la Sixième Commission entame l’examen du rapport de la commission du droit international sur les travaux de sa soixante-huitième session
Les délégations saluent les projets d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, sans préjuger de leur devenir
La Sixième Commission (chargée des affaires juridiques) a entamé, ce matin, l’examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), point de son ordre du jour qui doit retenir son attention jusqu’au 2 novembre.
Comme de coutume, l’examen de l’imposant document, plus de 430 pages cette année, se fera par tranches successives et c’est aux chapitres introductifs, aux futurs travaux de la Commission et aux chapitres thématiques consacrés à la « protection des personnes en cas de catastrophe », à la « détermination du droit international coutumier » et aux « accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités » que le Président de la CDI, M. Pedro Comissario Afonso, a dédié sa première intervention. Il reprendra la parole dans les prochains jours à l’occasion de l’examen des deux autres tranches du rapport.
Le travail le plus avancé de la Commission concerne la protection des personnes en cas de catastrophe. Lors de sa soixante-huitième session, tenue entre mai et août derniers, la CDI a adopté en seconde lecture un ensemble de 18 projets d’articles sur cette question, ainsi que des commentaires s’y rapportant et un projet de préambule. Elle a aussi décidé de recommander à l’Assemblée générale d’élaborer une convention sur la base des projets d’articles.
Les intervenants ont en général salué le travail de la CDI sur cette question. Les pays nordiques ont ainsi estimé que les projets d’articles soulignent bien les principes entourant la dignité humaine et les droits de l’homme, ainsi que les principes de coopération tout en respectant le principe de souveraineté des États et en appuyant sur la nécessité de devoir répondre aux catastrophes. L’Italie s’est, pour sa part, félicitée de l’approche centrée sur les droits que reflètent certains des projets d’articles.
Mais si le travail de la Commission a été salué, le devenir des projets d’articles est moins clair. Pour l’Italie, leur codification « va de soi », car l’effort qu’implique la codification apporterait efficacité et clarté. En effet, les nombreux instruments bilatéraux ou multilatéraux qui ont été créés souvent spontanément sur ce sujet montrent la nécessité d’un cadre juridique unique pour éviter confusion et ambiguïté. L’Italie a d’ailleurs regretté un « manque de vision universelle » sur cette question.
En revanche, la France juge préférable d’observer dans un premier temps l’utilisation qui pourra être faite des travaux de la Commission dans la pratique des États. Si l’Union européenne se dit prête à « contribuer » aux travaux futurs d’une possible convention, les États-Unis ont clairement fait savoir qu’ils n’étaient pas favorables à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant sur le sujet.
Les délégations ont également abordé la question de la détermination du droit international coutumier, un thème étudié depuis 2012 par la CDI, qui a adopté cette année en première lecture un ensemble de 16 projets de conclusion, dont deux nouveaux.
L’Union européenne a estimé que le travail de la Commission sur les projets de conclusion et les commentaires étaient parvenus à une maturation telle qu’il était désormais important de considérer l’importance pratique de ces textes pour les tribunaux. La Chine a rappelé que l’élément central de cette question est la pratique des États, ancienne et actuelle. En revanche, la conduite d’acteurs qui ne sont pas des organisations internationales ne saurait participer à la constitution du droit international coutumier. Réservant leurs observations pour l’an prochain, les États-Unis ont néanmoins noté que les projets de conclusion vont au-delà du droit international coutumier et estimé qu’ils portent en eux un risque de confusion. Plusieurs délégations ont pris note de l’intention de la Commission de recevoir les commentaires des États et des organisations internationales sur le sujet avant le 31 janvier 2018.
Par ailleurs, certaines délégations ont déjà abordé des chapitres du rapport qui seront présentés ultérieurement par le Président de la CDI. Ainsi, la France a d’ores et déjà réitéré ses réserves sur l’étude portant sur le jus cogens et fait part de ses inquiétudes quant à l’orientation que le Rapporteur spécial et la Commission donnent à leurs travaux sur la protection de l’atmosphère, alors que l’Italie se félicitait de voir associé les scientifiques à cette dernière étude.
