soixante et onzième session,
17e séance – matin
AG/AB/4218

Cinquième Commission: inquiétudes et frustrations face aux retards et aux dépassements budgétaires d’Umoja, le progiciel de gestion intégré de l’ONU

La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a entendu, ce matin, des délégations s’inquiéter et exprimer leurs frustrations face aux retards dans la mise en œuvre du progiciel de gestion intégré -Umoja- et à ses dépassements budgétaires qui porteraient le coût total à 544 millions de dollars entre 2008-2019.

Umoja, qui dessert à ce stade plus de 32 000 fonctionnaires dans 400 lieux dans le monde, offre, pour la première fois, au Secrétariat de l’ONU une solution administrative moderne et unique lui permettant de gérer les ressources en toute efficacité et transparence.  La mise en service de l’espace de libre-service à l’usage des fonctionnaires et responsables est « la première réussite du genre » à mettre à l’actif du système des Nations Unies à l’échelle mondiale, dit le Secrétaire général, dans son rapport qui présente les plans de la pleine mise en service d’Umoja d’ici à décembre 2018.

Il ressort pourtant des différentes analyses, dont celle du Comité des commissaires aux comptes (CCC), que les fonctionnaires ont été insuffisamment formés avant la mise en service d’Umoja.  L’insuffisance des compétences a limité la capacité du Secrétariat de l’ONU d’appréhender et de régler les problèmes rapidement, d’où les retards et les dépassements budgétaires décriés aujourd’hui par les délégations dont celles de l’Union européenne et de la Suisse qui ont demandé au Secrétaire général de mieux préparer le personnel à la suite du déploiement.

Les délégations se sont montrées frustrées que le Secrétariat de l’ONU chiffre à 544 millions de dollars le coût total du projet, de 2008 à 2019, soit 23% de plus que prévu.  Pour l’exercice budgétaire 2016-2017, c’est une somme supplémentaire de 26,8 millions de dollars qu’il faudra débloquer.  Les délégations ont adhéré au point de vue du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) sur « l’opacité » qui entoure le calcul du coût total, lequel ne tient compte ni des gains d’efficacité ni des avantages procurés par le progiciel. 

Ces avantages sont, selon une « pseudo-méthode » moquée par le représentant de la Fédération de Russie, estimés de 140 à 200 millions de dollars à l’horizon 2019 mais le Comité des commissaires aux comptes fait observer que cette estimation, qui est fondée sur une évaluation conduite en 2009 et 2011, ne correspond pas aux résultats que le projet peut réellement avoir dans les circonstances actuelles.

Le CCQAB recommande donc à la Cinquième Commission de n’approuver que la moitié des 26,8 millions demandés.  Le représentant des États-Unis n’a pas pu s’empêcher de fustiger ce « manque de vision dans la valorisation des avantages, la gouvernance du projet et la gestion de la transparence ».  Il a exigé du Secrétaire général qu’il explore d’abord comment le surcoût peut être compensé par les avantages d’Umoja avant de demander des ressources supplémentaires.  

Notre calendrier était « trop ambitieux », a reconnu le Secrétaire général adjoint à la gestion, M. Yukio Takasu.  Il aurait fallu, a-t-il concédé, 12 mois de stabilisation au lieu des 6 mois retenus « car l’ONU est une grande organisation qui a besoin de temps ».  Quant à « l’opacité » de l’évaluation des avantages et des coûts indirects, il a argué que le succès d’une entreprise visant à unifier les pratiques de 400 lieux d’affectation et 42 000 fonctionnaires ne peut se mesurer que dans la durée.  Les coûts indirects, a-t-il ajouté, seront difficiles à mesurer parce que ce sont des activités, comme la mise à jour des données, auxquelles l’Administration devra s’atteler.

La prochaine réunion de la Cinquième Commission sera annoncée dans le Journal des Nations Unies

BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERCICE BIENNAL 2016-2017

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires Huitième rapport d’étape sur le progiciel de gestion intégré -Umoja- (A/71/628)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/71/390) et le cinquième rapport annuel du Comité des commissaires aux comptes (A/71/180), rédigé après les audits réalisés entre décembre 2015 et avril 2016 et portant sur les progrès accomplis dans le déploiement d’Umoja, sa stabilisation, la mise en service des fonctionnalités restantes, les services d’appui, les coûts afférents au projet et les avantages qui en découlent.  Le rapport du Secrétaire général porte, quant à lui, sur les progrès réalisés de septembre 2015 à août 2016 et, en particulier, sur les préparatifs en vue des prochaines étapes de la mise en service, la valorisation des avantages, la dévolution des fonctions au Bureau de l’informatique et des communications et la reconversion des ressources humaines, la gestion des risques, les ressources nécessaires et les coûts d’exploitation, de maintenance et d’appui d’Umoja.

