En cours au Siège de l'ONU

Soixante et onzième session,
25e et 26e séances – matin et après-midi
AG/SHC/4175

Troisième Commission: le Président de l’Assemblée générale et des experts défendent les droits des réfugiés et des migrants fuyant les conflits

La réalité quotidienne de beaucoup de personnes dans le monde est celle d’un empiètement sur leurs droits, plutôt qu’une expansion de ceux-ci, a constaté ce matin, devant la Troisième Commission, le Président de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson, en évoquant le sort de millions de réfugiés et de migrants qui fuient les conflits armés, la violence, l’intolérance et la persécution.

La Commission chargée des affaires sociales, humanitaires et culturelles poursuivait l’examen des questions relatives aux droits de l’homme en présence de six experts, dont le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Ben Emmerson, qui a traité des répercussions des mesures antiterroristes sur les droits fondamentaux des migrants et des réfugiés.

Si le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est efficacement mis en œuvre, a espéré le Président de l’Assemblée générale, nous pourrons édifier des sociétés pacifiques et inclusives, autonomiser les femmes et les filles, combattre la discrimination et les inégalités, mettre un terme à l’exploitation, à la traite et à la torture, éliminer la pauvreté extrême et lutter contre les changements climatiques.  En attendant, nous sommes témoins aujourd’hui de la plus grande crise humanitaire et de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, a rappelé M. Peter Thomson.

En 2015, a précisé le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, on recensait plus de 65 millions de personnes déplacées, dont plus 12 millions contraintes de fuir au cours de l’année, ce qui représente un million de personnes par mois.  Plus d’un million de ces migrants seraient également entrés en Europe en 2015, et ce chiffre continue d’augmenter.

Le Président de l’Assemblée générale a indiqué qu’il nommera bientôt les cofacilitateurs chargés d’entamer les négociations sur les deux pactes qui seront adoptés en 2018, en vertu des engagements pris dans la récente Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants. 

Le Rapporteur spécial a estimé que le lien entre déplacements de population et risques posés à la sécurité nationale des pays dans lesquels les gens cherchent refuge a été « exagéré de façon irresponsable et trompeuse » dans de nombreux États.  Dans la plupart des cas, les migrants et les réfugiés sont eux-mêmes victimes du terrorisme.

La migration irrégulière n’est pas un crime; chacun a le droit de se rendre dans un autre pays à la recherche d’un refuge en cas de conflit armé asymétrique, a réaffirmé M. Ben Emmerson lors du dialogue interactif qui a suivi son intervention.  « La peur du terrorisme ne fait qu’attiser la peur des réfugiés », a-t-il averti.  

Le Rapporteur spécial a souligné que les frontières internationales ne sont pas des zones d’exception pour les droits de l’homme.  Il a recommandé que l’interdiction absolue du refoulement qui existe en droit international soit respectée par les États partout où ils exercent leur autorité, même en haute mer.

Le droit à la vie des migrants a également préoccupé le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns, dont le successeur, Mme Agnès Callamard, a présenté le dernier rapport.

Un thème moins médiatisé, la situation des défenseurs des droits environnementaux, a fait l’objet d’un plaidoyer passionné de la part du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst.  Il a tiré la sonnette d’alarme sur la dégradation de la situation de toutes celles et ceux qui se mobilisent pour la cause environnementale dans le monde.  Chaque semaine, s’est-il indigné, trois défenseurs du droit à l’environnement sont assassinés.  Selon M. Forst, la communauté internationale doit veiller à ce que la mise en œuvre du Programme 2030 soit guidée par une approche fondée sur les droits de l’homme.

À son tour, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye, a examiné dans son rapport les obstacles contemporains à cette liberté.  Les personnes qui tentent d’exercer leur droit à la liberté d’expression sont souvent confrontées à maintes restrictions et bien souvent pour des motifs « injustifiables ».  Les outils traditionnels de répression sont toujours de mise, tandis que de nouveaux émergent à mesure que la censure se développe à l’ère numérique.

Les travaux de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Mme Monica Pinto, ont été présentés par le Haut Fonctionnaire aux droits de l’homme, Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies à New York, M. Javier Hernandez Valencia.  Mme Pinto dénonce l’abus des poursuites pour outrage au tribunal ou à la cour utilisées par certains États pour restreindre la marge de manœuvre dans un contexte démocratique.

Enfin, l’Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, Mme Virginia Dandan, s’est concentrée sur un avant-projet de déclaration sur le droit des peuples et des individus à la solidarité internationale, la version finale du projet devant être soumise au Conseil des droits de l’homme en juin 2017.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux lundi 24 octobre, à partir de 10 heures.

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA SOIXANTE ET ONZIÈME SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

M. PETER THOMSON, Président de l’Assemblée générale, a souligné que l’ambitieux Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté l’année dernière, se fonde explicitement sur la Déclaration universelle des droits de l’homme.  En dépit des progrès accomplis depuis 1948, il reste beaucoup à faire pour garantir les droits de l’homme de chaque personne, a-t-il toutefois reconnu. 

La réalité quotidienne de beaucoup de personnes dans le monde est celle d’un empiètement sur leurs droits, plutôt qu’une expansion de ceux-ci.  Des millions de personnes fuient les conflits armés, la violence, l’intolérance et la persécution.

Pas plus tard qu’hier, a relevé M. Thomson, l’Assemblée générale a tenu une réunion informelle sur la tragédie en Syrie et son impact dévastateur sur le peuple, le territoire, la région et le reste du monde.

Nous sommes aujourd’hui témoins de la plus grande crise humanitaire et de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-il rappelé.  À cet égard, la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants, adoptée le mois dernier, marque une première étape importante pour s’engager à l’égard de cette crise.  À ce sujet, M. Thomson a indiqué qu’il nommera bientôt les cofacilitateurs chargés d’entamer les négociations sur les deux pactes qui seront adoptés en 2018. 

