7708e séance – après-midi       
CS/12392

Malgré ses revers militaires, Daech continue d’être une menace grave et de plus en plus diverse, affirme le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques                    

Le représentant de la Fédération de Russie demande au Secrétaire général de faire la lumière sur les activités de la Turquie en Syrie

L’affaiblissement de Daech, dont l’expansion territoriale a été stoppée et qui a même perdu du terrain au cours des derniers mois, n’est pas encore « de nature stratégique et irréversible », a déclaré le Secrétaire général aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité.  La menace mondiale posée par Daech reste élevée et continue de se diversifier, a-t-il affirmé.

S’exprimant au cours de cette séance, le représentant de la Fédération de Russie, M. Vitaly Churkin, s’est étonné que le deuxième rapport* du Secrétaire général sur la menace constituée par Daech, que présentait M. Feltman, ne mentionne pas le rôle des forces russes dans l’affaiblissement de l’organisation terroriste.  Il a également demandé au Secrétaire général de faire la lumière sur les activités que mène la Turquie en Syrie, notamment la construction de fortifications en béton armé.

Le Secrétaire général adjoint a expliqué qu’en raison des revers militaires essuyés en Iraq et en Syrie, Daech était entré dans une nouvelle phase, marquée par la promotion des groupes qui lui sont affiliés, des tentatives de transfert de fonds hors des zones de conflit et un risque accru d’attaques internationales.  Les attentats commis à Paris en novembre 2015 et à Bruxelles en mars 2016 montrent le rôle important que peuvent jouer les combattants terroristes revenus d’Iraq et de Syrie dans la coordination d’attaques terroristes.

Dans le rapport précité, qui porte sur la menace que représente l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace, le Secrétaire général note une nette augmentation du nombre de combattants étrangers de retour dans leur pays après avoir séjourné en Iraq et en Syrie et insiste sur le risque de tels retours pour l’Asie du Sud-Est et des pays comme la Libye.

Pour la première fois depuis qu’il a proclamé le « califat » en juin 2014, le noyau de Daech connaît des difficultés financières, a fait remarquer M. Feltman.  Daech, a-t-il précisé, cherche à compenser la perte de revenus tirés de la production et du raffinage de pétrole par une intensification des mesures d’imposition et d’extorsion.

« On ignore les montants exacts qu’il tire du trafic d’antiquités, qui se déroule maintenant au Yémen et en Libye mais, a-t-il souligné, cette activité demeure une source de revenus. »  Daech pourrait chercher à diversifier encore ses sources de revenus, en sollicitant des dons extérieurs, en déplaçant des fonds à l’échelle internationale, par le biais de canaux légaux ou illégaux, ou en convertissant ses devises en or, plus aisément transférable, a prévenu M. Feltman.

Le Secrétaire général adjoint a insisté sur les gains enregistrés par Daech en Libye dans un temps limité.  Malgré les difficultés pour consolider ces gains, Daech a pris conscience qu’en s’implantant en Libye, il pourrait créer une plaque tournante qui l’aiderait à se développer dans l’ensemble du Maghreb et du Sahel, et au-delà, a-t-il indiqué.

En Afghanistan, Daech a prouvé, malgré les revers militaires essuyés en 2015 et en 2016,  qu’il était capable, en dépit d’une faible emprise territoriale, de mener des attaques dans les grandes villes situées au-delà des limites de son fief, a poursuivi M. Feltman.

Il a également noté que les technologies de l’information et des communications constituaient un vecteur fondamental pour Daech et jouaient un rôle essentiel dans ses activités et celles de ses membres, y compris pour ce qui est du recrutement et de l’organisation d’attentats.  La violence sexuelle continue d’être utilisée par Daech comme tactique terroriste pour accroître son pouvoir et ses recettes et élargir sa base de recrutement, ainsi que pour détruire le tissu social des communautés visées, a averti M. Feltman.

Face à Daech, le Secrétaire général adjoint a expliqué que les États Membres avaient notamment continué d’harmoniser leur législation conformément à la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité, de renforcer leurs capacités pour mener les enquêtes efficacement et porter devant la justice les affaires complexes liées au terrorisme, d’identifier les freins à l’échange d’informations financières et d’élaborer des stratégies globales de gestion des frontières.

