En cours au Siège de l'ONU

Soixante et onzième session,
27e et 28e séances – matin et après-midi
AG/SHC/4176

Le droit au silence violé au nom des mesures de surveillance instaurées par les États Membres, souligne un expert de l’ONU

Le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, M. Joseph Cannataci, a, aujourd’hui devant la Troisième Commission, fait part de ses inquiétudes au sujet de la propension croissante des gouvernements à adopter des mesures de surveillance de masse, dont certaines violent des droits fondamentaux tel que celui au silence des individus. 

À la faveur de l’examen des questions relatives à la promotion et à la protection des droits de l’homme, la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a entendu, au cours de la journée, six experts dont M. Cannataci, qui a relevé que l’année 2016 avait relancé le débat sur le chiffrement des données personnelles stockées ou générées par les appareils mobiles.

Ces outils, a-t-il affirmé, soulèvent des questions de droits fondamentaux pouvant avoir des conséquences sur la vie privée; il convient donc de les examiner dans le contexte du chiffrement, a-t-il dit.

À cet égard, le Rapporteur spécial a fait part de ses inquiétudes, quant aux décisions rendues par la justice, lesquelles consacrent l’intrusion dans les téléphones des individus, violant ainsi, leur droit au silence, comme ce fut le cas aux États-Unis dans l’affaire opposant Apple au FBI, dans le cadre de l’enquête sur l’attaque terroriste perpétrée à San Bernardino, en 2015.

En outre, M. Cannataci s’est montré très déçu du nouveau projet de loi de l’Allemagne relatif à la surveillance des ressortissants étrangers, estimant que, conformément aux prévisions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le droit à la vie privée de tous les citoyens du monde doit être garanti par les lois en matière de surveillance, tant pour les citoyens locaux que pour les étrangers.

Le Rapporteur spécial, nommé l’an dernier, a rappelé le lancement de sa première grande initiative, à savoir le Forum international de contrôle des services de renseignement, lequel devrait permettre de recenser les menaces que fait peser la collecte de renseignements sur la protection de la vie privée et la liberté d’expression, ainsi que les meilleures pratiques susceptibles d’aider à définir de meilleures mesures de protection et de recours.

Le Rapporteur spécial s’est également réjoui de la collaboration qu’il a développée avec des entreprises comme Google, Yahoo ou Facebook dans le contexte du projet « Mapping », qui gère des solutions alternatives en faveur de la protection de la propriété intellectuelle et de la gouvernance d’Internet financé par l’Union européenne afin d’étudier les conséquences qu’a l’utilisation de données personnelles par les entreprises sur la vie privée.

Les débats ont également tourné, aujourd’hui, autour des disparitions forcées dont le Président du Comité, M. Santiago Corcuera Cabezut, s’est félicité que 53 États soient parties à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, les appelant à ratifier ce texte.

Pour sa part, la Présidente du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Mme Houria Es-Slami, a constaté une hausse des cas, avec 483 personnes au titre de la procédure d’action urgente à 20 États, précisant que ce chiffre représentait une disparition par jour.  Pour autant, elle a fait valoir qu’il ne s’agissait là que « de la partie visible de l’iceberg ».

Quant au Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Chakola Beyani, qui présentait son dernier rapport en cette qualité, a rappelé l’engagement des États de la communauté internationale de réduire de 50% les déplacements internes d’ici à 2030 pris au Sommet mondial sur l’action humanitaire à Istanbul, les avertissant que ce serait un vœu pieux, si l’on continuait « comme si de rien n’était ».

À son tour, le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. José Serrano Brillantes, a insisté sur le fait que les 244 millions de migrants dans le monde, dont 20% sont en situation irrégulière, avaient les regards tournés vers la communauté internationale et attendaient d’elle une mobilisation collective et rapide.

S’agissant du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. François Crépeau a jugé courte et inadéquate la riposte des États à la « la crise migratoire », précisant qu’elle instaurait ainsi un climat de peur chez les citoyens des pays de destination et donnait un écho à la rhétorique nationaliste et populiste.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 25 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/71/40 et A/C.3/71/4 (à paraître))

Divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

M. JOSEPH CANNATACI, Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, qui présentait son premier rapport (A/71/368) à la Troisième Commission, a déclaré avoir axé son travail sur plusieurs questions y compris les mégadonnées et les données ouvertes, la sécurité et la surveillance, les données sur la santé, ainsi que les données à caractère personnel traitées par les entreprises. 

À cet égard, un Forum international de surveillance du renseignement a été mis sur pied et permettra de recenser collectivement les atteintes à la vie privée et à la liberté d’expression dans la collecte de renseignements, ainsi que les bonnes pratiques susceptibles d’améliorer les garanties et voies de recours dans ce domaine, a-t-il précisé.

M. Cannataci a indiqué que ce rapport se focalisait également sur d’autres questions dont le droit à demeurer silencieux à l’ère numérique, ainsi que le droit à la vie privée.  Il est ainsi revenu sur deux affaires bien connues, notamment celle opposant Apple au FBI dans le cadre de l’attentat de San Bernardino, en Californie, ainsi que la décision de la Cour suprême américaine dans l’affaire Riley contre la Californie.

Le Rapporteur spécial a donc souligné que, compte tenu du caractère spécifique du téléphone mobile, lequel était à même de recueillir des informations personnelles, il était évident qu’il pouvait être un outil en mesure de saper le droit au silence. 

Selon M. Cannataci, force est de constater que les gouvernements sont de plus en plus enclins à adopter des lois intrusives et à procéder à une surveillance de masse des citoyens.  Il a salué l’Allemagne et le Royaume-Uni qui, a-t-il expliqué, faisaient office de chef de file en matière de protection de la vie privée, les appelant à collaborer avec lui pour servir d’exemple de bonnes pratiques.

S’agissant du Royaume-Uni, il s’est félicité de l’amélioration des propositions en vue d’une nouvelle loi visant à renforcer ses mécanismes de surveillance.

Pour autant, il s’est dit préoccupé par le fait qu’une grande démocratie comme l’Allemagne eut voté dernièrement une loi dans le domaine de la surveillance, laquelle légalise des pratiques jugées disproportionnées par un grand nombre d’experts nationaux et internationaux, de même que la société civile.

En conséquence, il a réaffirmé que, conformément aux prévisions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le droit à la vie privée de tous les citoyens du monde doit être garanti par les lois en matière de surveillance, tant pour les citoyens locaux que pour les étrangers.