À ce stade, les principales étapes d’Umoja pour la période allant de juillet 2013 à décembre 2018, ont commencé par la mise en service en novembre 2015 d’Umoja-Démarrage et d’Umoja-Extension 1 (appelés Umoja-intégration lorsqu’elle se fait simultanément) dans l’ensemble du Secrétariat, sauf pour ce qui est des états de paie du personnel local dont la mise en service était prévue pour novembre 2016.  En juillet 2016, une fonctionnalité de prestation de services destinée à simplifier les modalités de recouvrement des coûts a été mise en œuvre ainsi que la phase 1 des modifications de l’ensemble des prestations considéré par la Commission de la fonction publique internationale et approuvées par l’Assemblée générale.  En août 2016, la production des états financiers des opérations de maintien de la paix, avec la mise en service de deux nouveaux modules SAP, a été lancée. 

Umoja sert actuellement plus de 400 lieux dans le monde et compte 42 202 utilisateurs et 37 809 utilisateurs en libre-service.  Le progiciel assure le traitement de la paie de 47 056 fonctionnaires, dont le personnel en tenue, et sert 6 817 consultants et 3 051 vacataires.  En tout, le système sert 60 817 participants à des réunions, notamment 37 180 dont le voyage était aussi traité dans Umoja.

Les problèmes relevés par l’équipe spéciale chargée d’examiner l’exécution du projet Umoja ont donné lieu à 67 recommandations, dont 13 concernaient des améliorations permanentes à effectuer au fil du temps, les autres devant être appliquées et classées avant la fin de 2016.  Le Comité des commissaires aux comptes a conclu que les utilisateurs avaient été insuffisamment formés avant la mise en service d’Umoja.  L’insuffisance des compétences disponibles en matière d’analyse fonctionnelle dans certains domaines essentiels comme la comptabilité générale, la gestion des fonds, les voyages et les états de paie a limité la capacité de l’Administration d’appréhender et régler les problèmes rapidement.

Les modifications de l’ensemble des prestations considéré par la Commission de la fonction publique internationale se feront en quatre phases: la première a été mise en œuvre le 1er juillet 2016, la deuxième était prévue pour le 1er novembre 2016, la troisième, pour le 1er septembre 2017 et la quatrième phase, pour le 1er janvier 2018.  Le Comité consultatif compte que l’Organisation sera suffisamment préparée et qu’une formation adéquate sera assurée avant ces déploiements.

Quant à la valorisation des avantages, le Comité des commissaires aux comptes souligne que, comme les estimations de 140 à 200 millions de dollars à l’horizon 2019 sont fondées sur une évaluation conduite en 2009 et 2011, elles ne correspondent pas aux résultats que le projet peut réellement avoir dans les circonstances actuelles.  Le Secrétaire général est prié d’actualiser l’analyse des avantages.  Par ailleurs, le Comité consultatif déplore le peu de progrès faits à ce jour pour tenir une comptabilité détaillée des coûts indirects financés par les départements, ainsi que pour analyser le coût complet du projet Umoja.  L’absence d’informations sur les coûts d’exécution effectifs du projet dénote la faiblesse du mécanisme de gouvernance du projet.  Le Comité continue d’estimer que le coût complet du système est un élément essentiel sans lequel il est malaisé de prendre en bonne connaissance de cause des décisions d’investissement.

Depuis son lancement en 2008, le coût total du projet s’élèvera à 466 163 400 dollars à la fin de 2017.  Les prévisions de dépenses pour 2018-2019 sont estimées à 77 800 000 dollars, dont 45 900 000 dollars pour 2018 et 31 900 000 dollars pour 2019.  Le montant total des dépenses au titre du projet Umoja s’élèverait donc à 543 963 400 dollars.

Le Comité consultatif juge préoccupant que le Secrétaire général propose une nouvelle fois de revoir le budget du projet à la hausse, alors qu’une certaine opacité entoure le coût total et que l’étude de viabilité n’a pas été actualisée et ne prend donc pas en considération les gains d’efficacité et les avantages procurés par le progiciel.  Le Comité consultatif recommande, à ce stade, que l’Assemblée générale approuve la moitié –13 405 700 dollars– du montant net des prévisions de dépenses révisées pour 2016-2017 (26 811 400 dollars), étant entendu qu’elle se prononcera sur le financement du projet jusqu’à la fin de 2017 durant la deuxième reprise de sa soixante et onzième session.