Le Président de l’Assemblée générale a salué le travail fondamental accompli par la Troisième Commission pour faire respecter les normes existantes en matière de droits de l’homme.  Il s’est félicité de la collaboration croissante entre les experts des droits de l’homme à Genève et à New York.

Si le Programme 2030 est efficacement mis en œuvre, a-t-il assuré, nous pourrons édifier des sociétés pacifiques et inclusives, autonomiser les femmes et les filles, combattre la discrimination et les inégalités, mettre un terme à l’exploitation, à la traite et à la torture, éliminer la pauvreté extrême et lutter contre les changements climatiques.

Avec le Programme 2030, nous avons l’occasion d’entraîner un vaste mouvement d’acteurs et d’organisations aux niveaux local, national et mondial, pour promouvoir une approche centrée sur la personne et réaliser à la fois les droits de l’homme universels et les objectifs de développement durable, a poursuivi M. Thomson.

Au cours de cette session, a-t-il lancé aux délégués de la Commission, vos discussions et délibérations contribueront directement à la réalisation de l’un des buts fondamentaux de l’ONU.  « Rappelons-nous que c’est notre diversité qui nous rend plus forts; que nous partageons une humanité commune; et que, qui que nous soyons dans ce monde, nous jouissons tous des mêmes droits de l’homme qui doivent être protégés, » a conclu le Président.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/71/40 et A/C.3/71/4 (à paraître))

Divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

M. JAVIER HERNANDEZ VALENCIA, Haut Fonctionnaire aux droits de l’homme, Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies à New York, qui présentait le rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats (A/71/348), a indiqué que le rapport dénombre de nombreuses attaques contre des avocats et des cas d’ingérence ou de restrictions à l’exercice de leur profession.  Les juges et avocats jouant un rôle essentiel dans une société démocratique, en contribuant à garantir l’accès à la justice et la protection des droits de l’homme, le rapport insiste sur le fait que cet accès, consacré dans le droit international, est un préalable essentiel de la jouissance et de l’exercice d’un certain nombre de droits. 

Le rapport demande donc aux États d’honorer leurs obligations, en protégeant l’indépendance des juges et des avocats contre toute ingérence des autorités, y compris celle des acteurs non étatiques.  Il leur demande également de reconnaître le statut de défenseur des droits de l’homme des avocats et de s’interdire de les assimiler à leurs clients ou la cause qu’ils sont appelés à défendre.  M. Valencia a insisté sur le caractère privilégié de la relation entre l’avocat et son client, précisant que la confidentialité s’applique à tout type de communication et appelant à une protection contre les perquisitions illégales et les saisies de documents physiques et électroniques.

Il a également dénoncé l’abus des poursuites pour outrage au tribunal ou à la cour utilisées par certains États pour restreindre la capacité des avocats à donner leur avis sur des décisions rendues par les autorités judiciaires dans un contexte démocratique.  D’autres menaces pèsent sur les avocats, notamment la radiation du barreau, pour les intimider.  Une radiation ne saurait être prononcée que dans les cas de faute professionnelle les plus graves, tels qu’ils sont définis dans le Code de déontologie.

Il faut aussi s’inquiéter, a poursuivi M. Valencia, de la multiplication, au fil des ans, des plaintes pour agressions physiques, harcèlements, menaces contre l’intégrité physique déposées par les avocats contre l’État et les acteurs non étatiques.

M. Valencia a rappelé que les associations d’avocats avaient un rôle fondamental à jouer dans la promotion et la protection de l’indépendance et de l’intégrité de la profession, ainsi que dans la préservation de ses intérêts.  Il a jugé préoccupant la situation des avocats dans les pays qui n’ont pas de barreau indépendant.  Il a donc appelé les États à adopter urgemment des lois nationales qui protègent les avocats, leur offrent les voies de recours et préviennent les attaques.

Mme AGNES CALLAMARD, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, entrée en fonction en août dernier, a présenté le rapport final (A/71/372) de son prédécesseur, M. Christof Heyns qui dresse le bilan des questions qu’il a abordées au cours de ses six années de mandat.  Le rapport étant axé sur le droit à la vie, M. Heyns se concentre sur deux aspects: la prévention et l’obligation de reddition de comptes.  Il souligne que le droit à ne pas être arbitrairement privé de la vie constitue un droit fondamental, universellement reconnu et applicable en toutes circonstances et en tout temps.  Ce droit est « le droit suprême ». 

Résumant les contributions de son prédécesseur, la Rapporteuse spéciale a attiré l’attention sur la mise à jour du Manuel sur la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (Protocole du Minnesota).  Son prédécesseur met en exergue le fait que le droit à la vie ne signifie pas uniquement « droit à une existence physique continue » mais bien « droit à une vie digne ».  Mme Callamard a estimé que cette approche a été particulièrement mise en évidence dans le travail de M. Heyns sur les armes autonomes, rappelant que la privation de la vie ne saurait se justifier par une raison autre que celle de sauver des vies. 

Mme Callamard a ensuite expliqué que son prédécesseur avait conjointement rédigé 753 communications à l’intention des États, et qu’il avait reçu des réponses sur 47% des cas.  Il avait aussi accordé la priorité à la coopération avec les mécanismes régionaux, et plus étroitement, avec la Commission africaine des droits de l’homme par le biais de la Feuille de route d’Addis-Abeba.  La Troisième Commission a d’ailleurs adopté, en novembre 2015, son observation générale no 3 sur le droit à la vie; tandis que le Comité des droits de l’homme à Genève rédige actuellement une observation générale sur ce même droit.