Le rapport insiste sur le processus de collecte des preuves, exhortant les parties prenantes, les États, de même que les organisations régionales, à prendre les bonnes décisions sur les questions liées à la sécurisation des communications et à la confidentialité des individus.

Les États-Unis ont dit qu’ils conviendraient de la date de la visite du Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée.  La déléguée a noté la proposition de la mise en place d’une équipe spéciale avec des volontaires non rémunérés afin de contribuer à la recherche sur le droit à la vie privée à l’ère numérique.

L’Allemagne, en tant qu’un des principaux auteurs avec le Brésil de la résolution sur le droit à la vie privée à l’ère numérique, qui a conduit à la création du mandat de M. Cannataci, a insisté sur le fait que les mêmes droits s’appliquaient en ligne et hors ligne. 

Le représentant a assuré le Rapporteur spécial de l’appui de l’Allemagne, notamment sur le principe de la légalité et de la proportionnalité.  Il a souligné que, dans son pays, le débat sur le droit à la vie privée en ligne était très houleux et qu’il faudrait en clarifier les notions.

Le Royaume-Uni a voulu, pour sa part, apporter des éclaircissements sur le projet de loi sur les pouvoirs d’enquête à la Chambre des communes, critiqué dans le rapport de M. Cannataci.  Les tentatives de lutte contre le chiffrement constituent une mauvaise pratique, raison pour laquelle cette loi exige que si une entreprise cherche à supprimer le chiffrement, il lui faut en fournir des explications.  En cas d’activités et d’exploitation des enfants en ligne, la loi est aussi très claire, a argué le représentant.

La Suisse a estimé que l’une des missions prioritaires du Rapporteur spécial consistait à élaborer une définition de la notion de la vie privée en ligne, intégrant diverses perspectives.  Elle a également appuyé les activités de l’Équipe spéciale pour une meilleure compréhension de la vie privée, qui pourrait clarifier une telle notion.

La Suisse a voulu savoir dans quel espace pourrait être renforcé un dialogue impliquant les gouvernements, la société civile, les entreprises, les organisations scientifiques et techniques, ainsi que des spécialistes des droits de l’homme pour mettre le progrès technique au service d’un meilleur exercice de ces droits.

L’Union européenne a trouvé que les priorités thématiques du Rapporteur spécial avaient été bien choisies.  Le représentant a salué ce nouveau mandat qui devrait conduire à apporter des réponses concrètes sur l’ingérence à la vie privée par l’utilisation d’Internet.  Évoquant la montée du terrorisme, notamment en ligne, il s’est demandé comment trouver un équilibre entre vie privée et publique.

La République islamique d’Iran s’est inquiétée de la surveillance de masse par les gouvernements, pratique désormais nuisible et non exceptionnelle.  Les activités de surveillance internationale en ligne sont totalement en contradiction avec le droit international.  Le Rapporteur spécial devrait se pencher sur la question de la surveillance électronique, a proposé la déléguée.

S’exprimant dans le même sens, l’Iraq a souligné, pour sa part, l’utilisation d’Internet par Al-Qaida, Daech et le Front el-Nosra, à travers le jihad électronique et le recrutement de combattants, y compris d’enfants.

Le Maroc a voulu savoir quel serait le critère de choix des personnes de l’Équipe spéciale et comment garantir leur respect des normes de l’ONU.  D’autre part, comment le Rapporteur spécial travaillera avec d’autres titulaires de mandat et de mécanismes des droits de l’homme?

Le Brésil s’est inquiété de la surveillance de masse extraterritoriale et de son effet sur le droit à la vie privé.  Toute initiative de mise à jour des normes internationales en la matière doit respecter un tel droit, notamment s’agissant de la collecte des données à des fins commerciales.

La représentante a appelé à la mise en place de moyens de recours des individus.  De quelle façon les États et les entreprises peuvent-ils mettre sur pied de tels recours à court et à long termes.

Le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée a dit attendre avec intérêt sa visite aux États-Unis après l’élection présidentielle du 8 novembre prochain.  Il a salué le renforcement du contrôle de la surveillance et le fait qu’ils se sont engagés à réformer leur législation. 

Les articles 12 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, souvent oubliés, traitent de la liberté de mouvement et de l’interdiction d’ingérences arbitraires ou illégales dans la vie privée ou d’atteintes à la réputation d’un individu.  Il est crucial de respecter la réputation, ce qui s’étend aux domaines liés à la territorialité, a-t-il dit.

Il a salué la volonté du Royaume-Uni de travailler avec son mandat mais a noté des divergences de vues avec ce pays.  Le libellé de la loi mentionnée par le Royaume-Uni ne couvre pas pleinement les opérations de surveillance de masse.  Il n’en reste pas moins que le débat public britannique est un modèle en l’espèce dans le cadre des pratiques optimales.

Il est essentiel que ce pays, l’Allemagne, les États-Unis, la France et d’autres encore montrent l’exemple.  La France, à elle seule, est une inspiration pour une vingtaine de pays.  Une partie des discussions en cours dans le domaine de l’utilisation des données commerciales et du travail avec les entreprises privées impliquées tournent autour de la cartographie des lois sur le droit à la vie privée en ligne.  Cette question sera analysée et des conclusions intérimaires seront présentées par le Rapporteur spécial, a-t-il annoncé, tout en prévenant que cela prendrait du temps tant le sujet est épineux et complexe.

M. Cannataci a espéré présenter le premier rapport intérimaire sur la collecte des données à grande échelle.  Il a répondu à l’Iran que le temps pour préparer son rapport était bref, les ressources très limitées et avait une limite de 3 200 mots pour présenter ses conclusions.

Il a souhaité que tous les États puissent se servir des preuves présentées pour aller de l’avant.  Au sujet de la liberté d’expression et de problèmes soulevés, dernièrement, quant à la radicalisation, il a invité à développer davantage les efforts sur les infiltrations des groupes concernés.  Il a expliqué que, faute de moyens, il avait décidé d’avoir recours à des bénévoles pour appuyer ses travaux, avant de lancer un appel à l’appui à son mandat pour obtenir plus de moyens tant en termes d’expertise que sur le plan financier.

Répondant au Brésil, M. Cannataci a signalé qu’un grand nombre des parties prenantes, des sociétés internationales et des membres de la société civile avaient pointé le fait que le cadre législatif actuel était absolument insuffisant.  En conséquence, le Rapporteur spécial travaillera sur les moyens d’amender le cadre juridique international sur le droit à la vie privée à l’ère numérique.

