Deuxième Commission: les délégations soulignent l’apport positif des migrations dans la mondialisation et le développement
Au cours du débat de la Deuxième Commission (économique et financière) sur « la mondialisation et l’interdépendance », ce matin, de nombreuses délégations ont appelé à un ordre économique international plus juste et souligné le rôle des migrations dans le développement.
« Le nombre des personnes qui se déplacent n’a jamais été aussi élevé », indique le rapport* du Secrétaire général sur les migrations internationales et le développement, présenté par M. John Wilmoth, Directeur de la Division de la population, au Département des affaires économiques et sociales (DAES). Le nombre de migrants a, en effet, augmenté de plus de 60% depuis 1990, atteignant ainsi 244 millions de personnes en 2015, et cette tendance à la hausse devrait se poursuivre, a précisé M. Wilmoth. Des facteurs économiques, sociaux et environnementaux, mais aussi l’instabilité politique, continueront d’influer sur l’évolution des migrations mondiales.
De nombreuses délégations, à l’instar des Philippines, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), ont estimé que la mondialisation et l’interdépendance posaient autant de défis qu’elles présentent d’opportunités pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La délégation de Singapour s’est félicitée que le Programme reconnaisse la contribution positive des travailleurs migrants à l’avènement d’une croissance inclusive. La Sri Lanka, le Mali, le Népal, les Tuvalu et d’autres délégations ont ainsi souligné l’importance des transferts de fonds des migrants pour l’économie de leur pays d’origine, que le Fonds international de développement agricole (FIDA) évalue à 750 millions de dollars par an.
M. Wilmoth a rappelé que les chefs d’État et de gouvernement avaient adopté, le 19 septembre, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants lors de la réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale, dont se sont félicitées plusieurs délégations, comme le Bangladesh, au nom des pays les moins avancés (PMA). Cette Déclaration prévoit notamment le lancement, en 2016, d’un processus intergouvernemental de négociations visant à déboucher sur l’adoption, lors de la conférence intergouvernementale sur les migrations internationales en 2018, d’un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Quant au Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, les Philippines ont estimé qu’il devrait se tenir avant 2019 et contribuer à l’élaboration d’une approche multidimensionnelle sur les aspects développementaux de la migration. ONU-Femmes, qui s’est exprimée au nom du Groupe mondial sur la migration (GMG), a souhaité, pour sa part, que le processus de dialogue joue un rôle majeur dans la mise en œuvre et l’examen du Programme de développement durable à l’horizon 2030. S’exprimant au nom des PMA, le Bangladesh, a quant à lui émis le vœu que le neuvième Forum mondial pour la migration et le développement, qu’il accueillera en décembre prochain à Dhaka, puisse déboucher sur l’adoption d’une plateforme de gouvernance des migrations internationales.
Le paradoxe de la mondialisation, c’est que certains pays sont en train de construire des murs pour bloquer la libre circulation des personnes au moment où l’on débat pour lever les restrictions à la libre circulation des biens et des services, ont fait observer le délégué du Guatemala et l’observateur du Saint-Siège. Le constat actuel de nombreuses délégations montre que les pays en développement ne tirent pas d’énormes avantages de la mondialisation.
« Le nouvel ordre économique mondial vise notamment à corriger les inégalités », a rappelé M. Nazrul Islam, de la Division des analyses de politiques de développement du DAES, en présentant le rapport** du Secrétaire général intitulé « Vue d’ensemble actualisée des grands problèmes d’ordre économique et de politique générale à résoudre sur le plan international pour assurer une croissance économique soutenue et un développement durable qui soient équitables et partagés ».
De nombreuses délégations ont estimé qu’il est grand temps d’établir un nouvel ordre économique international, qui renforce la participation des pays en développement dans la gouvernance économique mondiale et adopte les mesures nécessaires pour un système commercial, monétaire et financier cohérent. Si aucune action concrète et courageuse n’est entreprise, l’objectif de développement durable sera difficilement atteint, a souligné la Thaïlande, au nom du Groupe des 77 et de la Chine. La représentante de Cuba a réitéré qu’il était impératif de parvenir à un nouvel ordre économique mondial fondé sur l’équité, l’égalité souveraine, l’interdépendance, l’intérêt commun et la coopération de tous les États, qui puisse corriger les inégalités et les injustices actuelles dans le monde.
