Comité spécial de la décolonisation,
8e séance – matin
AG/COL/3297

Comité de la décolonisation: l’Ulu des Tokélaou demande que soit entendue la voix « distincte » de son peuple sur le changement climatique

Après que l’Ulu, Chef coutumier, des Tokélaou a demandé que soit entendue la voix « distincte » de son peuple sur le changement climatique, le Comité spécial de la décolonisation a adopté sans vote sa résolution annuelle sur le territoire, invitant les États Membres ainsi que les organismes internationaux et régionaux à contribuer au Fonds international d’affectation spéciale pour les Tokélaou afin d’aider ses 1 400 habitants à surmonter les difficultés que leur posent la petite taille de leur territoire, son isolement et le manque de ressources. 

`A ce propos, l’Ulu des Tokélaou, M. Afega Gualofa, a mis l’accent sur la question « complexe et multidimensionnelle » du changement climatique et demandé aux agences de l’ONU d’aider son territoire à faire entendre sa voix « distincte » de celle de la Nouvelle-Zélande, Puissance administrante.  Cette dernière, a-t-il reconnu, honore sa responsabilité constitutionnelle mais sur des questions telles que le réchauffement de la planète, on ne peut s’attendre à ce qu’elle renonce à son devoir vis-à-vis de ses propres citoyens. 

Les Tokélaou, a insisté l’Ulu, ne demandent pas grand-chose sinon de jouer leur propre rôle dans les mécanismes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Le Comité spécial devrait donc réfléchir à la manière de faciliter cette participation, d’autant plus qu’aujourd’hui, en raison de son statut politique, le territoire de 12 kilomètres carrés et d’une altitude maximale de cinq mètres n’est pas éligible à toutes les ressources débloquées pour atténuer les effets négatifs du changement climatique, tels que le Fonds vert pour le climat et le Fonds pour l’environnement.

Dans son projet de résolution, le Comité spécial recommande d’ailleurs à l’Assemblée générale d’inviter les États Membres ainsi que les organismes internationaux et régionaux à contribuer au Fonds international d’affectation spéciale pour les Tokélaou destiné à appuyer les besoins permanents du territoire dont les difficultés tiennent à sa petite taille, à son isolement et au manque de ressources.  L’Assemblée devrait aussi constater que la Nouvelle-Zélande continue de s’efforcer sans relâche de répondre aux besoins socioéconomiques du peuple tokélaouan, notamment par la mise en œuvre du Projet sur les énergies renouvelables des Tokélaou et d’un nouveau service de transport maritime.

L’Ulu des Tokélaou a en effet estimé « peu probable » à court ou à moyen terme que le territoire réclame son indépendance.  Dans son projet de résolution, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de prendre acte de la décision prise en 2008 par le Fono général de différer l’examen de toute action future visant l’autodétermination. 

Le Comité spécial a reporté au 23 ou 24 juin l’examen des projets de résolution sur les 11 territoires non autonomes suivant: Anguilla, Bermudes, Guam, Îles Caïmanes, Îles Turques et Caïques, Îles Vierges américaines, Îles Vierges britanniques, Montserrat, Pitcairn, Sainte-Hélène et Samoa américaines. 

Il a revanche adopté sans vote ses deux projets de résolution sur l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par lesquels il recommande à l’Assemblée générale de prier les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’ONU de fournir des informations sur les problèmes environnementaux des territoires non autonomes; les effets qu’ont sur ces territoires les catastrophes naturelles; les moyens d’aider ces territoires à lutter contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et d’autres activités illégales et criminelles; l’exploitation illégale des ressources marines et autres ressources naturelles.

Aux puissances administrantes, l’Assemblée devrait demander de faciliter les missions de visite du Comité spécial dans les territoires, « bon moyen de connaître la situations des habitants » et de prendre des mesures efficaces pour sauvegarder et garantir les droits des peuples des territoires non autonomes sur leurs ressources naturelles et leur droit d’être et de rester maîtres de la mise en valeur desdites ressources.  Le représentant russe s’est dissocié du consensus au motif que le texte est « trop politique » alors qu’il devrait se limiter à des considérations économiques et sociales. 

Son homologue de l’Équateur, qui intervenait sur les activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes, s’est dit préoccupé par le fait que des puissances administrantes fassent de certains territoires des paradis fiscaux qui portent préjudice aux pays en développement, en favorisant la fuite de capitaux. 