M. SANTIAGO CORCUERA CABEZUT, Président du Comité des disparitions forcées, a présenté le cinquième rapport du Comité des disparitions forcées (A/71/56).  À ce jour, 53 États sont parties à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  Il a jugé cette tendance encourageante, compte tenu du fait que la Convention est entrée en vigueur en décembre 2010.

Toutefois avec cette augmentation des ratifications, a précisé M. Cabezut, le Comité fait face à un arriéré de rapports qui requiert des ressources supplémentaires, en temps et en personnel, conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale sur la situation du système des organes conventionnels des droits de l’homme.

Même si peu de cas sont portés à sa connaissance, le Comité a, depuis sa création, reçu 344 demandes d’action en urgence, dont 232 pendant la période couverte par le rapport et qui concernent la Colombie, l’Iraq et le Mexique.  Le Président du Comité s’est dit très préoccupé par la situation dans ces pays. 

Le Comité a continué de coopérer avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a indiqué M. Cabezut.  Il a encouragé les États parties à faire les déclarations prévues aux articles 31 et 32 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des personnes ou par un État partie au sujet d’un autre État partie.  À ce jour, 20 États seulement sur les 53 États parties ont accepté la compétence du Comité à recevoir des communications individuelles.

Le Président a rappelé que les États étaient tenus de nommer des experts de haute moralité, compétents et expérimentés, indépendants et impartiaux.  Il a compté sur la collaboration des États parties dans les travaux futurs du Comité.

Lors de sa neuvième session, qui s’est tenue du 7 au 18 septembre 2015, le Comité a adopté les Principes directeurs relatifs à la lutte contre l’intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José).  Le Comité, a affirmé M. Cabezut, condamne tout acte d’intimidation ou de représailles contre des défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui appuient les familles et les proches de personnes disparues.

Le Président a conclu en appelant les États Membres ayant signé la Convention à ratifier ce texte, et ceux ne l’ayant pas encore fait à y accéder.

La représentante du Japon a affirmé que son pays avait contribué à  l’élargissement du nombre d’États parties à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, portant leur nombre à 53.  Elle a donc voulu savoir s’il existait des obstacles à une plus grande adhésion et a demandé au Rapporteur de réagir sur le type de stratégies permettant de les surmonter.

Le délégué de l’Union européenne s’est félicité du nombre croissant des États ayant ratifié ladite Convention, proposant au Président du Comité de mieux la faire connaître.  Il l’a également interrogé sur la manière d’accroître le nombre de signataires, ainsi que sur la façon dont les pays l’ayant ratifiée pouvaient la mettre en œuvre de manière efficace.

Le représentant de l’Iraq a déclaré que son pays faisait face aux graves crimes de Daech, demandant si des instruments internationaux leur permettaient de faire cas des disparitions forcées dont ce groupe terroriste était responsable.

Pour sa part, le délégué de l’Argentine l’a interrogé sur les actions à mener par les États pour augmenter le nombre de ratifications de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

La représentante de la France a encouragé les États à ratifier la Convention, souhaitant savoir les priorités pour mieux la faire connaître et faciliter son appropriation par les pays.

Le délégué du Maroc l’a interrogé sur l’approche à exploiter en vue d’aider le Comité à obtenir de la part des États un plus grand nombre de ratifications.

Le Président du Comité sur les disparitions forcées a déclaré qu’il continuait de réfléchir sur la manière de mieux faire connaître la Convention, précisant qu’elle était jeune et visait à éliminer la pratique odieuse des disparitions forcées.  Selon M. Cabezut, il n’y a pas de raisons que les États traînent les pieds pour la ratifier.

En outre, il a dit être inquiet pour l’Asie, car peu de pays de la région y ont adhéré, expliquant qu’il n’existait pas de systèmes de protection de droits de l’homme dans cette partie du monde.

Il a salué la volonté du Mexique de poursuivre sa collaboration avec le Comité, estimant qu’il était indispensable de renforcer la mise en œuvre de la Convention.

En outre, il s’est félicité de la coopération avec l’Iraq et de ses promesses de continuer à travailler avec le Comité. 

Intervenant pour la première fois devant la Troisième Commission, Mme HOURIA ES-SLAMI, Présidente du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a déclaré que, depuis sa création par l’ancienne Commission des droits de l’homme, il y a maintenant 36 ans, le Groupe de travail soutenait sans relâche des milliers de familles, souvent désarmées face au traumatisme de l’absence de l’être cher, vivant à la fois dans l’angoisse de ne pas connaître le sort de leurs proches et aussi avec l’espoir d’un dénouement heureux.

Elle a rappelé que le Groupe de travail veillait à la fois à l’application par les États de leurs obligations en vertu de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à les aider à prévenir et éradiquer cette pratique.  Depuis 1980, le Groupe de travail a porté 55 273 cas à la connaissance de 107 États; et reste activement saisi de 44 159 cas dans 91 États.

La Présidente a fait part de sa profonde préoccupation face à l’augmentation du nombre de nouveaux cas de disparitions forcées puisqu’au cours de l’année écoulée depuis le dernier rapport, le Groupe de travail a transmis 483 cas au titre de la procédure d’action urgente à 20 États, soit trois fois plus comparativement au nombre de cas transmis l’année précédente.

Elle a expliqué que ce chiffre représentait plus d’une disparition par jour « et il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg ».  Dès lors, elle a jugé très important que l’Assemblée générale inscrive à l’ordre du jour de ses priorités la lutte contre ce fléau mondial.

Mme Es-Slami a aussi exprimé l’inquiétude du Groupe de travail devant la situation dans certains pays où le phénomène des disparitions forcées est très alarmant, bien qu’il ne soit pas reflété dans les statistiques du Groupe de travail en raison de l’absence de déclaration, qui constitue un problème majeur dans certaines circonstances.

Selon elle, un exemple typique est celui de la Syrie, où les organisations de la société civile et d’autres organismes, tels que la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, estiment à des milliers le nombre de disparus, tandis que le Groupe de travail compte dans ses statistiques moins de 200 cas clarifiés.

« La situation des disparitions forcées en Syrie est tellement grave que nous avons déjà sollicité l’intervention des plus hautes instances des Nations Unies », a-t-elle révélé.  Le Groupe de travail a notamment demandé au Conseil de sécurité d’envisager de porter l’affaire devant la Cour pénale internationale (CPI), a ajouté Mme Es-Slami, en réitérant cet appel.  Il en est de même en ce qui concerne les disparitions forcées en République populaire démocratique de Corée (RPDC).

