La délicate question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés divise la Sixième Commission
Les délégations sont aussi en désaccord sur les exceptions au principe d’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État
La Sixième Commission (Commission des questions juridiques) a poursuivi, aujourd’hui, l’examen des derniers chapitres thématiques du rapport de la Commission du droit international, en se consacrant notamment à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, question complexe et controversée puisqu’elle touche à la fois au droit de l’environnement et au droit international humanitaire. Les délégations ont approché le sujet de manières très diverses.
D’un côté, la Thaïlande considère que tout traité environnemental pertinent peut coexister avec le droit des conflits armés, la Grèce aimerait voir la CDI examiner sous quelles conditions les principes généraux de protection du droit de l’environnement sont susceptibles de s’appliquer également en temps de conflit armé et comment ce droit interagirait avec les règles de la guerre et la République islamique d’Iran estime que l’étude doit servir à combler les lacunes actuelles du droit international humanitaire. De l’autre côté, les États-Unis se sont dits préoccupés par l’attention accordée à d’autres corpus juridiques que celui du droit international pendant les conflits armés et Israël s’est dit défavorable à l’idée de fusionner le droit de l’environnement et le droit des conflits armés, estimant par ailleurs superflu d’élaborer de nouveaux principes sur la question. Les États-Unis estiment, en outre, que plusieurs des projets de principes sont formulés en termes trop contraignants, une telle approche étant selon eux inadaptée à une étude qui entend élaborer des principes, dont plusieurs vont déjà au-delà des obligations juridiques générales.
Autre point de désaccord concernant le projet: le traitement des peuples autochtones. Pour le Mexique, la référence aux peuples autochtones n’est pas nécessaire car ces derniers font partie de la population et seront donc protégés de façon générale. Le Viet Nam y voit un risque de problèmes, d’autant que nombre de pays estiment ne pas compter de peuples autochtones et que d’autres ne reconnaissent même pas la notion. Les Pays-Bas ont estimé que le fait que les peuples autochtones soient très liés à l’environnement dans lequel ils vivent était insuffisant pour inclure la question de leurs droits dans l’étude et Israël estime que cette question dépasse la protection de l’environnent et n’a pas sa place dans le projet de principes.
Les délégations ont aussi abordé la question des restes de guerre dans les situations d’après-conflit. Si le Viet Nam s’est félicité de la proposition de fournir une assistance en ce qui concerne de tels restes immergés, il a souhaité que ces projets insistent davantage sur la responsabilité des belligérants en matière de destruction des restes de guerre et de réhabilitation de l’environnement. La Slovénie a jugé le texte trop limité sur cette question, notamment en ce qui concerne les restes explosifs, alors qu’Israël jugeait au contraire trop large le projet de principes sur ce sujet.
La Sixième Commission s’est également concentrée sur deux autres points du rapport de la CDI: l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et l’application provisoire des traités.
Concernant l’immunité de juridiction pénale, le nouveau projet d’articles 7, qui porte sur les exemptions au principe d’immunité et que la CDI n’a pas encore adopté, fait toujours débat. Comme l’a rappelé la Thaïlande, il s’agit de trouver un équilibre délicat entre la nécessité de maintenir des relations internationales stables d’un côté et celle de lutter contre l’impunité de l’autre. La prudence est donc de mise.
L’Allemagne a tenu à rappeler qu’il est ici question d’une exception à une norme très importante, que justifie la nature particulière des crimes commis. L’histoire enseigne que certains crimes ne doivent pas être protégés par les immunités et l’Allemagne a été en première ligne de cette expérience historique, puisque les procès de Nuremberg marquent le point de départ du développement du droit international pénal moderne, a fait valoir la représentante de ce pays. Néanmoins, l’Allemagne a déconseillé toute tentative pour étendre les exceptions au-delà de ce qui est clairement accepté par la pratique des États et par l’opinio juris.
