, en se disant convaincue qu’il s’agit d’une condition essentielle à leur succès. Ces missions ne doivent pas s’engager dans des activités antiterroristes, a-t-elle estimé, tout en préconisant que le personnel de maintien de la paix doit être doté de la formation et de l’équipement nécessaires à son déploiement, y compris l’utilisation de technologies modernes pour pouvoir faire face aux nouvelles menaces asymétriques. C’est un domaine où la coopération entre le Secrétariat et les pays contributeurs de contingents est impérative, a-t-elle souligné. L’ASEAN réitère en outre le besoin d’adopter une approche intégrée et équilibrée de la lutte contre le terrorisme, et estime que les missions de maintien de la paix peuvent y participer en assistant les pays dans le renforcement de leurs capacités dans ce domaine. Avant de conclure, la représentante a précisé que les pays de l’ASEAN avaient consolidé leurs capacités de maintien de la paix, notamment par le biais du réseau des centres de maintien de la paix de l’ASEAN, qui sont des plateformes idoines pour l’échange d’informations, la consolidation des capacités et les échanges de vues sur les nouveaux défis à relever.
M. JOAO VALE DE ALMEIDA, Chef de la délégation de l’Union européenne auprès des Nations Unies, a estimé que, dans le contexte actuel des opérations de maintien de la paix, l’intégration des technologies modernes et des capacités de renseignement devait être poursuivie et améliorée. Il a ajouté que l’exploitation efficace de ces ressources pouvait renforcer la connaissance situationnelle des troupes en temps réel, et, par conséquent, faciliter la mise en œuvre des mandats de ces opérations, en particulier la protection des civils et la sécurité du personnel. M. de Almeida a également souligné l’importance d’améliorer la formation, y compris linguistique, des membres du personnel des missions, que celui-ci soit militaire, policier ou civil. À cet égard, il a appuyé la recommandation du Secrétaire général que soient délivrés des brevets de formation.
Au sujet du Mali, le délégué de l’Union européenne a notamment indiqué que l’objectif stratégique de l’Union européenne dans ce pays, à travers ses missions « EUTM Mali » et « EUCAP Sahel Mali », restait la promotion de la stabilité, cela « en associant sécurité, développement et gouvernance dans une approche intégrée et coordonnée ». Après avoir signalé que l’Union européenne entendait permettre aux autorités maliennes de réagir aux menaces sur le terrain, il a noté que, « sur le plan de la sécurité », plus de la moitié des États membres de l’Union fournissait des troupes à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). « Ces derniers travaillent directement au sein de la Mission à mieux répondre aux menaces asymétriques », a-t-il assuré.
Pour le représentant de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), M. TANOU KONÉ, ce débat du Conseil de sécurité s’inscrit dans la traduction dans les faits de la nouvelle vision que l’ensemble des parties prenantes pourraient donner comme réponse aux défis des menaces asymétriques dans les opérations de paix. La CEDEAO appuie pleinement cette vision et entend jouer le rôle qui lui sied au service de la consolidation de la paix et de la bonne gouvernance dans son espace, a assuré son représentant.
« Le 26 octobre nous avons commémoré la mort de 201 Casques bleus entre 2015 et 2016, 201 de trop! », a regretté M. THOMAS SCHIEB (Allemagne) qui a appelé toutes les parties prenantes à trouver des solutions à court, moyen et long terme aux menaces asymétriques dont ils ont été victimes. Prenant l’exemple de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le représentant a préconisé un certain nombre de mesures pour réduire, à l’avenir, le nombre de victimes, en particulier une meilleure reconnaissance militaire et une collecte de données plus efficace.
Pour cela, il est impératif d’adapter l’équipement militaire, la formation et le concept même des opérations aux circonstances sur le terrain, une vision que l’Allemagne essaye de mettre en place actuellement dans le secteur nord-est de la MINUSMA, à Gao, par le biais de la force d’intervention de reconnaissance. L’Allemagne y a également déployé son drone HERON 1.
Il a souligné l’urgence d’une meilleure protection du personnel de maintien de la paix face aux menaces asymétriques, expliquant que l’Allemagne avait détaché une unité de protection hautement qualifiée qui couvre tout le camp Castor à Gao. Elle fera en outre une contribution de deux millions d’euros pour l’achat de véhicules blindés « qui sont indispensables à la protection des Casques bleus au Mali ».
Les capacités en matière d’évacuation sanitaire sont un autre volet important de la réponse aux menaces asymétriques pour le représentant allemand, qui a expliqué que dans le contexte du Mali cela suppose de pouvoir disposer d’hélicoptères. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne étudie actuellement les moyens d’y déployer des hélicoptères de protection et d’évacuation médicale en 2017.
Ces trois éléments ne sont pas une solution globale aux défis à relever par le maintien de la paix face aux menaces asymétriques, mais ils représentent une amélioration tangible pour la protection du personnel déployé sur le terrain, a conclu le représentant.
