En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dixième session,
26e séance – matin
AG/AB/4188

Cinquième Commission: impatience face aux retards dans l’instauration du principe de responsabilité au Secrétariat de l’ONU

La Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a examiné, ce matin, la manière dont est mis en place le dispositif d’application du « principe de responsabilité » au Secrétariat de l’ONU.  Les délégations n’ont pas caché leur impatience devant les retards accumulés.

Le dispositif du « principe de responsabilité » se fonde sur trois concepts.  Le premier, qui concerne l’exécution des programmes et des résultats, renvoie à l’obligation du Secrétariat d’obtenir les résultats décrits dans les documents de planification et de budgétisation des programmes.  Le deuxième concept, qui parle d’une saine gestion des ressources, renvoie à la responsabilité du Secrétariat en tant que garant du bon usage des ressources qui lui sont confiées.  Enfin, le troisième concept, celui de « la conformité », renvoie à l’engagement pris par le Secrétariat d’obtenir ses résultats et de conduire ses activités en se conformant à tous les règlements, règles, politiques et procédures de l’Organisation.

Les cinq délégations, qui se sont exprimées aujourd’hui, ont repris à leur compte les commentaires* du Comité consultatif sur les questions administratives et budgétaires (CCQAB) qui rappelle que sur les 923 recommandations formulées depuis 2010 par les organes de contrôle interne et externe, 105 étaient encore en cours d’application, le 30 novembre 2015.  Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, la représentante de la Thaïlande s’est inquiétée de cette situation.

Son homologue de la Suisse, qui a également pris la parole au nom du Liechtenstein, a dénoncé les progrès « modestes » dans la « gestion axée sur les résultats ».  Avec les autres délégations, il a aussi dénoncé les retards dans la définition du concept de fraude.  Compte tenu des récents évènements, et plus particulièrement des soupçons de fraude qui pèsent sur l’ancien Président de l’Assemblée générale, le représentant suisse a estimé nécessaire que l’Organisation renouvelle son engagement à adopter une politique de tolérance zéro face aux actes frauduleux.  Il faisait allusion à M. John Ashe, Président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale, soupçonné par la police newyorkaise d’avoir transformé l’ONU en une « une pompe à fric ».

Qu’en est-il de la formation que doit dispenser le Bureau de l’éthique?  Qu’en est-il de la protection des dénonciateurs d’irrégularités? s’est demandé, à son tour la représentante des États-Unis, en multipliant les signes d’impatience.  L’adoption et l’intégration dans tout le Secrétariat de mesures visant à améliorer la responsabilité individuelle et à faire en sorte que l’ONU produise vraiment des résultats est « cruciale » pour la viabilité de l’Organisation, a-t-elle tranché, en prônant une « culture » où l’examen et l’analyse des informations sur l’utilisation des fonds et sur la mise en œuvre des programmes seraient faits régulièrement pour affiner la planification stratégique.

La Cinquième Commission tiendra sa prochaine séance publique jeudi 10 mars à partir de 10 heures, sur le financement des missions politiques spéciales et du Mécanisme chargée d’assurer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux. 

EXAMEN DE L’EFFICACITÉ DU FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF ET FINANCIER DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le dispositif d’application du principe de responsabilité au Secrétariat de l’ONU (A/70/770)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné le cinquième rapport du Secrétaire général (A/70/668) dans lequel il donne un aperçu des différents aspects du dispositif articulés autour des grandes catégories que sont l’exécution des programmes et les résultats, la bonne gestion des ressources et la conformité, et aborde la question des catalyseurs, à savoir les Normes comptables internationales pour le secteur public (Normes IPSAS) et le Progiciel de gestion intégré (Umoja).

S’agissant des mécanismes de suivi et de contrôle, le CCQAB note que 923 recommandations portant sur des risques élevés ont été formulées depuis 2010 par les organes de contrôle interne et externe, 818 ont été classées ou appliquées et 105 étaient en cours d’application au 30 novembre 2015.  Il réaffirme que la mise en œuvre intégrale et sans retard des recommandations des organes de contrôle est un élément essentiel d’un dispositif efficace d’application du respect du principe de responsabilité. 