Pour les États-Unis, la Rapporteuse spéciale n’explique pas pourquoi l’immunité ne s’appliquerait pas à certains crimes. Par exemple, les crimes de guerre sont souvent commis à titre officiel. Si on peut estimer que c’est la nature de crimes internationaux graves qui justifie les exceptions à l’immunité, les États-Unis aimeraient néanmoins savoir quelle est la base conceptuelle permettant d’exclure l’immunité pour certains crimes, estimant qu’à défaut il serait difficile de vérifier si ces exceptions sont fondées dans le droit existant. En outre, les délégations sont en désaccord sur l’intérêt d’inclure la corruption dans la liste des crimes créant une exception au principe d’immunité. De nombreux pays ont aussi demandé une analyse complète et impartiale de toutes les pratiques d’État pertinentes, qui servirait ensuite de base à des recommandations.
Enfin, sur l’application provisoire des traités, il a été jugé globalement urgent d’attendre. Ainsi, la Grèce, le Viet Nam, l’Irlande, et la Turquie, entre autres, ont invité la Commission à mener une étude exhaustive de la pratique de l’application provisoire des traités par les États, afin d’en tirer des cas pratiques.
La Sixième Commission doit achever l’examen du rapport de la CDI demain, jeudi 3 novembre, à partir de 10 heures. Elle entamera ensuite la question du rapport du Comité des relations avec le pays hôte. La Sixième Commission devrait aussi être saisie de plusieurs projets de résolution.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-HUITIÈME SESSION (A/71/10)
Suite de l’examen des chapitres X, XI, et XII
Déclarations
Mme LIESBETH LIJNZAAD (Pays-Bas) a jugé utiles les phases temporelles -avant, pendant et après le conflit armé– dans l’étude de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Ella a pris note des débats au sein de la CDI sur l’importance et le bien fondé des liens établis entre protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, opérations de maintien de la paix et peuples autochtones sont suffisamment étroits. La représentante a notamment estimé que le fait que les peuples autochtones soient très liés à l’environnement dans lequel ils vivent est insuffisant pour inclure la question de leurs droits dans l’étude. Par ailleurs, les Pays-Bas préféreraient que le résultat des travaux prenne la forme de projets de principes plutôt que de projets d’articles. La représentante a invité à la prudence dans les travaux, appelant à considérer soigneusement l’utilisation des termes « devrait » ou « pourrait ». En outre, la représentante s’est demandé si les dispositions des deux Protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève avaient le statut de droit international coutumier.
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, les Pays-Bas reconnaissent que la lutte contre l’immunité est vitale. La représentante a rappelé qu’il existe une différence entre la compétence des tribunaux internationaux et la compétence des tribunaux nationaux. Elle a souligné son désaccord avec la distinction opérée par la Rapporteuse spéciale, qui fait une différence entre l’immunité des représentants officiels de l’État, et l’immunité de l’État lui-même en relation avec les crimes internationaux et le jus cogens. Les Pays-Bas appuient l’approche de la Cour internationale de Justice sur cette question, notamment sur les violations du jus cogens.
Enfin, ce qui concerne l’application provisoire des traités, la représentante a reconnu que tirer des conclusions sur la base de l’analogie pouvait être utile. Elle a rappelé que le droit des traités définit à quel moment les États peuvent faire part de leurs réserves. C’est pourquoi les Pays-Bas attendent de plus amples analyses sur cette question.
Mme PRIM MASRINUAN (Thaïlande) a soutenu la méthodologie adoptée par la Rapporteuse spéciale sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. La Thaïlande considère que tout traité environnemental pertinent peut coexister avec le droit des conflits armés. Elle estime, en outre, que l’étude en cours de la CDI sur la manière dont les conflits armés affectent les traités viendra compléter les travaux à l’examen. La Thaïlande souhaite, par ailleurs, que l’étude donne lieu à l’adoption de projets de principes. La représentante a rappelé que son pays avait soutenu l’approche selon laquelle le patrimoine culturel, bien que faisant partie de notre environnement naturel, est en dehors du champ d’application de cette étude, car ce patrimoine et sa protection sont déjà régulés via d’autres normes internationales. La Thaïlande considère, en outre, que le partage d’information et la coopération internationale sont essentiels pour la protection de l’environnement.