L’Assemblée devrait donc ouvrir un crédit d’un montant de 2 010 900 dollars, correspondant à la part des dépenses supplémentaires prévues pour l’exécution du projet Umoja jusqu’au 31 décembre 2017 à financer au moyen du budget ordinaire, qu’il est proposé d’imputer sur le fonds de réserve.  Elle devrait prendre note du fait qu’un montant de 8 311 500 dollars sera demandé dans le projet de budget du compte d’appui aux opérations de maintien de la paix pour l’exercice allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018.  Elle devrait aussi prendre note du fait que les ressources nécessaires, d’un montant de 3 083 300 dollars, seront prélevées sur les ressources extrabudgétaires pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017.

Déclarations

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme SIRITHON WAIRATPANIJ (Thaïlande) a réitéré son soutien à toutes les initiatives de réformes, dont Umoja, visant à améliorer l’efficacité et l’efficience de l’Organisation.  Notant les progrès signalés par le Secrétaire général, Mme Wairatpanij s’est félicitée de cette évolution majeure vers le remplacement d’une multitude de processus administratifs et systèmes d’information très fragmentés.  Elle s’est dite confiante qu’Umoja crée des conditions propices à d’autres améliorations dans le fonctionnement de l’Organisation, en termes de prise de décisions, de rationalisation des méthodes de travail et d’amélioration de la transparence des coûts et de l’utilisation des ressources. 

La représentante a néanmoins relevé que de graves problèmes sont survenus à chacun des principaux déploiements et les efforts considérables que l’équipe Umoja a dû consentir pour épauler les activités de stabilisation après le déploiement et régler des problèmes dus à l’impréparation de l’Organisation.  Elle a aussi relevé que le calendrier du projet a dû être revu plusieurs fois, ce qui a entraîné des retards dans la préparation des déploiements ultérieurs et un dépassement du montant global des crédits approuvés. 

Parmi les problèmes figure le retard de la mise en service d’une fonctionnalité de prestation de services destinée à simplifier les modalités de recouvrement des coûts qui aurait dû entrer en vigueur en juillet 2016.  Ces retards, a insisté la représentante, ont affecté la mise en œuvre du barème des traitements unifié et les modifications liées à l’indemnité pour frais d’études. 

Elle a noté que le calendrier « agressif » de déploiement a été la source de nombreux défis et qu’il a eu un impact négatif sur la formation à Umoja, ce qui a causé des frustrations, des problèmes et des retards supplémentaires dans la préparation des déploiements ultérieurs.

La représentante a aussi regretté les divergences de points de vue entre les différents rapports présentés aujourd’hui.  Elle a déploré le fait qu’aucun plan de valorisation des avantages n’ait été présenté, jugeant nécessaire de procéder à une analyse des gains d’efficacité et des avantages effectifs, en lieu et place des objectifs budgétaires « artificiels ».

Elle s’est d’ailleurs dite préoccupée par le coût total du projet qui est maintenant de 544 millions de dollars et s’est interrogée sur la pertinence de revoir le budget à la hausse, relevant, comme le CCQAB, l’opacité qui entoure ces chiffres. 

Mme ALEXANDRA BAUMANN (Suisse), s’exprimant également au nom du Liechtenstein, a salué les progrès remarquables du projet Umoja qui a permis au Secrétariat, pour la première fois, de disposer d’un système d’administration moderne permettant une gestion unifiée et transparente des ressources de l’Organisation.  C’est pourquoi, a-t-elle estimé, Umoja est un élément essentiel de la réforme et de la modernisation de l’Administration des Nations Unies qui devra apporter des avantages aussi bien à l’ONU qu’à ses États Membres.  Elle a souhaité que l’Extension 2 du projet reste une priorité car, a-t-elle expliqué, cette étape permettra d’intégrer au système des processus administratifs stratégiques clefs tels que l’établissement du budget, la gestion des programmes et la planification des approvisionnements.  Elle a espéré que cette phase apporte les principaux bénéfices en termes financiers. 

La représentante a également partagé l’avis des commissaires aux comptes selon lequel le Secrétaire général doit trouver un juste équilibre entre la nécessité de respecter le calendrier de mise en œuvre et celle d’assurer la préparation organisationnelle.  Nous ne devons pas oublier, a-t-elle demandé, que le déploiement technique du système n’est pas plus important que le remaniement des processus opérationnels et un changement durable de culture au sein de l’Organisation.  Elle a donc souhaité que l’Administration élabore des solutions priorisées et intégralement chiffrées permettant la mise en œuvre des contenus restants d’Umoja.  En outre, elle a suggéré que les responsables des unités opérationnelles fournissent aux utilisateurs une formation suffisante et que l’Administration veille à ce que ces unités bénéficient d’un soutien pour la mise en œuvre, en vue d’une amélioration des méthodes de travail.