Le Groupe de travail s’est également alarmé de la persistance des menaces et d’actes d’intimidation et de représailles à l’encontre des victimes de disparition forcée, notamment les membres de leur famille, les témoins et les défenseurs des droits de l’homme. 

En application des paragraphes 1 et 3 de l’article 13 de la Déclaration, Mme Es-Slami a exhorté les États à prendre des mesures spécifiques pour prévenir de tels actes, protéger les personnes qui travaillent sur les cas de disparitions forcées et punir les auteurs.

Les cinq membres du Groupe de travail ont aussi noté de nouveaux défis, en particulier la pratique de disparitions forcées de court terme, qui tend à se systématiser dans certains pays, ainsi que les disparitions dans le contexte de la migration dans les pays de transit et de destination, notamment par des acteurs privés ou non étatiques, à travers la traite ou le trafic des migrants.

Elle a aussi fait état d’allégations d’enlèvements commis par des acteurs non étatiques comme des groupes paramilitaires, des milices et des organisations criminelles qui semblent opérer avec la complicité de l’État.

Mme Es-Slami a ensuite donné un aperçu des conclusions du Groupe de travail à l’issue de visites au Pérou, à Sri Lanka et en Turquie.  Elle a commenté les rapports de suivi s’agissant du Congo et du Pakistan.  Elle a regretté n’avoir reçu aucune réponse du Congo dans le processus de préparation du rapport de suivi.  Dans ce contexte, elle a encouragé tous les États ayant fait l’objet de visites à mettre en œuvre des actions de suivi. 

Elle a conclu en remerciant les pays donateurs, en particulier l’Argentine, la France, le Japon et la République de Corée, y compris sous forme de contributions volontaires.

Le Maroc a exprimé sa fierté de voir Mme Es-Slami présider le Groupe de travail.  Le représentant s’est dit convaincu que le fait qu’elle soit membre d’une famille frappée par une disparition forcée garantissait le sérieux du Groupe de travail.  Il a salué aussi la décision du Groupe de se concentrer sur la disparition forcée et la migration.

Les États-Unis se sont félicités des visites au Congo et au Pakistan, et attendent les résultats de celle effectuée au Soudan du Sud.  La représentante s’est dite vivement préoccupée du fait que le rythme actuel des disparitions soit de plus d’une par jour, ainsi que des menaces d’enlèvements.  Elle s’est enquise des moyens à utiliser pour juguler cette tendance.

La France a annoncé qu’elle porterait devant le Conseil des droits de l’homme une proposition de renouvellement du mandat du Groupe de travail.  Elle a partagé l’inquiétude face à l’émergence de nouvelles formes de disparitions forcées ainsi que de nouvelles victimes.  Quelle mesure supplémentaire, en coopération avec le Comité sur les disparitions forcées, pourraient encourager les États à s’acquitter de leurs obligations?

Les actions coordonnée et organisées avec le Comité sont vitales, a souligné l’Argentine, qui a aussi relevé l’exploitation de cadres vulnérables comme la migration ou d’autres situations.  L’Argentine a voulu que Mme Es-Slami élabore davantage sur les spécificités de certains groupes vulnérables.

L’Union européenne a encouragé à tirer profit du dixième anniversaire de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en appelant tous les États à la ratification.  Comment l’Union européenne pourrait-elle davantage contribuer à la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail, a demandé le représentant, qui a aussi souhaité savoir quelle réponse, en lien avec la société civile, le Groupe de travail pouvait apporter à l’émergence de nouveaux types de disparitions forcées.

La Chine a affirmé être un pays de droit luttant contre les violations de tous les droits de l’homme.  Les organes ne peuvent agir au-delà de ce qui est constitutionnellement permis, a insisté le délégué, encourageant à l’adoption de mesures de réparations, de recours et d’indemnisation.  Il faut appliquer les principes d’équité, de justice et d’éléments de preuve, a-t-il conclu.

La Présidente du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a déclaré que le défi majeur était le nombre de cas et de plaintes dont il est saisi au quotidien.  Le Groupe de travail compte organiser un atelier d’experts, à Séoul, sur la migration et les disparitions forcées dans l’objectif d’examiner en profondeur le nouveau phénomène de disparitions forcées de migrants.

Autre outil de travail, les rapports de suivi deux années après les visites.  Elle a lancé un appel au Congo pour qu’il interagisse avec le Groupe de travail à cet égard.  Mme Es-Slami a regretté que les membres du Groupe de travail n’aient reçu d’autre invitation que celle de l’Albanie.  Elle a aussi indiqué avoir eu des réunions avec les délégations à Genève pour encourager les États à adresser des invitations. 

Elle s’est félicitée du fait que l’Union européenne assistait à la révision du Code pénal congolais pour qu’il soit conforme aux dispositions de la Déclaration et de la Convention, notamment en ce qui a trait à la lutte contre l’impunité.

M. JOSÉ SERRANO BRILLANTES, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a présenté le rapport des deux précédentes sessions du Comité (A/71/48).

Avant tout, M. Brillantes a espéré que les deux pactes mondiaux qui seront adoptés en 2018, dans le cadre des engagements de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, contribueront à résoudre les défis pour que tous puissent vivre dans la dignité.  Avec plus de 244 millions de migrants dans le monde, dont la moitié sont des femmes et plus de 30 millions des enfants, et dont 20% sont en situation irrégulière, « nous devons nous mobiliser collectivement et rapidement », a-t-il insisté.

La crise migratoire actuelle, des mers autour de l’Asie du Sud-Est et de l’Australie à la Méditerranée, des déserts des États-Unis aux terres d’Amérique centrale et du Mexique, révèle l’importance fondamentale de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée en 1990 et entrée en vigueur en 2003.  Or, a regretté le Président, ce texte vital n’a été ratifié à ce jour que par 48 États parties, « le chiffre le plus bas de tous les traités relatifs aux droits de l’homme ».  Et il n’y a pas eu de ratifications depuis mai 2015.

La Convention, a précisé M. Brillantes, n’établit pas de nouvelles catégories de droits de l’homme; elle entreprend d’expliquer comment les droits de l’homme internationaux doivent s’appliquer aux migrants et à leurs familles.  D’après lui, il est temps de lancer « un débat plus honnête » sur les obstacles à la ratification de la Convention.