Le Comité spécial tiendra sa prochaine séance publique le jeudi 23 juin à partir de 10 heures et examinera, entre autres, la question des îles Falkland/Malvinas.

QUESTION DES TOKÉLAOU (A/AC.109/2016/14)

Déclarations

M. AFEGA GAUALOFA, Ulu des Tokélaou, a mis l’accent sur la question « complexe et multidimensionnelle » du changement climatique et demandé aux agences de l’ONU d’aider son territoire à faire entendre sa voix « distincte » de celle de la Nouvelle-Zélande.  Les Tokélaou, a-t-il plaidé, doivent pouvoir participer en tant que tels aux réunions des Nations Unies sur le changement climatique.  La Nouvelle-Zélande, a-t-il reconnu, honore sa responsabilité constitutionnelle mais sur des questions telles que le changement climatique, on ne peut s’attendre à ce qu’elle renonce à sa responsabilité première à l’égard de ses propres citoyens.  Les Tokélaou doivent donc pouvoir s’associer aux autres territoires de la région qui lui ressemblent.  Les Tokélaou, a insisté l’Ulu, ne demandent pas grand-chose sinon de jouer leur propre rôle dans les mécanismes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Le Comité spécial devrait donc réfléchir à la manière de faciliter cette participation, d’autant plus qu’aujourd’hui, en raison de son statut politique, le territoire n’est pas éligible à toutes les ressources débloquées pour atténuer les effets négatifs du changement climatique, tels que le Fonds vert pour le climat et le Fonds pour l’environnement, a rappelé M. Gaualofa.

Les Tokélaou s’étendent sur 12 kilomètres carrés environ à une altitude maximale de cinq mètres.  De nombreux Tokélaouans vivent en Nouvelle-Zélande dont ils ont la nationalité.  La Nouvelle-Zélande, Puissance administrante, a rappelé l’Ulu, n’a jamais eu de présence physique aux Tokélaou, à l’exception de l’Administrateur nommé par le Ministre néozélandais des affaires étrangères.  Au fil des ans, les Tokélaou ont présenté des rapports d’étape sur leur évolution et sur l’aide qu’ils reçoivent de la Nouvelle-Zélande pour améliorer la qualité de vie dans les atolls et la gestion des pêcheries dans la zone économique exclusive.  Un navire, financé par la Nouvelle-Zélande, assure le transport entre les atolls et entre les Tokélaou et le Samoa, le territoire étranger important le plus proche.

Les Tokélaou ont parcouru un long chemin, ce qui n’aurait pas été possible sans l’appui généreux de la Nouvelle-Zélande, a ajouté l’Ulu qui a adressé ses remerciements sincères à la Puissance administrante, qualifiant les relations de « florissantes ».  Il a également remercié la communauté internationale et en particulier les Nations Unies, tant le Comité spécial que la Coordonnatrice-résidente qui travaille depuis le Samoa.

Il a reconnu « l’enlisement » du processus de décolonisation et la nécessité de relancer l’intérêt.  Mais il a jugé peu probable à court ou à moyen terme que le territoire réclame l’indépendance.  Les territoires non autonomes, selon lui, devraient être encouragés à chercher d’autres alternatives.  Il a aussi fait observer que les Tokelau ont présidé avec succès la dixième Réunion ministérielle annuelle du Comité des pêches de l’Agence des pêches du Forum des îles du Pacifique, tenue sur son territoire les 1er et 2 juillet 2014.

M. YARUMA OLLANTAY RODRIGUEZ SILVA (Venezuela) s’est félicité des propos de l’Ulu et de la bonne volonté de la Puissance administrante.  Il espéré que dans un avenir pas trop lointain, le peuple des Tokélaou pourra exercer sans pression, sans crainte et en toute connaissance de cause son droit à l’autodétermination.