M. Islam a mis l’accent sur les instruments adoptés en 2015 -Programme à l’horizon 2030, Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement et Accord de Paris sur les changements climatiques - et le nouvel ordre économique mondial qu’ils reflètent, à savoir le principe d’équité et de responsabilité commune mais différenciée et le principe d’adaptation aux besoins des pays en développement.
En fin de séance, la Deuxième Commission a entendu la présentation par la Thaïlande, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, de deux projets de résolution portant respectivement sur la coopération Sud-Sud et le nouvel ordre économique international, sur lesquels les délégations se prononceront à une date ultérieure.
La Deuxième Commission organisera demain, mercredi 19 octobre, à 10 heures, une manifestation parallèle sur les « Stratégies durables d’élimination de la pauvreté grâce à l’emploi des jeunes et la promotion de l’esprit d’entreprise ». À 15 heures, elle entamera son débat sur les groupes de pays en situation particulière.
* A/71/296
**A/71/168
MONDIALISATION ET INTERDÉPENDANCE (A/71/168 Et A/71/222*)
a) Mondialisation et interdépendance
b) Migrations internationales et développement (A/71/296)
Débat général
Mme NATHITA PREMABHUTI (Thaïlande), au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a souligné que la mondialisation était incontestablement une voie vers le développement, mais qu’elle était également porteuse de risques et de défis, auxquels on peut faire face par une action coordonnée et cohérente au niveau international. À cet égard, il est évident que le nouvel ordre économique international, qui vise une croissance durable, inclusive et équitable ainsi que le développement durable, est pertinent dans le contexte actuel, a lancé la représentante. Les Nations Unies sont bien positionnées pour renforcer la coopération internationale et le G77 et la Chine soulignent l’importance vitale des transferts de sciences et de technologie dans des conditions préférentielles pour relever ces différents défis. Si aucune action concrète et courageuse n’est entreprise, l’objectif de développement durable sera difficilement atteint, a fait remarquer la représentante.
Le Groupe des 77 et la Chine estiment qu’il est grand temps d’établir le nouvel ordre économique international, qui élargisse et renforce la participation des pays en développement dans la gouvernance économique mondiale et adopte les mesures nécessaires pour un système commercial, monétaire et financier cohérent. La déléguée en a profité pour lancer un appel aux pays développés afin qu’ils respectent leurs engagements en matière d’aide publique au développement (APD).
Concernant un autre aspect de la mondialisation, la déléguée a souligné que le lien entre migrations et développement ne peut être ignoré. Elle a insisté sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour garantir des migrations coordonnées et régulières, ainsi que le traitement humain de tous les migrants, quel que soit leur statut et, en particulier, des femmes, des enfants, des personnes âgées et des handicapés. Le Groupe des 77 et la Chine attendent également un pacte international sur les migrations, qui en abordera tous les aspects, y compris celui des droits humains.
S’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme IRENE SUSAN B. NATIVIDAD (Philippines) a estimé que la mondialisation et l’interdépendance posaient autant de défis qu’elles présentent d’opportunités pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a ensuite indiqué qu’en dépit des prévisions relativement pessimistes de la croissance économique mondiale, l’ASEAN pouvait s’enorgueillir d’un produit intérieur brut cumulé d’un montant de 2,43 trillions de dollars pour l’année 2015. L’objectif est maintenant de parvenir à une meilleure intégration dans le cadre du « Schéma directeur de la Communauté économique de l’ASEAN pour 2025 », qui vise à établir un marché unique « dynamique et compétitif » permettant la libre circulation de biens, de services, d’investissements, de capitaux et de personnels qualifiés d’un pays à l’autre.
Le Schéma directeur reconnaît les contributions importantes des professionnels et des travailleurs qualifiés au progrès et au développement économiques tant au niveau national que régional, s’est félicitée Mme Natividad. Cette reconnaissance, a-t-elle souligné, va de pair avec la responsabilité de promouvoir le « potentiel et la dignité » des travailleurs migrants en leur offrant un « climat de liberté, d’équité et de stabilité » conforme aux lois, règlementations et politiques des États membres de l’ASEAN. L’Association, a assuré la représentante, a pris des mesures pour garantir la protection des droits des migrants, de manière cohérente avec la vision de cette zone économique comme « communauté de partage ».