M. BOGUSLAW WINID (Pologne) a déclaré que ni les opérations de la paix ni les missions politiques spéciales n’étaient conçues pour répondre aux menaces asymétriques. Il a suggéré d’examiner la complexité croissante de l’environnement sécuritaire des opérations de l’ONU avant que les situations conduisant à des actes de violence extrême ne dégénèrent et excèdent les capacités de réponse de l’ONU. À son tour, il a plaidé pour une intégration accrue des nouvelles technologies et des capacités de renseignement afin de renforcer la sécurité du personnel. Il a ajouté qu’un personnel formé de manière adéquate et des équipements adaptés aux besoins du terrain pouvaient sauver des vies.
De manière générale, M. Winid a jugé que l’ONU pouvait jouer un rôle déterminant en pérennisant sur place les activités de maintien de la paix. Une action soutenue au service de la paix doit être planifiée en amont et s’appuyer sur une coopération étroite entre le Conseil de sécurité, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, le Département des opérations de maintien de la paix et le Département des affaires politiques, a-t-il affirmé.
S’exprimant également au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et de la Suède, M. GEIR O. PEDERSEN (Norvège) a déclaré que les pays nordiques souscrivaient pleinement à la recommandation du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, selon laquelle les missions des Nations Unies ne sont pas adaptées pour mener des opérations de lutte contre le terrorisme. Cependant, là où les menaces asymétriques se posent, les missions des Nations Unies doivent s’adapter à relever ces défis, en ayant des capacités nécessaires pour remplir leur mandat et garantir la sécurité du personnel de l’ONU.
S’agissant de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), les pays nordiques, en collaboration avec d’autres partenaires, ont été précurseurs de la collecte d’informations à travers le Groupe de centralisation du renseignement, qui aide la Mission à mieux surveiller les auteurs potentiels de violences asymétriques, et renforce ainsi sa capacité à prévenir et à répondre à de telles attaques.
La seconde priorité, c’est pour les missions des Nations Unies de continuer à tendre la main aux communautés locales et à agir « de manière décisive et sans hésitation » pour protéger les civils. En troisième lieu, a ajouté le représentant, l’ONU devrait approfondir son partenariat avec les organisations régionales et en particulier avec l’Union africaine, qui a acquis une riche expérience en matière de conflits asymétriques, notamment en Somalie.
Pour M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), lorsque les missions des Nations Unies sont déployées dans des territoires confrontés aux menaces terroristes, il ne leur appartient pas de mener la lutte contre cette menace. « Elles ne disposent tout simplement pas des capacités nécessaires », a-t-il estimé. Pour autant, si ces missions n’ont pas de vocation, sur la durée, de combattre les organisations terroristes, elles doivent pouvoir s’en protéger, et, surtout protéger les populations civiles, a reconnu le représentant avant de faire des recommandations en ce sens.
Il a mis l’accent sur la formation des forces des Nations Unies avant leur déploiement, précisant que la Belgique avait l’intention de s’investir dans la formation des troupes mises à la disposition de l’ONU en prenant part activement et financièrement au programme de formation des formateurs mis au point par le Service intégré de formation à Entebbe.
Il a également souligné l’importance du renseignement comme facteur d’efficacité dans le déploiement des Casques bleus en vue de faciliter la compréhension de la situation sur le terrain et pour favoriser leur protection. À cet égard, la Belgique recommande le recours aux nouvelles technologies et de poursuivre le travail en cours pour la mise sur pied d’un cadre régulé pour l’utilisation du renseignement.
Nulle menace asymétrique ne pourra être contrée efficacement sans l’appui des populations locales avec lesquelles il est crucial de tisser un lien de confiance, a poursuivi le représentant, qui encourage une communication constante avec elles. Cela suppose, selon lui, que les commandants et soldats quittent régulièrement leurs camps et aillent à la rencontre des populations et échangent avec elle dans une langue qu’elles comprennent.
Le dernier point concerne les mandats des opérations de maintien de la paix qui doivent, de l’avis du représentant, être clairs et séquencés par priorités, aller de pair avec une meilleure cohérence de l’action du système des Nations Unies sur le terrain et faire l’objet de consultations avec les pays contributeurs de troupes. Il a également mis l’accent sur la nécessité d’investir davantage dans la prévention des conflits.
M. OH JOON (République de Corée) a déclaré que, compte tenu de la complexité des défis sécuritaires à relever en matière de maintien de la paix, davantage devait être fait pour assurer un appui efficace au terrain et améliorer l’utilisation des forces et équipements mis à disposition, hélicoptères, armes lourdes et hôpitaux notamment. Il a ajouté qu’il était irréaliste d’attendre des résultats déterminants de la part des missions de l’ONU sans que soient allouées à ces dernières les ressources adaptées à l’exécution complète de leur mandat.
Au sujet de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), M. Oh a expliqué que son pays travaillait en ce moment avec l’Union africaine et le Gouvernement du Mali à la construction d’un établissement de santé dans le nord du pays.