La question des travaux futurs de la Commission a également été abordée. Les pays nordiques estiment qu’elle devrait se concentrer sur ses études actuelles. La France a adopté la même position et s’est en outre fermement opposée à ce qu’une partie du travail de la CDI soit transférée de Genève à New York, comme l’ont une nouvelle fois demandé les États membres de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC).
La Sixième Commission poursuivra l’examen des mêmes chapitres du rapport de la Commission du droit international mardi 25 octobre à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-HUITIÈME SESSION (A/71/10)
M. PEDRO COMISSARIO AFONSO, Président de la Commission du droit international, a rappelé que le travail consistant à développer le droit international était une tâche à long terme, avant d’annoncer que son allocution de ce matin ne toucherait qu’un premier groupe de chapitres du rapport de la CDI, à savoir les chapitres 1 à 6 et le chapitre 13. Le Président a déclaré que la CDI avait réalisé des progrès considérables sur plusieurs thèmes: les crimes contre l’humanité, la protection de l’atmosphère, la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et l’application provisoire des traités.
Comme par le passé, le rapport attire l’attention des gouvernements sur des questions spécifiques, notamment sur la question des crimes contre l’humanité, la protection de l’atmosphère, l’application provisoire des traités et le jus cogens. De plus, la Commission a demandé des informations aux États sur leur pratique concernant la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés et l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État. Le Président a souligné que la Commission réaffirmait son engagement envers l’état de droit et qu’elle avait continué sa coopération avec la Cour internationale de Justice (CIJ), avec laquelle elle entretient « une relation à long terme ».
La faisabilité de la tenue de sessions à New York a été soulevée précédemment, a rappelé le Président, qui a précisé qu’une estimation avait été demandée au Secrétariat sur la possibilité de tenir à New York une demi-session de la CDI pendant sa soixante-dixième session, en 2018, ce qui correspondrait avec le soixante dixième anniversaire de la Commission.
Le Président de la CDI a ensuite présenté les trois premiers chapitres de fond du rapport de la Commission. Concernant le Chapitre 4, qui concerne l’étude sur la protection des personnes en cas de catastrophe, le Président a noté que le sujet avait été présenté en 2007 à la CDI, qui a commencé à l’examiner en 2008. Cette année, elle a examiné le huitième rapport du Rapporteur spécial et adopté en seconde lecture le projet de préambule et l’ensemble des 18 projets d’articles du projet, ainsi que les commentaires s’y rapportant. En conséquence, la CDI a décidé de soumettre l’ensemble du projet à l’Assemblée générale et de lui recommander d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles.
La réduction du nombre de projets d’articles est due au fait que différentes dispositions ont été fusionnées, afin de garantir plus de cohérence dans ce texte, a expliqué M. Comissario. Il a notamment précisé que le projet de Préambule venait en addition au texte et rappelait le mandat de l’Assemblée générale. Le projet de préambule souligne aussi le rôle de la solidarité dans les relations internationales et l’importance de la renforcer. Il souligne enfin le principe de souveraineté des États et réaffirme le rôle premier de l’État affecté en cas de catastrophe, ce qui est un des éléments clés du projet d’articles.
Le Président de la CDI a ensuite détaillé les 18 projets d’articles, qui portent sur les points suivants: Article 1: Champ d’application; Article 2: Objet; Article 3: Termes employés; Article 4: Dignité humaine; Article 5: Droits de l’homme; Article 6: Principes humanitaires; Article 7: Obligation de coopérer; Article 8: Formes de coopération en réponse aux catastrophes; Article 9: Réduction des risques de catastrophe; Article 10: Rôle de l’État touché; Article 11: Obligation de l’État touché de rechercher de l’assistance extérieure; Article 12: Offres d’assistance extérieure; Article 13: Consentement de l’État touché à l’assistance extérieure; Article 14: Conditions de fourniture de l’assistance extérieure; Article 15: Facilitation de l’assistance extérieure; Article 16: Protection du personnel de secours, de l’équipement et des biens; Article 17: Cessation de l’assistance extérieure; Article 1: Relation avec d’autres règles de droit international.