« Une vision claire du besoin de main-d’œuvre migrante dans les pays de destination, avec davantage de canaux pour la migration régulière et la réunification familiale, contribuerait grandement à la prévention de l’exploitation et des autres dangers auxquels sont confrontées tant de personnes aspirant à une vie digne », a-t-il estimé.  Il faut également faire plus pour répondre aux causes profondes de la migration forcée, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.   

À ce jour, a poursuivi le Président, seulement quatre États ont reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.  Revenant aux travaux du Comité, il a prié les États parties de lui soumettre leurs rapports dans les temps ou de s’en remettre à la procédure simplifiée de présentation de rapports.

Le Comité a examiné son programme de travail à long terme et poursuivi sa coopération avec les institutions spécialisées des Nations Unies, les organisations intergouvernementales, les organisations de la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme, a expliqué M. Brillantes. 

Il a continué de discuter des Principes directeurs relatifs à la lutte contre l’intimidation ou les représailles (Principes directeurs de San José).  Il a participé à une longue liste de manifestations consacrées aux droits de l’homme des migrants.

En outre, le Comité ainsi que le Comité des droits de l’enfant ont élaboré un document de réflexion concernant l’observation générale commune sur les droits de l’enfant dans le contexte des migrations internationales.  Plus de 60 contributions émanant de diverses parties prenantes ont été reçues et une réunion a été organisée avec l’UNICEF pour débattre de la marche à suivre, s’agissant de la rédaction d’un projet de texte et de l’organisation de consultations régionales.

Enfin, M. Brillantes a regretté que sa demande concernant la participation du Comité aux forums internationaux sur la question des migrants soit restée « lettre morte ».  Ainsi, le Comité n’a-t-il pu participer qu’en qualité d’observateur à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants, « sans même une plaque à son nom ».

La représentante du Maroc a souhaité connaître les mesures préconisées par M. Brillantes pour relever le défi relatif à la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, « dans une conjoncture caractérisée par la xénophobie grandissante et les discours racistes à l’égard des migrants et des réfugiés dans certains pays d’accueil ». 

Le Maroc, a-t-elle rappelé, compte parmi les premiers pays du Sud à avoir adopté une politique nationale en matière de migration et d’asile, basée sur une approche humaine intégrée.

Le représentant de l’Union européenne a réitéré son engagement en faveur de la protection des droits de tous les travailleurs migrants.  Les migrations internationales sont multidimensionnelles et nous assistons à un phénomène sans précédent qui touche toutes les régions du monde, a-t-il reconnu. 

Il a demandé quelles sont les pratiques optimales en matière de coopération régionale et en matière d’égalité hommes-femmes, avant de lancer un appel contre la xénophobie et les groupes criminels qui tirent profit de la vulnérabilité des migrants.

Le représentant de l’Iraq a assuré que son pays reconnaissait le droit de tous les migrants à l’éducation, aux soins de santé et au logement.  Quel est le meilleur moyen de protéger les travailleurs migrants qui ont dû fuir le terrorisme?

Pour le représentant du Mexique, la question de la détention des mineurs est une priorité.  Le Mexique, a-t-il ajouté, est en train de préparer son troisième rapport sur la mise en œuvre de la Convention.  Il a demandé au Président de faire un bilan concernant la Déclaration de New York adoptée en septembre.

Quel a été le dialogue du Comité avec les pays qui disent ne pas avoir ratifié la Convention parce que leur propre législation va au-delà de ce qui y est stipulé et que faire pour les pays qui accueillent des migrants qui retournent dans leur pays d’origine?

La Colombie a mis en place des cadres législatifs et institutionnels pour accueillir les migrants en tenant compte de leurs droits de l’homme, a assuré son représentant.  

Le représentant du Bangladesh a indiqué que son pays avait été très actif pour faire de la migration un élément prioritaire dans le Programme 2030.  Quel rôle joue le Comité en dehors de Genève pour promouvoir et protéger les droits des migrants?

La Turquie a présenté son premier rapport au Comité en avril dernier, a souligné le représentant.  Comptant plus de six millions de travailleurs turcs à l’étranger, il a jugé prioritaire l’élargissement de la Convention.  Comment le Président du Comité voit-il le rôle de la Déclaration de New York pour augmenter le nombre de ratifications?

Le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a salué le rôle du Maroc au sein du Comité.  « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire connaître le contenu de la Convention auprès de ceux qui ont indiqué leur intention de ratifier la Convention et de ceux qui lui sont tout ou en partie opposés », a-t-il précisé.

M. Brillantes a réitéré son appel, notamment auprès de l’Union européenne, pour la ratification de la Convention.  Chaque fois que cela est possible, a-t-il par ailleurs assuré, le Comité adopte une approche soucieuse de la problématique hommes-femmes.

Le Mexique est l’exemple par excellence d’un pays qui multiplie ses efforts pour promouvoir le travail du Comité, s’est félicité M. Brillantes.  Il a critiqué « le libellé très faible » concernant la détention des mineurs dans la Déclaration de New York, car « la détention n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».

À son avis, la Turquie, durant la crise d’absorption par l’Union européenne de nombreux migrants et réfugiés, « a probablement laissé passer une opportunité pour ce qui est de la ratification », car elle avait donné son accord pour accueillir une grande partie des déplacés.  Mais il n’est pas trop tard, car il s’agit d’un dialogue en souffrance, a-t-il ajouté.

M. Brillantes est revenu sur le fait que l’appel du Comité n’a pas été entendu à la réunion de haut niveau de New York sur les réfugiés et les migrants.  « Nous sommes arrivés à la croisée des chemins et la communauté internationale doit prouver son engagement par rapport aux droits de l’homme de tous ceux qui sont en train de se déplacer, en se fondant sur le droit international et l’état de droit », a-t-il déclaré.

Enfin, pour combattre la xénophobie, il a proposé d’insister sur les contributions positives des migrants et la diversité. 

M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a indiqué que son rapport thématique (A/71/285) contenait des propositions concernant l’élaboration d’un pacte mondial sur la migration pour une mobilité sûre, régulière et ordonnée, qui sera mis en place au cours des deux prochaines années, visant à garantir la prise en compte et l’intégration des droits de l’homme.

Il a précisé que son rapport était une réponse écrite à celui du Secrétaire général intitulé « Dans la sûreté et la dignité: traiter des mouvements massifs de réfugiés et de migrants », qui a servi de document de réflexion à la réunion de haut niveau sur cette problématique qui a eu lieu le 19 septembre.