Mme LINDA TE PUNI (Nouvelle-Zélande) a déclaré que son pays reste engagé à travailler avec le Comité spécial et à lui présenter des informations actualisées et fiables, pour lui et pour tout le système des Nations Unies.  La Nouvelle-Zélande favorise un partenariat mûr avec le peuple des Tokélaou qui fait face à différents défis peu susceptibles de changer, notamment l’isolement du territoire et sa toute petite population.  Le territoire a en particulier besoin d’un appui budgétaire.  En février de cette année, a aussi précisé la représentante, un nouveau navire, de conception unique et adapté aux besoins et aux exigences du territoire, a été livré aux Tokélaou pour assurer le transport entre les atolls mais aussi vers le Samoa.  Le coût de ce navire, « cadeau » de la Nouvelle-Zélande, a été de 12,5 millions de dollars néozélandais.  La Nouvelle-Zélande fournit en outre une assistance aux trois écoles des Tokélaou et a débloqué une somme de 1,5 million de dollars néozélandais pour la rémunération des enseignants et leur formation.

L’Administrateur des Tokélaou continue de gérer les ressources halieutiques du territoire, qui représentent sa plus importante source de revenus, avec 13,5 millions de dollars américains attendus cette année.  L’Administrateur travaille également avec les Tokélaou pour renforcer la résilience des communautés au changement climatique et, à ce propos, la Nouvelle-Zélande comprend tout à fait que les Tokélaou veuillent que leur voix soit entendue mais, a souligné la représentante, les intérêts de la Nouvelle-Zélande et ceux des Tokélaou sont les mêmes.  La Nouvelle-Zélande respecte le rythme que les Tokélaou souhaitent imprimer à leur évolution vers l’exercice du droit à l’autodétermination, a-t-elle conclu.

Adoption du projet de résolution sur les Tokélaou (A/AC.109/2016/L.25)

Le projet de résolution a été présenté par M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) qui s’est attardé sur les points saillants.  Il a insisté sur le fait que les Tokélaou et la Puissance administrante se concentrent sur l’amélioration des conditions de vie des habitants, dont la viabilité des pêcheries et des ressources halieutiques.  Ces efforts de développement mutuellement agréés se poursuivent dans l’intérêt du peuple du territoire, où des élections libres et justes ont eu lieu en 2014 avec l’appui du système des Nations Unies.

Dans la résolution, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de prendre acte de la décision prise en 2008 par le Fono général de différer l’examen de toute action future visant l’autodétermination et de renouveler les efforts et l’attention apportés par la Nouvelle-Zélande et les Tokélaou à l’amélioration et à la consolidation des services essentiels et de l’infrastructure des atolls afin de garantir au peuple tokélaouan une amélioration de sa qualité de vie et des perspectives qui s’offrent à lui.  L’Assemblée devrait se féliciter des progrès accomplis depuis 2004 en ce qui concerne le transfert de compétences aux trois taupulega (conseils villageois).  Elle noterait avec satisfaction que les Tokélaou et la Nouvelle-Zélande demeurent fermement résolues à assurer le développement constant des Tokélaou dans l’intérêt à long terme du peuple tokélaouan, en accordant une importance particulière à la poursuite de l’aménagement de chacun des atolls de façon à répondre à ses besoins actuels.

L’Assemblée générale se féliciterait de l’attitude coopérative que les autres États et territoires de la région ont adoptée à l’égard des Tokélaou et du soutien qu’ils ont apporté à ce territoire au regard de ses aspirations économiques et politiques et de sa participation croissante à la gestion des affaires régionales et internationales.  L’Assemblée devrait aussi constater que la Nouvelle-Zélande continue de s’efforcer sans relâche de répondre aux besoins socioéconomiques du peuple tokélaouan, notamment par la mise en œuvre du Projet sur les énergies renouvelables des Tokélaou et d’un nouveau service de transport maritime, et que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) apportent leur appui et leur coopération à cet égard.

L’Assemblée générale rappellerait la création du Fonds international d’affectation spéciale pour les Tokélaou destiné à appuyer les besoins permanents du territoire et inviterait les États Membres ainsi que les organismes internationaux et régionaux à contribuer à ce Fonds et, par-là, à aider concrètement les Tokélaou à surmonter les difficultés que leur posent leur petite taille, leur isolement et leur manque de ressources.  Elle saluerait les mesures positives prises par la Puissance administrante en vue de communiquer au Secrétaire général des renseignements relatifs à la situation politique, économique et sociale des Tokélaou, conformément à l’alinéa e de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies.

Coauteur du texte, M. PENI B. SUVEINAKAMA (Fidji) a salué la présence de l’Ulu des Tokelau et s’est félicité des initiatives de la Nouvelle-Zélande.  Il a estimé que les relations entre l’Administrateur et le peuple des Tokélaou sont celles d’un véritable partenariat.  Les besoins économiques et sociaux doivent être pris en compte dans le processus de décolonisation, qui ne se limite pas à l’indépendance.  Chaque territoire non autonome a ses propres défis, s’est expliqué le représentant.

Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’Organisation des Nations Unies (A/AC.109/2016/L.21)

Par ce texte adopté sans vote, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de demander que tous les États intensifient leurs efforts au sein des institutions spécialisées et des autres organismes des Nations Unies afin d’assurer l’application intégral et effective de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.  L’Assemblée devrait d’ailleurs prier ces institutions et organismes de participer aux travaux du Comité spécial qui constituent un élément important de l’application de la Déclaration et de prendre part aux séminaires régionaux sur la décolonisation.  Ces institutions et organismes devraient examiner la situation dans chaque territoire de façon à prendre des mesures appropriées pour y accélérer les progrès dans les secteurs économique et social.  Ils devraient fournir des informations sur les problèmes environnementaux auxquels se heurtent les territoires non autonomes; les effets qu’ont sur ces territoires les catastrophes naturelles, telles que les ouragans et les éruptions volcaniques, et d’autres problèmes environnementaux, tels que l’érosion des plages et des côtes et la sécheresse; les moyens d’aider ces territoires à lutter contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et d’autres activités illégales et criminelles; l’exploitation illégale des ressources marines et autres ressources naturelles des territoires et la nécessité d’utiliser ces ressources au profit de la population de ces territoires.

Quant aux puissances administrantes, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de leur demander de faciliter la participation de représentants nommés ou élus des territoires non autonomes aux réunions et conférences des institutions spécialisées et autres organismes des Nations Unies portant sur des questions qui les concernent, afin que ces territoires puissent bénéficier des activités connexes de ces institutions et organismes. 

Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » (A/AC.109/2016/L.20)

Par ce projet de résolution adopté sans vote, le Comité spécial recommande à l’Assemblée générale de réaffirmer sa résolution proclamant la période 2011-2020 troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme et de demander aux puissances administrantes de prendre toutes les mesures voulues pour permettre aux peuples des territoires non autonomes concernés d’exercer pleinement et au plus tôt leur droit à l’autodétermination, y compris l’indépendance.  Les puissances administrantes devraient être appelées à apporter leur plein appui au Comité spécial et à participer officiellement à ses sessions et à ses séminaires.  Elles devraient collaborer sans réserve avec le Comité spécial en vue d’achever aussi rapidement que possible l’élaboration d’un programme de travail constructif répondant au cas particulier de chaque territoire non autonome.

L’Assemblée prierait le Comité spécial de continuer à chercher les moyens appropriés d’assurer l’application immédiate et intégrale de la Déclaration et d’appliquer dans tous les territoires qui n’ont pas encore exercé leur droit à l’autodétermination, y compris l’indépendance, les mesures qu’elle a approuvées touchant les deuxième et troisième Décennies internationales de l’élimination du colonialisme.  Les puissances administrantes devraient être encouragées à faciliter les missions de visite dans les territoires, « bon moyen de connaître la situations des habitants ».  L’Assemblée, selon le Comité spécial, devrait engager ces puissances à prendre des mesures efficaces pour sauvegarder et garantir les droits des peuples des territoires non autonomes sur leurs ressources naturelles et leur droit d’être et de rester maîtres de la mise en valeur desdites ressources.  Ces puissances devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits de propriété des peuples de ces territoires. 

M. BOGUSLAW WINID (Fédération de Russie) s’est dissocié du consensus au motif que le projet de résolution est « politique » alors qu’il devrait se limiter à des considérations économiques et sociales.   

Activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes » (A/AC.109/2016/L.22)

Le Comité a débattu de cette question sans être en possession du projet de résolution.   

M. HORACIO SEVILLA BORJA (Équateur) s’est dit préoccupé par le fait que des puissances administrantes font des territoires autonomes des paradis fiscaux qui portent préjudice aux pays en développement, en favorisant la fuite de capitaux. 

Appuyant la déclaration de son homologue de l’Équateur, M. DOUGLAS NICOMEDES ARCIA VIVAS (Venezuela) a dit l’importance de ce projet de résolution pour encourager les puissances administrantes à sauvegarder le droit inaliénable des peuples des territoires non autonomes sur leurs richesses et leurs ressources naturelles.

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