Cinquième Commission: inquiétudes face à la dépendance croissante des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens à l’égard du budget de l’ONU
Pour la quatrième fois consécutive, le Secrétaire général de l’ONU demande l’ouverture de crédits pour subventionner en 2017 la composante internationale des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens, a appris aujourd’hui la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires. La représentante du Japon s’est inquiétée de cette dépendance croissante à l’égard du budget ordinaire de l’ONU.
Chargées du procès des Khmers rouges, les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens comprennent des composantes nationale et internationale financées séparément. Les traitements des juges cambodgiens et du personnel local sont à la charge du Gouvernement cambodgien, tandis que ceux des juges internationaux et du personnel international sont censés être financés par des contributions volontaires de la communauté internationale. Or, depuis 2013, le Secrétaire général sollicite régulièrement le budget ordinaire de l’ONU, arguant que les annonces de contributions interviennent par à-coups et pour des montants divers. Justement, a contré aujourd’hui la représentante du Japon, la dépendance grandissante des Chambres aux subventions à l’égard du budget nuit au caractère « volontaire » des arrangements financiers actuels et aux efforts de collecte de fonds.
Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) ne dit pas autre chose et son Président, M. Carlos Ruiz Massieu, a recommandé aujourd’hui à la Cinquième Commission de ne pas débloquer la subvention demandée de 16,2 millions de dollars mais plutôt une somme de 11 millions pour compléter, à titre transitoire, les contributions volontaires, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017; le budget total des Chambres extraordinaires étant de 30,67 millions de dollars.
S’agissant de la composante nationale, le représentant du Cambodge a attiré l’attention sur un déficit de 620 000 dollars, espérant l’aide des donateurs. Il a souligné que la contribution de son pays s’est élevée cette année à 4,15 millions de dollars, sur un budget total de 6,6 millions.
La Cinquième Commission a aussi examiné la question des conditions d’emploi et de la rémunération des juges de la Cour internationale de Justice, du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux et des juges et juges ad litem du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Dans son rapport, le Secrétaire général, sans objection du CCQAB compte tenu de l’absence d’incidence financière, propose que le régime révisé de l’indemnité pour frais d’études applicable aux administrateurs et fonctionnaires de rang supérieur, et devant entrer en vigueur pour l’année scolaire en cours au 1er janvier 2018, soit étendu aux membres concernés de ces trois institutions, tout comme le nouveau régime de réinstallation, entré en vigueur le 1er juillet 2016.
Sur un tout autre chapitre, la représentante du Groupe des 77 et de la Chine a vivement critiqué la décision du Secrétariat de l’ONU de déplacer le « restaurant des délégués » du 4ème étage à une pièce beaucoup plus petite, pour prétendument réserver l’espace à des manifestations. « Nous voilà obligés de déjeuner à l’étroit et de payer toujours plus cher », s’est emporté la représentante, en demandant à la Présidente de la Cinquième Commission d’exiger du Département concerné qu’il corrige cette situation.
La prochaine réunion de la Commission sera annoncée dans le Journal.
BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERCICE BIENNAL 2016-2017
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur la demande de subvention pour les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (A/71/550)
Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/71/338), dans lequel celui-ci présente en détail les progrès accomplis par les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens, leur situation financière, les prévisions concernant l’utilisation de l’autorisation d’engagement de dépenses pour 2016, ainsi que le budget révisé pour 2017. Le Secrétaire général demande à l’Assemblée générale d’approuver l’ouverture de crédits pour une subvention d’un montant de 16,2 millions de dollars destinée à la composante internationale des Chambres pour 2017.
Les Chambres extraordinaires comprennent des composantes nationale et internationale financées séparément. Conformément aux articles 15 et 16 de l’Accord, les traitements des juges cambodgiens et du personnel recruté sur le plan national sont à la charge du Gouvernement cambodgien, tandis que ceux des juges internationaux et du personnel recruté sur le plan international sont à la charge de l’Organisation des Nations Unies.