Par ailleurs, la représentante a estimé, à propos de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, que l’équilibre délicat entre la nécessité de maintenir des relations internationales stables d’un côté et la bataille contre l’impunité de l’autre devait s’envisager avec la plus grande prudence. Elle a soutenu la distinction établie entre la portée de l’immunité ratione materiae et celle de l’immunité ratione personae. La Thaïlande partage le point de vue qu’une distinction claire entre ce qui est la loi (lex lata) et ce que la loi devrait être (lex ferranda) aiderait à mieux comprendre les enjeux de cette question sensible, en particulier en relation avec les différentes exceptions proposées par la Rapporteuse spéciale dans le projet d’articles 7 sur les crimes qui font exception au principe d’immunité de juridiction pénale étrangère.
Mme KIRSTIN PÜRSCHEL (Allemagne) a déclaré que le régime d’exception à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État que la Commission étudie est d’une grande importance. Consciente que les discussions au sein de la CDI ne sont pas achevées, l’Allemagne attend avec intérêt la fin de celles-ci.
Néanmoins, Mme Pürschel a tenu à rappeler que ce dont il est ici question, c’est une exception à une norme très importante, justifiée par la nature particulière des crimes commis. L’histoire enseigne que certains crimes ne doivent pas être protégés par les immunités et l’Allemagne a été en première ligne de cette expérience historique, puisque les procès de Nuremberg marquent le point de départ du développement du droit international pénal moderne. Les exceptions concernent des crimes qui ne sont que rarement poursuivis au niveau des juridictions nationales du fait du rang des acteurs criminels en cause et qui sont en même temps trop graves pour ne pas faire l’objet de poursuites internationales sans que la crédibilité de l’ordre juridique international ne soit compromise.
Il semble exister un large consensus international sur les crimes qui justifient une telle exception, a poursuivi Mme Pürschel, qui a, en outre, rappelé que la Cour Internationale de Justice, dans son arrêt de 2002 relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) avait limité les exemptions à l’immunité pour les représentants de l’État à des cas qui font l’objet d’une acceptation universelle. La représentante a déconseillé toute tentative pour étendre les exceptions au-delà de ce qui est clairement accepté par la pratique des États et par l’opinio juris, ajoutant que de telles tentatives auraient un effet déstabilisateur sur les relations internationales. La question des immunités est politiquement sensible et requiert un équilibre subtil avec les droits souverains des États concernés, a-t-elle rappelé.
Mme Pürschel s’est donc dite peu convaincue de l’approche méthodologique de la Rapporteuse spéciale dans son projet d’articles 7 sur les exemptions au principe d’immunité de juridiction pénale, demandant notamment que soit bien séparée la pratique qui reflète le droit international coutumier de ce que la Rapporteuse spéciale juge devoir être développé progressivement en termes de normes et estimant, en outre, l’étude de la jurisprudence nationale était biaisée. Elle a demandé une analyse complète et impartiale de toutes les pratiques d’État pertinentes, qui devra ensuite servir de base à des recommandations. En particulier, elle s’est dite opposée à l’idée que des catégories entières d’infractions entraînent une exclusion de l’immunité de juridiction pénale du fait de l’approche adoptée dans le rapport de la CDI.
Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a estimé, au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, qu’il est légitime de parler de la protection de l’environnement en situation d’occupation militaire étrangère, rappelant à cet effet l’incendie de puits de pétrole par des militaires iraquiens se retirant du Koweït en 1991. Elle a relevé que, selon la CDI, les principes évoqués dans le rapport semblent devoir s’appliquer à tous les conflits armés, mais a noté qu’il n’est pas clairement établi si certains d’entre eux, notamment ceux qui font référence aux seuls États, s’appliqueraient également dans les conflits armés non internationaux. La représentante a du reste invité la Commission à examiner sous quelles conditions les principes généraux de protection du droit de l’environnement s’appliqueraient également en temps de conflit armé, et comment ce droit interagirait avec les règles de la guerre.
Par ailleurs, Mme Telalian a estimé que la question des exceptions aux immunités de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était la clef de voute du débat sur ce point. Elle a invité la Commission à apporter des clarifications conséquentes sur un sujet qui a déjà créé moult tensions, mettant ainsi à mal la stabilité des relations entre États. Elle a, en outre, rejeté l’option d’inclure les crimes de corruption dans le cadre des crimes qui seraient compris dans le projet d’articles 7, qui porte sur les exceptions aux principes d’immunité.
Enfin, Mme Telalian a estimé qu’une application provisoire des traités ne dédouanait pas l’État de ses obligations au titre du traité considéré. Elle a invité la Commission à mener une étude exhaustive de la pratique de l’application provisoire des traités par les États, afin d’en tirer des cas pratiques.
M. RAHAT MOHAMAD (Malaisie) a estimé que la division en trois phases temporelles –avant, pendant et après les conflits– de l’étude sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés était artificielle et n’avait été faite que pour faciliter l’étude. La Malaisie trouve donc difficile à comprendre les préoccupations émises par certains membres de la Commission qui continuent à argumenter que le projet d’articles manque de démarcation temporelle. Le statut de zone protégée perd tout son sens dès lors que la zone devient une zone de conflit, a-t-elle ainsi estimé.
En ce qui concerne la portée du sujet, le représentant a jugé contre-productif le débat sur le bien-fondé d’une distinction entre « environnement » et « environnement naturel ». Le travail en la matière ne doit pas être excessivement normatif, a-t-il estimé. Sur la base des projets de principes, la Malaisie souhaite obtenir plus d’informations sur ces questions mais estime que ce serait aller trop loin que de donner des définitions. Concernant la méthode, les projets de principes devraient faire la différence entre les conflits armés nationaux et les conflits armés non internationaux. Le représentant a estimé que l’objectif de la Commission doit être d’harmoniser les deux disciplines du droit international humanitaire. Par ailleurs, la Malaisie encourage une étude approfondie des droits de peuples autochtones dans le contexte de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, du fait de leur lien particulier à l’environnement.
Concernant l’immunité de juridiction pénale des représentants officiels de l’État, le représentant a constaté l’adoption par la CDI du projet d’articles 2 (f) et du projet d’articles 6 sur la portée de l’immunité ratione materiae. Il a appelé la CDI à traiter avec prudence le projet d’articles 7 sur les crimes portant exception à l’immunité, étant donné que la pratique varie en fonction des États. Il a déploré que, malgré les initiatives accrues pour lutter contre les crimes de corruption, ceux-ci augmentent et a dit appuyer une action continue et les propositions visant à renforcer la lutte contre la corruption. La Malaisie fera part de ses commentaires détaillés au Secrétaire général dans le délai prévu, c’est-à-dire-avant le 31 janvier 2017.
Enfin, le représentant a salué le quatrième Rapport sur l’application provisoire des traités. Il a noté que le Comité de rédaction avait adopté de façon provisoire trois projets d’articles sur la portée, l’objet et la règle générale de l’application provisoire des traités mais s’est dit préoccupé par la question du rôle du droit national. En Malaisie, la Constitution ne prévoit pas de droit clair pour autoriser ou non l’application provisoire des traités, a-t-il expliqué. S’agissant du projet de directive 4 relatif aux formes d’accord extérieures au traité concerné qui peuvent autoriser son application provisoire, le représentant a estimé que l’accord devait avoir des effets juridiques contraignants. Or, à quelques exceptions près, les résolutions adoptées lors de conférences intergouvernementales ou par une organisation internationale sont normalement non contraignantes. Il est donc inacceptable que l’on donne à de telles résolutions les mêmes effets juridiques que des traités juridiquement contraignants. Pour le représentant, les termes du projet de directive 4 doivent être explicités pour éviter toute ambiguïté.
