Divisée sur la compétence universelle, la Sixième Commission cherche d’autres voies pour lutter contre l’impunité
La Sixième Commission a poursuivi cet après-midi son examen de la question de la portée et application du principe de compétence universelle et les déclarations faites ont confirmé les divergences exprimées lundi concernant la définition, le statut juridique, la portée et les conditions de l’application du principe. Plusieurs délégations ont mis en avant des options qui permettent de contourner la difficulté, comme l’intégration en droit interne des traités internationaux ou l’entraide judiciaire.
L’impérieuse nécessité de convenir d’une définition du principe de compétence universelle et d’une conception partagée de sa portée et de son application a paru être largement acceptée. Il reste, toutefois, à savoir comment y parvenir. Ainsi, la Norvège, qui estime que la Sixième Commission est le lieu le plus pertinent pour en débattre, constate aussi que des divergences persistent entre États sur cette question.
Considérant que dresser une liste exhaustive des crimes pouvant être couverts par la compétence universelle ne serait pas une approche constructive capable de faire avancer le débat sur cette question, la Norvège estime que la Sixième Commission gagnerait plutôt à se pencher sur les mécanismes mis en place par les juridictions des pays qui ont déjà incorporé la compétence universelle dans leur législation.
Faute de propositions constructives à l’heure actuelle, la Malaisie a, quant à elle, estimé que le moment était venu d’adopter des mesures plus concrètes, par exemple en confiant à la Sixième Commission un examen plus approfondi des commentaires présentés par les États sur la question, ou encore en confiant une étude juridique à la Commission du droit international ce que préconise également le Togo.
Le fait est qu’à l’heure actuelle, le seul domaine pour lequel il existe un accord général pour l’application du principe de compétence universelle est la piraterie, ont rappelé la Chine et l’Inde. Pour d’autres crimes, comme les crimes contre l’humanité, le génocide ou les crimes de guerre, ce sont des traités qui ouvrent la voie à l’application de la compétence universelle.
Plusieurs délégations ont, en outre, rappelé le risque que ferait courir une application sélective et politisée du principe de compétence universelle. Ainsi, l’Arabie saoudite a rejeté la loi Jesta récemment adoptée par les États-Unis, estimant que ce texte qui autorise les individus à poursuivre les États dans des affaires civiles, violait le droit international et ne peut que créer des tensions entre États en incitant d’autres pays à adopter des législations similaires.
Tant que les États Membres n’ont pas de point de vue commun sur cette question il peut en résulter un risque de fragmentation du droit international, a averti la République islamique d’Iran, pour qui les États qui acceptent le principe de compétence universelle doivent l’incorporer dans leur législation nationale. Le Maroc, qui ne reconnait pas le principe de la compétence universelle, estimant qu’il viole les principes internationaux, notamment en empiétant sur la souveraineté des États, a expliqué que le droit marocain n’en prévoyait pas moins un certain nombre de mesures qui s’inscrivent parfaitement dans le champ de la compétence universelle. Ainsi, même s’il n’a pas intégré la compétence universelle dans ses législations, le Maroc a règlementé les actes et infractions entrant dans le champ de la compétence universelle, comme la torture.
Il existe, par ailleurs, d’autres voies que la compétence universelle, a rappelé la Slovénie, qui a cité son engagement, avec 24 autres États, en faveur de la mise sur pied d’un instrument international sur l’assistance judiciaire mutuelle et l’extradition entre États pour le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Par ailleurs, la passe d’armes entamée lundi entre la Serbie et la Croatie concernant la loi serbe de 2003 sur l’organisation et la compétence des autorités gouvernementales dans la poursuite des crimes de guerre commis en République de Serbie, dite loi LWC, s’est poursuivie aujourd’hui. La Serbie, qui a dit n’avoir reçu aucune demande d’amendement de sa législation, a considéré les requêtes croates présentées depuis lors comme n’ayant aucune base juridique et comme étant politiquement motivées. Le représentant de la Croatie a répondu en affirmant que toute l’intervention de la Serbie n’est qu’une excuse pour soutenir une mauvaise mise en œuvre de sa législation et a estimé que la Serbie n’était pas à la hauteur des attentes de la communauté internationale concernant la poursuite des auteurs des crimes de guerre.