Le Comité consultatif rappelle que l’Assemblée générale, dans sa résolution 57/228 B, avait décidé que les dépenses de la composante internationale devraient être financées par des contributions volontaires de la communauté internationale. Dans son rapport, le Secrétaire général indique en effet qu’il poursuivra ses efforts « intensifs » de collecte de fonds. Mais il indique également que la subvention demandée lui permettra d’assurer au personnel des contrats de durée raisonnable s’il n’y a pas suffisamment de fonds extrabudgétaires disponibles. Il insiste sur le fait que la demande se fonde sur la tendance observée au cours des années 2014-2016, selon laquelle les annonces de contributions interviennent par à-coups et pour des montants divers.
Cet argument n’empêche pas le CCQAB de réaffirmer que l’ouverture d’un crédit contredit le principe même du financement volontaire et les activités de collecte de fonds. Il note en effet qu’après quatre demandes consécutives de subventions formulées depuis 2013, la pratique ne revêt plus « de caractère exceptionnel ». Il recommande donc à l’Assemblée générale d’inviter le Secrétaire général à justifier pleinement et plus précisément les nouvelles demandes.
Le CCQAB estime par exemple que tout écart entre le montant du budget approuvé par le groupe des États intéressés -20,1 millions de dollars- et le montant total des ressources prévues dans le rapport du Secrétaire général -16,2 millions de dollars- devra être dûment expliqué, avec mention du processus d’approbation suivi pour toute révision budgétaire.
Le CCQAB conclut que l’Organisation devrait accorder le même montant que pour 2015 et 2016. Pour lui, l’Assemblée générale devrait, au lieu d’ouvrir un crédit, autoriser le Secrétaire général à engager des dépenses d’un montant ne dépassant pas 11 millions de dollars pour compléter, à titre transitoire, les contributions volontaires destinées au financement du 1er janvier au 31 décembre 2017.
Le CCQAB rappelle aussi que le mandat des Chambres extraordinaires est d’une durée limitée et demande de nouveau que toutes les mesures nécessaires soient prises en vue d’achever les travaux au plus vite, et notamment que soient arrêtées dans le plan des dates plus fermes concernant l’achèvement des différentes phases, dans le plein respect des exigences de la procédure judiciaire. Il note en effet que le plan révisé tient désormais compte de l’activité judiciaire pendant plusieurs années au-delà de l’exercice en cours, et note avec préoccupation les incidences financières potentielles du calendrier.
Déclarations
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme SIRITHON WAIRATPANIJ (Thaïlande) a rappelé que le fonctionnement efficace des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens était un « élément clef » pour le G77 qui accorde beaucoup d’attention à l’exécution de leur mandat. Elle a rappelé que l’Assemblée générale avait encouragé les États Membres à fournir un appui volontaire aux deux composantes, nationale et internationale, des Chambres. Elle a pris note de la demande de crédit du Secrétaire général et du déficit de la composante nationale. Elle a appuyé l’appel lancé par le Cambodge pour que les donateurs mobilisent une somme de 620 000 dollars pour boucler le budget de 2016.
Mme ERIKO UEMURA (Japon) a dit l’importance des Chambres extraordinaires pour donner « une touche finale au processus de paix au Cambodge ». Elle s’est particulièrement félicitée des progrès réalisés dans la gestion des cas 002, 003 et 004. Elle s’est néanmoins dite préoccupée par le nouveau plan d’achèvement des travaux révisé qui prévoit des activités judicaires plusieurs années après l’exercice budgétaire actuel. Elle a donc exhorté le Secrétaire général à prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’achever les travaux au plus vite. Notant « les graves difficultés financières des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens », la représentante s’est inquiétée de la dépendance grandissante des Chambres aux subventions du budget ordinaire de l’ONU. Cette tendance, a-t-elle tranché, à son tour, nuit au caractère « volontaire » des arrangements financiers actuels et aux efforts de collecte de fonds. Elle a donc appelé le Secrétaire général à renouveler ses efforts pour lever des fonds, avant d’appeler au respect du paragraphe 3 de la résolution 57/228 de l’Assemblée générale qui stipule que les dépenses des Chambres extraordinaires doivent être couvertes par des contributions de la communauté internationale.