D’autre part, il a indiqué que, cette semaine, à Séoul, la République de Corée et le Département des opérations de maintien de la paix organisaient un symposium sur l’intégration des technologies de communication dans les missions de paix de l’ONU. Il a annoncé que des comptes rendus de ces rencontres contenant des recommandations « pour un maintien de la paix moderne » seraient publiés prochainement.
Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a invité le Conseil de sécurité à consulter régulièrement les pays contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix ainsi que les gouvernements des pays hôtes et les acteurs régionaux pertinents. Le Conseil ne doit jamais perdre de vue la réalité, souvent changeante, des situations dont il est saisi, a-t-elle ajouté. De même, a-t-elle dit, le Conseil doit accepter de communiquer davantage avec les acteurs non étatiques des conflits, ces derniers pouvant poursuivre des objectifs différents.
Nous ne méconnaissons pas ces difficultés, mais tout doit être entrepris sur le terrain pour éviter que des violences ne s’exercent contre les civils et le personnel de l’ONU, a encore souligné la représentante. Elle a également indiqué que son pays soutenait les initiatives pour élargir la portée des opérations de maintien de la paix, ceci en vue d’en faire des interlocuteurs crédibles des gouvernements nationaux et des communautés locales résolus à prévenir le terrorisme et la violence extrême.
La représentante a insisté sur le fait qu’en aucun cas les Casques bleus devaient être perçus comme des parties à quelque conflit que ce soit. Toute entorse à leur neutralité ne peut que mettre en danger la vie des populations qu’ils sont chargés de protéger, a-t-elle souligné.
M. TAREQ MD ARIFUL ISLAM (Bangladesh) a notamment souligné la nécessité que la conduite des opérations de maintien de la paix des Nations Unies soit liée à l’application des stratégies politiques de résolution des conflits. À ce propos, il a invité le Conseil de sécurité à maintenir des contacts réguliers avec les gouvernements hôtes, les dirigeants des opérations et des missions de l’ONU pour garantir le caractère inclusif des processus de paix en cours.
Les consultations triangulaires impliquant les pays contributeurs de troupes et de policiers ainsi que le Secrétariat doivent être consacrées à la sécurité des Casques bleus en particulier et du personnel de l’ONU en général, a encore indiqué le représentant. Il a également estimé que le rôle d’interface avec les communautés locales des missions de l’Organisation devait être renforcé, à l’instar de celui tenu par les Centres mixte d’opérations et de gestion des équipes d’appui, les Cellules d’analyse conjointes et toute autre capacité spécialisée dans l’étude des questions de sécurité sur le terrain.
M. TETE ANTONIO, Observateur permanent de l’Union africaine, a relevé qu’à l’exception de quelques cas notables, l’exercice du maintien de la paix continuait d’être sous-tendu par les principes de l’impartialité, de la neutralité et de l’usage limité de la force. Pour lui, l’effort de modernisation du maintien de la paix doit se poursuivre en vue de déterminer un juste équilibre entre, d’une part, la conservation des aspects importants des principes traditionnels, et, d’autre part, la nécessité accrue de l’usage de la force pour affronter les groupes armés défiant tous les droits fondamentaux.
Compte tenu de leur proximité avec les conflits sur le continent, l’Union africaine et ses mécanismes régionaux ont démontré une détermination renouvelée à contribuer, avec l’ONU, à la sécurité collective, a rappelé M. Antonio. Basé sur le principe de « non-indifférence à la souffrance humaine », le modèle africain des opérations de paix s’est distingué à travers le déploiement de missions dotées de mandats robustes qui comptent parmi leurs principales tâches: la protection des civils, la neutralisation des groupes armés ou terroristes ainsi que la promotion de l’autorité de l’État.
L’Union africaine a mandaté le déploiement de plus de 70 000 personnels en uniforme, et de près de 1 500 civils dans le cadre de neuf opérations depuis 2003, a précisé l’Observateur permanent. De plus, ses chefs d’État et de gouvernement ont décidé récemment d’assumer une plus grande responsabilité dans le financement des activités de paix de l’ONU et de s’acquitter de l’engagement, pris en 2015, de financer 25% du coût des opérations de soutien à la paix conduites par l’Union africaine.
En conclusion, M. Antonio a indiqué que l’Union africaine espérait « pouvoir compter sur le soutien unanime des membres du Conseil de sécurité, afin de consacrer le principe de partage des charges et d’autoriser le financement, à partir du budget de l’ONU, de 75% du coût des opérations qu’elle conduit avec l’autorisation du Conseil ».
M. KAREL J.G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a présenté trois points « essentiels », selon sa délégation, pour permettre aux missions de maintien de la paix de faire face aux menaces asymétriques sur le terrain.
Il a commencé par préconiser une approche intégrée dans laquelle les missions s’inscrivent dans les autres instruments disponibles pour promouvoir la paix et la stabilité. Il a également mis l’accent sur la nécessité de dispenser une formation de qualité au personnel déployé sur le terrain et de lui fournir des équipements adéquats. Enfin, les missions de paix doivent avoir des capacités de renseignement performantes, y compris des hélicoptères et des véhicules blindés.