La Sixième Commission se réunira, demain vendredi 14 octobre, à partir de 10 heures pour achever l’examen de la question de la portée et application de la compétence universelle avant d’entamer l’étude du rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du renforcement du rôle de l’Organisation.
PORTÉE ET APPLICATION DU PRINCIPE DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE (A/71/111)
Déclarations
Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a déclaré que, bien qu’aucun crime pouvant relever de la compétence universelle n’ait été soumis aux tribunaux slovènes, la législation nationale accepte le droit international coutumier et les traités comme guide et source dans la définition des crimes qui, par leur nature, peuvent être jugés au titre de la compétence universelle. Cette dernière, est par ailleurs, abordée dans les deuxième et troisième paragraphes de l’Article 13 et dans l’Article 14 du Code pénal slovène, sans pour autant qu’une liste des crimes auxquels elle peut s’appliquer soit établie, a expliqué la représentante.
Ainsi, le deuxième paragraphe de l’Article 13 s’applique dans le cas d’un ressortissant non slovène, ayant commis un crime à l’étranger et qui, arrêté sur le territoire de la Slovénie, ne peut être extradé dans un autre pays. Le troisième paragraphe pour sa part s’applique aux cas où un ressortissant non slovène a commis à l’étranger un crime pour lequel les traités reconnaissent qu’il peut être poursuivi dans n’importe quel pays, indépendamment du lieu où le crime a été commis. La loi impose toutefois des limites à ces situations, notamment si l’auteur a été acquitté par une juridiction étrangère, si le crime est passé sous le régime international des prescriptions, si l’auteur a purgé sa peine dans un autre pays ou encore s’il a été décidé par un accord international qu’il peut purger sa sentence en Slovénie. La juridiction universelle peut aussi être limitée dans le cas où le droit international prévoit que seule la partie lésée peut porter plainte pour le crime commis, a encore expliqué la représentante.
Après ces explications, la représentante a déclaré que, compte tenu des difficultés posées par le concept de compétence universelle, la Slovénie s’est activement engagée, avec l’Argentine, les Pays-Bas et la Belgique, à renforcer la coopération entre États dans le cadre des poursuites judiciaires pour les crimes atroces. Ces quatre pays plaident pour la mise sur pied d’un instrument international sur l’assistance judiciaire mutuelle et l’extradition entre États pour le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Cette initiative, également connue sous le nom d’initiative MLA –pour « Assistance juridique mutuelle »- a déjà le soutien de 25 États Membres des Nations Unies, a conclu la représentante.
M. AVIGAIL FRISCH BEN AVRAHAM (Israël) a indiqué que, si Israël partage l’avis de la plupart des pays s’agissant de l’importance de lutter contre l’impunité et de veiller à ce que les auteurs des crimes graves soient traduits en justice, il faut néanmoins souligner les divergences existant au sein de la communauté internationale quant à la définition de la compétence universelle et les conditions de l’application de ce principe.
Pour le représentant, il ressort du Rapport annuel du Secrétaire Général, tout comme des rapports nationaux élaborés sur la question, qu’il existe des divergences parmi les membres de la communauté internationale concernant la définition, le statut juridique, la portée et les conditions de l’application du principe de juridiction universelle. Pour réaliser l’objectif ultime de lutte contre l’impunité et, dans le même temps, éviter toute application erronée du principe de compétence universelle, il est essentiel que les États conviennent d’une définition appropriée du principe de compétence universelle et d’une conception partagée de la portée et la façon de son application, a ajouté M. Ben Avraham.
Dans ce contexte, le représentant a appelé le groupe de travail sur la compétence universelle à obtenir davantage d’informations sur la pratique des États concernant cette question, car, a-t-il estimé, la nature même de l’application du principe de compétence universelle est d’être mise en œuvre dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsqu’un État refuse d’agir.