Les réponses des États à ces mouvements de grande ampleur, et ce qu’on a convenu d’appeler « la crise migratoire », sont courtes et inadéquates, a-t-il dit, expliquant qu’elles instauraient un climat chaotique et désorganisé, distillant ainsi la peur chez les citoyens des pays de destination et alimentant les stéréotypes, les mythes et les fantasmes que les politiciens nationalistes populistes exploitent à souhait.

M. Crépeau a tenu à remettre les pendules à l’heure: en termes de pourcentage de la population mondiale, le taux de migration demeure faible, a-t-il affirmé.  En 2015, les migrants ne constituaient que 3,3% de la population mondiale (soit 244 millions), contre 2,8% (71 millions) en 2000. 

Il a fait valoir que le taux de migration avait en fait ralenti au cours de la période 2010-2015 par rapport aux cinq années précédentes.  De ce fait, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est incorrect de qualifier la migration « de crise ».

Le titulaire de mandat a ensuite souligné que la migration irrégulière avait conduit à une montée du sentiment anti-migratoire, à la discrimination, à la violence tant les migrants sont décrits comme des « voleurs d’emplois » qui grèvent les services sociaux. 

Il a en outre noté que le marasme économique s’était accompagné d’une montée des partis nationalistes populistes et d’attaques terroristes dans le monde, d’une recrudescence de la xénophobie et de propos haineux, ce qui a fait naître une tendance à percevoir négativement les migrants.

Cette situation a contribué à élever des obstacles pour l’élaboration de politiques plus efficaces, fondées sur des données concrètes et sur les droits de l’homme, a constaté le Rapporteur spécial.

Face à ces perceptions négatives, les migrations ont un effet minimal sur le chômage parmi les habitants des pays d’accueil mais des conséquences positives sur la création d’emplois et l’investissement, a-t-il corrigé, ajoutant en effet que les migrants participaient à la croissance économique. 

Il a précisé à cet égard que de plus en plus de données montraient que les migrations, même en situation irrégulière, permettaient d’accroître les recettes fiscales directes et indirectes. 

M. Crépeau propose un changement radical dans la manière dont la migration est perçue et encadrée d’autant plus que la mobilité est un élément naturel de l’existence humaine.  « La gouvernance des migrations ne consiste pas à fermer les frontières et à empêcher les gens d’entrer ni d’être détenus ou déportés », a-t-il déclaré, mais plutôt à réglementer la mobilité par la mise en place de circuits de migration accessibles, sûrs et abordables, tout en promouvant la diversité, et en éliminant les pratiques de recrutement du trafic illicite.

Il a invité les États à envisager les motivations des migrants et leurs modalités de déplacement par l’adoption d’une approche stratégique à long terme en vue de l’élaboration d’un pacte mondial, qu’il a détaillé dans son rapport. 

Il a rappelé que ce pacte serait adopté lors d’une conférence intergouvernementale sur la migration internationale prévue en 2018.  Il a aussi proposé un programme comparable au Programme de développement à l’horizon 2030 qui pourrait être intitulé « Programme pour une mobilité humaine durable à l’horizon 2033 ». 

Le Maroc a pleinement adhéré au contenu du rapport et félicité le Rapporteur spécial pour ses efforts proactifs.  Le pacte mondial sera le premier document onusien global sur la migration et il faut saisir cet élan.  Le Maroc s’est engagé à ce que le Rapporteur spécial et le Comité des travailleurs migrants et des membres de leur famille fassent partie du processus menant à la réunion de 2018.

La contribution des migrants au développement est indéniable a déclaré l’Érythrée, qui a également rejeté la notion de « crise des migrants ».  Le délégué a appuyé le respect des droits des migrants durant tout le processus migratoire, indépendamment de leur statut.  L’Érythrée a joué un rôle essentiel dans la préparation de la réunion de haut niveau sur les mouvements massifs de réfugiés et de migrants. 

Les politiques répressives sont à éviter, a ajouté le Brésil, qui a plutôt recommandé la création de réseaux de migration sûrs et équilibrés, dans le cadre d’une approche multilatérale d’intégration multiculturelle dans l’optique également de la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.  Le Brésil a encouragé à tourner la page aux politiques de fragmentation et de gestion chaotique des flux migratoires.

Le Mexique s’est félicité des recommandations détaillées concernant la rédaction du pacte mondial, dans le respect des droits de l’homme des migrants.  Cela permet de reconnaître les dimensions humaines de la migration.  Il a mis l’accent sur les liens positifs entre la migration et le développement durable.  L’annexe de la Déclaration de New York met l’accent sur la responsabilité commune dans la gouvernance de ce phénomène.  Il s’est inquiété du discours politique exhortant à la haine et à la xénophobie et demandé comment aider le Secrétaire général dans sa campagne à ce propos.

Confrontée à une situation sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, la Grèce a indiqué avoir accueilli plus de 1,7 million de migrants.  Elle a appelé à s’attacher aux causes de ce mouvement.  La Grèce a regretté que la mise en œuvre du mécanisme de relocalisation ne soit pas tout à fait fonctionnelle, et a attiré l’attention sur le fait qu’une aide supplémentaire sera indispensable avec l’approche de l’hiver. 

La Fédération de Russie a noté, pour sa part, que si on appelle différemment le problème, cela ne changera pas sa nature ni sa gravité.  Elle a signalé que ce mouvement massif émanait de l’ingérence d’États dans les affaires intérieures d’autres pays, ce qui fait que les droits et libertés sont menacés, poussant donc les personnes à fuir à la recherche d’une vie meilleure.

La déléguée a énuméré le cadre juridique international existant et exhorté à pleinement utiliser le potentiel des instruments relatifs à la migration.

Le Canada a vigoureusement soutenu l’appel du Rapporteur spécial à la protection des migrants par les États.  La représentante a préconisé une politique migratoire inclusive et cohérente, dans le respect de la diversité issue de la migration, qui est essentielle à la croissance à long terme et à la prospérité.  Quel serait l’ordre de priorités nécessaires pour améliorer la gouvernance de la migration dans le monde?

Les États-Unis ont, en revanche, déclaré ne pas être d’accord avec toutes les déclarations du Rapporteur spécial mais reconnu que la migration pouvait effectivement avoir des effets positifs.  Le Programme de développement durable doit servir de contexte au pacte mondial, ont-ils recommandé.  Enfin l’intégration de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à l’ONU est la prérogative des États.