De son côté, l’Équipe spéciale de lutte de l’ONU contre le terrorisme, a-t-il indiqué, a mis au point un plan de renforcement des capacités destiné à endiguer le flux de combattants terroristes étrangers.  Ce plan comprend 37 propositions de projets qui touchent à tous les aspects de cette problématique, y compris la radicalisation, les déplacements et le financement, ainsi que la réadaptation et la réinsertion des combattants qui reviennent au pays.

M. Feltman a indiqué que le budget total de ce plan était de 100 et 120 millions de dollars pour une durée allant de 3 à 5 ans.  Pour l’heure, les promesses de dons s’élèvent à 10%, a-t-il souligné, avant d’encourager les États Membres à apporter leur appui financier.  Enfin, il a déclaré que la Mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL) soutenait les efforts du Conseil de la présidence aux fins de transition et la mise en place d’un gouvernement d’entente nationale afin d’empêcher Daech de progresser davantage.

Pour M. Churkin, le rapport du Secrétaire général ne mentionne dans son paragraphe que les seules forces de la coalition internationale pour expliquer les revers de Daech, « comme si l’on voulait mettre uniquement en valeur cette coalition, conduite par les États-Unis, et passer sous silence l’action efficace des forces russes ».

« On ne peut pas ne pas reconnaître que les forces russes ont porté un coup sévère à Daech, comme on ne peut pas occulter l’action des forces armées syriennes, qui sont aux premières loges des combats », a-t-il affirmé.  M. Churkin a mis en exergue le rôle des forces russes pour la libération de Palmyre et le travail de déminage effectué par les démineurs russes.  Il s’est dit étonné que le rapport ne contienne pas les informations transmises par son pays.  « Pourquoi nous demander, dans ce cas, ces informations? » a-t-il demandé.

Il a imputé l’efficacité de l’opération russe en Syrie au fait que celle-ci a été menée en étroite coopération avec les autorités de Damas.  Puis, il a demandé que les brigades de l’opposition syrienne soient purgées de leurs éléments terroristes, y compris le Front el-Nosra. « Il faut exiger strictement de ceux qui combattent le Gouvernement syrien qu’ils se définissent comme étant avec ou contre les terroristes », a-t-il dit.  M. Churkin a ensuite dénoncé les forces qui sapent la coopération entre la Fédération de Russie et les États-Unis visant un règlement syrien.  « De ce fait, les forces armées syriennes font face à une offensive massive des djihadistes qui se déplacent librement entre la Syrie et la Turquie et se renforcent. »  Il a critiqué l’appui apporté par des forces « qualifiées par certains de modérées » au Front el-Nosra qui a récemment bombardé un quartier kurde à Alep.  « Le Front el-Nosra a le sentiment de pouvoir agir en toute impunité, recrute dans ses rangs d’autres groupes antigouvernementaux et utilise la population comme bouclier humain », a-t-il déclaré.

L’objectif de cessation de l’appui extérieur aux terroristes, a-t-il insisté, doit être atteint sans retard.  Il faut fermer d’urgence la frontière entre la Turquie et la Syrie, a-t-il dit, en ajoutant que les points de passage agréés internationalement pour l’acheminement de l’aide humanitaire étaient utilisés à des fins criminelles.  Les preuves irréfutables de ce qui se passe à la frontière sont ignorées, a-t-il regretté.

Le rôle de la Turquie dans l’aide financière et la fourniture en hommes aux terroristes continuent d’être ignorés, a soutenu l’Ambassadeur Churkin, en précisant que les informations fournies par la partie russe sur le financement de Daech n’avaient pas été intégrées dans le rapport.  Il a également dénoncé le fait que les informations de la Fédération de Russie sur la fourniture en Syrie depuis la Turquie de composants nécessaires à la confection d’armes chimiques par des groupes terroristes soient passées sous silence.

Le représentant russe s’est dit profondément préoccupé par l’ingérence extérieure non autorisée de la Turquie en Iraq et en Syrie et, plus particulièrement, la construction par la Turquie de fortifications en béton armé en Syrie, à proximité de la frontière.  « J’appelle le Secrétaire général à faire la lumière sur ces activités », a déclaré M. Churkin, avant de rappeler que les rapports sur la question examinée aujourd’hui doivent être « équilibrés et impartiaux ».

 

*    S/2016/501

 

                                 

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