M. TAREQ ARIFUL ISLAM (Bangladesh), s’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), a indiqué que les facteurs démographiques, économiques, environnementaux, géopolitiques, ainsi que les effets dévastateurs des changements climatiques et des catastrophes naturelles étaient au nombre des causes des migrations. Il a suggéré que la question des migrations soit au centre des discussions relatives au développement mondial. À cet égard, il a salué la Déclaration de New York qui a été adoptée lors de la réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants du 19 septembre dernier. Il a déclaré que les politiques protectionnistes conduisaient souvent au trafic des êtres humains et à des migrations illégales.
Le représentant a également appelé à la protection des migrants, indépendamment de leur statut, en précisant que les trafiquants profitaient d’une absence de législation ferme sur la gestion des migrations, pour développer leurs activités criminelles. Il a émis le vœu que le neuvième Forum mondial pour la migration et le développement, prévu en décembre prochain à Dhaka, au Bangladesh, pourrait déboucher sur l’adoption d’une plateforme de gouvernance des migrations internationales.
M. Islam a en outre souligné que les transferts de fonds des migrants permettent d’améliorer le bien-être des récipiendaires. Ces sommes ne peuvent être considérées comme faisant partie des ressources publiques consacrées au développement, a-t-il précisé. De l’avis de sa délégation, les frais de tels transferts sont excessivement élevés. M. Islam a ainsi appelé à les ramener à moins de 3%. Il a en outre appelé au respect de la décision de la réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Bali, qui recommandait d’accorder un traitement préférentiel sans délai aux exportations des PMA.
Mme NATIVIDAD (Philippines), en sa capacité nationale, a déclaré que depuis l’adoption de la résolution sur la migration à la soixante-neuvième session de l’Assemblée générale en 2014, beaucoup de changements étaient intervenus sur la question de la migration. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été adopté, avec ses 17 objectifs de développement durable. Ce Programme, grâce à une approche multisectorielle, reconnaît l’apport positif de la migration internationale dans les processus de développement économique durable. Par ailleurs, il y a un mois, la réunion de haut niveau sur les migrations internationales et le développement a conduit à un accord de coopération entre l’Organisation internationale pour les migrations et les Nations Unies, a-t-elle rappelé. Dans ce contexte, les Philippines estiment que le troisième Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement devrait se tenir avant 2019 et contribuer à l’élaboration d’une approche multidimensionnelle sur les aspects développementaux de la migration, a plaidé la représentante.
Mme ANA SILVIA RODRIGUEZ ABASCAL (Cuba) a fait observer que le rôle des Nations Unies n’avait jamais été aussi important pour promouvoir le développement et garantir un système multilatéral transparent et inclusif. Elle a condamné une mondialisation fondée sur des principes néolibéraux qui, selon elle, creusent davantage le fossé des inégalités. Il est essentiel, a-t-elle souligné, de respecter la souveraineté de chaque État à l’heure où il doit définir son modèle de développement. La représentante a réitéré qu’il était impératif de parvenir à un nouvel ordre économique mondial fondé sur l’équité, l’égalité souveraine, l’interdépendance, l’intérêt commun et la coopération de tous les États, qui permette de corriger les inégalités et les injustices actuelles dans le monde. Aujourd’hui, a-t-elle fait observer, il existe des disparités croissantes entre pays développés et pays en développement qu’il faut éliminer. Elle a condamné la politique spéciale des États-Unis à l’égard des migrants cubains, en considérant qu’elle encourage la migration irrégulière et le trafic de personnes.
M. ASHISH SINHA (Inde) a rappelé que la mobilité humaine avait contribué à façonner le monde dans lequel nous vivons. Son pays, a-t-il souligné, continue d’offrir l’hospitalité à plusieurs communautés qui s’y sont réfugiées ou ont demandé l’asile. En tant que pays d’émigration, mais aussi de transit et de destination pour des migrants, l’Inde se félicite de l’adoption de la Déclaration de New York et souhaite contribuer aux délibérations visant à mettre au point un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, a précisé le représentant. Affirmant que l’« esprit de coexistence et de coopération » est une force toujours plus grande, le délégué de l’Inde a jugé que les appels en faveur du protectionnisme et à l’intolérance étaient « malintentionnés et anachroniques » dans le monde d’aujourd’hui. « Nos destinées sont de plus en plus étroitement liées et c’est pourquoi, il est nécessaire d’adopter une approche plus sage et mature davantage fondée sur la coopération. Nous ne devons pas céder aux penchants compétitifs à court terme, qui ne pourront être que contreproductifs dans notre monde interdépendant », a déclaré en conclusion M. Sinha.
