Le Conseil de sécurité pressé de déclencher une action « ferme et unifiée » contre la violence sexuelle utilisée comme tactique de guerre et de terrorisme
Un débat ouvert sur le thème « Les violences sexuelles liées aux conflits, avec un accent particulier sur la traite des personnes » a été organisé aujourd’hui au Conseil de sécurité par la présidence française. Plus d’une cinquantaine d’intervenants, dont le Secrétaire général de l’ONU, préoccupés par le recours croissant à la violence sexuelle comme tactique de guerre et de terrorisme, ont proposé des solutions pour lutter contre ce phénomène. M. Ban Ki-moon a dit attendre une action « ferme et unifiée » de la part du Conseil.
« Partout dans le monde, nous sommes les témoins d’un nombre effroyable d’actes de violence sexuelle commis en période de conflit », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon. Nulle région n’échappe à ce fléau qui continue de frapper les femmes, les filles, les garçons et les hommes. L’expression « violences sexuelles liées aux conflits » recouvre des actes tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution, la grossesse, l’avortement, la stérilisation et le mariage forcé et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, perpétrés contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons, et ayant un lien direct ou indirect avec un conflit.
Parmi « ces formes de gravité comparable », il faut ajouter la traite des êtres humains, a souligné la Rapporteure spéciale sur la question qui a abordé la question « cachée » du trafic des travailleurs migrants vers les zones de conflit.
Dans sa déclaration, le Secrétaire général de l’ONU a néanmoins estimé qu’un élan politique sans précédent a permis de faire des progrès manifestes contre les violences sexuelles liées aux conflits. « La communauté internationale a finalement brisé le silence et le tabou qui entouraient ce problème », s’est réjoui le Secrétaire général.
Dans son dernier rapport sur la question*, il parle tout de même d’une situation préoccupante dans 19 pays et cite les parties, en majorité des acteurs non étatiques, soupçonnées de se livrer à des exactions. Il y fait part de ses craintes au sujet de l’utilisation de la violence sexuelle comme « tactique de guerre » par les groupes terroristes et extrémistes violents, notamment comme « punitions et récompenses » pour consolider leur pouvoir. La violence sexuelle, s’explique-t-il, est une stratégie délibérée pour déchirer le tissu de la société, contrôler et intimider les communautés et expulser les gens de chez eux.
Le Secrétaire général propose 25 mesures de prévention et de répression à prendre aux niveaux national, régional et international, conscient qu’il est indispensable de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes pour traiter des causes profondes des violences sexuelles liées aux conflits, transformer les normes socioculturelles néfastes et contrer l’extrémisme violent. Il dit attendre du Conseil de sécurité « une réaction ferme et unifiée ».
En ce moment même, des femmes sont vendues à Raqqa par Daech sur un véritable marché aux esclaves et les réseaux sociaux en ligne sont utilisés pour faciliter cette traite, a dénoncé la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zaunab Hawa Bangura. D’après le document de réflexion** présenté par la France en vue du débat, on estime qu’en 2014, les paiements versés à titre de rançons par la communauté yézidie iraquienne à Daech pourraient atteindre jusqu’à 45 millions de dollars.
Ces violences sexuelles sont une véritable tactique terroriste, a insisté Mme Bangura. Sans exception, le premier signe de la violence extrémiste est toujours la restriction des droits de la femme. La violence sexuelle, a-t-elle fait observer, est le seul crime qui stigmatise la victime plutôt que l’auteur. Il ne suffit donc pas de « ramener nos filles », comme on l’a dit pour les lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria, il faut aussi les remettre dans un environnement qui les soutient. À ce sujet, le représentant du Nigéria a précisé que le 14 avril 2016 a marqué le deuxième anniversaire de l’enlèvement des 276 jeunes filles par le groupe terroriste. Avec les pays voisins, le Nigéria est en train de gagner la guerre contre ce groupe terroriste, a-t-il affirmé.
Les États Membres devraient concrétiser les engagements pris lors du récent Sommet humanitaire d’Istanbul et prendre des mesures pratiques pour appuyer les nouveaux mécanismes de financement pour consolider le rôle des femmes et des filles, en tant que leaders et décideurs, et pour assurer leur accès aux soins de santé sexuelle et reproductive dans les situations de crise, a plaidé la représentante du Groupe de travail des ONG sur les femmes et la paix et la sécurité, Mme Lisa Davis.
Défendant « la possibilité d’avorter en cas de viol commis en situation de conflit, y compris dans les camps de réfugiés », comme le droit essentiel de chaque femme à disposer d’elle-même, le représentant de la France et Président du Conseil de sécurité pour le mois de juin, a insisté sur l’autonomisation des femmes. « Nous avons aussi besoin de femmes en uniforme pour rétablir la confiance », a fait valoir la représentante des États-Unis. En tant que pays contributeur de troupes, son homologue de l’Uruguay a vu dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU un instrument important pour prévenir et faire face à la violence sexuelle.
Face aux allégations d’exploitation et d’abus sexuels commis par le personnel de l’ONU, notamment contre des mineurs en République centrafricaine et en Somalie, le représentant de l’Angola a, comme beaucoup d’intervenants, appuyé la politique de « tolérance zéro » et souhaité une présence accrue de « conseillères » sur le terrain pour faciliter le dialogue avec les parties aux conflits. Au niveau régional, le Sénégal a estimé que la prévention de la violence sexuelle devait commencer par la mise en œuvre des instruments régionaux existants, notamment la résolution 283 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
Le représentant de la Fédération de Russie, rejoint par celui de l’Égypte, a dénoncé, dans le rapport du Secrétaire général, une tendance à s’éloigner des terminologies conventionnelles et agréées par le Conseil de sécurité.
La Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle dans les conflits sera célébrée, pour la première fois, le 19 juin prochain.
LES FEMMES, LA PAIX ET LA SÉCURITÉ
Lutter contre la traite d’êtres humains dans les situations de violences sexuelles liées aux conflits
Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2016/361)
Lettre datée du 27 mai 2016, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2016/496)
Déclarations
« Partout dans le monde, nous sommes les témoins d’un nombre effroyable d’actes de violences sexuelles commises en période de conflit », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, M. BAN KI-MOON. Nulle région n’échappe à ce fléau, qui continue de frapper les femmes, les filles, les garçons et les hommes, a-t-il ajouté.
Cependant, un élan politique sans précédent a permis de faire des progrès manifestes dans la lutte contre ces crimes. « La communauté internationale a finalement brisé le silence et le tabou qui entouraient ce problème », a reconnu le Secrétaire général.
Il a précisé que la violence sexuelle est une stratégie délibérée pour déchirer le tissu de la société, contrôler et intimider des communautés et expulser les gens de leur foyer. C’est une menace à la paix et à la sécurité internationales, une violation grave du droit humanitaire et des droits de l’homme, et un obstacle à la réconciliation après un conflit et à la reconstruction économique.
Le Secrétaire général a salué les résolutions « historiques » du Conseil de sécurité qui confirment que la violence sexuelle est un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un acte constitutif de génocide. Il a vu dans la proclamation du 19 juin « Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle dans les conflits » le signe supplémentaire d’un engagement accru.
M. Ban a rappelé qu’il avait lancé sa campagne « Tous unis » pour mettre fin à la violence contre les femmes et créé le poste de représentant spécial chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Il a assuré que les Nations Unies poursuivraient leurs efforts pour que les Casques bleus défendent les normes les plus élevées d’intégrité.
L’ONU et ses partenaires appuient des milliers de rescapés à travers une série de mesures pratiques, ce qui n’était pas possible il y a 10 ans, a poursuivi le Secrétaire général. La jurisprudence internationale s’est également développée. Ainsi le verdict récent de culpabilité contre Jean-Pierre Bemba Gombo est-il « un signe que le temps de l’impunité pour la violence sexuelle en tant qu’outil de guerre est révolu », s’est-il félicité.
Dans son dernier rapport sur les violences sexuelles liées aux conflits, le Secrétaire général mentionne une situation préoccupante dans 19 pays et énumère les parties soupçonnées de se livrer à des exactions.
M. Ban s’est dit particulièrement préoccupé par « l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique du terrorisme ». Daech, Boko Haram et d’autres groupes extrémistes s’en servent pour attirer et retenir des combattants et pour générer des revenus. Il est estimé que Daech a extorqué près de 45 millions de dollars pour la libération de membres de la communauté yézidie. De même, « l’enlèvement de plus de 200 filles de Chibok, au Nigéria, est l’un des exemples les plus horribles de l’utilisation de la violence sexuelle en tant que tactique terroriste », a-t-il souligné.
Le Secrétaire général a fait valoir que les femmes et les filles ayant des enfants ont besoin d’un appui médical et psycho-social particulier et que cet appui doit s’étendre aux enfants. De plus, « la honte et la stigmatisation qu’elles endurent devraient plutôt viser les auteurs brutaux de violences », a-t-il tenu à ajouter.
En conclusion, M. Ban a dit attendre « une réaction ferme et unifiée » du Conseil de sécurité aux préoccupations soulevées dans son rapport.
Mme ZAINAB HAWA BANGURA, Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a rappelé que la manière dont est comprise et traitée cette question avait été profondément changée lors de la dernière décennie et a noté des « progrès sans précédent ». Elle a toutefois rappelé qu’en ce moment même, des femmes sont vendues à Raqqa par Daech sur un véritable marché aux esclaves et que les réseaux sociaux en ligne sont utilisés pour faciliter cette traite. Elle a également expliqué avoir rencontré l’an dernier des filles qui avaient pu s’échapper après avoir ainsi été tenues en captivité, dont certaines ont expliqué avoir été l’objet de huit transactions en l’espace de deux ans.