Le Rapporteur spécial sortant avait été le premier à se pencher sur l’usage des drones armés et des armes autonomes, en temps de guerre comme dans les opérations de maintien de l’ordre.  À cet égard, il avait insisté sur la tendance, née des technologies, à une « dépersonnalisation » de la force et sur la nécessité d’élaborer de nouvelles lois.  Il s’était demandé, en particulier, si de telles armes pouvaient légalement faire du ciblage, et, par extension, si elles devaient permettre de cibler des êtres humains.

La nouvelle Rapporteuse spéciale a estimé que cette question est liée à la cible 1 de l’objectif 16 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, relatif aux sociétés pacifiques puisqu’elle traite de la capacité des États de faire face à la violence civile et de se garder d’un usage excessif de la force.  Dans ce contexte, le Rapporteur précédent avait notamment examiné de près les mesures nécessaires pour une gestion adéquate des manifestations publiques, dans le cadre des droits et des libertés fondamentales comme la liberté d’expression, de droit de réunion ou encore le droit à la sécurité physique. 

S’agissant de la peine de mort, M. Heyns avait souligné que le paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques demande aux États appliquant cette sentence de ne le faire que pour les « crimes les plus graves », qu’il avait interprétés comme « cas extrêmes ».  Le précédent Rapporteur avait aussi contribué à la promotion de l’abolition progressive de la peine de mort et surtout affirmé que la peine de mort est de plus en plus considérée comme un acte de torture, un traitement cruel ou inhumain, interdit d’ailleurs en vertu de l’article 7 du même Pacte.  Le précédent Rapporteur avait aussi noté que 30 États dans le monde sanctionnent les délits liés à la drogue par la peine de mort.  L’ancien titulaire de mandat s’était aussi intéressé aux meurtres de journalistes et défenseurs des droits de l’homme; aux crimes d’honneurs, à la sorcellerie ou encore aux meurtres de personnes sur la base de leur orientation sexuelle et identité sexuelle.   

Enfin, le droit des migrants à la vie avait aussi occupé l’esprit du Rapporteur spécial sortant, qui s’était inquiété de l’emploi de la force aux frontières et dans les centres de détentions, entre autres.  Il s’était catégoriquement prononcé contre le refoulement surtout si celui-ci découlait d’une politique délibérée.

Le dialogue qui a suivi a tourné principalement autour de la position du précédent Rapporteur spécial sur la peine de mort.

Singapour a vivement critiqué le rapport et les appels à un moratoire sur la peine de mort et à son abolition.  La peine de mort, s’est-elle défendue, n’a rien à voir avec les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et, en l’occurrence, les éléments constitutifs d’un « crime grave » doivent être laissés à la discrétion des pays.  Pour Singapour, le trafic de drogue est un « crime grave » passible de la peine de mort, ce qui est une « sanction justifiée ».  À ce stade, a estimé la Papouasie-Nouvelle-Guinée, il faut insister sur le droit souverain des États de décider de leurs politiques nationales et d’ailleurs, a fait observer, l’Égypte, aucun grand traité international ne consacre l’abolition de la peine de mort.

Cette abolition a été fortement appuyée par l’Australie; le Canada se scandalisant que, dans le monde, au moins dix États prévoient la peine de mort pour les LGBT.  Aucune circonstance ne peut servir de prétexte pour légitimer la peine de mort ou toute forme d’exécution, a tranché la France, en commentant particulièrement la situation en Iraq et en Syrie.  Que peut-on faire, a-t-elle poursuivi, pour mettre fin aux exactions à l’égard des journalistes, en sachant qu’il existe une relation de cause à effet entre l’impunité et les meurtres de journalistes?  Cette question a aussi préoccupé l’Union européenne qui a appelé la Rapporteuse spéciale à en faire une priorité, tout comme à l’abolition de la peine de mort.

Cuba a appuyé le lancement d’une étude sur les tendances de l’usage de la force dans le contexte du maintien de l’ordre.  Avec la généralisation des mobiles et des médias sociaux, a fait remarquer l’État de Palestine, les jeunes Palestiniens gardent désormais les traces et les vidéos des exactions.  La République islamique d’Iran a posé des questions liées au procès équitable, y compris dans les cas de conflit armé, ou s’agissant de migrants.  Le Liechtenstein a voulu savoir si la Rapporteuse spéciale avait contacté le Gouvernement philippin concernant la guerre qu’il mène actuellement contre la drogue et le trafic des stupéfiants.

Le Mexique a salué le travail du Rapporteur spécial précédent, « pionnier » dans l’analyse de questions très importantes comme la peine de mort et les exécutions commises par des acteurs non étatiques, l’utilisation des drones et des armes autonomes, et les lois discriminatoires envers les migrants et réfugiés.  L’Iraq a invité la nouvelle titulaire du mandat à se rendre sur son territoire.

La Rapporteuse spéciale s’est félicitée puisqu’elle a dit avoir demandé de pouvoir se rendre en Iraq tout comme aux Philippines.  Elle a reconnu qu’auprès des États, il faut faire un grand travail de sensibilisation et de communications sur les exécutions extrajudiciaires.  « Il y a donc un grand travail de sensibilisation et de communication à réaliser », a-t-elle dit.  S’agissant de la peine de mort, elle s’est dite prête à discuter avec les États de la notion de « crime le plus grave », rappelant toutefois que cette notion est déjà définie par le droit international.  Elle n’appartient donc plus exclusivement au champ national.

Mme Callamard a parlé de ses priorités, en citant d’abord l’établissement d’une méthodologie qui tienne compte de l’égalité hommes-femmes.  Elle a ensuite cité le rôle des acteurs non étatiques et l’utilisation de la force, non sans oublier de souligner son intérêt pour les nouvelles technologies. 