En outre, le représentant s’est dit préoccupé du projet de directive 6 concernant la prise d’effet de l’application à titre provisoire et a proposé de remettre à plus tard son examen en prenant en compte les droits et obligations des États qui résultent de l’application provisoire.
M. PHAM BA VIET (Viet Nam) s’est félicité des projets de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et en particulier de la proposition de fournir une assistance en ce qui concerne les restes de guerre immergés. Mais le Viet Nam souhaite que ces projets insistent davantage sur la responsabilité des belligérants en matière de destruction des restes de guerre et de réhabilitation de l’environnement. Il juge, en outre, inappropriée la référence aux peuples autochtones dans le contexte de conflit armé. Cette référence risque de soulever des problèmes, d’autant que nombre de pays ne reconnaissent pas cette catégorie ou qu’elle n’existe même pas dans certains pays, a déclaré le représentant.
Le représentant a également déclaré que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, émanant du droit international coutumier, doit être abordée de manière extrêmement prudente, tenant compte de la souveraineté des États. La même prudence doit être observée en ce qui concerne le régime d’exception, la nature des actes commis et la définition des crimes internationaux. Il existe une différence entre crime international et crime international grave, a insisté le représentant. Le représentant a enfin plaidé pour une étude approfondie sur les effets juridiques de l’application provisoire des traités et notamment sur les infractions à une application provisoire.
Mme DANIJELA HORVAT (Slovénie) a appuyé les sujets sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, estimant que la nature complexe du sujet mérite une analyse approfondie. Elle a soutenu l’approche qui demande une coopération accrue avec les experts et praticiens du droit comme cela a été le cas sur la question de la protection de l’atmosphère. S’agissant du projet de principe 4 (mesures visant à améliorer la protection de l’environnement), elle s’est félicitée du fait que les États Membres doivent intervenir à toutes les phases du conflit. Elle a jugé trop limité le projet de principe 16 relatif aux restes de guerre, notamment en ce qui concerne les restes explosifs et demandé en conséquence sa modification. Elle a proposé que le rôle des acteurs non étatiques soit analysé.
La représentante a estimé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était un sujet complexe et annoncé que la Slovénie présenterait ses commentaires détaillés lors de la prochaine session de la CDI. Elle a toutefois estimé que la Rapporteuse spéciale avait fait une distinction très claire entre l’immunité ratione materiae et l’immunité ratione personae. Elle a rappelé la nécessité pour la CDI de faire preuve dans son analyse de compatibilité avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Enfin, la représentante a jugé nécessaire de travailler davantage pour obtenir une couverture globale du thème de l’application provisoire des traités.
Mme IPEK ZEYTINOGLU OZCAN (Turquie) a déclaré que le droit turc ne prévoyait pas l’application provisoire des traités et estimé qu’il serait prudent d’analyser profondément les effets juridiques de cette application provisoire, d’autant que les projets de textes de la Commission ne sont pas assez précis. La Turquie appuie également la proposition du Rapporteur spécial de créer des clauses types. Elle estime, en outre, qu’il n’est pas approprié d’utiliser la Convention de Vienne sur le droit des traités comme unique base pour cette étude, car nombre de pays n’y sont pas partie.
La représentante a également déclaré qu’une étude approfondie doit aussi être menée en ce qui concerne la détermination du droit international coutumier et ses sources. Ainsi la Turquie pense que les résolutions adoptées par une organisation internationale ou une conférence ne peuvent pas créer une règle de droit international coutumier.