M. KAIRAT ABDRAKHMANOV (Kazakhstan) a souligné que la paix ne pouvait être réalisée dans les pays accueillant des missions de l’ONU qu’en s’attaquant d’emblée aux causes profondes de la violence et du terrorisme plutôt « qu’à des symptômes marginaux ». Il a ainsi appelé à mieux comprendre le contexte politique et historique de ces pays préalablement au déploiement proprement dit des opérations de maintien de la paix. Le caractère même de nos missions, qui sont hybrides et multidimensionnelles, exige un tel effort, a-t-il dit.
Le représentant a en outre mis l’accent sur la nécessité d’offrir une assistance technique au développement d’institutions destinées à consolider l’état de droit, le secteur de la sécurité et la diplomatie préventive dans les pays hôtes.
Au sujet de la réduction des menaces asymétriques, il a jugé essentiel de renforcer la formation du personnel des missions de paix au contreterrorisme et au déminage. Sur ce dernier point, il a indiqué que son pays fournissait une assistance technique dans les opérations des Nations Unies déployées au Sahara occidental et en Côte d’Ivoire.
Pour M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique), l’efficacité et le succès des opérations de paix dépendent de mandats et stratégies clairs et viables. Il a réitéré l’opposition du Mexique au fait que ces missions puissent se transformer en opérations de lutte contre le terrorisme. Elles ne disposent ni des ressources, ni des capacités requises en termes de renseignement et de logistique, ni de la formation adéquate de leur personnel, a estimé le représentant.
Sa délégation reconnaît pour autant les menaces asymétriques, y compris de groupes terroristes, qui compromettent la réalisation des mandats des opérations de paix et la sécurité du personnel des Nations Unies. Elle recommande une plus grande coopération entre le Conseil de sécurité et ses comités des sanctions, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de contingents pour que le Conseil dispose d’informations claires et précises sur la situation sur le terrain dans les pays où sont déployées les missions.
Le Mexique recommande en outre de renforcer les capacités de prévention des conflits des pays hôtes, y compris par un appui aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des anciens combattants; à la réforme du secteur de la sécurité, ainsi qu’à la consolidation des institutions nationales d’administration de la justice.
Le représentant mexicain a également mis l’accent sur la nécessité, pour la communauté internationale, de s’attaquer aux causes profondes des conflits qui sont souvent à l’origine de la propagation d’idéologies extrémistes qui peuvent, selon lui, conduire au terrorisme.
M. OMAR HILALE (Maroc) a déclaré que son pays, en tant que contributeur de troupes, s’inquiétait de la banalisation des décès de Casques bleus. Bien que conscient de la nécessité d’adapter les opérations de maintien de la paix à leur environnement, il a continué à soutenir les principes du maintien de la paix à savoir l’impartialité, le consentement des parties et le non-usage de la force sauf en cas de légitime défense. « Il y a actuellement une tendance qui pousse à l’adoption de concepts et de mesures qui nous écartent des principes du maintien de la paix », a-t-il averti.
S’agissant du renseignement, M. Hilale a estimé que l’ONU avait besoin de réadapter les moyens existants et d’optimiser l’usage des informations à sa disposition. « Le simple fait d’utiliser le terme renseignement peut porter à confusion et pourrait même porter préjudice à l’image de la Mission, qui pourrait être perçue comme partie au conflit », a-t-il dit en se référant au Groupe de centralisation du renseignement de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Il en est de même pour la coopération avec les entités onusiennes engagées dans la lutte contre le terrorisme ou des institutions telles qu’INTERPOL.
En outre, le représentant a souhaité que des discussions soient entamées au sujet des drones, pour lesquels il n’existe toujours pas de modalités d’utilisation claires. Partageant quelques pistes de réflexion sur les moyens de rendre le maintien de la paix plus efficace, il a recommandé de mettre en place les conditions qui favoriseraient le contact et la communication avec les populations locales. Dans ce cadre, il est important d’inclure les langues dans les critères de sélection des contingents, notamment le français.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a été d’avis d’intégrer des données aériennes et des informations géographiques et géospatiales dans les missions de maintien de la paix, ce qui contribuerait à améliorer la capacité d’alerte précoce, de détection et de riposte aux menaces de violence à l’encontre des civils, et à protéger la vie des Casques bleus, notamment en cas de menace asymétrique. La représentante a souligné qu’il restait beaucoup à faire pour améliorer l’échange d’informations inter-agences.
Il est également essentiel que les bureaux des Centres d’opération conjoints, des Cellules d’analyse conjointes des missions et des Systèmes d’information géographique bénéficient du personnel et de l’équipement nécessaires pour s’acquitter de leur tâche.
Elle a jugé qu’il était grand temps d’utiliser les recommandations substantielles figurant, notamment, dans le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix compte tenu de la pénurie de ressources et du tribut humain des conflits asymétriques actuels. « Nous ne pouvons plus continuer de commander des rapports tout en ignorant les recommandations qui y sont formulées », a déclaré la représentante.