M. FINTAKPA LAMEGA DEKALEGA (Togo) a constaté que la complexité et la sensibilité de la question de la compétence universelle n’avaient pas permis de faire des progrès et d’aboutir à un consensus sur une définition précise et un cadre juridique du champ d’application de ce principe. Cela dit, le Togo estime que la compétence universelle ne devrait pas être un prétexte pour porter atteinte aux principes fondamentaux du droit international, tels que les principes de non intervention, d’égalité souveraine des États. Elle ne saurait pas non plus se substituer aux juridictions nationales ou extérieures. Par ailleurs, la compétence universelle ne devrait pas oublier les garanties des droits de la défense et les principes cardinaux du droit pénal, ni renverser les principes d’immunités, qui constituent la base des relations internationales, a ajouté le représentant, pour qui, il serait judicieux de parvenir à un encadrement strict du concept, du fait des risques de politisation de celui-ci. Compte tenu de la complexité de la problématique, le Togo plaide pour que la Commission du droit international mène une étude approfondie pour déterminer le cadre juridique approprié et les éléments constitutifs de la compétence universelle.
Le représentant a assuré que le Togo était engagé de manière constructive dans la lutte contre l’impunité. Le Togo est, non seulement, membre du Conseil des droits de l’homme des Nation Unies, mais également partie aux quatre Conventions de Genève de 1949 et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984. Parallèlement et dans le cadre de la modernisation de la justice, le Gouvernement du Togo organise régulièrement avec ses partenaires, des sessions de formation afin de renforcer les capacités des magistrats et tribunaux togolais, a encore précisé le représentant.
M. ALI GARSHASHBI (République islamique d’Iran) a rappelé quelle était la justification de l’application de la compétence universelle: c’est lorsqu’un crime international est d’une telle gravité que peu importe le lieu de la commission dudit crime qu’elle doit s’appliquer pour assurer la lutte contre l’impunité. À cette fin, les législations qui acceptent le principe de compétence universelle doivent l’incorporer dans leur législation nationale. Le représentant a constaté que les États Membres n’avaient pas de point de vue commun sur cette question, ajoutant qu’il en résultait un risque de fragmentation du droit international. De plus, peu importe la source de la compétence universelle, ce qui nous préoccupe c’est la possibilité de son application sélective, a ajouté le représentant, qui a rappelé que ce principe allait à l’encontre du principe de souveraineté des États.
S’agissant de la législation iranienne, le représentant a déclaré que le nouveau Code pénal de son pays permet d’engager des poursuites si le crime est reconnu comme étant un crime international par un traité ou un tribunal international, peu important alors la nationalité de la victime. Toute disposition d’un traité faisant état de la compétence universelle est incorporée dans le droit national iranien, a-t-il ajouté.
M. ABDULAZIZ AL NASSER (Arabie saoudite) s’est dit convaincu du bien-fondé du principe de compétence universelle et notamment de son objectif de lutte contre l’impunité. Mais, du point de vue de l’Arabie saoudite, il est encore trop tôt pour appliquer ce principe, du moins, tant que les controverses sur sa définition et son champ d’application ne sont pas comblées. Tout en prenant en compte son bien-fondé, l’Arabie saoudite ne peut pas pour autant accepter que la compétence universelle soit utilisée à des fins politiques, qui violent les principes de la Charte des Nations Unies. Ainsi, elle rejette la loi Jesta, adoptée aux États-Unis et qui autorise les individus à poursuivre les États dans des affaires civiles. L’Arabie saoudite estime que cette loi viole le droit international et ne peut que créer des tensions entre États, car elle risque de pousser d’autres pays à adopter des législations similaires, a affirmé le représentant, qui a invité les autres délégations à rejeter elles aussi cette loi.
M. RUSLAN VARANKOV (Bélarus) a estimé que l’élargissement de la liste des situations qui relèvent de la compétence universelle ne constitue rien d’autre qu’une ingérence dans les affaires intérieures des États. Nous sommes préoccupés de l’application trop large de la compétence universelle, notamment en ce qui concerne la question des réfugiés, a-t-il déclaré.