Concernant le jus cogens, la représentante a indiqué que ce sont les réserves de son pays sur cette notion qui l’ont empêché d’adhérer à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Alors que la Turquie s’était déjà opposée à l’intégration de cette question dans le programme de travail de la Commission, elle estime qu’une grande prudence doit être observée sur la question et que l’adoption de projet de conclusion est prématurée. La Commission devrait uniquement recenser les pratiques des États, a dit la représentante.
Par ailleurs, la représentante a demandé que soit amendé le paragraphe 39 du rapport de la CDI, qui fait référence à la contestation du Traité de garantie. Pour la Turquie les dispositions de ce traité ne peuvent être prises comme exemple pour démontrer la confirmation de l’existence et la violation de normes péremptoires ou de jus cogens.
M. STEPHEN TOWNLEY (États-Unis) a salué le travail de la Rapporteuse spéciale sur le sujet de « Protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés » et a dit reconnaitre la complexité et le caractère controversé de beaucoup des questions soulevées par l’étude. Toutefois, les États-Unis sont préoccupés par l’attention accordée à d’autres corpus juridique que celui du droit international pendant les conflits armés. Ils estiment en outre que la CDI n’est pas le lieu approprié pour discuter de savoir si certaines dispositions de traités de droit international humanitaire reflètent un droit international coutumier.
Par ailleurs, le représentant s’est déclaré préoccupé par le fait que plusieurs projets de principes soient formulés en termes d’obligations, estimant qu’une telle approche est inadaptée à une étude qui entend élaborer des principes, dont plusieurs vont au-delà des obligations juridiques générales. Le représentant a cité en exemple le projet de principe 8 sur les opérations de paix, estimant qu’il introduit tout un ensemble de nouvelles obligations juridiques qu’on ne peut trouver ni dans les traités actuels, ni dans la pratique ou la jurisprudence. De même, il a estimé que le projet de principe 16 relatif aux restes de guerre étend les obligations de la Convention de Genève de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques.
Pour ce qui est de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a estimé que le projet d’articles 7, qui concerne l’exception au principe de l’immunité posait problème. Il a en effet relevé que le projet d’articles reconnait qu’il n’existe pas d’exception ratione personae aux immunités, mais ajoute que les immunités ratione materiae ne s’appliqueront pas pour tout un corpus de crimes, regroupés en trois groupes distincts. Or, a fait observer le représentant, la Rapporteuse spéciale n’explique pas pourquoi l’immunité ne s’appliquerait pas à certains crimes. Cela peut certes se comprendre pour crimes comme la corruption, motivée par l’intérêt personnel, qu’il est difficile de considérer comme commis dans un cadre officiel, mais des crimes comme les crimes de guerre sont, eux, souvent susceptibles d’être commis à titre officiel. Si on peut estimer que c’est leur nature de crimes internationaux graves qui justifie les exceptions à l’immunité, les États-Unis aimeraient néanmoins savoir quelle est la base conceptuelle permettant d’exclure l’immunité pour certains crimes, sans quoi il sera difficile de vérifier si ces exceptions sont fondées dans le droit existant, a argué le représentant.
Le représentant a estimé que le sens de l’étude sur l’application provisoire des traités est clairement défini. L’application provisoire signifie qu’un État accepte d’appliquer un traité avant que ce traité n’entre en vigueur. L’application provisoire donne donc naissance à des obligations contraignantes. Quant à la forme à donner à cette étude, les États-Unis pensent que la Commission pourrait envisager des clauses types. Mais ils ne sont pas convaincus de l’intérêt d’étudier spécifiquement l’application provisoire des traités pour les droits des individus, car ils ne pensent pas que les règles régissant les traités diffèrent en fonction du sujet.
M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a dit être d’accord pour aborder la question de la protection de l’environnement dans le contexte des conflits armés, d’autant que le droit international humanitaire ne dispose pas de normes spécifiques sur la protection de l’environnement. Le représentant estime aussi que la référence aux peuples autochtones n’est pas nécessaire: ils font partie de la population et seront donc protégés de façon générale, tenant compte du principe de distinction.
Sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le Mexique fera une contribution écrite à la Commission. Abordant l’application provisoire des traités, le représentant a estimé qu’elle devait être interprétée de façon systématique par rapport à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Alors que les chiffres montrent que l’application provisoire des traités est une pratique courante, le Mexique estime que chaque État a le droit de manifester et de formuler ses réserves avant l’entrée en vigueur dudit traité. Mais il faut aussi analyser les exceptions aux réserves, a plaidé le représentant.
Mme ANNE-MARIE O’SULLIVAN (Irlande) a dit attendre les discussions futures de la Commission sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, mais a pris note des projets de textes. L’Irlande observe par exemple que la définition des « actes commis en capacité officielle » contenue dans le projet d’articles 2 reste d’ordre général, tandis que le commentaire reconnaît que de tels actes doivent être identifiés au cas par cas selon certains critères. L’Irlande est également d’avis que la CDI devrait accorder une attention particulière aux crimes internationaux non couverts par l’immunité et aux aspects procéduraux de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
La représentante a également déclaré que son pays est de ceux qui demandent une analyse profonde des effets juridiques de l’application provisoire des traités et de l’étendre, si différence il y a, aux effets nés après l’entrée en vigueur du traité. Cette analyse doit inclure la pratique des États ou encore les effets de l’Article 102 de la Charte des Nations Unies, a dit la représentante
M. JOSÉ LUIS FERNANDEZ VALONI (Argentine) a jugé possible de faire progresser la question des crimes contre l’humanité sans créer de contradictions avec les obligations internationales existantes. Même si les États parties au Statut de Rome ont accepté l’obligation de prévenir et de juger ces crimes, cette responsabilité incombe à tous les États, a rappelé le représentant, qui a insisté sur la nécessité d’une coopération entre tous les États à cette fin.
Le représentant a, par ailleurs, déclaré suivre de très près les débats sur les instruments mondiaux sur la question de la protection de l’atmosphère. Il s’est félicité que la Commission du droit international tienne compte de la situation des pays en développement.
Enfin, l’Argentine estime que les travaux futurs sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État doivent trouver un équilibre entre la codification du droit coutumier et les propositions de développement progressif du droit international, en tenant compte de l’expérience des États et à partir de la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux et de tribunaux nationaux.
M. YUKI HIROTANI (Japon) a déclaré que les discussions sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés montraient la complexité de la question et la difficulté d’élaborer des règles applicables en situation de conflit et d’après conflit. Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a estimé que la Rapporteuse spéciale ne fournissait pas assez d’exemples concrets pour appuyer son argumentaire sur les exceptions aux immunités, alors que des divergences existent au plan international sur ce sujet. Il serait bon de traiter de la question des exceptions et des imitations avec prudence, a conclu le représentant.
M. ALI GARSHASBI (République islamique d’Iran) a jugé appropriée l’approche temporelle en trois phases – avant, pendant et après le conflit - de la Rapporteuse spéciale sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Néanmoins, a-t-il ajouté, tous les commentaires et projets de règles doivent être examinés dans leur ensemble. En ce qui concerne la protection de l’environnement en situation d’après conflit, il a rappelé que la République islamique d’Iran avait une expérience de la guerre et des dégâts qu’elle cause à l’environnement. Le représentant a noté l’obligation faite aux États dès le premier paragraphe de l’étude de prendre des mesures pour protéger l’environnement mais a estimé que le manque de clarté sur les mesures à prendre devait amener à travailler encore sur cette question. Pour la République islamique d’Iran, le sujet a pour but de combler les lacunes actuelles du droit international humanitaire.
Le représentant a rappelé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État était une conséquence directe du principe de souveraineté des États. C’est pourquoi la République islamique d’Iran estime que les actes accomplis en tant qu’actes officiels doivent être couverts par l’immunité. S’agissant des crimes qui emporteraient une exception au principe d’immunité, le représentant a appelé à distinguer entre les crimes internationaux et les crimes aux termes du droit national.