Aucune politique n’appuie les exécutions extrajudiciaires, ont martelé les Philippines, expliquant que le pays mène en effet une lutte contre la corruption, la criminalité et les drogues lesquelles ont « écrasé les rêves et l’espoir de notre peuple ».  Le pays compte près de trois millions d’usagers et de consommateurs de drogues et il est juste que le Président ait lancé la guerre contre ce trafic, « tout en réaffirmant son engagement en faveur des droits de l’homme ».

La Rapporteuse spéciale a répété qu’elle attend toujours l’invitation des autorités à se rendre aux Philippines

M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a présenté son rapport annuel (A/71/384) qui traite des répercussions des mesures antiterroristes sur les droits fondamentaux des migrants et des réfugiés.

Avant tout, il a espéré que la dernière initiative en faveur d’un cessez-le-feu en Syrie portera ses fruits.  « La ville d’Alep est devenue un abattoir terrifiant, » s’est-il indigné.  Le conflit en Syrie a déjà provoqué des déplacements de population sans précédent, qui ont gagné d’autres régions du monde en proie à des conflits asymétriques, a poursuivi M. Emmerson.  De Libye, les trafiquants d’êtres humains lancent sans pitié à la mer des bateaux remplis à ras bord de migrants et de réfugiés.

Associée à ce phénomène, a-t-il constaté, il y a la perception erronée que le déplacement des personnes menace la sécurité nationale, dans la mesure où beaucoup fuient des zones où les terroristes sont actifs, tandis que d’autres sont attirés dans ces zones pour prendre part au combat. 

Comme l’a dit le Secrétaire général, la propagation de l’extrémisme violent a aggravé la crise humanitaire.  En 2015, a précisé le Rapporteur spécial, on recensait plus de 65 millions de personnes déplacées, dont plus de 12 millions contraintes de fuir au cours de l’année, ce qui représente un million de personnes par mois.  Plus d’un million de ces migrants seraient également entrés en Europe en 2014, et ce chiffre continue d’augmenter.

M. Emmerson a estimé que le lien entre déplacements de population et risques posés à la sécurité nationale des pays dans lesquels ils cherchent refuge a été « exagéré de façon irresponsable et trompeuse » dans de nombreux États.  Il n’y a pratiquement pas de preuve que les groupes terroristes profitent des flux de réfugiés pour perpétrer des actes de terrorisme ou que les réfugiés sont plus susceptibles d’être radicalisés que d’autres.  De telles allégations, a-t-il assuré, sont statistiquement infondées.

Pratiquement sans exception, a-t-il poursuivi, les réfugiés et les migrants ne présentent pas de risque.  « Dans la plupart des cas, les migrants et les réfugiés sont eux-mêmes victimes du terrorisme. »   De nos jours, la plupart des violations des droits de l’homme les plus graves sont perpétrées par des organisations terroristes.  Pour M. Emmerson, les victimes du terrorisme doivent être reconnues par la communauté internationale comme étant des victimes de violations flagrantes des droits de l’homme.

Un autre message de M. Emmerson consiste à dire que les frontières internationales ne sont pas des zones d’exception en ce qui concerne les droits de l’homme.  L’ensemble des mesures de gestion des frontières, notamment les dispositifs de contrôle frontalier, dont le profilage, devraient toujours satisfaire aux principes de légalité, de proportionnalité, de nécessité et de non-discrimination, écrit-il dans son rapport.

M. Emmerson a ensuite ciblé les initiatives en matière de législation nationale destinées à isoler, parmi la population de réfugiés, les personnes soupçonnées de radicalisation.  Il a cité en exemple les dispositions en vigueur au Royaume-Uni qui permettent la révocation du statut de réfugié pour comportement « extrémiste ».

L’interdiction absolue du refoulement qui existe en droit international doit être respectée par les États partout où ils exercent leur autorité, même en haute mer, a tenu à rappeler le Rapporteur spécial.  Les personnes interceptées et secourues doivent être placées en lieu sûr.  M. Emmerson s’est inquiété de la déclaration conjointe de l’Union européenne et de la Turquie en date du 18 mars 2016, qui prévoit le retour massif des migrants passés en Grèce depuis la Turquie.  Il a jugé le renvoi sans examen de la situation individuelle des migrants particulièrement préoccupant.  La détention des migrants, des réfugiés ou des demandeurs d’asile doit toujours être une solution de dernier recours, a conclu l’intervenant.  Elle ne doit avoir lieu que si elle est nécessaire, raisonnable et proportionnée.  La détention d’enfants n’a aucune justification, a-t-il tranché.

Au cours du dialogue qui a suivi, la plupart des intervenants ont indiqué que les flux migratoires sans précédent s’accompagnaient également pour les États, notamment les pays de transit et d’accueil, de la crainte des terroristes.  L’impression que le terrorisme est lié à la migration est fausse, a asséné le Mexique qui a prôné la promotion de la coopération pour résoudre la crise migratoire.  Que peut-on faire pour lutter contre la stigmatisation des réfugiés et des migrants? se sont interrogés des pays comme le Maroc ou l’Iran.  L’intégrité des personnes et le droit à la protection doivent être pleinement respectés, a abondé le Brésil, renvoyant à la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants et dénonçant au passage les politiques punitives à l’égard des réfugiés et migrants.

Les États-Unis en ont profité pour rappeler qu’ils sont le premier pays pourvoyeur d’aide aux réfugiés et qu’ils ont accueilli, cette année, 12 500 Syriens, en attendant d’en recevoir d’autres car « les États-Unis ne sauraient tourner le dos à des familles en détresse ».  C’est aussi la raison pour laquelle l’Iraq forme les agences de sécurité à l’accueil des réfugiés.  Le dernier séminaire de formation a eu lieu à Bagdad en juillet, alors que des couloirs de sécurité ont été mis en place pour garantir le retour des civils en toute sécurité.