M. Comissario a ensuite expliqué certains des changements survenus depuis l’adoption du projet d’articles en première lecture. Ainsi, pour l’article 10, la Commission a estimé que l’expression « en vertu de sa souveraineté » ne devrait pas être interprétée comme un changement d’avis de la part de la Commission, mais plutôt par la nécessité pour la CDI d’élargir la définition de l’État affecté. Le Président a de nouveau rappelé qu’une référence au principe de souveraineté avait été incluse dans le projet de Préambule. Concernant le projet d’articles 12 (Offres d’assistance extérieure), il a fait observer la référence faite à une liste des acteurs susceptibles d’apporter de l’assistance, à savoir les États Membres, les Nations Unies et les autres acteurs possibles. Il a souligné qu’à cet égard, les Nations Unies ont été mises en avant pour le rôle central qu’elles jouent dans la réception des requêtes d’assistance. Enfin, en ce qui concerne la cessation de l’assistance extérieure, (projet d’articles 17), le Président a souligné que les dispositions avaient été restructurées pour prendre en compte les préoccupations qui avaient été formulées. Il a noté que la première phrase de l’article confirme les droits qu’ont les acteurs concernés, à savoir les États affectés, l’État assistant, les Nations Unies et tous autres acteurs prêtant assistance, de mettre fin à l’assistance extérieure à tout moment, moyennant une notification appropriée.
Le Président de la CDI a ensuite abordé le Chapitre 5 du rapport, consacré à la « Formation et identification du droit international coutumier », un sujet avait été inscrit initialement à l’ordre du jour de la Commission en 2012 sous l’intitulé « Formation et identification du droit international coutumier », avant d’être renommé en 2013. M. Comissario a indiqué que le quatrième rapport du Rapporteur spécial sur le sujet contenait les propositions formulées par les États et d’autres parties prenantes aux projets de conclusion que la Commission leur avait soumis. Ainsi, après avoir reçu ces propositions, la Commission a adopté en première lecture 16 projets de conclusion sur la détermination du droit international coutumier. Cet ensemble concerne non seulement la méthodologie pour identifier le droit international coutumier mais fournit également des règles pratiques, a expliqué M. Comissario, qui a précisé que les projets de conclusions pouvaient être divisés en sept parties, portant notamment sur la portée et les buts du droit international coutumier, les éléments constitutifs et les moyens d’en identifier les règles, les pratiques des États en la matière, les approches, ou encore les objecteurs persistant et les cas particuliers.
Dans cet ensemble, il est noté que la pratique doit être menée avec le sentiment d’une obligation juridique ou d’un droit, a ajouté le Président de la CDI, qui a appelé à bien distinguer l’usage et l’habitude de l’acceptation de la règle comme droit. Il a rappelé que l’étude soulignait également l’importance des traités, des résolutions adoptées par les organisations internationales et les conférences intergouvernementales ou encore l’importance des décisions des juridictions internationales et de la doctrine. Certaines des dispositions inscrites dans ces actes juridiques et théories académiques, sous certaines conditions, peuvent refléter un droit international coutumier (opinio juris), a encore expliqué le Président de la CDI.
M. Comissario a enfin présenté le Chapitre 6 du rapport, consacré à l’étude sur les « Accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités », étudiée par la Commission dans cet intitulé depuis 2012, après avoir été inscrit à son programme de travail en 2009 sous le nom de « Les traités dans le temps ». Après avoir examiné le quatrième rapport du Rapporteur spécial Georg Nolte, la Commission a adopté cette année en première lecture, un ensemble de 13 projets de conclusion, dont deux nouveaux, ainsi que les commentaires y relatifs, qui ont été transmis aux gouvernements pour commentaires et observations, que la Commission souhaite voir soumis au Secrétaire général au plus tard le 1er janvier 2018. Tous ces projets peuvent être divisés en quatre parties: introduction; règles et définitions fondamentales (projets 1 à 5), aspects généraux et pratiques ultérieures (projets 6 à 10) traités impartis et aspects particuliers (Projets 11 à 13).