M. MARCELLO SCAPPINI RICCIARDI (Paraguay) a fermement condamné les attaques délibérées de membres du personnel des Nations Unies dans les Missions au Mali, au Soudan du Sud, au Togo et en République centrafricaine. Après avoir rappelé que son pays participait activement à neuf missions de maintien de la paix des Nations Unies, il a souligné que celles-ci devaient strictement respecter les principes du consentement des parties, de l’impartialité et du non-recours à la force sauf en cas de légitime défense. Elles n’ont pas pour vocation de lutter contre le terrorisme, une responsabilité qui incombe aux États où elles sont déployées, a estimé le représentant.
Le représentant a néanmoins exigé que le personnel de maintien de la paix reçoive l’entrainement et la formation adéquats, y compris pour assurer la protection des civils, avant et pendant le déploiement, pour pouvoir se protéger contre les nouvelles menaces asymétriques. Il faut également que les missions puissent disposer de renseignements fiables pour pouvoir s’acquitter de leurs mandats, a estimé le représentant.
En tant que pays contributeur de troupes, M. MAHLATSE MMINELE (Afrique du Sud) a estimé que l’Afrique du Sud devait s’assurer que ses contingents puissent opérer dans un environnement sûr. Dans le cadre de menaces asymétriques, la mission doit être dotée de ressources suffisantes pour se protéger et défendre son mandat. De plus, si les processus de paix sont entravés et que les outils de protection non militaires sont inadéquats, les opérations de maintien de la paix ayant explicitement pour mandat de protéger les civils doivent le faire, y compris à travers l’usage de la force.
Il faut définir avec clarté le concept de « stabilisation », a continué M. Mminele, d’où l’importance de comprendre le contexte et de bien planifier toute opération de maintien de la paix avant son déploiement. Ce sont souvent des organisations régionales comme l’Union africaine qui sont les premiers intervenants et se déploient pour stabiliser des situations de conflit, a-t-il fait remarquer.
À ce sujet, il s’est inquiété de la réticence du Conseil de sécurité pour ce qui est de financer entièrement les opérations de paix conduites par l’Union africaine au nom de la communauté internationale.
M. DAVID ROET (Israël) a affirmé que les menaces asymétriques n’étaient pas pour son pays une notion théorique mais bien une question très réelle et importante. Israël a vécu avec les menaces terroristes venant de plusieurs fronts pendant des années, a-t-il dit. L’environnement sécuritaire marqué par les agissements des groupes terroristes, a-t-il expliqué, met en danger les personnels de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) et de la Force des Nations Unies chargée d'observer le désengagement (FNUOD). Le Hezbollah, qui est soutenu par l’Iran, est le facteur majeur derrière le chaos dans la région, a-t-il poursuivi, avant de souligner que ses activités menaçaient la région en son entier. Malgré la présence de dizaines de milliers de soldats de la paix de la FINUL, a-t-il affirmé, le Hezbollah a augmenté son arsenal en le faisant passer de 7 000 roquettes à plus de 120 000 roquettes depuis l’adoption de la résolution 1701 (2006). « Je répète: 120 000 roquettes! »
M. Roet a ensuite insisté sur les liens entre le Hezbollah et l’Iran, ce dernier fournissant au premier des armes, en violation des résolutions du Conseil de sécurité. Le Liban ne peut pas être absous de sa responsabilité à empêcher qu’une organisation terroriste n’agisse en son sein, a-t-il affirmé. La Force de dégagement joue un rôle crucial dans le maintien de la stabilité le long de la frontière, d’autant que des attaques visant Israël ont été conduites depuis la Syrie, a estimé le représentant israélien. Durant le seul mois de septembre, il y a eu six occurrences de tirs de roquettes depuis la Syrie qui ont mis en danger la vie des civils israéliens, sans heureusement faire de victimes, a-t-il noté. Israël tient le Gouvernement de Syrie responsable pour toutes les actions qui se déroulent sur son territoire, a assuré son représentant. « Nous ne tolérerons aucun type de débordement depuis la Syrie et prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils », a-t-il affirmé. Enfin, le représentant israélien a insisté sur l’appui que son pays peut offrir aux opérations de paix de l’ONU, notamment dans le domaine de la technologie de pointe. « Israël a récemment proposé d’aider l’ONU à réduire l’empreinte écologique de ses opérations de maintien de la paix grâce à une nouvelle technologie qu’il a développée dans les domaines des énergies renouvelables et du traitement des eaux », a conclu M. Roet.
M. MAMADOU TANGARA (Gambie), rappelant comment les terroristes au Mali avaient profané des mosquées et des lieux saints, vandalisé des monuments historiques et incendié d’anciennes bibliothèques, a de nouveau condamné leurs attaques contre les soldats de la paix de l’ONU. Pour lui, il ne faut pas perdre de vue non plus la lutte que le Nigéria et les pays voisins mènent contre Boko Haram, car ces « truands » risquent d’étendre leurs activités criminelles et d’engloutir d’autres pays de la région. De telles atrocités sont rendues possibles par l’existence de frontières poreuses, a-t-il ajouté.