L’essentiel est de respecter les principes internationaux s’agissant de l’accueil des réfugiés, ont tranché les Pays-Bas, avant que l’Union européenne n’exhorte au respect du droit d’asile et du principe de non-refoulement.  Les politiques migratoires ne sauraient être élaborées sur la base exclusive des considérations sécuritaires.  En tant qu’un des pays d’accueil les plus importants, avec plus de 2,7 millions de Syriens, la Turquie a dit veiller au respect des droits de l’homme dans tous les aspects de la gestion des réfugiés.  Elle a rappelé l’Accord conclu le 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie.  L’essentiel est certainement aussi de s’attaquer aux causes profondes des migrations et d’offrir aux personnes la possibilité de rester dans leur pays d’origine, a ajouté le Royaume-Uni.

La responsabilité de respecter, de protéger et de garantir les droits de l’homme constitue aussi un moyen indispensable de prévention de l’extrémisme violent, a estimé la Suisse.  « Aucun État ne doit s’abriter derrière des considérations sécuritaires pour refuser l’octroi d’une aide humanitaire », a-t-elle dit, en soutenant un projet du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme visant à identifier des mesures conformes aux droits de l’homme pour répondre au phénomène des combattants terroristes étrangers.  Nous avons une obligation envers les nombreux enfants et femmes qui fuient le terrorisme et cherchent refuge dans nos pays, a conclu la Suisse, exhortant à éviter toute stigmatisation et marginalisation.

Le risque de stigmatisation, a reconnu le Rapporteur spécial est aggravé par le profilage ethnique et religieux, l’abondance de données biométriques et la pénalisation de la migration clandestine, contribuant aux mouvements « chaotiques » des personne et à la croissance exponentielle des activités illégales.  La migration clandestine n’est pas un crime car chacun a le droit de chercher refuge dans un autre pays, dans le cas d’un conflit armé asymétrique. 

La peur du terrorisme attise la peur du réfugié, a dénoncé le Rapporteur spécial, en évoquant le fait que M. Donald Trump, candidat à la présidence américaine, n’a pas hésité à déclarer que beaucoup de réfugiés syriens accueillis aux États-Unis sont favorables à Daech.  « Restons attentifs à de telles déclarations xénophobes et racistes, faites dans un environnement politique aussi sensible. »

Lorsque des organisations terroristes telles que Daech commettent un crime international, il faut saisir une juridiction international car les poursuites individuelles ne sauraient suffire, a estimé le Rapporteur spécial.  S’il est vrai que les États ont l’obligation de protéger leurs citoyens contre le risque d’attentats terroristes, il ne faut pas pour autant qu’ils renoncent aux principes des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  Comment, s’est interrogé le Rapporteur spécial, retrouver cet équilibre surtout quand des combattants étrangers reviennent dans leur pays?  M. Emmerson a annoncé des mesures en préparation dont l’objectif est justement de prévenir les risques.

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a présenté son rapport annuel (A/71/281) qui appelle l’attention sur la situation des défenseurs des droits environnementaux.  « C’est avec la colère au ventre et la tristesse au cœur que je me présente devant vous aujourd’hui », a déclaré M. Forst dont le rapport dresse un tableau très sombre de la situation de toutes celles et ceux qui se mobilisent dans le monde pour la cause de la protection de l’environnement.

Chaque semaine, a-t-il dit, en citant le dernier rapport de Global Witness, trois défenseurs du droit à l’environnement sont assassinés, 185 en 2015, s’est-il affolé.  Combien d’autres sont assassinés dans l’anonymat le plus complet et échappent ainsi à ce macabre recensement?  Ces chiffres ne sont que la pointe émergée de l’iceberg, a-t-il prévenu.

« Je suis là pour lancer un cri d’alarme sur le nombre insupportable d’assassinats, de menaces, d’arrestations arbitraires, d’intimidations, de harcèlements dont sont victimes les défenseurs du droit à l’environnement », a répété le Rapporteur spécial, en appelant les États à prendre enfin toute la mesure de la situation.

M. Forst a expliqué que, pour beaucoup de paysans, de leaders communautaires ou de femmes autochtones, le combat pour l’environnement est devenu une question de survie.  Il a parlé des personnes assassinées ou vivant dans la peur au quotidien, « des personnes qui n’avaient parfois que leur propre voix pour s’opposer à des projets de développement décidés à des milliers de kilomètres d’elles, sans jamais avoir été consultées ».

Il y a les pays dont on parle plus que d’autres, comme le Honduras, le Brésil, le Mexique ou les Philippines.  Mais, a poursuivi M. Forst, il y en a tant d’autres dont les médias parlent peu, comme Madagascar, la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou le Cambodge, ou encore les États-Unis, l’Afrique du Sud, le Canada ou l’Australie.

Le Rapporteur spécial a jugé la situation d’autant plus alarmante que la majorité des crimes et attaques contre les défenseurs environnementaux restent largement impunis.

S’il s’est réjoui de la réflexion menée par le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme, il a estimé que les initiatives visant à soutenir les communautés ou les défenseurs dans leurs démarches pour préserver leurs terres interviennent souvent « trop tard ». 

La communauté internationale, a-t-il plaidé, doit veiller à ce que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 soit guidée par une approche fondée sur les droits de l’homme et garantir la participation des défenseurs des droits environnementaux qui jouent un rôle clef à cet égard.

Le Rapporteur spécial a formulé une série de recommandations à l’intention de diverses parties prenantes, leur demandant d’adopter sans plus tarder et publiquement une politique de tolérance zéro face aux assassinats et aux violences dont sont victimes les défenseurs des droits environnementaux et de mettre immédiatement en place des politiques et des mécanismes visant à les autonomiser et à les protéger.  Il a appelé tous les acteurs à collecter de manière plus systématique des informations sur la situation de ceux qui sont en danger, en particulier dans les pays à risque, en vue de promouvoir des mesures de protection plus efficaces et plus réalisables.