Exempté d’une renumérotation, aucun des 11 projets de conclusion déjà provisoirement adoptés les années précédentes n’a été modifié, a indiqué le Président, avant de présenter en détail les deux nouveaux projets adoptés (1 et 13). Ainsi le premier projet intitulé « introduction » vise, dans le contexte de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités d’en faciliter l’interprétation en identifiant les autorités à même de le faire et les questions qui peuvent se poser. Le projet de conclusion 13 « Prononcés d’organes conventionnels d’experts » reconnait et décrit ce qu’il est convenu d’appeler les organes conventionnels d’experts. Il insiste aussi sur le fait que les effets juridiques des prononcés peuvent varier en fonction du traité sur lequel ils se fondent. Il estime que le silence d’un État, face à ces prononcés peut être considéré comme une présomption d’acceptation, a-t-il aussi indiqué.
Déclarations
M. JUAN AVILA (République dominicaine), au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a insisté sur le rôle moteur de la Commission du droit international dans le développement et la codification du droit international, avant d’appeler les États à apporter leur soutien robuste à son travail. À ce titre, le représentant a souligné les difficultés rencontrées par de nombreux États pour fournir les informations demandées, non pas en raison d’un manque d’intérêt, mais des asymétries de ressources. Afin de renforcer la légitimité de la codification du droit international, nous devons tout faire pour que tous les États participent à nos discussions, a-t-il affirmé. Rappelant que la Commission continue de se réunir à Genève, il a souhaité que la moitié des sessions de la Commission se déroulent au Siège des Nations Unies, à New York. Une telle mesure aurait un effet remarquable dans la mesure où les délégués de la Sixième Commission pourraient assister aux délibérations en tant qu’observateurs, permettant un engagement plus précoce sur les sujets, avant même la circulation du rapport de la Commission, a-t-il dit. Il a soutenu la recommandation de la Commission visant à ce que la première moitié de sa soixante-dixième session se tienne à New York. L’interaction entre la Sixième Commission et la Commission est essentielle, a estimé le représentant.
La CELAC se félicite du travail réalisé par la CDI durant sa dernière session et prend note en particulier de l’adoption en seconde lecture du projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Le représentant a ensuite rappelé l’importance que les commentaires et observations sur la détermination du droit international coutumier et sur les accords et pratiques ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités soient soumis avant le 1er janvier 2018. Il a également pris note de l’inclusion dans le programme à long terme de la Commission des points relatifs au règlement des différends internationaux auxquels des organisations internationales sont parties et à la succession d’États en matière de responsabilité de l’État. La CELAC souhaite une amélioration de la coopération et du dialogue entre la Commission et les États membres. Le représentant a jugé regrettable qu’en raison du manque de ressources certains rapporteurs spéciaux des points inscrits à l’ordre du jour ne puissent se rendre à New York. « Leur participation est essentielle à la pertinence des débats thématiques de la Sixième Commission », a-t-il affirmé. Le représentant a également demandé la poursuite des publications juridiques de la Division de la codification, en particulier de la Commission du droit international et son œuvre, dans les différentes langues officielles. Enfin, il a dit son appréciation de la recommandation de la Commission visant à l’organisation d’un évènement pour marquer le soixante-dixième anniversaire de la Commission en 2018.