Le représentant a, en outre, souhaité attirer l’attention sur les processus de l’Assemblée générale, notamment que le fait qu’elle ait reconnu la nécessité d’améliorer son fonctionnement. Il a estimé que la Sixième Commission devrait passer à un examen biennal de la question de la portée et de l’application du principe de compétence universelle. Il a, en outre, jugé d’un grand intérêt les compilations d’informations nationales sur la question.
M. MEHDI REMAOUN (Algérie) a déclaré que la compétence universelle ne devrait s’appliquer que de bonne foi, en plus des autres principes de droit international. La compétence universelle doit également éviter toute sélectivité et politisation et doit être considérée comme une mesure d’exception et de dernier ressort, qui ne doit pas se substituer aux juridictions nationales. Dans ce contexte, l’Algérie rappelle les positions exprimées par les chefs d’État et de gouvernement au sommet d’Addis-Abeba de l’Union africaine en 2013 et par celui du Mouvement des pays non alignés de Margarita en 2016. Au cours de ces deux rencontres, les dirigeants ont condamné le ciblage exclusif des dirigeants africains au titre de l’application de la compétence universelle et ont demandé à leurs délégations de faire preuve de retenue lors de l’examen de cette question aux Nations Unies, a rappelé le représentant.
M. MOHD RADZI HARUN (Malaisie) a rappelé que la question de la compétence universelle faisait l’objet de débats animés au sein de la Sixième Commission depuis de nombreuses années et que son pays avait toujours manifesté le plus grand intérêt pour cette question. Nous avons toujours fourni les informations pertinentes et exprimés nos préoccupations quant à l’application et la portée de la compétence universelle, a affirmé le représentant.
Compte tenu des avis divergents des États Membres sur la question, la Malaisie a toujours invité tous les États Membres à la prudence car c’est la prudence qui permettra de combler les écarts entre les États dans l’application et la portée du principe. À ce stade, il n’y a pas de discutions constructives concernant la liste des cas relevant de la compétence universelle, a constaté le représentant, qui a estimé que le moment était vendu d’adopter des mesures plus concrètes, par exemple en confiant à la Sixième Commission un examen plus approfondi des commentaires présentés par les États ou encore en confiant une étude juridique à la Commission du droit international. Nous rappelons que les critères clef qui définissent le principe de compétence universelle doivent d’abord être abordés avant d’aller plus avant, a-t-il conclu.
M. KOTESWARA RAO MADIMI (Inde) a déclaré que personne ne devrait être libre ou relâché pour des crimes qu’elle a commis. Cela dit, il faut aussi que le principe de territorialité, à savoir la compétence des tribunaux à connaitre des crimes commis sur un territoire national donné, soit respecté. Or la compétence universelle se veut extraterritoriale, a observé le représentant, ajoutant qu’il faut se poser des questions sur ce principe. Le représentant a ensuite rappelé que, compte tenu du cadre international, la compétence universelle ne pouvait s’appliquer que sur les cas de crime de piraterie en haute mer, comme le stipule la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Pour l’Inde, il faut s’en tenir à ce cadre normatif.
Mme JI XIAOXUE (Chine) a rappelé que, depuis 2009, date à laquelle la Sixième Commission a commencé l’examen de la portée et application du principe de compétence universelle, la Chine a toujours présenté des remarques. Ainsi, selon elle, l’application du principe doit être conforme aux principes des Nations Unies, sans empiéter sur les principes énoncés dans la Charte et sans empiéter sur les immunités reconnues.
La compétence universelle est complémentaire par nature: c’est aux États qu’il appartient de l’appliquer, a poursuivi la représentante, qui a rappelé combien il était important d’éviter les chevauchements. La compétence universelle diverge de l’obligation aut dedere, aut iudicare, a-encore fait observer la représentante avant d’ajouter qu’à l’exception de la piraterie, les États avaient des avis différents sur le champ d’application de la compétence universelle. À l’exception encore une fois de la piraterie, il n’y pas de règle de droit coutumier en la matière, a-t-elle
M. PHAM BA VIET (Viet Nam) s’est dit d’avis que la compétence universelle doit être définie et appliquée, et non pas interprétée de façon à violer la souveraineté des États et atteindre aux immunités des hauts fonctionnaires et des Chefs d’États. La compétence universelle ne devrait être considérée que comme une mesure de dernier recours et ne pas violer la souveraineté des États, a dit le représentant.