M. Tangara a considéré que les opérations de maintien de la paix étaient un moyen efficace de sauver des pays de la désintégration, de prévenir la guerre civile, de protéger les faibles et les innocents. Toutefois, a-t-il averti, si les soldats de la paix sont incapables de se défendre eux-mêmes, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils puissent protéger les civils. Quand le Conseil de sécurité planifie et déploie une force de maintien de la paix, a recommandé le représentant, il doit doter les Casques bleus d’armes proportionnées à celles des rebelles, des terroristes et des gangs armés susceptibles de les attaquer. Le Conseil devrait également établir de toute urgence un groupe d’experts militaires chargé d’examiner les règles d’engagement et de définir des modalités pour la protection des Casques bleus.
M. ISSA KONFOUROU (Mali) a rappelé d’emblée qu’hier encore, un convoi logistique de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui est déployée depuis juillet 2013, a fait l’objet d’une nouvelle attaque aux engins explosifs improvisés, ce qui a coûté la vie à un Casque bleu togolais et deux civils maliens. Le même jour, un camp des forces armées du Mali a été attaqué à 2 heures du matin par des hommes armés non identifiés et la veille, un soldat français est mort suite à l’explosion d’une mine. « Voilà la situation au jour le jour: des attaques asymétriques indiscriminées », s’est indigné le représentant. Depuis 2015, ces attaques ont coûté la vie à 58 personnes de la MINUSMA, dont 18 soldats français, a-t-il rappelé, en précisant que les forces armées et les civils maliens en avaient payé le prix fort.
Le Gouvernement malien n’a cessé d’alerter les Nations Unies et ses partenaires sur la nécessité d’adapter le mandat de la MINUSMA à son environnement difficile, dangereux et complexe, a indiqué le représentant. Il s’est réjoui que le Conseil de sécurité ait accédé à sa demande, en adoptant la résolution 2295 (2016), qui donne une posture plus proactive et robuste à la MINUSMA dans l’exécution de son mandat. Le représentant malien a tenu à souligner que cette adaptation du mandat de la Mission visait avant tout à protéger la mission elle-même, son personnel et ses installations contre les attaques répétées par des forces hostiles, de manière à lui permettre ensuite de faire face aux autres dimensions de sa mission, y compris la protection des civils. « Il ne s’agit pas, comme nous l’entendons souvent, de faire exécuter par la MINUSMA, des missions de lutte antiterroriste », a précisé le représentant qui « sait qu’une opérations de maintien de la paix n’a pas vocation à faire la lutte contre le terrorisme ». Elle a toutefois le devoir et la responsabilité de prendre toutes les mesures pour se protéger et exécuter normalement son mandat, a-t-il estimé, avant de regretter que, cinq mois après l’adoption par le Conseil de sécurité, les dispositions pertinentes de la résolution 2295 (2016) tardent cependant à se concrétiser.
Le Gouvernement malien est parfaitement conscient de sa responsabilité première dans la protection des civils et la sécurisation du territoire national, et que la lutte contre le terrorisme relève, à long terme, des forces de sécurité maliennes, a affirmé son représentant. C’est pourquoi il travaille sans relâche, souvent avec l’appui de partenaires, à reconstruire et renforcer les capacités opérationnelles de ses forces armées et de sécurité et de l’ensemble des services nationaux concernés, a poursuivi M. Konfourou. Il a ainsi salué l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, notamment l’Union européenne à travers son programme EUTM et les Nations Unies. Il a toutefois averti que l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ainsi que les trafics de tout genre résidaient avant tout dans la coopération avec les pays voisins, sous régionale, régionale et internationale. Pour lui, l’exemple du G5 Sahel, de la Force africaine en attente et du Comité d’état-major opérationnel conjoint chargé de coordonner les actions militaires antiterroristes de l’Algérie, du Mali, de la Mauritanie et du Niger sont édifiants à cet égard.
M. ANTHONY BOSAH (Nigéria) a souligné qu’il était impératif que la communauté internationale fasse en sorte que les opérations de paix restent pertinentes aujourd’hui et à l’avenir. Cela suppose, a-t-il précisé, des efforts collectifs des États Membres de l’ONU pour surmonter les défis actuels et émergents, y compris les attaques asymétriques, qui sont de plus en plus complexes et graves. Notant que les groupes terroristes transnationaux posent aujourd’hui une menace fondamentalement différente des autres acteurs non étatiques armés auxquels les Casques bleus étaient confrontés, il a appelé le Secrétaire général et le Conseil de sécurité à accorder une priorité absolue à cette nouvelle donne.