M. JORGE SKINNER-KLEE (Guatemala) a mis l’accent sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui accorde la priorité à l’être humain, en soulignant que l’absence de développement est une cause des migrations. Le représentant a estimé qu’il faudrait aborder cette réalité de manière différente et cesser de considérer les migrations comme un problème. Les discussions sur les migrations et le développement doivent avoir comme objectif l’amélioration de la gouvernance migratoire aux niveaux local, national, régional et mondial et considérer les avantages des migrations. Le délégué a réaffirmé le soutien de sa délégation au processus visant à adopter, en 2018, un Pacte mondial pour une migration sûre, coordonnée et régulière. Avant de conclure, il a souligné l’importance des transferts de fonds des migrants, qui contribuent, a-t-il assuré, à la réduction de la pauvreté dans les pays bénéficiaires.
M. PAVEL FONDUKOV (Fédération de Russie) a estimé qu’une bonne politique migratoire à l’échelle mondiale dépendait du rôle de coordination de l’ONU, ainsi que de l’implication du G20, du groupe des BRICS (Brésil, Fédération de Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), et d’autres parties prenantes pertinentes. Il a invité les États Membres à collecter des données précises sur les flux migratoires, afin de bien comprendre les contours de ce phénomène. Il a appelé à plus de coopération sur cette question, en arguant que des politiques migratoires éclairées dépendaient de données fiables et de la coopération entre États.
M. ROHAN PERERA (Sri Lanka) a plaidé pour des approches holistiques de gestion des flux migratoires. Il a ainsi appelé à des efforts soutenus pour assurer un véritable partage des responsabilités entre États. Il a indiqué que les envois de fonds des migrants avaient un impact significatif dans leur pays d’origine. Les fonds envoyés par les 1,7 million de Sri-Lankais vivant à l’étranger représentent par exemple 8% du produit intérieur brut (PIB) du pays.
Le Gouvernement sri-lankais a mis en place des programmes d’encadrement des travailleurs qui émigrent, prévoyant, notamment, une couverture médicale et une assurance de rapatriement. Le représentant a aussi salué le rôle du « processus de Colombo », une plateforme de consultation entre des pays d’Asie pourvoyeurs de main-d’œuvre à l’étranger.
M. ALSULAIM (Arabie saoudite) a fait observer que les migrations internationales contribuaient à l’économie de différentes manières, par exemple par les transferts de fonds et de connaissances ou encore les projets d’investissement. Il faut trouver une définition acceptable du terme migration, et développer un cadre juridique pour les migrants, a estimé le représentant. En ce qui concerne les migrations illégales, il s’est dit très préoccupé par la montée de la xénophobie, tendance qui alimente le racisme à l’égard des migrants. L’Arabie saoudite accueille plus de 10 millions de travailleurs temporaires, considérant qu’il s’agit d’une ressource économique. Elle a réformé son marché de l’emploi l’an dernier, notamment en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs et des employeurs, a précisé le délégué. Il a souligné qu’un dialogue international sur les migrations était nécessaire pour trouver les meilleures solutions possibles à cette question.
M. PURNOMO AHMAD CHANDRA (Indonésie) a affirmé que la mondialisation, tout en ayant créé des opportunités dans certains pays, a également introduit de nouveaux risques et de nouvelles menaces. La priorité est d’assurer que la croissance économique et technologique soit couplée au progrès social, que l’efficacité rime avec égalité, la stabilité avec la croissance, l’expansion avec l’inclusion et que la croissance aille de pair avec le développement, la productivité et la création d’emplois, a souligné le représentant. À terme, l’objectif fondamental est d’assurer des conditions de vie décentes pour tous, a—t-il estimé.
Au sujet des migrations, le représentant a souligné que l’une des raisons majeures des migrations résidait dans la recherche du travail. De ce fait, les normes internationales du travail doivent être respectées partout. Il a également plaidé pour le respect des droits des migrants dans leur milieu professionnel, y compris ceux impliqués dans des tâches domestiques. Il a aussi appelé au respect des directives du Processus de Bali, ce forum international qui a pour objectif de faciliter les discussions et le partage d’informations sur les questions relatives au trafic et à la traite des êtres humains et aux crimes transnationaux connexes.