M. LUCIO GUSSETTI, Union européenne, a relevé qu’en ce qui concerne la protection des personnes en cas de catastrophe, toutes les observations et suggestions formulées par l’Union européenne n’étaient pas reflétées dans les versions finales des projets d’articles et les commentaires. Il a néanmoins salué l’introduction dans les commentaires de la référence aux organisations d’intégration régionale et la possibilité envisagée dans les commentaires que les projets d’articles s’appliquent à des situations d’urgences complexes, comme l’a suggéré l’Union européenne. M. Gussetti a également noté la décision de la CDI de recommander à l’Assemblée générale l’élaboration d’une convention sur la base des projets d’articles relatifs à la protection des personnes en cas de catastrophe. Si l’Assemblée générale devait accueillir favorablement cette recommandation, l’Union européenne est prête à contribuer aux travaux futurs d’une possible convention, a-t-il dit.
L’Union européenne prend également note de l’intention de la Commission de recevoir les commentaires des États et des organisations internationales relatifs à la détermination du droit international coutumier avant le 31 janvier 2018. Le représentant a estimé que le travail de la Commission sur les projets de conclusion et les commentaires étaient parvenus à une maturation telle qu’il était désormais important de considérer l’importance pratique de ces textes pour les tribunaux. Il est raisonnable de penser que le travail de la Commission reflète son potentiel de contribuer au droit international coutumier dans les domaines du commerce et de la pêche, a-t-il dit.
L’Union européenne salue l’adoption en première lecture des projets de conclusion et commentaires relatifs aux accords et pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités. Elle est convaincue que ces projets de conclusion et commentaires seront importants pour améliorer la compréhension des règles du droit international relatifs à l’interprétation des traités. M. Gussetti a rappelé que l’Union européenne était partie contractante à un nombre significatif de traités. Ce faisant, l’Union européenne adhère aux règles du droit international, y compris le droit international coutumier, en conformité avec les traités fondateurs de l’Union, a-t-il dit.
Abordant un autre chapitre du rapport de la CDI, M. Gussetti a ensuite insisté sur les différences de méthodologie concernant le travail relatif à l’application provisoire des traités. Alors que le rapporteur spécial procède sur la base de commentaires d’articles séparés de la Convention de Vienne de 1969 et tire largement ses conclusions par analogie, le rapport de la Commission reflète la large palette de vues exprimées par ses membres, a-t-il expliqué. Il a souhaité que ce raisonnement analogique soit combiné avec un examen de la pratique concernant certaines questions choisies afin que le travail de la Commission soit fructueux. Il a ensuite suggéré que certains éléments soient traités dans le cadre des discussions relatives à l’application provisoire des traités. « L’application provisoire s’applique-t-elle pour l’accord en son entier ou pour certaines parties? », a-t-il demandé. Il a également souhaité des éclaircissements sur une possible corrélation entre le degré de complexité des accords et leur application provisoire et sur une éventuelle différence d’application provisoire suivant que le traité est bilatéral ou multilatéral. La CDI devrait élaborer une vision globale des catégories générales autour desquelles les questions relatives à ce point pourraient être traitées, a-t-il affirmé, en espérant que les directives finales soient « simples et claires ».
Mme MARJA LETHI (Finlande), au nom des pays nordiques, a salué la Commission du droit international pour son travail, ainsi que celui de M. Edourado Valencia-Ospina pour l’achèvement de son travail de Rapporteur spécial sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Pour les pays nordiques, le projet d’articles constitue un cadre exhaustif pour la réduction des risques de catastrophe, la protection des personnes, ainsi que le rôle de l’assistance extérieure et les obligations de l’État touché.
Ainsi, le projet d’articles souligne les principes entourant la dignité humaine et les droits de l’homme, ainsi que les principes de coopération, le respect de la souveraineté, tout en appuyant sur la nécessité de devoir répondre aux catastrophes. La coopération doit prendre place, tout en étant en accord avec les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance, a souligné la représentante. Les pays nordiques souhaitent à cet égard intégrer la perspective de genre dans l’assistance humanitaire, qui est nécessaire pour que l’assistance puisse toucher toutes les franges de la population en cas de catastrophe. Ils rappellent à cet égard les positions exprimées dans le rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur cette question. La représentante a salué un ensemble de projets d’articles équilibré sur la question de l’assistance extérieure et a rappelé que la fourniture d’une assistance nécessite le consentement de l’État affecté, mais qu’elle ne peut être refusée arbitrairement. Refuser l’assistance peut correspondre à un refus d’assistance à la vie, a-t-elle souligné, et cela pourrait constituer une violation du droit humanitaire international.