Dans le dialogue qui a suivi, le Royaume-Uni a voulu en savoir plus sur la manière dont les gouvernements et le secteur privé peuvent travailler à la protection des défenseurs des droits de l’homme.  De quelle façon, a ajouté la Suisse, les États pourraient obtenir des entreprises qu’elles honorent leurs obligations en matière de respect des droits de l’homme.  Que penser des « Rangers »? a voulu savoir l’Iran, avant que la Slovénie ne demande des précisions sur les normes applicables aux acteurs non étatiques.  Y-a-t-il des mécanismes spécifiques à la protection des femmes, en particulier des femmes autochtones, et des couches défavorisées?  Quels sont les mesures prévues pour punir ceux qui agressent les défenseurs de l’environnement? a demandé la France.

Peut-on envisager des traités qui constitueraient alors une valeur ajoutée aux instruments existants? se sont interrogés les Pays-Bas.  L’Espagne a posé une question similaire, avant que l’Irlande et la Pologne n’invitent le Rapporteur spécial à faire des recommandations aux organisations régionales pour prévenir les violations des droits des défenseurs des droits de l’homme.  De quel type d’appui avez-vous besoin?  En attendant, a poursuivi l’Union européenne, avez-vous des exemples pratiques de bonnes politiques visant à aider les États à mieux respecter leurs engagements?  Peut-on en savoir plus sur les structures et modèles existants?, a renchéri le Canada, mais aussi sur les causes sous-jacentes des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme.

Le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a d’abord rappelé que les défenseurs des droits de l’homme sont des « gens normaux » pour lesquels il est inutile de créer des « droits particuliers ».  Il s’est réjoui que les Nations Unies prennent le dossier des intimidations et représailles à bras le corps avec la nomination récente de M. Andrew Gilmour.  S’agissant de la question des entreprises multinationales, il a estimé que les plus dangereuses sont les sociétés minières.  Il a d’ailleurs dit avoir pris contact avec le Canada, l’Australie et la France pour discuter plus avant ce problème et examiner la manière d’aller de l’avant.

Il faut, a-t-il dit, viser la « chaîne de commandement » de ces sociétés et la responsabiliser.  Il faut adresser à ces sociétés les mêmes lettres que celles qu’on envoie aux États pour leur demander de détailler les mesures prises ou envisagées pour la protection des défenseurs de l’environnement.  Les femmes défenseurs demeurent un sujet constant de préoccupation, a-t-il ajouté, annonçant qu’il examinera cette problématique dans un prochain rapport.  M. Forst a aussi espéré pouvoir effectuer des visites de suivi, notamment en Colombie.

Présentant son quatrième rapport thématique (A/71/373), M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a déclaré qu’il y empruntait une approche différente car ce rapport résulte d’une étude menée à partir de centaines de communications adressées aux gouvernements, en collaboration avec le titulaire de mandat sur les droits des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst.

Dans cette analyse des obstacles actuels à la liberté d’expression, il a fait observer qu’en règle générale, les réponses aux lettres d’allégations, aux appels urgents et aux commentaires relatifs à la législation, ne sont guère substantielles.  Le Rapporteur a donc dit avoir pris la décision de publier sur le site Internet du Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, tous ses commentaires sur les propositions afférentes à la législation, aux règles et aux politiques.  Il a tout de même reconnu que certaines réponses méritaient d’être citées, en particulier celles de la Turquie, du Royaume-Uni et du Pakistan, qu’il a présentées comme « modèles » dont d’autres gouvernements feraient bien de s’inspirer.

Le Rapporteur a ensuite fait le constat que les tendances actuelles n’incitent guère à l’optimisme: les personnes qui tentent d’exercer leur droit à la liberté d’expression étant souvent confrontées à de nombreuses restrictions et souvent pour des motifs « injustifiables ».  Les « outils » traditionnels de répression sont toujours de mise, tandis que de nouveaux émergent au fur et à mesure que la censure se développe, en cette ère du numérique.  Aussi les gouvernements conjuguent-ils les vieilles méthodes et les lois punitives pour harceler, punir, menacer ou restreindre la liberté d’expression dans le monde, a-t-il dénoncé. 

Après avoir expliqué la charpente du rapport qui débute par une analyse du cadre juridique international en vertu de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacrant la protection inconditionnelle à laquelle a droit chaque personne de ne pas être inquiétée pour ses opinions et d’accéder aux informations, le Rapporteur spécial a ajouté que l’article 20 du même Pacte interdit l’apologie de la haine qui constitue une incitation à la violence, à la discrimination et aux hostilités.

Ceux qui ont rédigé l’article 19 avaient bien compris que l’expression est la clef de voûte de la justice économique et politique et de l’état de droit.  Ils ont donc rédigé des dispositions, dûment adoptées par les États, qui offrent une large protection s’agissant de la liberté d’expression et permettent des restrictions « limitées et étroites ».

Revenant aux communications, le Rapporteur spécial a pointé du doigt le « nombre alarmant » de cas de représailles contre les individus qui coopèrent avec les mécanismes de l’ONU chargés des droits de l’homme, y compris avec le sien.  Parmi ses principales préoccupations, il a cité l’adoption de lois ou pratiques qui ne répondent pas aux exigences de la légalité, de la légitimité et de la proportionnalité.  Pis encore, ces lois et pratiques ne cherchent même pas à atteindre un objectif légitime, a-t-il dénoncé. 