Le rapport du Secrétaire général apporte un élément essentiel sur un type de crime qui a depuis longtemps été omis dans les comptes rendus officiels relatifs à la paix et à la guerre, a poursuivi Mme Bangura, pour qui le rapport démontre à la fois l’ampleur des crimes et des menaces sans précédent.
En effet, a-t-elle relevé, sur les 48 acteurs mentionnés en annexe du rapport comme pratiquant les violences sexuelles liées aux conflits, 37 sont des groupes armés non étatiques, alors même que tous les instruments du système des Nations Unies sont faits principalement pour lier les États.
Dès lors, a ajouté la Représentante spéciale, il faut de nouvelles approches et de nouveaux outils. Elle a cité des défis politiques et opérationnels et plaidé pour que l’on se concentre sur ceux qui commettent les violences sexuelles liées aux conflits de manière persistante. Cela supposera le soutien du Conseil de sécurité.
Pour Mme Bangura, ces violences sexuelles sont utilisées non pas seulement comme une tactique de guerre, mais comme une tactique terroriste, et elle a rappelé que, sans exception, le premier signe de violence extrémiste est toujours la restriction des droits des femmes. La violence sexuelle n’est pas marginale dans l’idéologie ou la stratégie de tels groupes, elle en est partie intégrante.
La représentante spéciale a en outre rappelé qu’après avoir subi ces atrocités en captivité, les victimes sont souvent confrontées à la mise à l’écart que leur impose leur communauté. La violence sexuelle, a-t-elle affirmé, est le seul crime qui stigmatise la victime plutôt que l’auteur. Il ne suffit donc pas de « ramener nos filles », comme on l’a dit pour les lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria, il faut aussi les remettre dans un environnement qui les soutient. La réintégration sociale et économique est un impératif.
La représentante spéciale a également expliqué que la perspective de bénéficier d’esclaves sexuelles sert aussi à attirer des recrues dans les groupes armés, et de compensation pour les combattants, ce qui signifie que ces actes font partie de l’économie politique du terrorisme, tout comme le trafic de pétrole, de drogue ou d’antiquités.
Enfin, Mme Bangura a rappelé quelques aspects du rapport du Secrétaire général qui touchent à des aspects peu traités à ce jour des violences sexuelles liées aux conflits: le sort des enfants nés de viols, celui des violences sexuelles contre les hommes et les garçons, notamment dans le contexte de la détention et des interrogatoires, ou encore la vulnérabilité particulière des déplacés et réfugiés, à tous les stades de leur déplacement et pas seulement dans les camps.
Rappelant que, depuis son entrée en fonctions, elle avait mis l’accent sur l’appropriation et la responsabilité nationale des pays affectés, Mme Bangura a estimé que l’on avait désormais une bonne vision des lacunes du cadre normatif offert par les résolutions du Conseil de sécurité, qui servent de guide conceptuel et opérationnel à ses services. Elle a donc demandé au Conseil de sécurité d’envisager une nouvelle résolution qui fournisse les outils nécessaires à une réponse globale et multidimensionnelle qui prenne en compte les modifications rapides du panorama international de la paix et de la sécurité.
Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO, Rapporteure spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a expliqué que la traite des êtres humains est un « concept parapluie » sous lequel se cachent différentes formes d’exploitations ». Le but de la traite est d’exploiter et d’abuser des gens en position de vulnérabilité et cette traite est bien souvent la conséquence des crises et des conflits. Après avoir longuement élaboré sur ce postulat, la Rapporteure spéciale a mis l’accent sur les liens « beaucoup moins connus » entre traite des êtres humains et situations de conflit ou postconflit. Elle a d’abord cité la question « cachée » de la traite des travailleurs migrants vers les zones de conflit puis souligné le fait que les gens qui fuient les conflits s’exposent aux trafiquants d’organes. Elle a attiré l’attention sur les cas en Égypte où on a prélevé des organes à des réfugiés. En troisième lieu, elle a parlé de ces réfugiées syriennes victimes de la traite qui se sont retrouvées enfermées dans des mariages forcés dans lesquels les maris les jettent dans la prostitution. L’exploitation et la violence sexuelles est le quatrième lien qu’elle a cité, avant de s’attarder sur le dernier: le travail des enfants.
Parmi les 14 recommandations qu’elle a faites, la Rapporteure spéciale a préconisé que la traite des enfants soit liée aux six graves violations et abus qui servent de critères à la « Liste » du Rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Le système de l’ONU, a-t-elle poursuivi, doit accorder au travail forcé le même niveau d’attention qu’elle accorde à l’exploitation sexuelle et mettre en place une politique de « tolérance zéro » pour les violations du droit du travail. Elle a aussi milité pour que les mesures anti-traite soient intégrées dans toutes les interventions humanitaires dans les zones de conflit. Elle a conclu en insistant sur la protection des enfants qui ne devraient jamais être détenus pour immigration illégale. Il faut rechercher des solutions durables au cas par cas dans le meilleur intérêt des enfants.
Mme LISA DAVIS, Représentante du Groupe de travail des ONG sur les femmes et la paix et la sécurité, a attiré l’attention sur cinq domaines. Premièrement, a-t-elle dit, les États Membres doivent s’acquitter de leurs obligations envers ceux qui ont fui les violences liées aux conflits. Elle a exhorté les donateurs à financer les soins de santé sexuelle et reproductive, y compris l’accès à l’avortement médicalisé. Les États Membres devraient concrétiser les engagements pris lors du dernier Sommet humanitaire mondial et prendre des mesures pratiques pour appuyer les nouveaux mécanismes de financement pour les femmes et les filles, en tant que leaders et décideurs; pour réduire la vulnérabilité, y compris à la traite, pour assurer l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive dans les situations de crise, et pour mettre fin à l’impunité.
Deuxièmement, tous les gouvernements, y compris les membres du Conseil de sécurité, doivent condamner la répression accrue des militantes des droits de la femme et des organisations des femmes. Toutes les stratégies de sécurité nationale, y compris celles relatives à la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent, devraient être fondées sur les droits de l’homme et adhérer au droit international humanitaire. Les efforts de la communauté internationale pour faire face à la menace de l’extrémisme violent ne peuvent réussir tant que les militantes des droits de la femme seront menacées.
Troisièmement, la collecte des preuves sur la violence des combattants contre toutes les personnes marginalisées doit être appuyée, dont les violations des droits des LGBT en Syrie ou en Iraq. Le Conseil de sécurité doit faire en sorte que les crimes commis contre ces personnes marginalisées en période de conflit soient jugés. La communauté internationale dispose de nombreuses options pour soutenir l’accès à la justice aux niveaux local, national et international. Le Conseil de sécurité et les États Membres devraient élargir leur appui politique et financier, y compris la saisine de la Cour pénale internationale.
Quatrièmement, le Conseil de sécurité doit vraiment améliorer la mise en œuvre quotidienne de sa résolution sur les femmes, la paix et la sécurité. Il doit resserrer le lien entre protection et participation et droits de la femme et demander au personnel des missions de l’ONU de tenir des consultations régulières avec les organisations locales de femmes. Le Conseil de sécurité doit garantir une protection adéquate aux lanceurs d’alerte dans les cas d’exploitation et d’abus sexuels commis par des Casques bleus. Les négociations de paix doivent être transparentes et impliquer les femmes mais les efforts de ces femmes doivent être appuyés sur le long terme. Les pourparlers de paix doivent véritablement et de manière holistique inclure les femmes et la société civile.
Enfin, Mme Davis a estimé qu’on ne saurait assez souligner l’urgence de freiner le flux des armes qui exacerbe les niveaux de violence sexuelle. Le Conseil de sécurité doit s’attaquer à cette question, y compris en encourageant les États à ratifier le Traité sur le commerce des armes et établir une réglementation nationale et régionale conformément à la recommandation générale numéro 30 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La prévention doit également tenir compte du rôle des gouvernements et des acteurs non étatiques qui facilitent le trafic d’armes, y compris les bases militaires qui deviennent des plaques tournantes de ce trafic.
« Nous devons faire plus et mieux exploiter les outils à notre disposition pour aider les rescapés de la violence sexuelle », a estimé Mme MICHELE J. SISON (États-Unis). Il reste des défis redoutables, a-t-elle dit, notamment lorsqu’il s’agit de tenir pour responsables de leurs actes les acteurs non étatiques, évoquant la multiplication des actes de violence sexuelle commis par des terroristes. Les résolutions 2199 et 2253 et leur Comité sont des instruments « très importants » pour punir les responsables. Inquiète par la migration massive à partir de la Syrie, de l’Iraq et de la Corne de l’Afrique et par « des passeurs qui demandent des faveurs sexuelles en contrepartie de leurs services », la représentante a rappelé l’annonce que son pays a faite lors du récent Sommet humanitaire d’Istanbul sur une contribution de 10 millions de dollars pour prévenir et lutter contre la violence sexuelle dans les situations d’urgence. Les États-Unis ont aussi promis une enveloppe de 40 millions de dollars pour le soutien psycho-social des victimes, notamment au Nigéria. La représentante a argué que l’autonomisation des femmes est une arme efficace contre l’extrémisme violent. « Nous avons aussi besoin de femmes en uniforme pour rétablir la confiance et de parlementaires femmes pour palier aux griefs qui mènent certains à se tourner vers le terrorisme, a-t-elle conclu.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a rappelé que la résolution 1820 (2008) a été la première résolution dans laquelle le Conseil de sécurité a examiné exclusivement le problème de la violence sexuelle dans les conflits. Cette violence sexuelle peut être évitée si des mécanismes de condamnation, de prévention et de sanctions appropriés sont mis en place. Le représentant a proposé plusieurs mesures concrètes au Conseil de sécurité et d’abord le renforcement du mandat de la Représentante spéciale du Secrétaire général. Il a ensuite estimé qu’il faut mettre en place des mécanismes de coopération judiciaire, y compris à travers Interpol, pour que la traite des êtres humains fasse l’objet d’une meilleure prévention aux plans régional et international. De même, le Conseil devrait imposer des sanctions aux individus responsables de la traite.