Il a ainsi préconisé des mesures préventives pour éviter que ces réseaux terroristes transnationaux ne puissent déstabiliser des États vulnérables. Il faut également avoir une meilleure compréhension du contexte pendant la phase de planification avant de déployer une mission et cela serait possible, selon lui, grâce à une meilleure coopération avec les organisations régionales. Une fois déployée, une telle mission doit être en mesure de suivre l’évolution de la situation sur le terrain afin de s’y adapter rapidement. Cela suppose des capacités de renseignement, a encore souligné le délégué avant de rendre hommage aux Casques bleus qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a affirmé que les Casques bleus devaient être prêts à répondre aux menaces croissantes qui pèsent sur leur sécurité comme sur celle des civils innocents qu’ils sont censés protéger. Pour ce faire, a-t-elle déclaré, et afin qu’ils puissent se défendre et protéger les civils, il faut confier aux Casques bleus des mandats clairs, basés sur une analyse informée et approfondie des réalités du terrain où ils sont déployés.
La représentante a ajouté qu’il était plus nécessaire que jamais que les Casques bleus fussent formés de manière adéquate et équipés comme il se doit pour pouvoir évoluer efficacement dans l’environnement asymétrique des opérations de maintien de la paix.
Mme Hailu a salué les efforts de contre-terrorisme de l’Union africaine et d’autres mécanismes régionaux, qui, a-t-elle dit, ont su s’adapter à cet environnement volatile. À cet égard, elle s’est indignée du fait que l’action des Casques bleus de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), cibles régulières d’attaques asymétriques, soit toujours insuffisamment financée.
Au nom des principes de complémentarité et de division du travail, les Nations Unies devraient partager le coût financier et logistique de la Mission avec l’Union africaine, a-t-elle considéré.
M. DENIS REGIS (Haïti) a considéré que le maintien de la paix suppose non seulement des budgets croissants, mais aussi la prise en compte de nouvelles exigences, que ce soit sur le plan de la gestion de la sécurité, de la formation des Casques bleus, de leur implication dans le processus d’instauration de l’État de droit et du développement durable. Pour sa délégation, l’efficacité et la réussite des opérations de maintien de la paix doivent passer par le respect des principes clefs définis par la Charte des Nations Unies, à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force. Le représentant d’Haïti a également jugé essentiel que les soldats de la paix se trouvent au plus près des communautés et des populations civiles qu’ils sont censés protéger, tout en affirmant aussi qu’il faudrait accorder une priorité aux causes profondes des conflits que sont le sous-développement, l’extrême pauvreté, la marginalisation et l’exclusion.
Le rôle des contingents de police, a ajouté le représentant, s’avère de première importance dans la reconstruction de l’état de droit, l’établissement de la stabilité à long terme et la consolidation de la démocratie. « La protection des civils doit figurer au cœur des priorités », a noté M. Régis. Pour sa délégation, il revient à tous les États Membres de s’assurer que les tâches de maintien de la paix correspondent davantage aux réalités d’aujourd’hui, celles qui découlent du faisceau des nouvelles menaces à la paix, y compris les menaces asymétriques.
Mme GILLIAN BIRD (Australie) a noté que 7 des 11 pays les plus affectés par le terrorisme accueillaient également des opérations de maintien de la paix, bien que le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix et le Secrétaire général affirment que celles-ci ne sont guère conçues pour contrecarrer le terrorisme.
Il ne faudrait pas que les menaces asymétriques et violentes affaiblissent notre détermination à instaurer un climat propice à des négociations de paix et de protection des civils, a-t-elle dit. Il s’agit cependant d’entraîner et d’équiper les Casques bleus pour qu’ils soient en mesure d’opérer de la façon la plus sûre et efficace possible, a-t-elle préconisé.
Mme Bird a également défendu l’utilisation de la technologie en vue d’une meilleure compréhension de la situation et de la protection des Casques bleus, plus particulièrement d’aéronefs autopilotés et de dispositifs de vision nocturne. Elle a également encouragé les efforts visant à l’amélioration de l’engagement avec les communautés locales étant donné que la confiance est une composante importante de l’alerte précoce et de la prévention des conflits.
M. MICHAEL BONSER (Canada) a rappelé que l’objectif n’était nullement de substituer les opérations de maintien de la paix aux initiatives menées au titre du contre-terrorisme, mais bien de permettre aux personnels déployés de s’acquitter de leurs responsabilités de la manière la plus sûre et la plus efficace possible. D’après lui, les Nations Unies doivent renforcer le cadre de préparation, de performance, ainsi que la réactivité des éléments présents sur le terrain à travers une approche intégrée et sur mesure.
Une telle approche passe non seulement par l’élaboration de cadres conceptuels appropriés mais également par la mise en place de formations spécialisées et la mise à disposition d’équipements, de renseignements et de dispositifs opérationnels adaptés, a précisé M. Bonser.
Les capacités d’analyse des Nations Unies en la matière devraient également être renforcées. De plus, il faut prendre en compte les facteurs sous-jacents de la violence extrémiste. Le Canada, a-t-il conclu, est toujours prêt à partager l’expérience pertinente acquise dans la lutte contre les menaces asymétriques en Afghanistan.