En ce qui concerne le sujet de la détermination du droit international coutumier, les pays nordiques prennent note que la Commission a demandé aux États de présenter des commentaires par écrit d’ici au 1er janvier 2018. La représentante a appuyé la mention explicite de la notion d’opinio juris dans les projets d’articles. En outre, elle a salué la prise en compte de l’objecteur persistant, qui signifie que, sous certaines circonstances, une règle de droit international coutumier ne peut être applicable à certains États. « Nous attendons avec impatience le débat sur cette question », a-t-elle noté.
Enfin, la représentante a estimé que la CDI avait déjà de lourds travaux devant elle et qu’elle devrait pour l’instant se concentrer sur la mise au point des sujets à l’ordre du jour plutôt que prendre de nouveaux sujets.
M. BRIAN EGAN (États-Unis) a déclaré que toutes les préoccupations de son pays n’avaient pas été prises en compte dans les projets de conclusion sur la protection des personnes en cas de catastrophe. Les États-Unis ne sont toujours pas en faveur d’un instrument juridiquement contraignant sur le sujet.
S’agissant de la détermination du droit international coutumier, les États-Unis examinent actuellement les projets de conclusion et présenteront leurs observations l’an prochain. Mais ils notent déjà que ces projets de conclusion vont au-delà du droit international coutumier et portent en eux un risque de confusion. La CDI doit d’être plus claire dans ses propositions et commentaires, a dit le représentant, observant ainsi que le projet de conclusion 4 (Définition de l’accord ultérieur et de la pratique ultérieure) donne l’impression que les organisations internationales peuvent par leurs seules pratiques et conduites contribuer à la formation du droit international coutumier, et par conséquent, que celui-ci est facile à se former et à s’identifier.
S’agissant des accords et pratiques ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, les États-Unis ont passé en revue les projets de conclusion et présenteront leurs commentaires l’an prochain. Mais le représentant s’est dit dubitatif quant à l’importance donnée aux pratiques et conduites des organisations internationales dans l’interprétation ultérieure des traités, dans un contexte où les organisations internationales ne sont pas parties aux conventions et traités internationaux, a dit le représentant.
M. XU HONG (Chine) s’est félicité du travail de la Commission du droit international et notamment du travail du Rapporteur spécial sur la question de la protection des personnes en cas de catastrophe. Il a noté la nécessité de faire les ajustements nécessaires en ce qui concerne les droits et obligations de l’État touché et des États apportant assistance. Il a, en outre, noté avec bienveillance les nouvelles propositions faites pour améliorer la parité et l’équilibre entre les deux parties en termes de droits et d’obligations, estimant qu’elles allaient permettre d’améliorer l’efficacité de la coopération en cas de catastrophe naturelle. Par ailleurs, l’obligation de demander une aide mais de ne pas la refuser de façon arbitraire peut certes être un facteur positif, mais le représentant a estimé qu’il ne s’agit pas encore là de lex lata, c’est-à-dire reflétant la pratique des États.
En ce qui concerne la question du droit international coutumier, la pratique de l’État est la question centrale, a estimé le représentant. Elle doit notamment englober la pratique ancienne et la pratique actuelle des États. La pratique des États en développement devrait, par ailleurs, être considérée comme une part importante du droit international coutumier. En revanche, la conduite d’acteurs, qui ne sont pas des organisations internationales ne saurait participer à la constitution du droit international coutumier, a affirmé le représentant. Par ailleurs, l’inaction ne saurait valoir consentement, a-t-il ajouté, sauf si celle-ci est intentionnelle. En outre, pour la Chine, si les décisions des tribunaux nationaux peuvent être considérées comme constitutives du droit international coutumier, les théories des spécialistes du droit international public ne jouent qu’un rôle limité et, en conséquence, ne sauraient être considérées constitutives du droit international coutumier.