Le représentant a également souhaité doter toutes les missions de maintien de la paix de l’ONU de « conseillères » pour la protection des femmes, dont le coût serait imputé au budget ordinaire de l’ONU. Pour combattre l’impunité, il faut aussi « reconnaître que les victimes de la violence sexuelle sont en fait des victimes du terrorisme » et qu’elles doivent recevoir le même niveau de protection.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) s’est félicité que l’Assemblée générale ait adopté l’année dernière par consensus une résolution historique proclamant le 19 juin, Journée internationale pour l'élimination de la violence sexuelle dans les conflits. Il a appuyé les efforts initiés pour inclure les femmes à tous les niveaux des activités de maintien de la paix conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité. L’Égypte, a-t-il dit, fait partie des 17 États africains qui ont élaboré un plan national de mise en œuvre de la résolution 1325. À ce titre, le représentant a souhaité que le rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles en situation de conflit se limite aux domaines encadrés par les résolutions pertinentes. Ce rapport « déborde » car au lieu de se concentrer sur les victimes des conflits, il aborde des questions « controversées » contraires aux accords internationaux. Le représentant en a profité pour attirer l’attention sur la situation des femmes palestiniennes et a conclu sur l’urgence de donner la priorité à la lutte contre les violences sexuelles en tant que tactique de guerre ou tactique terroriste.
M. WU HAITAO (Chine) a appelé à mettre en œuvre une réelle politique de tolérance zéro contre les violences sexuelles et dit la volonté de son pays de contribuer à la lutte mondiale contre les horreurs auxquelles sont confrontées les femmes et les filles dans les zones de conflit. Il a jugé urgent d’intensifier les efforts contre les groupes terroristes qui se financent grâce à la traite de femmes et filles et recourent aux violences sexuelles comme arme de guerre. En toute chose, a prévenu le représentant, il faut respecter la souveraineté des pays concernés et leur fournir des moyens financiers, techniques et humains de lutter contre tous les aspects de la traite des femmes et des filles. La Chine souhaite contribuer à l’avènement d’un environnement international basé sur la solidarité et la sécurité pour tous, a conclu le représentant.
M. HIROSHI MINAMI (Japon) a d’abord mis l’accent sur la construction d’un cadre juridique national et international pour lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits et à la traite des êtres humains. Il a rappelé l’importance d’un renforcement de l’appropriation, du leadership et de la responsabilité nationaux dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits. À cet égard, il a mis l’accent sur les réformes des secteurs de l’armée, de la police et de la justice afin de les rendre plus à même de punir les auteurs de ces crimes. Le Japon soutient ainsi fortement l’équipe d’experts sur l’état de droit, dont il est le principal bailleur de fonds. Sur le plan international, le Japon estime que la Convention contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, et le Protocole sur la traite des personnes sont les instruments les plus efficaces, sans oublier le rôle de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). De même, le Japon estime que la Cour pénale internationale (CPI) peut jouer un rôle répressif tout en venant en aide aux victimes, et souhaite que le Statut de la Cour devienne enfin universel.
Le représentant a ensuite noté que la majorité des criminels mentionnés dans le rapport de la Rapporteure spéciale sont des groupes armés non étatiques. Il faut donc se poser la question fondamentale de savoir comment contraindre de tels acteurs à respecter les normes internationales, y compris les résolutions du Conseil de sécurité. À cet égard, le Japon salue le travail de la Rapporteure spéciale qui est parvenue à négocier avec certains de ces groupes, en République démocratique du Congo et au Soudan du sud, entre autres. Le Japon estime que le Conseil devrait apporter son plein soutien à Mme Bangura, a conclu le représentant.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) s’est dit préoccupé par le recours à la violence contre la population civile, notamment par des groupes terroristes, ce qui porte atteinte aux droits de l’homme les plus fondamentaux. D’après lui, « la violence sexuelle et la violence sexiste sont des modalités de répression et d’assujettissement odieuses ». Il a dénoncé les grossesses, les avortements et les mariages forcés qui stigmatisent l’être humain. Les victimes, a-t-il déploré, sont « doublement touchées », car leur santé sexuelle et procréative souffre de conséquences irrémédiables.
Le représentant a dit avoir lu avec inquiétude dans le rapport du Secrétaire général que Daech demande aux médecins d’accélérer la puberté chez les filles pour pouvoir les « vendre » plus vite. La communauté internationale, a-t-il souligné, doit assurer les droits sexuels et reproductifs des femmes dans les conflits et protéger les enfants qui naissent dans ces conflits. Le représentant a aussi condamné la violence contre la communauté LGBT.
Créer une chaîne de travail des institutions locales et des organisations d’aide humanitaire, aux côtés des soldats de la paix, est la seule voie possible pour réintégrer les victimes et recueillir les données indispensables sur les auteurs des exactions, a précisé le représentant. Il a jugé que les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont un « instrument important pour prévenir et faire face à la violence sexuelle », et qu’il faut y inclure davantage de femmes. Pour sa part, l’Uruguay a déployé 1 000 soldats à la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo, réaffirme son attachement à la politique de « tolérance zéro » et estime que la question examinée aujourd’hui doit être inscrite à l’ordre du jour des comités des sanctions du Conseil de sécurité.
Choqué par les données sur les viols collectifs et la violence sexuelle en période de conflit, M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) s’est félicité que le Conseil de sécurité ait « brisé le tabou ». En tant que Président d’un des comités du Conseil de sécurité, le représentant a rappelé qu’il s’est rendu en République centrafricaine où, a-t-il noté, les enfants représentaient 41% des victimes de la violence sexuelle en 2015. La violence sexuelle et la traite des personnes sont « la carotte et le bâton » des groupes terroristes et extrémistes. Il est donc essentiel de comprendre leur stratégie pour la contrer. À cause de la stigmatisation, les plaintes sont rares et « de nombreuses victimes souffrent en silence », s’est-il indigné. « Nous devons continuer de parler ouvertement de ce problème » et élaborer des systèmes de sécurité et de justice pour prévenir la violence sexuelle et lutter contre l’impunité, a-t-il insisté.
En Ukraine, a affirmé le représentant, nous avons constaté une augmentation des cas de violence sexuelle avec l’agression russe. Il a donc regretté que le Secrétaire général ne fasse mention dans son rapport des zones de Donetsk et de Luhansk sous le contrôle des séparatistes soutenus par la Fédération de Russie. Il a voulu que le mandat des procédures spéciales de l’ONU s’élargisse à ces zones.
M. GORGUI CISS (Sénégal) s’est félicité que l’Assemblée générale ait adopté par consensus une résolution proclamant le 19 juin Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit. Il a regretté que la question de cette violence continue de s’imposer comme une triste réalité bien qu’elle figure parmi les priorités du Conseil de sécurité depuis plus de 10 ans. Pour chaque cas de viol déclaré dans une zone de conflit, dix ne le sont pas par peur des pressions socioculturelles. Il a jugé indispensable que la lutte contre la traite des êtres humains soit dotée d’une stratégie holistique articulée autour de quatre piliers que sont la prévention, la protection, la réinsertion et la reddition de comptes. Il est nécessaire d’intégrer des cadres de lutte contre la violence sexuelle dans tous les accords de paix et de cessez-le-feu et dans toutes les phases de maintien et de consolidation de la paix. Au niveau régional, il a estimé que la prévention de la violence sexuelle devait commencer par la mise en œuvre des instruments régionaux existants, notamment la résolution 283 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et a suggéré que l’autonomisation des femmes soit placée au cœur de la lutte contre le terrorisme.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) s’est dit choqué par l’ampleur et la cruauté sans précédent du phénomène de la violence sexuelle. Il s’est notamment inquiété de la cruauté des groupes terroristes, notamment Daech, à l’encontre des femmes et filles. La lutte contre la menace terroriste ne sera possible que si l’on renforce la coopération internationale. Le représentant russe s’est dit particulièrement préoccupé par des informations faisant état de la mise en place d’une infrastructure criminelle pour exploiter les réfugiés, en particulier les mineurs non accompagnés, qu’il s’agisse de la traite, de la prostitution et de l’esclavage sexuel.
Commentant le rapport présenté aujourd’hui, le représentant a dénoncé une tendance à s’éloigner des terminologies conventionnelles et agréées par le Conseil de sécurité. On tente, a-t-il accusé, de remplacer la notion de lutte contre la traite des êtres humains en situation de conflit par les termes « plus flous » de « violence sexuelle dans les situations de conflit ». Ces tentatives de revenir sur des dispositions convenues est « préoccupante » car elle efface la démarcation entre « maintien de la paix » et « criminalité et droits de l’homme ». Évitons, a conseillé le représentant, de mettre ces questions au service de questions controversées comme l’identité sexuelle. Le représentant a conclu en regrettant que son homologue ukrainien « ait essayé une fois de plus de rejeter sur la Fédération de Russie la responsabilité de la souffrance des populations de l’est de l’Ukraine ».