M. GONE FEH MOUSSA (Côte d’Ivoire) a indiqué, à l’aune de l’expérience de son pays qui abrite depuis 12 ans une opération de maintien de la paix, qu’il faudrait construire des rapports de confiance et de proximité avec la population locale. « Ceci implique une formation plus approfondie du contexte local et une disposition de la force onusienne à paraître davantage comme étant un partenaire pour la paix et la sécurité plutôt qu’une force étrangère dont l’unique mission est de régenter la vie quotidienne des populations. »
Le représentant de la Côte d’Ivoire a également souhaité que la planification des opérations de maintien de la paix soit précédée d’une évaluation technique pertinente des enjeux et des forces en présence. Des revues régulières devraient être menées une fois la force des Nations Unies déployée sur le terrain, a-t-il affirmé. Le délégué a également souligné qu’il était nécessaire d’établir une coopération étroite entre l’ONU, les autorités locales et les acteurs non étatiques et de renforcer les capacités des forces de défense du pays hôte. « Le pays hôte, pour sa part, doit s’atteler à résoudre les causes ayant engendré le conflit », a conclu le représentant de la Côte d’Ivoire avant de conclure.
M. GÜVEN BEGEÇ (Turquie), à l’instar d’autres délégations, a estimé que les opérations de maintien de la paix devraient être adaptées aux menaces asymétriques émergentes, en veillant notamment à assurer un meilleur entraînement aux Casques bleus des Nations Unies, à mettre à leur disposition des équipements adéquats et à améliorer la collecte des renseignements. Il a estimé que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C-34) reste le forum le plus approprié pour négocier et développer des approches novatrices en ce sens. Le délégué a rappelé que la Turquie avait souvent été prise pour cible par des organisations terroristes. C’est pourquoi, elle est fermement engagée en faveur de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Dans ce contexte, a souligné le représentant, la coopération triangulaire et les consultations renforcées entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes sont déterminantes pour mieux planifier et concevoir les mandats en matière de maintien de la paix.
M. AHMED SAREER (Maldives) a estimé que l’existence des menaces asymétriques dans un environnement de conflit résultait souvent de la convergence de facteurs politiques, économiques et sociaux. Le représentant a ainsi jugé essentiel, pour répondre à ces défis, que les opérations de maintien de la paix comportent des mécanismes d’appui juridiques et techniques aux gouvernements hôtes.
Il a également mis l’accent sur l’importance que le personnel des opérations et missions des Nations Unies connaissent les principes guidant l’application du droit humanitaire international. Enfin, le représentant s’est réjoui de l’introduction de nouveaux indicateurs pour évaluer au plus près la performance des opérations de maintien de la paix de l’ONU et en vue de renforcer leur efficacité.
M. MATEO ESTREME (Argentine) a estimé qu’il faudrait donner aux opérations de paix les moyens de faire face aux menaces asymétriques, proposant ainsi d’améliorer la formation et un entraînement des Casques bleus mieux adaptés aux exigences du terrain. Il a prôné l’utilisation de nouvelles technologies, notamment des drones de surveillance, dans le respect des principes de maintien de la paix consacrés par la Charte des Nations Unies. Il a établi une distinction entre la nécessité de doter les soldats de la paix des moyens de leur permettre de se protéger et de protéger les civils, et celle d’engager ces troupes dans des activités de lutte antiterroriste, que les opérations de paix n’ont pas vocation à mener, comme l’a rappelé le Groupe de haut niveau. Le délégué a souhaité, avant de conclure, que le débat d’aujourd’hui se poursuive à l’Assemblée générale et au sein du Comité des opérations de maintien de la paix.
M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a insisté sur l’engagement continu de son pays avec la FNUOD. Les opérations de paix de l’ONU ont vocation à être créées pour une courte période mais, malheureusement, cette période dure des décennies au Moyen-Orient, a-t-il regretté, en expliquant que cela résultait essentiellement de l’occupation israélienne. Le représentant syrien a rappelé que l’agression d’Israël contre son pays était la raison d’être de la présence de missions de l’ONU dans la région, lesquelles constituent un lourd fardeau pour le budget de l’Organisation. Le délégué a ensuite montré la photo d’une fillette tuée par un tir lancé par le Front el-Nosra dans la région frontalière avec Israël. L’appui fourni par Israël au Front el-Nosra est bien connu et a été documenté dans les rapports du Secrétaire général et de la FNUOD, a-t-il conclu.
Reprenant la parole, le représentant de la République islamique d’Iran a demandé à reprendre la parole pour indiquer que l’intervention faite par son homologue israélien n’avait aucun rapport avec le sujet de la réunion de ce jour. Il a également proféré contre mon gouvernement des accusations sans fondement, comme si ces accusations, à force d’être répétées, finiraient par acquérir une quelconque crédibilité, a-t-il ironisé. « Cela est inacceptable», a-t-il dit. Les accusations d’Israël, a-t-il affirmé, ont pour but de détourner l’attention de la communauté internationale de la situation qui prévaut actuellement dans les territoires arabes que ce pays occupe.