M. ANDREAS KRAVIK (Norvège) a déclaré que, depuis 2011 que le thème est débattu aux Nations Unies, les États ont clairement démontré, à travers leurs positions, qu’il n’y a pas de place pour l’impunité en ce qui concerne les crimes les plus graves. Pour la Norvège, la compétence universelle est l’un des outils pertinents pour garantir qu’il n’y a pas d’impunité pour les crimes atroces et les autres crimes couverts par la juridiction universelle. Alors que la Norvège estime que la Sixième Commission est le lieu le plus pertinent pour débattre de ce sujet, elle constate aussi que des divergences persistent entre États sur cette question. Le représentant a fait observer qu’aucun principe international ne doit être détourné de son but initial, la Norvège invite à un dialogue transparent afin d’identifier les mesures pouvant éviter que la compétence universelle soit utilisée à mauvais escient.
La Norvège reste toutefois convaincue que tenter de dresser une liste exhaustive des crimes pouvant être couverts par la compétence universelle ne serait pas une approche constructive capable de faire avancer sur cette question, bien au contraire. Pour le représentant, les délibérations de la Sixième Commission gagneraient plutôt à se pencher sur les mécanismes mis en place par les juridictions des pays qui ont déjà incorporé la compétence universelle dans leur législation. La Sixième Commission devrait étudier comment ces juridictions organisent les poursuites judiciaires et comment le principe de compétence universelle est appliqué dans chacun de ces pays, a-t-il suggéré.
M. BORIS HOLOVKA (Serbie) a déclaré que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne pouvaient pas uniquement relever des juridictions nationales, compte tenu de leur gravité qui fait qu’ils concernent, de fait, toute la communauté internationale. Néanmoins, la Serbie estime que la compétence universelle doit être mise en œuvre seulement lorsque les pays où les crimes ont été commis ne manifestent pas de volonté de traduire les auteurs de ces crimes en justice.
Le représentant a ensuite assuré que la législation serbe, notamment son Code pénal et la loi de 2003 sur l’organisation et la compétence des autorités gouvernementales dans la poursuite des crimes de guerre commis en République de Serbie, contiennent des dispositions pour poursuivre et juger toutes les personnes impliquées dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans le territoire de l’ex-Yougoslavie durant le conflit, sans considération de la nationalité des auteurs et des victimes. Ses dispositions sont par ailleurs conformes aux normes internationales, notamment à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et à la Convention de Genève de 1949, a-t-il ajouté, affirmant que, par conséquent, elles ne visent aucun pays en particulier et donc pas uniquement les ressortissants croates. Pour preuve, sur les 170 cas tombant sous le coup de ces lois, seule une personne inquiétée est de nationalité croate, a-t-il précisé.
Ces lois ne sont, par ailleurs, conformes aux accords bilatéraux de 2006 et au Mémorandum d’entente sur la coopération judiciaire de 2005 signés entre la Serbie et la Croatie, a poursuivi M. Holovka. Alors qu’avant 2015, la Serbie n’avait reçu aucune demande d’amendement de ces législations, elle considère aujourd’hui les demandes de la Croatie comme n’ayant aucune base juridique et politiquement motivées, a encore déclaré le représentant. Il a assuré qu’en ce qui la concerne, la Serbie n’entendait pas répondre à cette demande. La Croatie tente de réécrire l’histoire et mettre de côté les crimes commis contre la population serbe durant le conflit des années 1990 de même que ceux commis par le « régime fasciste de l’État indépendant de Croatie » pendant la Seconde Guerre mondiale, a accusé le représentant, voyant une confirmation de ses dires dans le fait que seule une personne a été condamnée par les juridictions croates pour les crimes commis durant l’opération « Tempête » de 1995, qui a quand même provoqué la mort de 2500 civils serbes et a provoqué le déplacement de 250 000 autres, a encore dit le représentant.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) s’est prononcé en faveur d’une approche pragmatique sur la question de la compétence universelle. Pour lui, les législations nationales et internationales doivent se compléter. La Cour pénale internationale (CPI) doit rester une instance de dernier recours en cas d’incapacité par les États en ce qui concerne la reddition de compte pour les crimes atroces. Le but est de pouvoir éviter toute impunité concernant les crimes atroces de masse. Il est à cet égard essentiel de préserver l’autorité de la Cour, a déclaré le représentant. D’un autre côté, a-t-il fait observer, toute application trop vaste de la compétence universelle par un tribunal peut entrainer des difficultés. Enfin, le représentant a estimé que toute utilisation sélective saperait les objectifs majeurs que la compétence universelle s’applique à mettre en œuvre.