« Il n’existe aucune justification d’aucun type pour ces actes odieux », a déclaré M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) en préconisant l’application du principe de responsabilité avec des sanctions exemplaires. L’économie de la guerre exploite les drames humains et les secteurs les plus vulnérables de la population, a-t-il constaté. Il s’est demandé comment promouvoir des engagements concrets dans le domaine de la prévention quand la violence sexuelle est le fait de groupes armés « qui ne sont pas qualifiés de groupes terroristes par le Conseil de sécurité » et a favorisé, dans ce cas, « des accords ponctuels ».
Selon le représentant, il faut aider les pays à renforcer leurs capacités institutionnelles et techniques pour faire face à la violence sexuelle. S’agissant des infractions commises par le personnel de l’ONU dans le cadre des opérations de maintien de la paix, il a prôné comme les autres la politique de « tolérance zéro ». La violence sexuelle ayant atteint des niveaux sans précédent dans les groupes terroristes au Moyen-Orient et en Afrique, il a lancé un appel à la communauté internationale pour que soit pleinement respectée l’interdiction de leur fournir des armes et un appui financier et logistique. La lutte contre la pratique criminelle de la traite dans les conflits exige un débat élargi et démocratique avec la pleine participation des États Membres et du système des Nations Unies.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a jugé « totalement inacceptable » que la violence sexuelle pendant les conflits continue de se produire à grande échelle et que les auteurs de ces crimes soient récompensés par l’impunité. « Très peu de mesures concrètes sont prises par les membres du Conseil de sécurité », a-t-il regretté.
La violence sexuelle est devenue une tactique de guerre et une menace pour la paix et la sécurité internationales, a insisté le représentant. Il a invoqué le Plan d’action des Nations Unies pour prévenir la violence et l’extrémisme et les dispositions prévoyant l’autonomisation des femmes qui indiquent que « les femmes sont un moteur essentiel d’une paix durable ». Il s’est inquiété de la stigmatisation sociale et des traumatismes physiques et psychologiques infligés aux victimes. La police et l’appareil judiciaire doivent avoir des moyens renforcés pour susciter la confiance et établir la responsabilité des criminels, les décourager et rétablir l’état de droit. Préoccupé par les allégations d’atteintes sexuelles perpétrées par le personnel de l’ONU, notamment contre des mineurs en République centrafricaine et en Somalie, il a appuyé la politique de « tolérance zéro » et souhaité une présence accrue de conseillères sur le terrain pour faciliter le dialogue avec les parties au conflit.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est particulièrement inquiété de la situation des femmes yezidi qui continuent d’être vendues comme de la marchandise dans les territoires contrôlées par Daech. « Ce type de crimes se poursuit en Iraq, en Syrie, en Afghanistan et en RDC », a dénoncé le représentant. Citant quatre mesures proposées par son pays, il a souligné l’urgence de mettre de l’ordre dans le chaos semé par des groupes comme Daech et Boko Haram. Nous devons faire en sorte que les forces militaires et de sécurité puissent prévenir la violence sexuelle et y réagir. La reddition de comptes ne pouvant être sélective, il faut aussi renforcer la capacité des gouvernements de poursuivre les coupables. Nous devons lutter contre la stigmatisation à l’égard des survivants de la violence sexuelle dans les conflits et contre toute culture qui tolère ou justifie cette violence, a-t-il encore dit. Dans ce contexte, il a regretté que la décision sur les demandes de statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) de 250 ONG ait été reportée cette semaine par le Comité des ONG « sous différents prétextes ». Il a rappelé l’utilité de ces ONG qui sont en première ligne de la lutte pour les droits de l'homme et l’autonomisation des femmes.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a rappelé la pertinence de la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité de décembre 2015 sur la traite des êtres humains et la violence sexuelle. Cette violence, a-t-il constaté à son tour, est devenue une tactique de terreur des groupes armés. Il est donc urgent d’innover pour contrer cette terrible tendance. Le rapport du Secrétaire général, a fait observer le représentant, démontre le caractère systématique et prémédité des actes de violence sexuelle. Pour appâter les combattants, les groupes terroristes n’hésitent pas à promettre des esclaves sexuelles. Il faut, a insisté le représentant, que le cinquième examen de la Stratégie des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, prévu ce mois-ci, soit l’occasion de rechercher des moyens innovants de lutter contre la violence sexuelle, en mettant l’accent sur l’autonomisation des femmes. Le représentant s’est particulièrement inquiété de la stigmatisation qui entoure les femmes victimes de violence sexuelle et les enfants nés de cette violence.
M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) a déclaré qu’il faut redoubler d’efforts pour faire face aux conditions qui ont laissé les civils vulnérables aux abus et à l’exploitation, et permis aux groupes terroristes et criminels de commettre ces crimes en toute impunité. Le représentant a ajouté que la flambée actuelle de violence sexuelle liée au conflit est dans la plupart des cas la conséquence des conflits prolongés et l’effondrement des mécanismes de protection et des cadres nationaux de justice. Nous ne pourrons espérer une amélioration significative que lorsque ces conflits seront résolus et les groupes responsables de la majorité de ces crimes défaits.
Nous devons aussi contrer les récits qui tentent de rendre légitimes et de justifier ces pratiques. Le représentant a apporté son appui à l’appel du Secrétaire général pour intégrer les efforts visant à combattre les stratégies préméditées et systématiques contre les civils, en particulier les femmes et les filles, dans les stratégies de prévention contre l’extrémisme violent. Nous devons faire plus aux niveaux national, régional et international, a-t-il dit, en précisant que dans les pays, il faut des cadres et des processus pour poursuivre les coupables, y compris les étrangers. Nous devons travailler étroitement avec les autres États pour identifier ces individus.
Après avoir énuméré les efforts de la Nouvelle-Zélande, le représentant a dit qu'au niveau international, le Conseil de sécurité a un rôle à jouer, y compris à travers les régimes de sanctions contre Al-Qaida et Daech. En tant que Présidente du Comité des sanctions contre Al-Qaida/Daech, la Nouvelle-Zélande est prête à discuter de la manière de rendre plus efficaces les mesures contre la traite des êtres humains qui est devenue « facilitateur » pour les groupes terroristes. Il ne faut pas perdre de vue, a prévenu le représentant, la nécessité de guérir les cicatrices des individus et des communautés et de demander des comptes aux responsables. Il est temps de tout faire pour collecter et préserver les preuves de la violence contre les femmes et les filles.
Les causes de la traite à des fins sexuelles méritent d’être mieux prises en compte, a estimé M. FRANÇOIS DELATTRE (France). Elles sont fondées sur une inégalité de traitement des genres et, pour y remédier, l’autonomisation des femmes doit être renforcée dans les domaines de l’éducation et de la santé. Il a notamment défendu « la possibilité d’avorter en cas de viol commis en situation de conflit, y compris dans les camps de réfugiés ». Il s’agit ici d’un droit essentiel de chaque femme à disposer d’elle-même, un droit dont la France a fait une priorité, a-t-il souligné.
D’après M. Delattre, le traitement insuffisant des questions de genre par le Conseil de sécurité en raison des désaccords en son sein constitue encore un obstacle à l’amélioration de la condition des femmes dans les conflits. De même, les violences sexuelles commises en situations de conflit et l’agenda « Femmes, paix et sécurité » sont trop souvent considérés comme distincts des menaces à la paix et la sécurité internationales. En réalité, a-t-il poursuivi, ces formes de violences, qui font partie intégrante de la stratégie de groupes terroristes tels que Daech ou Boko Haram, constituent bien une menace à court et long termes. Il l’a constaté en Syrie, en Iraq, en Afghanistan, au Soudan, en République démocratique du Congo, en Somalie et ailleurs. « Car les enfants nés de violence sexuelle aujourd’hui risquent d’être les criminels, voire les terroristes de demain », a-t-il mis en garde.
Le représentant a présenté quatre propositions d’action pour le Conseil de sécurité et le Secrétariat. Premièrement, a-t-il dit, nous devons renforcer les mandats de protection des civils des opérations de maintien de la paix. Deuxièmement, nous devons mieux prendre en compte la question de la traite humaine, avec un travail plus approfondi d’identification des individus et des entités qui, par leur implication, financent les groupes terroristes. Ensuite, a-t-il continué, nous devons intégrer plus systématiquement ces crimes à la dimension sexuelle dans les efforts de médiation et de négociation d’accords de paix ou de cessez-le-feu. Enfin, a-t-il conclu, nous devons renforcer le rôle et la participation des femmes dans les stratégies de lutte contre la traite et le terrorisme.
« Le devoir d’exemplarité s’applique à tous », a également jugé le représentant, et il est essentiel que l’ONU et ses États Membres adoptent des mesures concrètes pour prévenir et lutter contre toute forme de violence sexuelle.
Au nom des pays nordiques, M. OLOF SKOOG (Suède) a déclaré qu’une réponse globale exige de placer les efforts dans l’agenda plus large de la paix et du développement durable, à savoir traiter des causes sous-jacentes des conflits, lutter contre la pauvreté et renforcer les capacités nationales, avec la mise à disposition des ressources sur le long terme. Pour que cette approche réussisse, il faut un changement de perspective à différents niveaux et d’abord accorder plus d’attention à la prévention, ce qui veut dire faire passer les femmes du rôle de victimes à celui d’agents du changement, renforcer les liens entre émancipation économique des femmes, participation politique des femmes et exercice des droits de la femme, transformer les institutions, les normes et les comportements et impliquer les hommes et les garçons à la promotion de l’égalité entre les sexes.