M. RY TUY (Cambodge) a remercié l’Union européenne, les membres du groupe des principaux donateurs et le groupe des États intéressés pour leurs contributions financières pour l’année 2016. Il a indiqué que le travail des Chambres va atteindre un pic maintenant que la Cour suprême doit prononcer son jugement le 23 novembre dans le dossier 002, concernant Nuon Chea et Khieu Samphan. Le budget de la composante nationale accuse un déficit de 620 000 dollars, a-t-il dit à l’adresse des pays donateurs, non sans mettre l’accent sur les efforts du Cambodge dont la contribution en 2016 est de 4,15 millions de dollars sur un budget total de 6,6 millions de dollars. Pour 2017, le total des ressources nécessaires pour la composante nationale s’élèvera à 6,37 millions de dollars, a encore indiqué le représentant, en disant compter sur le groupe des principaux donateurs et celui des États intéressés pour ne pas compromettre la faculté des Chambres extraordinaires à conclure les travaux.
Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les conditions d’emploi et rémunération des personnes qui n’ont pas la qualité de fonctionnaire du Secrétariat, à savoir les membres de la Cour internationale de Justice, le Président et les juges du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, et les juges et les juges ad litem du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (A/71/552)
Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/71/201) qui rappelle que l’article 32 du Statut de la Cour internationale de Justice dispose que les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel, ces traitements et allocations étant fixés par l’Assemblée générale. Les juges ad hoc reçoivent quant à eux, pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions, une indemnité équivalente à 1/365 du traitement annuel et du complément intérimaire pour cherté de vie. Cet article est reproduit dans le Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et celui du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles.
Dans ce rapport, le Secrétaire général propose qu’aucune modification ne soit apportée au système ni aux autres conditions d’emploi des juges, notamment l’allocation spéciale versée au Président et au Vice-Président lorsqu’il remplit les fonctions de ce dernier, la participation aux frais d’études, la pension de réversion, les dispositions réglementaires concernant les frais de voyage et l’indemnité de subsistance, ainsi que la prime de réinstallation et les droits à pension des juges ad litem des Tribunaux.
Il propose que le régime révisé de l’indemnité pour frais d’études applicable aux administrateurs et fonctionnaires de rang supérieur, et devant entrer en vigueur pour l’année scolaire en cours au 1er janvier 2018, soit étendu aux membres de la Cour internationale de Justice, aux juges du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et au Président du Mécanisme résiduel, tout comme le nouveau régime de réinstallation, entré en vigueur le 1er juillet 2016.
Le Secrétaire général assure que ses propositions n’ont aucune incidence budgétaire sur le budget 2016-2017. Les propositions relatives au régime révisé de l’indemnité pour frais d’études et au nouveau régime de réinstallation devant réduire les dépenses au titre du personnel recruté sur le plan international, le Secrétariat estime que ce sera aussi le cas pour les juges. Compte tenu des réductions de coûts qui devraient découler de leur application, le CCQAB ne voit donc pas d’objection aux propositions faites par le Secrétaire général.
Déclaration
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. DHISADEE CHAMLONGRASDR (Thaïlande) a affirmé que cette question demeure au centre des préoccupations de son Groupe. Il a applaudi le rapport du Secrétaire général et les propositions que ce dernier a faites. Après avoir insisté sur l’importance que son Groupe attache à la question de la pension de réversion, il a souligné le principe, inscrit dans les Statuts de la Cour internationale de Justice et des Tribunaux, selon lequel le salaire et les allocations des juges doivent être fixés par l’Assemblée générale et ne doivent pas être diminués en cours de mandat. « L’égalité entre les juges est un élément essentiel et un principe de base du système d’arbitrage entre les États », a-t-il conclu.