M. FRANÇOIS ALABRUNE (France) a relevé l’intérêt des projets de conclusion sur la protection des personnes en cas de catastrophe, tout en émettant des doutes sur la proposition d’élaborer une convention sur la base de ces travaux. Il n’est pas évident qu’une telle convention susciterait un soutien suffisant des États, a-t-il estimé, jugeant dès lors préférable d’observer dans un premier temps l’utilisation qui pourra être des travaux de la Commission dans la pratique des États.
Concernant la détermination du droit international coutumier, la France estime que les projets de commentaires annexés aux projets de conclusion mériteraient d’être complétés par des exemples de situations dans lesquelles il a effectivement été conclu à l’existence d’une règle de droit international coutumier. Le texte actuel se réfère presque exclusivement à des situations dans lesquelles l’existence d’une norme coutumière a été rejetée, a noté le représentant.
En ce qui concerne les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des traités, la France approuve la démarche l’approche générale du Rapporteur spécial, mais exprime tout de même ses doutes sur le projet de conclusion 13 (prononcés d’organes conventionnels d’experts), car elle estime que la fonction de ces organes est d’interpréter le droit et de veiller à leur application, et non d’appliquer eux-mêmes les dispositions conventionnelles. Si leurs prononcés peuvent être des moyens auxiliaires d’interprétation des règles, ils ne constituent pas à proprement parler de forme de pratique dans l’application du droit, a dit M. Alabrune
Le représentant de la France a ensuite abordé plusieurs autres chapitres du rapport qui seront présentés ultérieurement par le Président de la Commission du droit international. S’exprimant sur la question des crimes contre l’humanité, il a estimé que les projets d’articles proposés sont très détaillés et précis, tout en laissant aux États, dans un certain nombre de situations, une marge d’appréciation utile. La France n’a pas d’objections particulières au fait que le Rapporteur spécial ait proposé un projet d’articles sur la responsabilité des personnes morales, notion que de nombreux États, dont la France, connaissent. Elle estime seulement qu’une certaine liberté procédurale doit être laissée aux États pour éviter des procédures judiciaires arbitraires. Une marge de manœuvre doit également leur être laissée dans le choix de la peine, de même que dans les procédures pour la mise en œuvre de la compétence universelle des juridictions nationales prévue par le projet d’articles 6 du Rapporteur spécial, a encore estimé le représentant.
S’exprimant ensuite sur le thème de la protection de l’atmosphère, M. Alabrune a exprimé les inquiétudes de la France quant à l’orientation que le Rapporteur spécial et la Commission donnent à leurs travaux, au regard du cadre agréé en 2013, lorsque ce sujet a été inscrit à son programme de travail. La France est préoccupée par le fait que l’on transpose, à la question de la dégradation de l’atmosphère, des principes relatifs à la protection de l’environnement, comme le fait le projet de directive 4. On affirme également dans les projets 4 et 5 que l’atmosphère devrait être utilisée de façon durable, équitable et raisonnable, sans avoir au préalable défini ce qu’est l’utilisation de l’atmosphère. Enfin, selon la délégation, le projet de directive 7 sur la « modification intentionnelle à grande échelle de l’atmosphère » ne s’appuie sur aucune règle ni pratique en la matière.
S’agissant du jus cogens, M. Alabrune, a observé qu’alors que cela ne fait que deux ans que ce sujet est inscrit à l’ordre du jour de la CDI, celle-ci a déjà élaboré des projets de conclusion. Pour la France, il paraissait plus approprié que le Rapporteur spécial et la Commission se concentrent dans un premier temps, sur l’examen des pratiques et opinions, souvent divergentes, des États. La France, dont les réserves sur le jus cogens ont justifié son refus d’adhérer à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 exprime par conséquent des doutes sur l’orientation des travaux et affirme que le jus cogens ne peut être assimilé à une norme fondamentale. Elle estime aussi que les travaux de la Commission ne devraient pas aborder la question de la responsabilité, au risque de porter atteinte à l’équilibre des articles de la Commission sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite.