Il faut aussi une approche institutionnelle plus holistique et plus cohérente, ce qui veut dire des partenariats plus dynamiques et une appropriation nationale renforcée et des processus inclusifs, y compris avec les acteurs non étatiques. Enfin, la lutte contre la traite et la violence sexuelle liée aux conflits requiert des ressources et un engagement à long terme et en la matière, le Réseau des médiatrices des pays nordiques dont l’objectif est de contribuer aux efforts de médiation de l’ONU, est l’une des illustrations de l’engagement de ces pays.
M. HARALD BRAUN (Allemagne) a jugé notable que, même dans le contexte de conflits aussi brutaux que ceux de la Syrie ou de l’Iraq, la violence sexuelle puisse encore se distinguer dans leur horreur et a rappelé les atrocités subies notamment par les femmes yézidies, dont certaines ont trouvé refuge en Allemagne. Pour notre pays, a poursuivi le représentant, les régimes de sanctions des Nations Unies peuvent être des instruments utiles pour lutter contre la violence sexuelle. Il faut toutefois aller plus loin et y inclure la perspective « genre », par exemple en considérant la violence sexuelle comme un déclencheur de sanctions. Le représentant a ensuite rappelé le rôle que peuvent jouer les associations de femmes face à la violence sexuelle et les liens entre cette violence, la traite et les conflits. Il s’est félicité des efforts consentis pour mieux intégrer les dispositions de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité dans le système onusien mais a estimé que l’on pourrait faire plus, notamment en rattachant cette question aux objectifs de développement durable.
Mme KATALIN ANNAMARIA BOGYAY (Hongrie) a déclaré que de nombreuses étapes devraient être franchies pour l’efficacité de la lutte contre cette menace mondiale qu’est la violence sexuelle liée au conflit et la traite des êtres humains. Les États doivent jouer un rôle plus actif et assumer leur leadership. La représentante a réaffirmé l’engagement de son gouvernement en la matière et insisté sur l’importance qu’il y a à mettre en œuvre effectivement les instruments internationaux pertinents. Elle a ajouté que les efforts de prévention et de protection sont nécessaires pour protéger les femmes et les filles affectées par les conflits de la traite. Les États doivent aussi faire en sorte que ceux qui sont envoyés pour protéger les populations ne soient pas complices de leur exploitation. Insistant pour conclure sur l’obligation de traduire les présumés coupables ne justice, elle a souligné l’appui de son pays à la participation des femmes à la prévention et la résolution des crises.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a salué cette réunion comme le moyen de consolider l’engagement international en faveur de la lutte contre la violence sexuelle dans les conflits, après l’adoption de la résolution 2253 (2015) qui condamnait l’enlèvement des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et la déclaration présidentielle de décembre dernier. La Convention des Nations unies contre le crime organisé et son Protocole, ainsi que l’expertise des agences spécialisées telles que l’ONUDC constituent de bonnes bases pour le rapport du Secrétaire général et son suivi, a ajouté le représentant. Après avoir rappelé les différentes contributions de son pays, M. Cardio a préconisé une approche holistique, comme l’Italie le fait déjà en matière de migrations.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a estimé que la Journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle liée au conflit, qui sera célébrée pour la première fois le 19 juin, représente un moment idoine pour dresser un bilan des progrès accomplis et des défis à relever. Il a rappelé le caractère essentiel de la reddition de comptes et estimé que les Tribunaux pénaux internationaux avaient fait progresser de manière importante la lutte contre l’impunité, citant an particulier l’arrêt Akayesu du Tribunal pénal international pour le Rwanda qui, en 1998, a estimé que les agressions sexuelles constituaient en la circonstance un acte de génocide. Il a de même rappelé que la Cour pénale internationale (CPI) avait, en mars dernier, jugé responsable, au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique, Jean-Pierre Bemba Gombo, des viols commis par ses subordonnés. Ces verdicts importants lancent un message clair: l’impunité en matière de violence sexuelle liée aux conflits n’est pas une option, a déclaré M. Wenaweser.
Le représentant a rappelé que la première déclaration présidentielle sur la traite des êtres humains, adoptée en décembre dernier, mettait l’accent sur l’importance de la coopération internationale et les questions soulevées dans le document de réflexion de la présidence française en sont la suite logique. Le Liechtenstein apprécie notamment les suggestions présentées pour une action concrète du Conseil de sécurité dans le cadre de ses activités spécifiques à certains pays. Le Liechtenstein voit aussi d’importantes possibilités dans le suivi des flux financiers générés par la traite, qui est non seulement un crime international mais aussi une des sources les plus lucratives de financement du crime organisé.
Enfin, a conclu le représentant, le Liechtenstein plaide pour que l’on lutte contre la culture de l’impunité. Là où les juridictions nationales échouent, la justice pénale internationale doit intervenir. Aux termes du Statut de Rome, a-t-il rappelé, l’esclavage -interdit par le jus cogens et néanmoins largement répandu et impuni– peut constituer un crime contre l’humanité et l’esclavage sexuel, un crime de guerre. La Cour pénale internationale pourrait jouer un rôle « catalytique » en poursuivant de tels crimes, a conclu le représentant.
M. IOANNIS VRAILAS, de la délégation de l’Union européenne, a rappelé que la traite était très marquée par le genre. Les plus récentes données de l’Union européenne montrent que la traite à des fins d’exploitation sexuelle est la forme la plus répandue et vise principalement les femmes et les filles. Il a également noté une augmentation alarmante du nombre de victimes et appelé à un effort de la communauté internationale pour lutter contre les formes les plus haineuses d’exploitation que les groupes terroristes imposent aux populations, traitant les femmes et les filles comme des biens susceptibles d’être échangés, donnés ou trafiqués. Il a également rappelé le cynisme de l’économie de guerre qui permet, en exploitant des êtres humains, de s’enrichir et de financer des causes destructrices. Le représentant a souligné que si les cas de Daech est bien connu, il y a aussi d’autres groupes terroristes qui agissent de la même manière dont Boko Haram. La menace est mondiale comme le montrent les situations en Syrie, au Yémen, en Somalie au Sahel ou encore en République démocratique du Congo. Il faut mieux comprendre le lien entre violence sexuelle liée aux conflits et traite des personnes, a-t-il encore plaidé.
L’Union européenne met en avant le renforcement de la dimension préventive aux niveaux mondial, régional et national. Elle demande que soit mieux prise en compte la dimension humaine, et notamment que l’on accorde davantage d’importance et de moyens à la protection des civils, ainsi qu’aux politiques et pratiques d’assistance humanitaire en faveur des survivantes. Une telle assistance doit être multidimensionnelle et inclure des soins médicaux, psychologiques ainsi que des services juridiques et une assistance socioéconomique.
L’Union européenne insiste également sur le renforcement de la réponse judiciaire. Les États doivent renforcer leur législation interne et mettre en œuvre les conventions internationales existantes, et notamment la Convention des Nations Unies contre le crime organisé et son Protocole sur la prévention de la traite. Ils doivent aussi utiliser pleinement les moyens créés par le Conseil de sécurité pour combattre la violence sexuelle liée aux conflits, y compris en renforçant les régimes de sanctions. L’Union européenne salue donc le fait que le Conseil ait, dans sa résolution 2253 (2015), introduit des critères liés à l’exploitation sexuelle dans la définition des groupes terroristes. L’Union européenne salue également l’importante contribution de la CPI et du Bureau du Procureur, tout en rappelant le caractère complémentaire de la Cour: c’est aux États qu’il incombe en premier lieu de poursuivre les auteurs de tels crimes.
M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a déclaré que le Gouvernement géorgien ne ménage aucun effort pour développer et mettre en œuvre des normes élevées pour la protection des droits de la femme. Il a attiré l’attention sur la situation humanitaire et des droits de l’homme dans les territoires occupés de Géorgie qui représentent des « trous noirs » où aucun mécanisme international de surveillance n’est autorisé à travailler. Dans ces territoires, les droits de la femme font l’objet de violations graves. Sur le plan international, le Ministère géorgien de la défense a, pour sensibiliser ses soldats de la paix, incluent dans la formation pré-déploiement les questions liées au genre et les résolutions pertinentes de l’ONU, a affirmé le représentant.
Mme CAITLIN WILSON (Australie) s’est félicitée de l’accent mis par le Plan d’action des Nations Unies pour la prévention de l’extrémisme violent et a exhorté le Conseil d’adopter des mesures concrètes pour le mettre en œuvre et contrer ainsi l’utilisation des violences sexuelles comme tactique terroriste. Pour l’Australie, le rapport du Secrétaire général donne d’utiles recommandations en ce sens. L’Australie, a-t-elle dit, soutient les efforts des Nations Unies et de la communauté internationale et estime que le Conseil devrait améliorer encore ses capacités d’alerte précoce et de prévention.
Mme Wilson a rappelé que la lutte contre la violence à l’encontre des femmes constitue une priorité du Gouvernement australien et une composante de sa politique étrangère et de ses programmes d’assistance. Lutter contre la traite des êtres humains et l’esclavage est un moyen important de lutter contre ces violences, a-t-elle ajouté, en précisant que son pays avait lancé en mars dernier une stratégie contre la traite et l’esclavage, dans le cadre de laquelle l’Australie travaille avec plusieurs États partenaires de la région Asie-Pacifique pour renforcer la réponse judiciaire. Cette stratégie, a-t-elle précisé, comprend quatre piliers: prévention et dissuasion, détection et enquête, poursuites, et protection et soutien aux victimes.
Selon Mme MARÍA EMMA MEJÍA VÉLEZ (Colombie), il faut adopter d’urgence des mesures de prévention qui prennent en compte la vulnérabilité particulière des femmes et des enfants dans le contexte des conflits. Comme dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, des réponses conjointes et articulées sont nécessaires. Elles doivent se reposer sur la coopération internationale et la participation de la société civile, en l’occurrence les organisations de femmes.