M. TONG WEIJIE (Singapour) s’est félicité que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 reconnaisse la contribution positive des travailleurs migrants à l’avènement d’une croissance inclusive. Son gouvernement s’est, pour sa part, doté de politiques adéquates pour garantir à ces travailleurs une expérience de qualité. Une étude réalisée en 2014 révélant que 90% des migrants sont satisfaits de leur séjour à Singapour. Ainsi, la loi sur l’emploi garantit aux travailleurs migrants les mêmes recours judiciaires que les Singapouriens, a expliqué le représentant. De nouvelles mesures juridiques imposent à l’employeur de fournir des documents de première importance tels que les fiches de paie et les contrats de travail dans la langue maternelle des migrants. De plus, la « loi sur les foyers des travailleurs étrangers » a été promulguée en 2015 en vue d’assurer que les centres d’accueil pour les migrants répondent aux normes d’habitat en vigueur dans le pays, a poursuivi le délégué. Son gouvernement, a-t-il indiqué avant de conclure, a engagé, l’an dernier, des poursuites judiciaires à l’encontre de 2 000 employeurs coupables d’avoir agi en violation des droits fondamentaux de travailleurs migrants.
M. SHATRUDHWAN PRASAD SHARMA POKHAREL (Népal) a estimé que la mondialisation avait permis des changements sans précédent pour l’humanité. Toutefois, les retombées positives ont été inégales, les pays les moins avancés et les pays sans littoral étant plus vulnérables dans l’environnement très compétitif que la mondialisation a créé. Le délégué a ainsi souligné qu’il était essentiel de mettre en œuvre les pactes mondiaux tels que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement ou l’Accord de Paris sur les changements climatiques, et de poursuivre les efforts visant à permettre aux pays en développement d’intervenir sur un pied d’égalité en termes de gouvernance mondiale et d’architecture financière internationale.
En ce qui concerne les migrations, le représentant a estimé qu’elles devraient être sûres et coordonnées. Il a également rappelé que des efforts devraient être fournis pour défendre les droits des travailleurs migrants, qui sont certes garantis par les instruments internationaux pertinents mais pas toujours respectés par les pays hôtes. Indiquant que les transferts de fonds au Népal avaient contribué à réduire la pauvreté, le délégué a estimé que la mondialisation devrait être une force positive pour promouvoir le développement durable, annuler les inégalités entre tous les pays et réduire les incidences négatives.
M. FERNANDO DE LA MORA SALCEDO (Mexique) a souligné que les Nations Unies devraient jouer un rôle essentiel pour construire une architecture internationale plus solide, qui place le développement durable au centre de ses priorités pour parvenir à une croissance économique plus équitable et inclusive. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 représente ainsi un grand pas dans cette voie. Pour le Mexique, il est très important pour la communauté internationale d’engager un débat ouvert sur la fragilité des pays à revenu intermédiaire. Il a estimé que des mesures allant au-delà du simple revenu par habitant devraient être envisagées pour évaluer les progrès sur la voie du développement durable.
Les migrations sont une des manifestations les plus évidentes de la mondialisation, a estimé le représentant. Émigrer doit être un choix, et non pas une nécessité, a-t-il souligné, convaincu que le futur pacte mondial pour une migration sûre, régulière et coordonnée sera l’instrument clef pour régir les migrations. À la lumière de la récente Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, ainsi que de l’inclusion de la migration dans le Programme à l’horizon 2030, le Mexique souhaite participer activement à l’élaboration du projet de résolution « Migration et développement ». Le Mexique, a-t-il ajouté, considère qu’il est essentiel d’établir un lien clair entre le Dialogue de haut niveau et le Programme 2030.
M. PHILIP FOX-DRUMMOND GOUGH (Brésil) a déclaré que la mondialisation n’avait pas été neutre dans ses répercussions, et que ses avantages avaient été distribués de manière inégale à travers le monde. Les Nations Unies devraient ainsi assurer la mise en œuvre des accords internationaux dans un contexte d’équité et d’égalité entre les membres de la communauté internationale. Il a affirmé que le Forum mondial pour l’infrastructure et le mécanisme de facilitation des technologies étaient importants pour parvenir à la réalisation des objectifs de développement durable.
Les pays en développement doivent avoir davantage voix au chapitre et une plus grande représentation au sein des institutions mondiales, a insisté le représentant du Brésil. Il a ensuite condamné les manifestations de discrimination et d’intolérance à l’encontre des migrants à travers le monde, ainsi que les stéréotypes dont ils sont l’objet.