Cuba a souhaité avoir de plus amples informations sur les politiques encourageant une migration désordonnée.

La Colombie a souligné que la question migratoire ne saurait être gérée unilatéralement d’où la nécessité impérieuse de mécanismes robustes de coordination.  La Colombie a une politique transversale et intégrée tant en termes de responsabilité que des droits des migrants de sorte à ce qu’ils ne perdent pas leur lien avec leur pays d’origine, et en tissent de nouveaux dans le pays d’accueil.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué que la Déclaration de New York évoquait des initiatives menées par les États fondées sur des pratiques optimales.  L’OIM est disposée à faciliter les consultations pour l’élaboration de principes directeurs concernant la gouvernance des migrations articulée sur les instruments normatifs et juridiques sur les droits des migrants.

L’Indonésie a plaidé pour la pleine protection des migrants qui devrait être une priorité pour les pays d’origine, de transit et d’accueil.  Sur le plan régional, l’Indonésie joue un rôle important dans ce sens.  Elle a adopté 38 mémoranda d’entente avec des pays asiatiques, et fournit des services à ses citoyens dans les pays d’émigration. 

La délégation a réitéré l’importance de la coopération régionale et multilatérale pour renforcer l’engagement de tous les pays en vue de la protection des droits des migrants.

L’Angola, pays où M. Crépeau a effectué une visite, a déclaré qu’on se trouve dans une période charnière face au nombre croissant de migrants dans le monde.  Les États doivent élaborer des approches à long terme ainsi qu’un cadre institutionnel et normatif pour la migration.   

Quelles sont les mesures qui pourraient contribuer au niveau national à promouvoir un récit positif sur les migrants, a demandé le représentant de l’Union européenne.  Étant donné la palette d’instruments internationaux existants, quelles mesures pratiques pourraient renforcer la coopération dans le développement social et la gouvernance en faisant participer toutes les parties?

Au lieu de parler de menace mondiale et de sécurité nationale, la représentante de la Suisse a proposé de mettre l’accent sur le partage de responsabilités, la coopération et le partenariat à l’échelle internationale.  Elle s’est enquise des propositions concrètes de M. Crépeau qui, par le biais du pacte mondial, permettraient de transformer les politiques existantes et mettre fin à la stigmatisation, la marginalisation et l’incrimination des migrants.  Comment envisager le futur de la gouvernance globale des migrations au vu des développements qui auront lieu avec l’élaboration du pacte?  

Le représentant de l’Allemagne a souligné que les pays d’origine et de destination peuvent profiter de la migration.  Il a jugé crucial d’insister sur le fait que les droits de l’homme de tous les migrants doivent être protégés.  « Pour une bonne gestion de la migration, une intégration rapide des migrants est nécessaire », a-t-il assuré.

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants a fait remarquer que ce n’est que très récemment que l’on a pensé aux droits des migrants comme à des droits de l’homme.  Les migrants vulnérables avec ou sans papiers sont dans une situation comparable à celle des ouvriers au XIXe siècle.  «  Si vous lisez Dickens ou Zola, vous saurez ce qu’ils vivent », a-t-il ajouté.

La voix des migrants doit être entendue, a poursuivi M. Crépeau.  Il a imaginé un jour où toute personne ayant résidé suffisamment longtemps dans un pays aura le droit de voter, car il faut avoir des droits lorsque l’on paye des impôts.  Il faut offrir aux migrants l’espace sociopolitique nécessaire à leur prise de parole.  Il a comparé leur combat au mouvement féministe, en espérant qu’il prendra moins de temps.

Un obstacle réside dans la souveraineté interprétée comme une limite, a expliqué M. Crépeau.  Selon lui, il va falloir faire des concessions à l’accès au territoire, comme en matière commerciale.  L’identité est un autre obstacle.  Il faut concevoir l’identité non pas de façon figée mais comme un mélange du passé et du futur.   

Il a évoqué la réaction des citoyens qui prennent des initiatives généreuses en faveur des migrants, comme en Grèce ou au Canada, qui a accueilli 35 000 réfugiés syriens depuis 12 mois.  « C’est une réaction idéale par rapport au discours populiste », a-t-il applaudi.

Enfin, a recommandé le Rapporteur spécial, il faut profiter des négociations sur un pacte mondial pour adopter un calendrier avec des objectifs précis, comme la signature de davantage d’accords de facilitation de visas avec les pays voisins.  « Il faut joindre les efforts pour que personne n’ait l’impression de porter tout seul le poids de la libéralisation de la mobilité », a-t-il conclu. 

M. CHALOKA BEYANI, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, qui présentait son dernier rapport (A/71/279), a souligné qu’il examinait les mesures essentielles qui pourraient être prises pour réduire les déplacements en s’appuyant sur la prévention et la recherche de solutions durables.

Selon M. Beyani le déplacement interne devait être conçu comme un phénomène mondial aux conséquences nationales, régionales et internationales devant engager les États à adopter de nouvelles stratégies de préventions et à trouver des solutions durables.

Ainsi, il a rappelé l’engagement des États de la communauté internationale, lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire, tenu à Istanbul, en Turquie, en mai 2016, en vue de réduire de 50% les déplacements internes d’ici à 2030.  Cette promesse, a-t-il affirmé, ne saurait se concrétiser si l’on continuait « comme si de rien n’était ».

Par conséquent, il a indiqué que, pour mieux honorer ses engagements, la communauté internationale devait tenir compte des enseignements tirés des expériences acquises et incorporer les éléments qui se sont révélés probants tout en les améliorant.

Par ailleurs, le Rapporteur spécial a expliqué que le processus de réduction des déplacements appelait de nouveaux modèles d’actions nationales et internationales, qui soient prédictifs plutôt que réactifs.  Ces modèles, a-t-il dit, devraient être axés sur l’alerte rapide, la préparation et l’atténuation des effets des catastrophes et l’adaptation.

Il a également préconisé la nécessité de dépasser le clivage action humanitaire-développement afin de permettre une action intégrée, laquelle investit dans le renforcement de l’autonomie et de la résilience. 

M. Beyani a souligné sa détermination à appuyer l’Union africaine dans les efforts de vulgarisation de la Convention de Kampala, comme moyen essentiel de promouvoir sa mise en œuvre par les États africains.

Il a relevé l’importance d’identifier et prendre des mesures susceptibles d’aboutir à des solutions durables en faveur des personnes déplacées en mettant davantage l’accent sur celles qui sont en dehors des camps.