Pour sa part, le Gouvernement colombien a développé une stratégie interinstitutionnelle de lutte contre la traite des personnes, a indiqué la représentante qui a constaté « avec plaisir » que le Secrétaire général a souligné dans son rapport que le processus de paix a bien progressé en Colombie et que des normes ont été adoptées pour aider les victimes de la violence sexuelle. Elle a mentionné l’Accord du 15 mai dernier relatif à la sortie des mineurs des camps des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et salué l’aide apportée par la Représentante spéciale du Secrétaire général.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a rappelé que la situation sur le terrain restait malheureusement en décalage avec la volonté affirmée maintes fois par la communauté internationale d’endiguer et d’éliminer la violence sexuelle. Elle a aussi noté que, si la majorité des parties figurant dans l’annexe du rapport du Secrétaire général comme recourant à la violence sexuelle dans les conflits sont des groupes non étatiques, les États ne sont pas pour autant innocentés. Elle a cité, à cet égard, le régime syrien dont l’« arsenal de la terreur » contribue aux déplacements massifs des populations. Mme Lucas a ensuite dénoncé comme un nouveau « paroxysme de l’horreur » l’économie de guerre mise en place par Daech, dans laquelle la traite des personnes à des fins sexuelles joue un rôle central. C’est pourquoi, a ajouté la représentante, la résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, qui inscrit sur la liste relative aux sanctions quiconque transfère des fonds à Daech dans le cadre de l’exploitation sexuelle, de traite ou de commerce, est si importante.
Le Luxembourg soutient pleinement les recommandations du Secrétaire général, notamment son appel à ce que le Conseil ajoute les violences sexuelles aux critères de désignation de tous les comités des sanctions et que ces derniers veillent à inscrire de manière systématique sur leurs listes les auteurs présumés de violence sexuelle. Le Luxembourg souhaite que le Conseil s’engage pour que les auteurs présumés de violence sexuelle systématique ou leurs commanditaires, soient traduits en justice, par exemple en déférant à la CPI les situations dans lesquelles de telles violences sont commises. Mme Lucas a rappelé que le déni et l’impunité sont les deux obstacles majeurs à la lutte contre la violence sexuelle dans les conflits. Nier que la violence sexuelle a une incidence sur la sécurité et la paix, c’est offrir l’impunité aux auteurs de ces actes, a encore affirmé la représentante.
M. KAIRAT ABDRAKHMANOV (Kazakhstan) a dit que la violence liée au conflit doit être abordée dans toutes ses dimensions étant donné qu’elle est liée, directement ou indirectement, à la nature du conflit, au profil des auteurs, aux victimes, au climat d’impunité, à l’effondrement de l’État, aux problèmes transfrontaliers ou aux violations des accords de cessez-le-feu. Contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, tous les efforts des Nations Unies nécessiteront une coordination avec les structures régionales, sans oublier que l’État est le premier responsable de l’élaboration des lois et du renforcement du système judiciaire.
Le représentant a plaidé pour une pleine mise en œuvre des résolutions 2170 et 2253 du Conseil de sécurité, estimant que certaines des recommandations faites après l’examen des régimes de sanctions de juin 2015 contribueraient à améliorer l’impact des mesures contre les individus et entités impliqués dans la traite. Il a confirmé l’appui de son pays à la politique de « tolérance zéro » et plaidé pour que les femmes soient pleinement impliquées dans les processus de prévention et de règlement des conflits et de la reconstruction postconflit.
Mme MINNA-LIINA LIND (Estonie) a souligné l’importance d’une bonne coopération régionale et sous-régionale en Europe, compte tenu de l’augmentation alarmante du nombre de victimes de la traite des êtres humains. Elle a jugé important de promouvoir l’égalité des sexes et de combattre les stéréotypes et les normes sociales qui encouragent la discrimination et la violence contre les femmes. L’Estonie en est à son deuxième plan d’action national sur l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité relative aux femmes, à la paix et à la sécurité. Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, la représentante a réitéré le rôle clef de la Cour pénale internationale.
M. DAVID DONOGHUE (Irlande) a rappelé qu’il y a désormais huit ans que le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1820, qui reconnait la violence sexuelle dans les conflits comme un crime de guerre et un crime contre l’humanité. Et pourtant, a-t-il constaté, le recours à ce type de violence comme arme de terreur se poursuit dans de nombreux conflits, y compris sous la forme de la traite des femmes et filles à des fins d’exploitation sexuelle, une forme de traite en hausse alarmante. Pour traiter de cette situation, il faut avant tout mettre en œuvre les mesures prises dans le cadre du thème « les femmes, la paix et la sécurité », a déclaré le représentant. Pour l’Irlande, les résolutions 1325 et 2242 du Conseil de sécurité, ainsi que d’autres textes importants comme la déclaration présidentielle adoptée en décembre dernier, ont créé un cadre juridique solide et une base sur laquelle on peut lutter contre la traite en fonction du contexte. Toutefois, a-t-il ajouté, les normes ne sont rien sans l’action; il faut donc agir.
M. Donoghue a estimé que l’on commençait à observer certains résultats positifs et a cité en particulier la participation active des femmes colombiennes dans le processus de paix en cours dans le pays. Il a aussi mentionné un séminaire actuellement en cours à Dublin sur la problématique homme-femme, dans le contexte des opérations de maintien de la paix. Mais, pour chaque exemple positif, on trouve d’autres cas de violence terribles, a ajouté le représentant. La traite à des fins d’exploitation sexuelle est un crime dont les effets se poursuivent longtemps après, compte tenu de la stigmatisation des victimes par leur propre communauté. Il faut donc assurer la lutte contre l’impunité pour de tels crimes, y compris par le biais de la justice pénale internationale, et il faut venir en aide aux victimes. Enfin, le représentant a rappelé que l’on ne pourrait lutter contre le fléau de la traite sans consentir davantage d’efforts pour prévenir et résoudre les conflits.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a déclaré que pour lutter contre la violence sexuelle liée au conflit, il faut sortir de la perspective « c’est un monde d’hommes ». Même l’outil le plus performant pour lutter contre ce fléau ne marchera pas si les femmes continuent d’être les spectatrices des négociations de paix, de la consolidation de la paix et du relèvement après conflit. Cette lutte requiert l’intégration de la perspective « genre » dans les travaux du Conseil et de tout le système des Nations Unies, avec des actions cohérentes et crédibles. Là où les actions nationales ne sont pas possibles, les mécanismes internationaux de justice peuvent jouer un rôle, y compris la Cour pénale internationale.
Elle a appelé le Conseil à bien utiliser les sanctions et estimé que la lenteur de la procédure de sanctions contre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) inscrite sur la « liste » du Secrétaire général rappelle la nécessité d’une approche vigoureuse. Les critères d’inscription dans la « liste » devraient être redéfinis pour inclure la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Pour aider les victimes, les dirigeants communautaires, religieux et laïcs doivent déplacer la stigmatisation vers les auteurs des crimes. La société civile et les ONG ont un rôle à jouer.
M. JAMAL JAMA AL MUSHARAKH (Émirats arabes unis) s’est réjoui de l’attention portée par la communauté internationale aux victimes de la violence sexuelle dans les conflits. Cette violence, pratiquée par des groupes extrémistes, fait partie intégrante de l’économie de guerre et de la stratégie de la terreur. Le représentant a souligné l’importance qu’il y a à lutter contre la propagande extrémiste en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux. Il a rendu hommage aux efforts des Nations Unies en général et plus spécialement ceux de la Représentante spéciale du Secrétaire général et a réaffirmé l’appui de son pays.
Mme CRISTINA MARIA CERQUEIRA PUCARINHO (Portugal) s’est dit choquée par la propension du phénomène de la traite des personnes à travers le monde, dont la violence sexuelle qui en découle. Elle a estimé que cette traite constitue une des formes les plus graves des violations des droits de l'homme. La tendance à la hausse de ce phénomène touche d’abord les femmes et les filles, a-t-elle dit, en appelant à la pleine mise en œuvre de la résolution 2242 du Conseil de sécurité et du Plan d’action du Secrétaire général pour la prévention de l’extrémisme violent, en tant que piliers des stratégies de prévention de la violence sexuelle en situation de conflit.
La représentante a également jugé crucial de lutter contre l’impunité et de s’assurer que tous les auteurs de la violence sexuelle soient poursuivis. Elle a exhorté le Conseil de sécurité à utiliser tous les mécanismes existants pour combattre cette violence et souligné la nécessité de mieux protéger les femmes dans les missions de maintien de la paix et de continuer d’appliquer strictement la politique de « tolérance zéro ». Le Portugal est le premier pays européen à endosser la campagne « Blue Heart » contre la traite des êtres humains lancée par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a rappelé le renforcement considérable du cadre normatif de la lutte contre la violence sexuelle dans les conflits dans le cadre des Nations Unies, et notamment du Conseil de sécurité. Pourtant, ces violences continuent du fait notamment de la persistance de très nombreux conflits, alors que le terrorisme et son financement deviennent de plus en plus transnationaux. Le représentant a regretté le manque de collaboration entre États, en citant en exemple l’incapacité de ces derniers à adopter une convention globale de lutte contre le terrorisme. Il a également demandé que, sous le thème « les femmes, la paix et la sécurité » soient prises en compte les questions de développement et de genre qui, a-t-il insisté, relèvent des prérogatives d’autres organes de l’ONU. Si le Conseil doit faire plus, les travaux normatifs qui sont menées en dehors du Conseil sont également très importants, a ajouté M. Akbaruddin.