M. MOHAMMED ATLASSI (Maroc) a déclaré que le droit marocain ne reconnaît pas le principe de la compétence universelle, car celui-ci viole les principes internationaux, y compris ceux de la Charte des Nations Unies, notamment la souveraineté des États. Mais le droit marocain prévoit un certain nombre de mesures qui s’inscrivent parfaitement dans le champ de la compétence universelle. Les législations marocaines incriminent la torture en conformité avec les dispositions de la Convention contre la torture. Le projet de révision du code pénal prévoit en outre une série de crimes relevant de la compétence universelle, comme le crime contre l’humanité, le génocide, les disparitions forcées. La compétence de la juridiction nationale, lorsqu’il s’agit d’une infraction commise en dehors du territoire marocain est également règlementée par les articles 704 et 708 du code de procédure pénale. Enfin, le projet de révision du code de procédure pénale prévoit le principe de l’imprescriptibilité des crimes graves, a indiqué le représentant. En somme, même si le Maroc n’a pas intégré la compétence universelle dans ses législations, il a règlementé les actes et infractions donnant lieu à la compétence universelle. Il ne prévoit, en outre, aucune disposition visant à entraver l’exercice de ce principe ou favoriser l’impunité, a résumé le représentant.
Droits de réponse
Le représentant de la Croatie, exerçant son droit de réponse, a rejeté le contenu de la déclaration du représentant de la Serbie concernant son pays. Toute l’intervention de la Serbie n’est qu’une excuse pour soutenir la mauvaise mise en œuvre de sa législation. La communauté internationale espérait que la Serbie serait à la hauteur de leurs engagements concernant la poursuite des auteurs des crimes de guerre. Or, la Serbie a poursuivi des criminels de guerre de façon sporadique. Ce n’est pas l’interprétation des faits, je ne fais que citer des éléments juridiques. Il n’y a pas de malveillance dans ma déclaration, les faits parlent d’eux même, a-t-il déclaré. La Serbie n’est pas en mesure de juger les crimes qu’elle a commis. La Croatie, elle, est en mesure de faire part des avancées de son système judiciaire, car nous faisons partie de l’Union européenne, et sommes soumis à de nombreux examen par celle-ci. Nous avons poursuivis plus de 3000 personnes pour crimes de guerre. Le représentant a appelé la Serbie à se tourner vers l’avenir et à accepter la compétence universelle.
Le représentant de la Serbie, répondant à la Croatie, a déclaré que les faits sont éloquents, la vérité est connue. Concernant les commentaires sur le Tribunal Pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il a demandé aux représentants de lire les commentaires. « Nous sommes attachés à un avenir européen commun et aux fondations anti fascistes de l’ère moderne ». Nous sommes préoccupés par la montée du révisionnisme en Croatie à propos de la Seconde Guerre mondiale, a-t-il contrattaqué. Il a souligné que la Serbie attend de la communauté internationale qu’elle condamne ses activités qui célèbrent les criminels de guerre et les nazis comme des héros, ce qui est choquant, a-t-il déclaré.
Le représentant de la Croatie, répondant à la réponse, a rejeté la déclaration de la Serbie et a incité à son tour les représentants à lire les rapports du tribunal pour l’ex-Yougoslavie. Il a rejeté tout ce qui a été dit.
Le représentant de la Serbie a invité les collègues à lire les rapports.