M. Jeffrey Feltman plaide pour l’unité et l’action face à la grave menace posée par Daech, dont l’attrait sur des recrues potentielles reste sans précédent
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, a plaidé ce matin, devant le Conseil de sécurité, pour « l’unité et l’action » de la communauté internationale face à l’organisation terroriste « État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) », qui continue de faire peser, en dépit des pertes substantielles qu’elle a récemment subies, une grave menace à la paix et à la sécurité internationales. Il a présenté une série de recommandations en vue, notamment, de tarir les sources de financement de Daech et d’empêcher que des combattants terroristes étrangers ne la rejoignent. L’intensité de l’attrait que Daech exerce sur des recrues potentielles demeure sans précédent, a-t-il averti.
M. Feltman présentait, ce matin, le premier rapport* du Secrétaire général sur la menace que représente Daech pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’ONU pour aider les États Membres à contrer cette menace. Dans ce rapport, établi en vertu de la résolution 2253 (2015) que le Conseil avait adoptée le 17 décembre 2015 au niveau des ministres des finances, le Secrétaire général note que Daech, malgré les efforts de la communauté internationale, continue de maintenir sa présence en Syrie et en Iraq et a élargi le champ de ses opérations à d’autres régions.
« La stratégie d’expansion de Daech au niveau mondial pourrait être la conséquence des territoires que cette organisation terroriste a récemment perdus à la suite de l’opération militaire internationale », a prévenu d’emblée M. Feltman. L’expansion rapide des opérations de Daech en Afrique du Nord et de l’Ouest, au Moyen-Orient, en Asie du Sud et du Sud-Est, le nombre croissant de groupes terroristes qui lui font allégeance et le flux substantiel de combattants terroristes étrangers venus du monde entier pour grossir ses rangs sont des sources d’inquiétude majeures, a-t-il expliqué.
Le Secrétaire général adjoint a insisté sur les effroyables violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par Daech contre les populations placées sous son contrôle, y compris des exécutions de masse, des actes de torture, des amputations, des attaques ethno-sectaires, des violences sexuelles et le recrutement systématique d’enfants. Certains de ces crimes, s’ils étaient avérés, a-t-il dit, constitueraient des crimes contre l’humanité. M. Feltman a indiqué que la destruction et le pillage systématiques et à grande échelle de sites culturels faisaient partie intégrante de la stratégie de Daech.
Attirant l’attention sur la capacité de Daech de mobiliser avec efficacité et rapidité de vastes ressources financières, il a fait remarquer que ses principales ressources financières provenaient de la vente de pétrole, du « raquetage » et de la confiscation, du pillage de sites archéologiques, de dons, du paiement de rançons ou encore de ressources mobilisées via Internet. Daech, comme l’écrit le Secrétaire général dans son rapport, est l’organisation terroriste la plus riche au monde.
Le Secrétaire général adjoint a ensuite estimé à environ 30 000 le nombre de combattants étrangers, originaires de plus d’une centaine d’États Membres, qui sont activement engagés auprès de Daech et de groupes qui lui sont associés. Ces groupes, a-t-il précisé, utilisent Internet et les médias sociaux comme instruments de recrutement et de propagande. Ces technologies jouent, en outre, un rôle crucial dans la préparation des combattants terroristes étrangers qui rejoignent Daech et les groupes affiliés, dans l’entraînement et l’échange de « pratiques efficaces » et dans la planification des attentats, a relevé M. Feltman.
Il a affirmé que les sympathisants de Daech agissant seuls ou en petits groupes avaient étendu la portée géographique et la complexité de leurs attaques au cours de la deuxième moitié de 2015, comme l’ont démontré les attaques perpétrées à Beyrouth, à Paris et à Jakarta. La combinaison de petites cellules locales et de terroristes de l’intérieur qui effectuent des allers-retours depuis la Syrie et l’Iraq, l’utilisation de moyens technologiques sophistiqués pour planifier les attentats, le recours à des attaques-suicide et à une liste d’assaillants potentiels entraînés à cet effet représentent des défis complexes et inédits, a assuré le Secrétaire général adjoint.
Pour faire face à cette situation, a insisté M. Feltman, il incombe en premier lieu à tous les États Membres de déjouer la menace de Daech. L’ONU et les autres organisations internationales, qui ont un rôle essentiel à jouer pour soutenir l’action de ces pays, ont déjà pris un certain nombre de mesures, a-t-il dit, citant notamment l’évaluation de la menace et de la capacité des États à s’y opposer et la mise en œuvre de programmes pour le renforcement des capacités. Dans son rapport, le Secrétaire général estime que l’ONU et les autres organisations internationales doivent adopter une démarche plus globale et mieux coordonnée.
Parmi les recommandations présentées par le Secrétaire général, M. Feltman a souligné qu’il était nécessaire de renforcer le cadre juridique et opérationnel nécessaire pour tarir les sources de financement de Daech. Les États Membres doivent échanger dans des délais brefs des informations et renseignements financiers, mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil et améliorer leurs relations avec le secteur privé, a recommandé M. Feltman. L’ONU devrait, dans ce contexte, appuyer davantage leurs efforts, notamment dans le cadre des opérations sur le terrain et intensifier son assistance technique pour renforcer les capacités des États.
Au titre de la lutte contre les recrutements, M. Feltman a encouragé les États Membres à adopter des plans d’action nationaux, à renforcer les efforts de prévention par le biais de programmes éducatifs et à renforcer leur cadre juridique contre les méthodes de radicalisation en ligne de Daech. De son côté, l’ONU doit appuyer ces efforts, en se basant sur les mesures contenues dans le futur plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent, a-t-il dit.
M. Feltman a également estimé qu’il était crucial pour les États Membres d’ériger en infractions les voyages des combattants terroristes étrangers et de renforcer leurs dispositifs de gestion des frontières, en consultant notamment les données d’INTERPOL. Les États Membres devraient également examiner les itinéraires empruntés par les combattants terroristes étrangers et améliorer leurs échanges d’informations à ce sujet, a-t-il ajouté.
Enfin, le Secrétaire général adjoint a souhaité que les autorités compétentes décident « au cas par cas » du sort à réserver aux combattants terroristes étrangers retournant dans leur pays d’origine. Avant de conclure, M. Feltman a souligné qu’il était important d’aboutir à une solution politique aux conflits en Syrie et en Libye. Le prochain rapport du Secrétaire général sur la menace posée par Daech, a-t-il dit, sera présenté devant ce Conseil dans quatre mois, conformément à la résolution 2253 (2015).