Il a rappelé que les poursuites judiciaires constituent un élément de prévention important du fait de leur rôle dissuasif. Il a demandé au Conseil de sécurité d’être plus proactif dans l’adoption et la mise à jour des listes des personnes et entités soumises à des sanctions. Il a rappelé que son pays avait présenté cette semaine un projet de loi très complet tendant à mieux protéger les victimes de la traite.
M. VIRACHAI PLASAI (Thaïlande) a rappelé que c’est l’État qui a la responsabilité principale de prévenir et de protéger ses citoyens et les personnes relevant de sa compétence afin qu’elles ne deviennent pas victimes de la traite des personnes. Il appartient aux États de renforcer leurs capacités pour détecter les trafics d’êtres humains, enquêter et désorganiser les réseaux. Pour le représentant, il faut avant tout s’attaquer aux causes fondamentales des conflits et mettre l’accent sur les personnes les plus exposées, comme les réfugiés sans papier, les femmes et les enfants non accompagnés. Le représentant a également rappelé l’importance des échanges entre les services de renseignements des États d’origine, de transit et de destination des migrants, et entre les organisations internationales et régionales.
M. Plasai a rappelé que la violence sexuelle comme tactique de guerre est un crime de guerre et un crime contre l’humanité, dont les auteurs doivent être poursuivis. Lutter contre l’impunité est l’une des tâches les plus importantes à accomplir, a-t-il rappelé, avant de demander au Conseil de sécurité de renforcer son régime de sanctions ciblées contre les individus et entités impliqués dans la violence sexuelle dans les conflits. Il a également demandé la mise en place de régimes de surveillance efficaces pour assurer le suivi des sanctions. Le représentant a par ailleurs estimé que la présence d’effectifs féminins dans les opérations de maintien de la paix contribue à créer un environnement plus sûr pour les femmes et les filles et à créer une voie de communication, de partage d’informations et de confiance susceptible de permettre aux autorités d’identifier les auteurs de violence sexuelle. Dans ce contexte, la Thaïlande a fait des efforts constants pour former son personnel féminin des opérations de maintien de la paix, a déclaré M. Plasai.
M. DAVID YITSHAK ROET (Israël) a dit que le rapport du Secrétaire général est un tragique catalogue d’histoires et de chiffres qui heurte notre conscience. La violence sexuelle est une arme de guerre et de terreur utilisée par le régime d’Assad pour briser la résistance du peuple. Il faut combattre l’esclavage sexuel qui est devenu aujourd’hui pour les militants islamistes un moyen de recrutement, une source de revenus et un moyen de terroriser les populations. Mettant l’accent sur la lutte contre l’impunité, il a dit que tous les auteurs de violence ou d’exploitation sexuelle doivent être poursuivis. Pensons aux 219 filles de Chibok au Nigéria qui ne sont toujours pas rentrées chez elles, pensons à ces milliers de filles yézidies qui sont vendues et revendues entre militants de Daech. Et si ces filles étaient nos filles, a conclu le représentant.
Mme BÉNÉDICTE FRANKINET (Belgique) a rappelé que la lutte contre la violence sexuelle était une priorité de son pays. Elle a également rappelé que la répression était un élément essentiel de la prévention de la violence sexuelle dans les conflits, du fait de son rôle dissuasif. C’est pourquoi la Belgique fait de la lutte contre l’impunité une de ses priorités. L’intégration de la dimension de genre est une autre composante essentielle de la lutte contre la violence sexuelle et c’est un des deux éléments essentiels du plan d’action national de lutte contre la traite étalé jusqu’en 2019. La Belgique juge également impératif de discuter avec les leaders religieux et moraux qui peuvent contribuer à reporter sur les auteurs de la violence sexuelle la stigmatisation qui frappe souvent et injustement les victimes.
M. MAHLATSE MMINELE (Afrique du Sud) a dit que les femmes devaient être présentes dans tous les processus de prise de décisions et tous les programmes de protection des civils. Il s’est dit encouragé par le rôle majeur de l’Union africaine et son engagement à intégrer la sexospécificité dans toutes ses politiques. Il a dit l’importance d’avoir des médiatrices dans les conflits et a appelé à tout mettre en œuvre pour que la violence sexuelle cesse d’être utilisée comme tactique de guerre ou de terrorisme. Il a demandé que les principes d’égalité homme-femme soient intégrés dans tous les processus de gouvernance pour que la voix des femmes et leurs préoccupations soient prises en compte.
M. MICHAEL BONSER (Canada) a rappelé que la violence sexuelle sous toutes ses formes est fortement préjudiciable à la capacité des femmes d’apporter une contribution utile à la vie, à leur communauté et à leur pays, alors qu’une telle contribution est un préalable essentiel à une paix et une prospérité durables. Du fait de son rôle de premier plan dans la sensibilisation aux conséquences du mariage des enfants, précoce ou forcé, le Canada est particulièrement préoccupé par les informations faisant état d’une forte augmentation de ces mariages dans les situations de conflit et de déplacement. C’est pourquoi le pays a financé une étude sur la manière dont les pratiques traditionnelles changent en situation de conflit et de déplacement. L’étude a permis de dégager des stratégies.
Estimant que la traite est un affront aux droits fondamentaux et à la dignité humaine, le Canada pense qu’il faut s’y attaquer en appliquant pleinement les lois nationales et le droit international. Le Canada, qui compte parmi les premiers pays à avoir ratifié le Protocole des Nations Unies contre la traite des personnes, prend très au sérieux les obligations qui en découlent. Le représentant a en outre rappelé que son gouvernement a lancé un réexamen de son aide internationale pour déterminer le meilleur moyen d’aider les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables et harmoniser ses priorités avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il s’agit de savoir comment inscrire dans l’aide internationale du Canada l’autonomisation des femmes et des filles et la promotion et la protection de leurs droits. Le représentant a sollicité la contribution de tous les acteurs à cet examen, dont les observations devraient être présentées avant la fin du mois de juillet.
M. PAUL ALEX MENKVELD (Pays-Bas) a jugé essentiel de s’attaquer à la traite des êtres humains et à la violence sexuelle en situation de conflit. La réalité transfrontalière du phénomène d’exploitation sexuelle nous impose de lutter contre cette traite aux niveaux local, régional et mondial. Soulignant l’importance de la prévention, il a prévenu qu’il est impossible de protéger les femmes si elles ne sont pas autonomisées et si elles ne participent pas au processus de prise de décisions. Le temps est venu de reconnaitre les liens étroits entre protection des femmes et leur participation efficace dans les processus de maintien et de consolidation de la paix, et de reconstruction postconflit. Cela passe par une meilleure coopération avec les communautés locales et la société civile qui savent comment contacter les victimes et identifier les auteurs de la violence sexuelle. Il faut apporter un soutien aux femmes et aux filles afin qu’elles puissent surmonter la stigmatisation, a-t-il encore ajouté.
M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a rappelé que la violence sexuelle dans les conflits pouvait constituer un crime contre l’humanité. Le Brésil se félicite des initiatives multilatérales pour attirer l’attention sur ce fléau, comme la Journée internationale du 19 juin. Le représentant a rappelé que la CPI avait entamé son premier procès dans lequel il fait état du recours à la violence sexuelle comme arme de guerre, en l’occurrence en République centrafricaine. Le représentant a en outre estimé qu’il fallait reconnaitre le rôle des femmes comme acteurs et non pas seulement comme victimes, dans le maintien et la consolidation de la paix, et la reconstruction postconflit. Il a rappelé que, dans le cadre de la coopération Sud-Sud ou dans celui des opérations de maintien de la paix, le Brésil avait des programmes de sensibilisation aux questions du genre et de violence sexuelle.
M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) s’est alarmé de la répétition, de la multitude et de la persistance de la violence sexuelle dans les conflits, malgré les avancées historiques constatées depuis l’adoption en 2000 de la résolution 1325. Les informations obtenues sur les milliers de femmes enlevées par les groupes terroristes Daech et Boko Haram révèlent des méthodes et des pratiques barbares et inhumaines. La majorité des victimes restent silencieuses par peur des représailles ou de la stigmatisation. La prévention et la lutte contre la violence sexuelle ne seront efficaces, a prévenu le représentant, que si elles s’appuient sur une réelle volonté politique internationale et des mesures fermes contre tous ceux qui continuent d’agir au mépris du droit international et des normes de protection des femmes et des enfants. La lutte contre la criminalité et les poursuites judiciaires ne suffisent pas à combattre la traite des êtres humains. « Il est impératif de l’incriminer et d’assurer la protection des victimes », a insisté le représentant du Maroc.
M. MATEO ESTREME (Argentine) a rappelé que son pays avait joué un rôle important dans l’adoption par l’Assemblée générale de la résolution proclamant, le 19 juin, Journée internationale pour l’élimination des violences sexuelles dans les conflits. L’Argentine appuie fermement le travail de la Représentante spéciale du Secrétaire général et rappelle le rôle des juridictions pénales internationales pour définir et combattre la violence sexuelle dans les situations de conflit. Le représentant a en effet estimé qu’il faut redoubler d’efforts pour poursuivre les auteurs de ces « crimes de guerre », aider les victimes et assurer leur réintégration sociale. Pour l’Argentine, ces questions prioritaires doivent être prises en compte dans les mandats des opérations de maintien de la paix et dans la composition de leur personnel. Par ailleurs, l’Argentine considère que les abus sexuels commis dans le cadre des opérations de maintien de la paix sont « inadmissibles et désastreuses » pour l’image des Nations Unies. Elle appuie donc pleinement la politique de « tolérance zéro » et celle pour l’assistance aux victimes.