Enfin, le représentant a appuyé l’idée que l’application provisoire des traités favorise l’entrée en vigueur de ces derniers. Le consentement de l’État est un élément essentiel, comme le prévoit l’article 25 de la Convention de Vienne de 1969, a-t-il insisté. S’agissant des modalités de cessation de l’application provisoire, la République islamique d’Iran souhaite plus de clarté.
M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) a salué le travail effectué par la CDI sur l’identification du droit international coutumier et estimé que les projets de conclusions à venir contribueront à l’utilisation du droit international coutumier en tant que source du droit international public. Sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le représentant a déclaré que la question des exceptions et limitations à l’immunité est difficile et politiquement sensible, et exige donc une approche prudente.
La Mongolie espère enfin que le thème de la « Succession d’États en matière de responsabilité de l’État » que la Commission a décidé d’inscrire à son programme de travail, comblera les lacunes sur la succession d’États en matière de respect des traités, de propriété, d’archives et de dettes d’État, mais aussi de nationalité et de responsabilité.
Mme SHOSHI RESHEF MOR (Israël) a dit reconnaître la nécessité de protéger l’environnement en temps de conflits armés mais a estimé que la question était déjà suffisamment traitée par de nombreuses règles et instruments. Israël juge superflu d’élaborer de nouveaux principes sur cette question et n’est pas favorable à l’idée de fusionner le droit de l’environnement et le droit des conflits armés sur cette question, a souligné la représentante. Israël partage, en outre, l’avis et les doutes de la CDI sur le fait que le projet de principes sur les restes de guerre est trop large. C’est une norme inappropriée qui va au-delà de la pratique connue, a ajouté la représentante. De même, pour Israël, la question des peuples autochtones dépasse la protection de l’environnent et n’a pas sa place dans le projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a aussi constaté que les projets de principes ne définissaient pas le terme « environnement naturel ». Israël a fait donc part de sa préoccupation sur le contenu du projet de principes et sur le projet dans son ensemble.
Concernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a reconnu l’importance de combattre l’immunité pour assurer que les auteurs des crimes les plus graves soient traduits en justice. Elle a estimé qu’à ce stade, il n’y a pas de normes claires pour donner des limites à l’immunité et qu’il n’y a pas de développement d’une telle norme. Israël souhaite étudier plus avant la pratique des États avant de passer à des questions de fond, a déclaré la représentante. En outre, la représentante a estimé qu’il est trop tôt pour demander aux États de se prononcer sur cette question, et notamment sur le projet d’articles 7 relatif aux crimes exclus de l’immunité de juridiction. Israël s’oppose à l’idée de créer des limites à l’exception avant d’avoir étudié la pratique des États.
Concernant enfin la question de l’application provisoire des traités, la représentante a rappelé la pratique d’Israël qui, même dans les rares cas de figure ou l’application provisoire pourrait exister, n’applique pas provisoirement les traités tant que les exigences juridiques internes ne sont pas satisfaites.
Droit de réponse
Exerçant son droit de réponse, la représentante de Chypre a déclaré que la communauté internationale, de même que les résolutions des Nations Unies, reconnaissent Chypre comme étant l’autorité souveraine sur l’île de Chypre
Remarques de conclusion
Mme MARIE G JACOBSSON, Rapporteuse spéciale sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, a remercié toutes les délégations pour leurs contributions à son sujet, ajoutant qu’elles sont d’une grande importance et utilité pour son travail, mais aussi celui de la Commission du droit international dans son ensemble. Elle a également assuré avoir entendu toutes les remarques et critiques, ajoutant qu’elles seront transmises au prochain Rapporteur spécial qui sera désigné prochainement, puisque son propre mandat comme membre de la CDI prend fin cette année.