En outre, M. Beyani a insisté sur l’importance de mettre en place des politiques et des programmes visant à intégrer les personnes déplacées dans les programmes de développement local destinés aux populations d’accueil.

Le Rapporteur spécial a recommandé que les mécanismes régionaux élaborent des cadres juridiques et des outils pratiques pour aider les États à faire face aux problèmes des déplacements internes, appelant la communauté internationale à renforcer des plans directeurs et des cadres juridiques propices à la protection et à la promotion de la prise en compte de ces personnes.

Par ailleurs, il a estimé que le système des Nations Unies devrait renforcer la capacité de ses services techniques en vue de fournir une expertise aux États et aux organisme régionaux qui sont en passe d’élaborer des lois, des politiques et des stratégies nationales conformes aux Principes directeurs.

La Géorgie a déclaré que la visite de suivi de M. Beyani, en septembre, avait été un jalon pour la mise en œuvre du droit au retour des déplacés.  La représentante a signalé que le titulaire de mandat n’avait pu se rendre en Abkhazie et d’autres régions occupées car il n’y avait pas de mécanismes de suivi de la situation des déplacés sur place.

En raison de l’installation de barrières et autres obstacles le long de la ligne d’occupation, des problèmes graves se posent pour les habitants, a poursuivi la délégation, qui s’est en revanche déclarée fermement engagée dans la promotion de solutions durables.  Le droit au retour a été reconnu dans le cadre de nombreuses résolutions du Conseil et de l’Assemblée générale, et un grand nombre de déplacés ont revendiqué ce droit.

L’Autriche a félicité M. Beyani et toute son équipe alors qu’il arrive à la fin de son mandat.  Le représentant a appelé à prévenir les déplacements afin de réduire leur nombre de moitié d’ici à 2030.  Il s’est demandé comment passer d’une politique de réaction à une de prévention.

Les États-Unis ont prêté attention aux recommandations spécifiques du Rapporteur spécial, en particulier sur les femmes et les enfants, majorité invisible.  Ils ont appelé au rétablissement du poste de représentant spécial du Secrétaire général sur les droits de l’homme des personnes déplacées.

Le Japon et le Liechtenstein ont demandé comment la communauté internationale pourrait contourner les obstacles pour véritablement réduire de moitié le nombre des déplacés internes d’ici 15 ans.

Le Sommet humanitaire d’Istanbul a marqué un tournant, a déclaré la Turquie, pour qui cet événement a permis de créer une tendance positive pour la résolution des problèmes liés au déplacement.

Le Maroc a noté que le Rapporteur spécial consacrait une bonne partie de son rapport à la question des données en tant qu’élément clef du principe de protection et d’évaluation des besoins, et une section entière, à l’amélioration de la collecte, de l’analyse et du profilage des données.  La délégation a souligné que ces données fiables étaient une condition préalable à l’élaboration de politiques et de programmes en faveur des déplacés.

L’Iraq, où les groupes terroristes s’attaquent à la population, aux minorités religieuses et ethniques, a fourni des efforts significatifs pour la protection des déplacés, leur logement, l’intégration dans les écoles, la fourniture de nouveaux documents d’identité et l’allocation d’aides en espèce et en nature.

L’Iraq a appuyé les recommandations concernant l’assistance aux États pour remédier aux problèmes psychologiques des victimes.

Le Royaume-Uni a dit, pour sa part, qu’il avait augmenté les financements pluriannuels en faveur de l’assistance aux déplacés et répondre à leurs besoins humanitaires.

La Norvège a souhaité que davantage de ressources soient allouées à l’assistance aux déplacés, et que ceux-ci participent au processus de prise de décisions sur les questions qui les affectent.

La Colombie a dit avoir pris des mesures résolues pour affronter le problème des déplacés.  Le pays a donc changé son approche et sa politique, le Gouvernement du Président Santo ayant investi d’importants efforts humains et financiers.

L’Union européenne a mis en exergue la prévention du déplacement, sujet que M. Beyani a également abordé dans son rapport.  Le représentant a souhaité obtenir des exemples de pratiques optimales à ce sujet.  Le paragraphe 20 de la Déclaration de New York exhorte à une réflexion pour des stratégies efficaces.  La création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général pourrait-elle y contribuer et, dans l’affirmative, comment?

La Suisse a appelé les États concernés à renforcer leurs efforts, et la communauté internationale à augmenter son soutien afin de répondre aux besoins de protection et d’assistance des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. 

Quelles sont les mesures prioritaires que les États concernés doivent prendre afin de réaliser l’objectif défini lors du Sommet humanitaire mondial de réduire le déplacement interne de 50% d’ici à 2030.  Elle a cependant regretté que la thématique des déplacés internes n’ait pas été davantage discutée lors du Sommet sur les mouvements massifs de réfugiés et de migrants. 

L’Azerbaïdjan a salué le fait que le Rapporteur spécial ait positivement reconnu les efforts de ce pays dans son assistance aux déplacés.  Comment pourrait-on améliorer la coopération pour remédier à la grave situation des déplacés?  L’Azerbaïdjan a appuyé l’idée de nomination d’un représentant spécial.

Le représentant du Nigéria a remercié le Rapporteur spécial de sa visite.  Son pays, a-t-il assuré, respecte les principes du droit humanitaire.

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a félicité la Géorgie pour les logements pérennes mis en place, mais il a regretté de ne pas avoir pu visiter l’Abkhazie.

L’engagement politique des acteurs de développement est important, a-t-il dit.  Quant à l’initiative « Les droits de l’homme avant tout », il estime que c’est un instrument crucial.  Les pays doivent être à même d’évaluer les risques de violence et de conflit.

M. Beyani a plaidé pour une formation permanente au sein des Nations Unies.  En effet, il a estimé avoir consacré « plus de 200% » de son temps à son mandat et il a réalisé plus de huit missions depuis le mois d’aout.  Un représentant spécial du Secrétaire général ayant la même autorité pourrait agir à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système, sur le terrain.  Ce serait une autre voix indépendante. 

Il faut séparer l’aspect politique et l’aspect des droits de l’homme, a poursuivi M. Beyani.  Il est essentiel de relancer le système interinstitutionnel au lieu de travailler de manière cloisonnée.  Il faut plus de participation en Iraq comme pour Alep.

Il a préconisé une approche sur le moyen et le long terme pour renforcer la résilience et trouver des solutions durables pour les personnes déplacées, notamment à travers des cadres juridiques régionaux.

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