M. ISSA KONFOUROU (Mali) a affirmé que, pour son pays, la gestion des flux migratoires résidait dans l’intensification du dialogue entre les pays de départ, de transit et de destination afin de trouver des « solutions partagées ». Ainsi, les migrations se dérouleraient dans des conditions humaines et de façon ordonnée et profiteraient à la fois aux migrants et aux sociétés des pays de départ, de transit et de destination, a-t-il dit. Le délégué a déclaré que le Mali s’était doté, en septembre 2014, d’une politique nationale de migration qui a pour objectif de mieux gérer la migration afin qu’elle contribue à la réduction de la pauvreté et au développement durable du pays.
La mise en œuvre du plan d’action de cette politique permettra notamment de prévenir que les jeunes soient recrutés et endoctrinés par des groupes terroristes et narcodjihadistes comme c’est le cas dans certaines parties du nord du Mali, a-t-il précisé. M. Koufourou a ensuite souligné l’importance des contributions de la diaspora malienne au développement du pays, en indiquant que les transferts de fonds des migrants maliens atteignaient 850 millions de dollars environ par an, soit 11% du PIB. Cette ressource importante contribue à l’entretien des ménages et des familles et à la réalisation de nombreuses infrastructures de base, a assuré le représentant du Mali, avant de conclure.
M. LEULSEGEDE TADESSE ABEBE (Éthiopie) a plaidé pour que la mondialisation devienne un outil de développement au bénéfice de tous les pays. Pour ce faire, il a appelé à éliminer les inégalités du système international, en expliquant que le nouvel ordre économique mondial devrait assurer un développement durable qui soit équitable et inclusif. Il faudrait que la mondialisation soit au service de tous et contribue à l’éradication de la pauvreté, a-t-il souligné. Pour y parvenir, M. Abebe a préconisé le renforcement de la coopération internationale. Il s’est félicité de la création d’emplois que l’Éthiopie a réalisée au cours de ces dernières années à la suite d’une nouvelle politique économique qui a placé l’emploi au centre des priorités nationales.
Le représentant a par ailleurs émis le vœu que la déclaration adoptée par la réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants le 19 septembre dernier pourra contribuer à assurer aux migrants la sécurité et la dignité. Avant de conclure, il a déclaré qu’en tant que pays d’origine, de transit et de destination des migrations, l’Éthiopie espérait que le lien entre migrations et développement sera reconnu dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
M. AUNESE MAKOI SIMATI (Tuvalu) a souligné que les migrations internationales et leur lien multidimensionnel étaient un vecteur de développement durable. Lorsque les migrations sont bien gérées, les migrants devraient être considérés comme des contributeurs à l’économie et non pas comme un fardeau. À leur pays d’origine, ils assurent des transferts de fonds et de compétences, a précisé le délégué. Si le droit international protège les réfugiés, cela ne signifie pas que les autres migrants doivent voir leurs droits bafoués, a-t-il prévenu. La réponse globale devrait reposer sur des valeurs partagées et le respect des droits de l’homme, a-t-il expliqué, en précisant que beaucoup de ces migrants avaient été obligés de se déplacer pour des raisons indépendantes de leur volonté.
En outre, il faudrait aider les pays d’accueil dont les autorités frontalières ne peuvent plus répondre à ces afflux massifs de migrants ou de réfugiés. Les gouvernements devraient coopérer pour que l’option de rester dans son pays soit viable. La gestion des migrations et des frontières est essentielle, a insisté le représentant. Les migrants ont envoyé dans leurs pays 500 milliards de dollars, ce qui dépasse largement l’aide étrangère. Pour des pays comme les Tuvalu, ces transferts de fonds représentent une part significative du PIB. Les migrants doivent recevoir au moins un abri, des soins et une nourriture de base, et devraient à leur tour respecter les lois de leur pays d’accueil, a-t-il estimé.
M. ABDULMONEM A. H. ESHANTA (Libye) a fait remarquer que si la mondialisation avait donné certains avantages aux pays en développement et permis de sauver de nombreuses personnes de la pauvreté, elle avait aussi créé des risques, comme la dépendance économique. Les gains ont varié d’un pays à l’autre, a-t-il ajouté, en souhaitant que des bases justes puissent permettre à tous les pays d’en tirer profit de manière équitable et juste, surtout pour atteindre l’objectif primordial de l’élimination de la pauvreté. Le délégué a indiqué plusieurs progrès à réaliser, comme la réduction de la fracture technologique entre pays développés et pays en développement, qui peut contribuer à la réalisation du développement durable et à la croissance économique. Les migrations posent des défis pour la communauté internationale qui doit œuvrer de manière concertée, a-t-il souligné, avant de faire remarquer que les migrations peuvent contribuer de manière positive à la croissance économique si la souveraineté des États et les droits de l’homme sont respectés.