M. CLAUDE BOUAH-KAMON (Côte d’Ivoire) a rappelé que son pays, qui a connu une décennie de crise, a aussi connu au cours de cette période des cas de violences sexuelles. Dans sa ferme volonté de s’attaquer à ce phénomène, le Gouvernement ivoirien a, outre les dispositifs juridiques existants, mis en place une stratégie nationale. Dans ce cadre, le Ministère de la défense a lancé plusieurs initiatives depuis 2011 dont un plan d’action des Forces armées ivoiriennes (FRCI) contre les violences liées au conflit qui se déclinent en quatre axes: le renforcement des capacités des FRCI, pour répondre aux violences sexuelles liées au conflit, en prenant en charge les victimes et en poursuivant les auteurs; le renforcement du cadre institutionnel pour la prévention et la répression des violences sexuelles au sein des FRCI; l’accroissement des résultats de la lutte contre l’impunité; et le suivi-évaluation des activités et efforts de lutte contre les violences sexuelles commises par les FRCI. Le représentant a assuré que le Gouvernement ivoirien est déterminé à lutter contre la violence sexuelle et à la prévenir. Il a demandé que l’on ne mentionne plus les FRCI dans les rapports du Secrétaire général.
M. HAIDAR (Nigéria) a estimé que les femmes qui vivent dans les zones de conflit, pour la plupart non combattantes, souffrent autant sinon plus que les soldats en service actif. Il faut étudier davantage la prévalence de la violence sexuelle dans les conflits pour trouver des solutions durables. Pour le Nigéria, il faut, au-delà des situations de conflit actif, s’intéresser à toutes les situations humaines. Comme les conflits n’existent pas dans le vide, il faut dès lors s’interroger sur la violence sexuelle dans le contexte plus large de la société humaine. Le représentant a souligné le caractère essentiel de la prévention, quel que soit le contexte. Le Nigéria soutient donc les mesures prises par les Nations Unies pour adapter ses indicateurs d’alerte précoce de la violence sexuelle dans les conflits.
Le représentant a condamné dans les termes les plus vifs l’enlèvement, la traite et la maltraitance des femmes et des filles par les groupes extrémistes et y a vu la nécessité pour la communauté internationale de combattre d’urgence l’extrémisme violent et les idéologies qui l’alimentent. Il a rappelé que le 14 avril 2016 a marqué le deuxième anniversaire de l’enlèvement de 276 jeunes filles par le groupe terroriste Boko Haram. Avec les pays voisins, le Nigéria est en train de gagner la guerre contre ce groupe terroriste, a affirmé le représentant qui a noté que le Conseil de sécurité avait, dans sa résolution 2242, qualifié la violence sexuelle à la fois de tactique de guerre et de tactique terroriste. Cela est évident dans le cas de Boko Haram ou encore de Daech, a-t-il acquiescé.
Il y a donc un certain mérite à aligner les efforts de lutte contre l’extrémisme violent et de celle contre la violence sexuelle dans les conflits, a-t-il dit, en mettant en avant les efforts de son pays qui utilise une approche multidimensionnelle incluant la paix, la sécurité et le développement et mettant l’accent sur la dé-radicalisation, le renouveau économique et la lutte contre la propagande extrémiste.
M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a regretté de n’avoir pas pu rencontrer la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les violences sexuelles pour discuter du contenu du rapport présenté aujourd’hui au Conseil de sécurité lequel, a dénoncé le représentant, n’a pas tenu compte du point de vue de la délégation du Soudan. Ce rapport, s’est-il étonné, a été présenté aux États que 24 heures à peine avant son examen au Conseil de sécurité. Le représentant a jugé « inacceptable » que ce rapport renouvelle les accusations contre les Forces armées du Soudan dont certains membres auraient commis un viol collectif en 2014.
Illustrant ensuite les efforts de son pays, le représentant a attiré l’attention sur la loi contre la traite des êtres humains et la Conférence régionale de haut niveau de 2014 sur la lutte contre ce fléau dans la Corne de l’Afrique. Notant que le paragraphe 63 du rapport précise que 53% des agressions sexuelles signalées se produisent lorsque les victimes se rendent dans des zones isolées, il a estimé que son pays ne pouvait être tenu responsable des crimes commises dans les zones qu’il ne contrôle pas.
M. OLIVIER MARC ZEHNDER (Suisse) a mis l’accent sur la vulnérabilité des personnes déplacées, la traite utilisée comme moyen d’alimenter les conflits armés et l’importance de la lutte contre l’impunité. Il a rappelé que les personnes déplacées non enregistrées, et notamment les femmes et les filles, étaient particulièrement vulnérables à la traite des êtres humains, car victimes faciles pour des réseaux criminels organisés. La Suisse préconise une approche globale et estime que les politiques migratoires restrictives qui limitent les chances des femmes et filles de quitter les zones de conflit ne peuvent qu’augmenter encore leur vulnérabilité. Il faut donc, par la négociation et le dialogue constructif, rectifier ces politiques.
Le représentant a rappelé que la traite était devenue un élément à part entière de l’économie de guerre, contribuant au financement des groupes armés et servant d’incitation au recrutement des combattants. Il est important de prendre conscience que la traite alimente ainsi les conflits armés et qu’il est fondamental d’assurer la participation des femmes et filles dans le développement de stratégies de lutte contre ce fléau, le terrorisme et l’extrémisme violent. Le cinquième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale constitue une occasion d’en discuter. Par ailleurs, la Suisse juge important de renforcer le dialogue avec les groupes armés non étatiques afin qu’ils se conforment davantage au droit international humanitaire et aux droits de l’homme et soutient en ce sens l’ONG « Appel de Genève » qui discute avec ces groupes en leur faisant signer des engagements volontaires sur le respect des normes internationales.
La Suisse soutient les efforts de la Cour pénale internationale (CPI) et du Bureau du procureur pour lutter contre l’impunité pour les crimes sexuels et plaide pour une approche holistique dans le traitement des survivants de telles violences. À cet égard, la Suisse soutient les efforts en République démocratique du Congo visant à fournir aux victimes une représentation légale devant les tribunaux et les efforts de documentation des cas de violence sexuelle. Enfin, le représentant a rappelé que la Suisse insiste sur l’importance d’une action globale contre la traite et l’exploitation et les abus sexuels par le personnel des Nations Unies. Elle demande au Secrétaire général de poursuivre sans relâche et sans délai ses efforts.
M. GÜVEN BEGEÇ (Turquie) a dit que son pays promeut activement la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et toutes celles qui ont suivi. En raison de sa situation géographie particulière de pont entre deux continents, la Turquie est particulièrement concernée par la traite des êtres humains. Le pays fournit deux types de soutien: un programme d’appui aux victimes et un programme d’aide au retour. Le représentant a souligné, à son tour, l’importance de l’autonomisation des femmes, en expliquant que la Turquie appuie des programmes en ce sens en Afghanistan et en Somalie. Entre 2013 et 2015, a-t-il précisé, le programme humanitaire pour la prévention et la réponse à la violence sexuelle en faveur des femmes syriennes a été mené par les Ministères turcs de la famille et des affaires sociales, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP).
M. IGNACE GATA MAVITA WA LUFUTA (République démocratique du Congo) a rappelé que le long conflit dont l’est de son pays a été le théâtre est à l’origine du recours à la violence sexuelle comme arme de guerre. Le rétablissement de la paix a apporté de grands changements, et de grands progrès ont été réalisés tant dans la lutte contre ces violences, qui ont baissé de 80%, que dans l’assistance aux victimes, a ajouté le représentant, qui a cité les rapports du Secrétaire général. Il a affirmé la volonté de son gouvernement de respecter ses engagements internationaux, notamment pour lutter contre l’impunité au sein des Forces armées et pour apporter une aide aux victimes et assurer leur réinsertion sociale. Ces programmes ont été menés avec les ressources propres du Gouvernement, avec l’assistance de la communauté internationale via le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général, a précisé le représentant, qui a remercié les Nations Unies et les partenaires de son pays pour leur appui.
M. AMJAD QASSEM AGHA (République arabe syrienne) a dénoncé la campagne de diabolisation menée par les médias internationaux alors que son gouvernement n’a cessé de coopérer avec la communauté internationale. Il a regretté que le rapport dont est saisi le Conseil de sécurité n’examine pas le sort des femmes syriennes dans les camps de réfugiés des pays voisins. Il a dit avoir vu des informations faisant état de la traite des êtres humains dans les campagnes turques pour le trafic d’organes. Le rapport, a-t-il aussi dénoncé, ne dit rien sur les femmes du Golan syrien occupé ni des Palestiniennes victimes de toutes les formes de traitement dégradant. « Des centaines de femmes palestiniennes sont victimes des violations des droits de l'homme commises par l’entité juive », a-t-il insisté, avant de proclamer la détermination de son pays à appuyer la mise en œuvre de toutes les mesures internationales contre toutes les formes de violence sexuelle.
Reprenant la parole, le représentant de la Turquie a répondu à son homologue syrien en citant une partie du rapport de la Rapporteure spéciale qui fait état de cas de violence sexuelle imputés aux autorités de la Syrie, en particulier dans les centres de détention et d’interrogatoire.
Tout ce que j’ai dit, a rétorqué le représentant de la République arabe syrienne, a été puisé dans les informations diffusées par les medias turcs. La Rapporteure spéciale sait parfaitement ce qui se passe dans les camps de réfugiés en Turquie et dans les pays limitrophes, a-t-il répété.