M. Kaye a également évoqué la criminalisation de la critique pour punir, par exemple, toute « propagande contre l’État » ou « insulte à l’État », alors que d’autres criminalisent la sédition.  Il a aussi examiné ce qu’il a qualifié de « charge contre les journalistes », plus particulièrement dans les lois antiterroristes et les procès ou menaces de procès pour diffamation qui restreignent ou pénalisent les prérogatives des journalistes, mais aussi des blogueurs et autres personnes travaillant dans les médias.

Dans certains cas, les journalistes sont poursuivis sous prétexte d’espionnage ou d’atteinte à la sécurité de l’État; alors que ceux qui couvrent des manifestations risquent d’être arrêtés ou inculpés pour des raisons diverses comme l’implication dans des actes terroristes, a expliqué M. Kaye. 

Le Rapporteur spécial a aussi abordé la question des restrictions liées à la religion et aux convictions.  Les acteurs non étatiques sont particulièrement responsables des attaques contre des individus qui expriment leurs convictions, a-t-il relevé.  L’État islamique d’Iraq et du Levant (EILL), les groupes qui y sont associés et certains partisans ont commis d’innombrables atrocités en se fondant sur l’appartenance ethnique ou religieuse ou l’expression d’une conviction, a-t-il encore noté, ajoutant aussi qu’il existe de plus en plus de législations pénalisant tout discours qui ne serait pas conforme aux préceptes religieux.  Dans ce contexte, M. Kaye a mis l’accent sur la discrimination à l’égard de certains groupes, notamment les LGBT, ou encore les restrictions imposées aux organisations de la société civile, aux avocats ou aux réfugiés.

Au titre des recommandations, il a encouragé les États à réviser leurs lois et à engager, ce faisant, un dialogue avec les procédures spéciales.  À cet égard, il a salué les efforts du Tadjikistan et du Japon, deux pays dans lesquels il s’est rendu.  Le Rapporteur spécial a également appelé à la mise en place de mécanismes régionaux de contrôle pour promouvoir et appuyer la liberté d’expression, les médias indépendants et l’espace de la société civile.

Au cours du dialogue, les États-Unis ont déclaré que « les mots sont effectivement des armes » et que les restrictions à la liberté d’expression sont « intolérables ».  La liberté de la presse n’a jamais été autant attaquée et, de plus en plus, le public se voit privé d’informations fiables.  Quelles mesures optimales peut-on prendre pour protéger les journalistes?  Les gouvernements, a souligné, à son tour, l’Iran ont l’obligation de respecter le principe de proportionnalité et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Quelles sont les menaces les plus graves à la pensée critique, en particulier en ligne? s’est inquiétée la Lettonie.  Quel est le rôle de ceux qui détiennent les moyens de diffusion sur Internet?, a demandé l’Indonésie qui vient de promulguer une loi sur la liberté d’expression à l’ère numérique, une liberté qui n’est pas absolue et qu’il faut conjuguer avec tolérance et respect mutuel.  Cet argument n’a pas empêché la République tchèque et le Royaume-Uni de fustiger la fermeture de l’accès à Internet dans certains pays.

Que peut faire le Conseil des droits de l’homme? s’est demandée la République tchèque.  Les restrictions doivent dûment être prévues par la loi et de n’être appliquées qu’en dernier recours, et la résolution de l’Assemblée générale sur le droit à la vie privée à l’ère numérique a été un tournant décisif, a estimé  l’Union européenne.  D’autres résolutions ont été évoquées par la Lituanie: celles sur la sécurité des journalistes et la lutte contre l’impunité.  Comment améliorer les normes existantes pour mieux protéger les journalistes, s’est-elle demandée, s’inquiétant en particulier pour les femmes journalistes et les journalistes indépendants, a ajouté la Pologne.  Il faut aussi, a tempéré Cuba, rappeler aux journalistes leur responsabilité, s’agissant de la moralité.  La surveillance doit se fonder sur la loi, être transparente et non discriminatoire, a souligné le Brésil qui a adopté un « pacte » sur l’utilisation d’Internet.  Quels sont les critères de proportionnalité à prendre en considération? par ce que s’agissant des dernières manifestations, a affirmé l’Éthiopie, tous les médias n’ont pas reflété la réalité.

La Norvège, qui a lancé une nouvelle stratégie sur l’accès à l’information dans le cadre de son aide au développement a salué l’approche équilibrée et les recommandations concrètes du Rapporteur spécial.  Le Danemark a d’ailleurs réaffirmé son appui au renouvellement du mandat de M. Kaye, appréciant ses suggestions sur le secteur privé et la société civile.  Le Cameroun s’est aussi félicité du travail du Rapporteur spécial « qui apporte une nouvelle lumière dans la compréhension du droit fondamental », dont la menace représentée par les extrémistes violents et les terroristes, surtout en ligne.

Le Mexique a applaudi l’approche du Rapporteur spécial de rendre publiques les réponses des États à ses communications.  L’Autriche a encouragé à la coopération avec M. Kaye mais la Fédération de Russie s’est étonnée qu’il n’ait pas cité l’article 4 de la Convention sur la discrimination raciale condamnant toute propagande sur la supériorité raciale.  C’est sur l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que l’Iraq a insisté, affirmant qu’il forme le socle de l’indépendance de la presse iraquienne.

Sur la question de la protection des journalistes, le Rapporteur spécial a souligné l’importance qu’il y a à assurer leur sécurité physique et leur droit de protéger leurs sources. Quant à l’Internet, il s’est opposé à une surveillance généralisée et même prôné un « encodage » pour avoir un espace en ligne permettant aux journalistes d’exercer leur liberté.  S’agissant de l’équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la liberté d’expression, le Rapporteur spécial a rappelé les  normes existantes pour juger du caractère proportionné des restrictions, décourageant les États à penser en termes d’équilibre.  Pour ce qui est des mécanismes et procédures spéciales, il a demandé plus de réactivité, notamment des invitations à se rendre les pays.  Il a insisté sur fait que le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme  est sous-financé, lançant un appel  aux États pour qu’ils contribuent davantage pour faire avancer le travail.