M. ADEYEMI DIPEOLU (Nigéria) a souligné que les migrations internationales étaient au cœur même des processus de mondialisation en cours. C’est la raison pour laquelle il a salué l’adoption, par l’Assemblée générale le 19 septembre dernier, de la « Déclaration de New York » pour les réfugiés et les migrants. Toutefois, il s’est dit préoccupé par le fait que les migrants et leurs familles continuent de faire face à différentes formes de discrimination, y compris la discrimination raciale et la xénophobie. Soulignant l’importance de protéger les droits fondamentaux des migrants –tout particulièrement des femmes, des enfants et des autres groupes vulnérables–, le représentant a plaidé pour la pleine mise en œuvre des normes de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant ces populations.
Alors que les migrations sont directement liées aux envois de fonds, M. Dipeolu a noté que l’Afrique, plus que toute autre région au monde, payait environ 1,8 milliard de dollars de frais de virement chaque année. C’est pourquoi, il a appelé à parvenir à des arrangements peu coûteux, sûrs et rapides, et salué la mise en place d’initiatives telles que les « services financiers de la Poste africaine » et l’« Institut africain des envois de fonds ». Le délégué du Nigéria a demandé, avant de conclure, à la communauté internationale de fournir un soutien aux pays en développement pour les aider à renforcer leurs capacités à assurer leur propre processus de développement.
M. WILFRIED I. EMVULA (Namibie) a estimé qu’une mondialisation qui renforce le développement durable inclusif dans et entre les régions, avait le potentiel d’offrir d’importantes opportunités pour une mise en œuvre réussie du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Cependant, du point de vue des pays à revenu intermédiaire et leur mise en œuvre de ce Programme, il est important de noter que nous sommes vulnérables au piège du revenu intermédiaire. Nous risquons ainsi de perdre nos compétitivités face aux pays à faible revenu sans pouvoir réaliser de progrès technologiques au même titre que des pays à revenu élevé.
Le représentant a déclaré que le fait d’appartenir à la catégorie des pays à revenu intermédiaire était une problématique qui détermine le produit intérieur brut sur la base démographique. Pour un pays ayant une faible population, cette approche donne un revenu élevé par habitant et ne tient pas compte de la distribution des revenus et de la structure déséquilibrée de l’économie. Cette approche injuste empêche la Namibie d’avoir accès à des financements à des taux concessionnels dont le pays a besoin pour atteindre ses objectifs de développement. La gestion de la mondialisation devrait prendre en compte efficacement et systématiquement les besoins spécifiques des plus vulnérables, et assurer qu’ils soient au cœur du Plan d’action d’Addis-Abeba, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
Mme ROSEMARY OWINO (Kenya) a estimé que la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dépendait avant tout de partenariats durables pour faciliter le partage des pratiques optimales et le transfert de technologies, de connaissances et d’innovations. Dans ce contexte, a-t-elle rappelé, les coopérations Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaires demeurent indispensables. À cet égard, la représentante a annoncé qu’à la fin novembre, le Kenya accueillera la « Seconde réunion de haut niveau du partenariat mondial pour une coopération efficace en faveur du développement ». Après avoir demandé aux pays concernés de remplir leurs obligations au titre de l’aide publique au développement, la déléguée s’est dite préoccupée par la perte considérable de fonds occasionnée par les flux financiers illicites, dont le montant total s’élève à plus de 50 milliards de dollars chaque année pour l’Afrique. Elle a ainsi demandé à tous les États Membres de prendre des mesures draconiennes pour endiguer ces flux et restituer les sommes détournées aux pays émetteurs concernés. Cela permettra de donner un élan aux efforts et initiatives du continent destinés à mobiliser les ressources nationales, a estimé Mme Owino.