Enfin, la représentante a exprimé ses attentes à l’égard d’Umoja dont les bénéfices seront, à son avis, surtout de nature qualitative.  Il ne faut pas surestimer leur importance, a-t-elle recommandé, en plaidant pour une infirmation de meilleure qualité et plus facilement accessible, une plus grande responsabilisation et une grande transparence.

Mme FIONA GRANT, de l’Union européenne (UE), a réaffirmé son soutien à Umoja et rappelant que le système nécessite un certain nombre de changements dans le domaine des procédures, des bases de compétences et des pratiques de travail, en plus des enjeux technologiques, elle a estimé que « les avantages pour l’Organisation en termes d’efficacité, de reddition de comptes, et d’exécution de mandats essentiels pour l’Organisation en valent la peine ».  Elle s’est félicitée des progrès significatifs accomplis notamment dans le cadre de la gestion du projet et de l’identification des avantages de sa mise en œuvre mais a rappelé que de nombreux problèmes demeurent.  L’Union européenne aimerait, par exemple, en savoir davantage sur les plans du Secrétariat général pour assurer une meilleure préparation du personnel en amont des futurs déploiements, a indiqué la représentante, relevant que les problèmes ont provoqué des contretemps et des dépassements budgétaires. 

L’UE, a-t-elle poursuivi, attend des informations sur la façon dont ces implications financières seront traitées.  La représentante s’est dite attachée au déploiement complet d’Umoja-Extension 2 qui offrira des fonctionnalités particulièrement précieuses en termes d’amélioration de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, de la gestion des réunions et de la planification des effectifs, entre autres.  « La qualité des données disponibles après la mise en œuvre d’Umoja-Extension 2 offrira un grand potentiel au Secrétariat et aux États Membres pour la prise de décisions », s’est-elle réjouie avant d’appeler à la mise en œuvre complète du projet afin que les États Membres tirent pleinement profit des investissements consentis. 

M. AMIT UPADHYAY (États-Unis) a rappelé les préoccupations des États Membres devant le manque de vision à long terme s’agissant de la valorisation des avantages d’Umoja, sa gouvernance et la transparence de sa gestion.  Les États sont aussi « frustrés », a prévenu le représentant, par les dépassements budgétaires continuels et le non-respect du calendrier.  Le représentant s’est dit déçu par les demandes récurrentes de ressources supplémentaires, sans qu’aucun effort réel ne soit fait pour savoir si ces surcoûts peuvent éventuellement être compensés par les avantages d’Umoja.  Il a appelé le Secrétariat général à explorer ces options avant de demander des ressources supplémentaires.  Le représentant a toutefois mis en garde contre le fait que certaines recommandations du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) pouvaient, par inadvertance, entraver la mise en œuvre du projet.  Il a estimé qu’Umoja était « sur la bonne voie ».  « L’ONU ne pourra être efficace et, par conséquent, mener à bien ses missions que lorsqu’Umoja et le dispositif de prestations de services centralisé seront pleinement déployés », a-t-il conclu.

M. SERGEY V. KHALIZOV (Fédération de Russie) a salué les progrès réalisés dans le déploiement d’Umoja-Démarrage et Umoja-Extension 1 en l’espace de huit ans et noté néanmoins que le déploiement se heurte à de graves problèmes.  Il a souligné que les efforts considérables que l’équipe Umoja a dû consentir pour épauler les activités de stabilisation après le déploiement et régler des problèmes dus à l’impréparation de l’Organisation se sont traduits par une augmentation des coûts.  Il s’est inquiété d’une nouvelle augmentation qui porterait le total à 544 millions de dollars depuis 2008, alors que les coûts indirects n’ont pas encore été clairement évalués.  Il s’est dit préoccupé par l’incapacité d’Umoja de mettre en œuvre les nouvelles recommandations de la Commission de la fonction publique internationale, notamment le nouveau système unifié de prestations de services. 

Face à ce constat, le représentant russe s’est interrogé sur la capacité du nouveau système de s’adapter aux exigences que les organes intergouvernementaux pourraient dicter.  Il a fait siennes les inquiétudes du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires et du Comité des commissaires aux comptes sur le fait que l’indice de valorisation des avantages prévus ait été calculé sur une base centralisée.  « Nous estimons que cette pseudo-méthodologie de valorisation des avantages ne répond pas aux attentes des États Membres », a insisté le représentant.  C’est pourquoi il a demandé des mesures d’urgence pour mieux analyser les résultats attendus.   

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