Sur la question de la protection des journalistes, le Rapporteur spécial a souligné l’importance qu’il y a à assurer leur sécurité physique et leur droit de protéger leurs sources. Quant à l’Internet, il s’est opposé à une surveillance généralisée et même prôné un « encodage » pour avoir un espace en ligne permettant aux journalistes d’exercer leur liberté.  S’agissant de l’équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la liberté d’expression, le Rapporteur spécial a rappelé les  normes existantes pour juger du caractère proportionné des restrictions, décourageant les États à penser en termes d’équilibre.  Pour ce qui est des mécanismes et procédures spéciales, il a demandé plus de réactivité, notamment des invitations à se rendre les pays.  Il a insisté sur fait que le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme  est sous-financé, lançant un appel  aux États pour qu’ils contribuent davantage pour faire avancer le travail.

Mme VIRGINIA DANDAN, Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, qui présentait aujourd’hui son rapport (A/71/280), a déclaré que ce dernier résume les consultations régionales qu’elle a eues avec les États sur l’avant-projet de déclaration sur le droit des peuples et la solidarité internationale (A/HRC/26/34).  Ce rapport se fait l’écho de la grande diversité de points de vue notamment sur la conception du droit à la solidarité internationale, le rôle de cette solidarité dans le traitement national des questions telles que le développement, la pauvreté et les inégalités, y compris l’inégalité entre les sexes.

La contribution active des organisations internationales à la promotion et l’application de la solidarité internationale, ainsi que le rôle des acteurs non étatiques dans la promotion active de cette solidarité en tant qu’outil d’aide à la réalisation des droits de l’homme, sont soulignés dans le document.  Plusieurs points essentiels sont aussi abordés notamment la nécessité d’ancrer le droit à la solidarité internationale dans les sources du droit international.

Ainsi, l’Experte indépendante a soutenu que le cadre juridique de la solidarité internationale s’ancre dans trois sources générales, à savoir, la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, sans oublier la multitude d’engagements relatifs aux droits de l’homme et au développement pris par les États lors de conférences internationales et réunions au sommet des Nations Unies et dans les résolutions de l’Assemblée générale.

Le rapport insiste sur le fait que les États ont noté la nécessité de renforcer le préambule du projet de texte et de poursuivre le développement d’un cadre juridique solide du droit à la solidarité internationale.  S’agissant de la nature de ce droit, l’Experte indépendante a souligné que certains sceptiques considèrent que la solidarité internationale, bien qu’elle soit un principe moral important et un engagement politique, ne satisfaisait pas aux conditions d’une notion juridique, et encore moins à celles d’une notion liée aux droits de l’homme.  À ces derniers, elle a rétorqué que la compréhension d’un droit est « toujours imparfaite et incomplète » et qu’un droit ne peut véritablement être revendiqué que lorsqu’il est opposable.  L’Experte indépendante a répété que les obligations des États, en tant que principaux débiteurs de l’obligation, énoncées dans l’avant-projet de déclaration existent déjà en vertu des différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Quant aux obligations extraterritoriales, l’Experte indépendante a estimé nécessaire de les étendre aux droits économiques, sociaux et culturels, aux droits civils et politiques et aux questions des droits de l’homme liées aux changements climatiques et à l’environnement.

Ce rapport a accordé un intérêt particulier aux acteurs non étatiques dont la terminologie a été jugée trop vague.  Il faudrait les nommer explicitement, à savoir les multinationales, les ONG, etc. et définir clairement leurs obligations et leurs rôles.  À cet égard, Mme Dandan a précisé que dans le contexte de l’avant-projet de déclaration, l’article 6 de l’Accord de Cotonou offre une définition adéquate des acteurs non étatiques qui comprend le secteur privé, les partenaires économiques et sociaux, y compris les organisations syndicales et la société civile sous toutes ses formes.

L’Experte indépendante a dit être ressortie des différentes consultations régionales avec la conviction plus ferme que le droit des peuples autochtones a la solidarité tel qu’il est énoncé dans l’avant-projet de déclaration est à la fois réalisable et applicable. Selon Mme Dandan, les États étant déjà dotés d’institutions et organes de travail nécessaires à la mise en œuvre du droit à la solidarité internationale, il apparaît évident que la résistance à l’avant-projet de déclaration soit le fait d’entités autres que celles qui travaillent sur le terrain et qui ont le savoir et l’expérience pour le mettre en œuvre.  Le rapport précise que s’il faudra du temps pour surmonter les obstacles, le droit des peuples autochtones à la solidarité internationale peut être mis en œuvre de manière effective dans le respect de la diversité culturelle et les normes énoncées dans l’avant-projet de déclaration.

Dans le dialogue qui a suivi, Cuba a déploré la résistance de certains États à reconnaître la légitimité du droit à la solidarité internationale.  La solidarité internationale incarnée dans la coopération Sud-Sud a été mise en avant par le Maroc, dont ces piliers que sont l’égalité souveraine entre États et la collaboration mutuellement avantageuse.  Le Maroc a voulu des détails sur le cours des consultations régionales.

L’Experte indépendante a indiqué que les réticences ne viennent pas des acteurs sur le terrain.  Elle s’est dite confiante qu’avec le temps, le droit à la solidarité internationale finira par occuper sa place dans l’arsenal du droit international car il s’agit d’un processus évolutif.  Les normes de solidarité ne sont pas nouvelles.  Elles s’imposent d’elles-mêmes selon les circonstances.  La solidarité a toujours existé, a rappelé l’Experte indépendante.     

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