M. RUBÉN IGNACIO ZAMORA RIVAS (El Salvador) a rappelé que la protection des droits de l’homme est, pour El Salvador, un élément crucial de développement. Le représentant a salué la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, adoptée le 19 septembre dernier et qui garantit la sécurité, la dignité, les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous les migrants. Il s’est toutefois dit préoccupé par les annonces faites par certains pays d’établir des mesures protectrices, qu’elles soient physiques, économiques ou sociales, visant à restreindre la circulation des personnes tout en défendant celle des biens. Cela génère un débat stérile qui empêche d’examiner les droits fondamentaux des migrants, les causes de leur migration et leur contribution à l’économie, a regretté le représentant. Au XXIe siècle, il est plus qu’urgent de créer et renforcer les espaces de coopération et de solidarité entre États et d’en finir avec la vision obsolète selon laquelle les frontières doivent être fermées et les migrants tenus responsables de crimes ou délits, a conclu M. Zamora Rivas.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a déclaré qu’il n’y avait pas de plus grand défi à la mondialisation et à l’interdépendance que les déplacements massifs de réfugiés et de migrants. Le phénomène de déplacement forcé préoccupe le Saint-Siège. Le paradoxe de la mondialisation c’est qu’au moment où les pays débattent de la réduction des restrictions à la libre circulation des biens et des services, ils sont en train de construire des murs pour bloquer la libre circulation des personnes.
Face à cette incohérence injuste, l’Église catholique continue sa tradition de solidarité avec une vigueur encore plus grande. Le pape François a placé les besoins des réfugiés et les migrants au cœur de son programme. Ses déplacements à Lampedusa et Lesbos étaient des choix délibérés pour donner la voix à ceux qui ont le plus besoin de notre solidarité, et un appel pour y répondre par la solidarité, la compassion, la générosité et un engagement rapide pour donner des ressources. Il a aussi montré sa sollicitude particulière pour les réfugiés et les migrants en les plaçant sous la supervision directe d’un organisme du Saint-Siège qui est compétent pour traiter des questions de mobilité humaine, en particulier des réfugiés et des migrants.
« Nous devons nous efforcer résolument d’éliminer dans tous les pays sans exception les causes structurelles des conflits, de la violence, de la pauvreté et de la faim, pour atteindre des résultats plus substantiels dans la protection de l’environnement, pour assurer un travail digne et productif pour tous, pour donner accès à l’éducation, et pour donner une protection appropriée à la famille qui est un élément important du développement humain et social », a soutenu Mgr Auza. Ce sont les mesures d’une mondialisation et d’une interdépendance réussies, a-t-il précisé.
Mme CHRISTINE BRAUTIGAM, d’ONU-Femmes, s’est exprimée au nom du Groupe mondial sur la migration (GMG), un groupe formé de 20 entités onusiennes et qui est le principal mécanisme de coordination sur les questions de migration au sein du système des Nations Unies. Elle a souhaité que le processus de dialogue de haut niveau sur les migrations internationales joue un rôle majeur dans la mise en œuvre et l’examen du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle s’est ralliée à la proposition faite par le Secrétaire général dans son rapport selon laquelle le troisième Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement devrait avoir lieu avant la conférence intergouvernementale sur les migrations internationales en 2018.
Elle a ensuite déclaré qu’outre leur mandat traditionnel, les agences membres du Groupe mondial sur la migration vont désormais présenter des rapports sur la mise en œuvre de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants. Le Groupe mondial se dit également disposé à apporter son soutien aux États Membres dans le cadre des rapports nationaux portant sur le suivi de la Déclaration de New York.
M. PEDRO DE VASCONCELOS, du Fonds international de développement agricole (FIDA), a déclaré que les fonds transférés par les migrants dans leur pays d’origine étaient estimés à 750 millions de dollars par an. Il y a 15 ans, a-t-il expliqué, ces montants étaient méconnus de la communauté internationale car aucune donnée n’existait. Désormais, la communauté internationale envisage de réduire les coûts de ces transferts de fonds qui constituent la principale source de revenus pour de nombreuses familles dans les pays d’origine.
Les montants transférés servent par exemple à subvenir aux besoins de base des familles et à créer des petites entreprises, a relevé le délégué. Pour le FIDA, c’est dans les petites villes et villages que ces transferts de fonds ont le plus d’impact sur la vie des populations. Le représentant du FIDA a ensuite appelé l’Assemblée générale à adopter une résolution qui instituerait une journée internationale des transferts de fonds, afin d’entériner la résolution adoptée par le premier forum mondial sur les transferts de fonds, qui s’était réuni en 2015 à Milan, en Italie.