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. Alabrune a jugé regrettable qu’un certain nombre de projets de principe ne soient appuyés par aucun élément pratique ou de jurisprudence. D’autres ne relèvent même pas du sujet, comme celui relatif au statut des forces et au statut des missions ou encore celui relatif aux droits des personnes autochtones, a-t-il affirmé.
En ce qui concerne le sujet de l’immunité de juridiction étrangère des représentants de l’État, M. Alabrune s’est déclaré étonné que le rapport de la Rapporteuse spéciale ne soit disponible que dans deux langues, dont une n’est pas une langue de travail des Nations Unies. La France attendra donc l’an prochain pour présenter ses commentaires. Par ailleurs, la France demande à la Rapporteuse spéciale de rectifier l’allusion faite au Président équato-guinéen, M. Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, car celui qui est poursuivi par les juridictions françaises, en l’occurrence son fils, n’est ni chef d’État, ni chef de gouvernement, ni ministre des affaires étrangères. La France n’a donc pas fait exception au principe d’immunité ratione personae reconnu par le droit international, a-t-il affirmé.
Enfin, M. Alabrune a estimé que l’inscription de deux nouveaux thèmes dans le programme de travail de la Commission allonge encore celui-ci, alors que le nombre élevé de ces thèmes ne facilite pas l’achèvement des travaux de la Commission. La France réitère en outre des doutes quant à la tenue à New York de sessions futures de la Commission, alors qu’elle dispose de meilleures conditions de travail à Genève.
M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a salué le travail de la Commission du droit international sur la question de la protection des personnes en cas de catastrophe, ajoutant que, pour l’Italie, la nécessité de codifier ce domaine « va de soi ». À la lumière de la myriade de catastrophes naturelles récentes, l’Italie considère en effet qu’un tel effort de codification apportera efficacité et clarté. Les nombreux instruments bilatéraux ou multilatéraux qui ont été créés souvent spontanément sur ce sujet montrent la nécessité d’un cadre juridique unique pour éviter confusion et ambiguïté. Le représentant a salué l’approche basée sur les droits des projets d’articles, notamment dans les projets d’articles 5 (Droits de l’homme) et 6 (Principes humanitaires). Il a aussi noté que la réponse humanitaire devait respecter la protection des plus vulnérables.
En ce qui concerne la question de la prévention des risques, le représentant a rappelé que son pays était constamment soumis aux catastrophes, comme cela a été le cas récemment lors du tremblement de terre d’Amatrice. « Sur la base de notre expérience nationale, nous estimons que la coopération entre les organisations humanitaires et les autorités de protection civile est un élément clef de la prévention de catastrophe », a-t-il expliqué. Il a cependant regretté un manque de vision universelle sur la question de la protection des personnes en cas de catastrophe.
Le représentant a ensuite abordé d’autres chapitres du rapport non présenté à ce jour. Il a noté des avancées sur la question de la protection de l’atmosphère, jugeant très utile l’implication des experts scientifiques dans le domaine du droit international de l’environnement. La participation des scientifiques lors de la session précédente a démontré qu’il est nécessaire d’avoir une connaissance scientifique pour pouvoir donner une réponse juridique, a-t-il estimé. L’Italie accorde la plus grande importance aux travaux de la CDI sur cette question et attend avec impatience les travaux de la session suivante sur cette question.
Enfin, le représentant a estimé que l’application provisoire des traités soulève des questions théoriques et pratiques. Les travaux de la CDI ont tenté d’établir un équilibre entre les règles de la Convention de Vienne et l’application provisoire des traités au niveau national, a-t-il noté. L’Italie est favorable à une approche basée sur la pratique, par exemple une approche qui pourrait donner aux États une « boîte à outils » pouvant leur servir quand besoin est.