Le CCQAB insiste sur le fait que, pour être efficace, un dispositif de lutte contre la fraude doit décrire clairement les critères qui permettront de repérer les « signaux d’alarme » ou d’éventuelles irrégularités opérationnelles de façon à déclencher des mesures correctives.  Il réaffirme qu’il est indispensable de s’accorder sur une seule et même définition des concepts de fraude et de fraude présumée si l’on veut élaborer des politiques efficaces.  Selon le CCQAB, le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination est le mieux placé pour formuler ce type de politiques.

Informé qu’une politique de protection des dénonciateurs d’irrégularités ferait partie du dispositif de lutte contre la fraude, le Comité consultatif constate avec préoccupation que le Secrétaire général n’a pas affiné et révisé la politique de protection contre les représailles, mécanisme qui ne doit en rien se confondre avec ceux servant à traiter les plaintes du personnel et à régler les différends entre personnes et qui doit protéger les personnes dénonçant des irrégularités.

Le Comité consultatif note que l’on réexamine la façon dont le Comité des marchés du Siège assure le contrôle et le suivi de l’application des recommandations et recommande que des informations détaillées soient communiquées à l’Assemblée générale.

Pour ce qui est de l’évaluation de l’efficacité des activités et du mode de fonctionnement de l’Organisation, le CCQAB observe que le rapport du Secrétaire général manque de précision et qu’il ne présente aucune donnée quantifiable, pas plus qu’il ne décrit en termes concrets les éventuels systèmes mis en place pour mesurer selon des critères uniformisés l’efficience du système des Nations Unies.

Il recommande donc que le Secrétaire général élabore un ensemble d’indicateurs clairs et réalistes, visant à présenter un tableau complet des activités de l’Organisation afin d’en rendre la gestion plus avisée.

Concernant l’évaluation des résultats, le CCQAB estime qu’il faut exploiter l’expérience du Bureau des services de contrôle interne (BSCI).  Enfin, pour ce qui est de la mise en œuvre d’un dispositif crédible d’application du principe de responsabilité au plan individuel et à l’échelle institutionnelle, le Comité consultatif appelle à des mesures nécessaires pour lier les responsabilités individuelles aux activités menées dans le cadre de l’Organisation.  Pour le CCQAB, l’Assemblée devrait prier le Secrétaire général de mettre au point un ensemble de paramètres clairs, transparents et précis, qui précisent la nature des responsabilités exercées, en particulier par les hauts responsables, et permettent de détecter tout manquement.

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme SIRITHON WAIRATPANIJ (Thaïlande) a pris note des progrès accomplis dans la création de structures et de systèmes d’application du principe de responsabilité au sein du Secrétariat.  Elle s’est toutefois déclarée préoccupée par le faible degré de mise en œuvre des recommandations émises par les organes de contrôle, demandant au Secrétaire général de remédier à cette situation.  Le Groupe est également d’accord avec le CCQAB pour souligner les rôles indispensables que jouent les mécanismes de contrôle interne et externe dans le cadre des audits qu’ils mènent régulièrement et des recommandations qu’ils formulent, « lesquelles mettent souvent en évidence des lacunes opérationnelles et visent à renforcer la manière dont les dirigeants assurent le suivi des activités pour lesquelles ils doivent rendre des comptes ».

Mme Wairatpanij a ensuite indiqué que le Groupe apportait son plein soutien à l’approche de tolérance zéro pour toutes les pratiques frauduleuses au sein du Secrétariat.  Il est d’accord, a-t-elle dit, avec le Comité consultatif pour s’accorder sur une seule et même définition de la fraude si l’on veut élaborer des politiques efficaces, y compris une seule politique pour la protection des dénonciateurs d’irrégularités.  Le Groupe des 77 et de la Chine encourage donc le Secrétaire général à achever sans plus tarder la révision de la politique de protection contre les représailles, « mécanisme qui ne doit en rien se confondre avec ceux servant à traiter les plaintes du personnel et à régler les différends entre personnes et qui doit protéger les personnes dénonçant des irrégularités », a répété la représentante.

Le Groupe s’est également rangé du côté du Comité consultatif, estimant que le contrôle régulier du stade atteint dans l’application des résolutions de l’Assemblée générale portant sur les questions administratives et budgétaires contribuerait utilement à responsabiliser les États Membres comme l’Organisation. 

M. JAN DE PRETER, Union européenne, a demandé les informations les plus récentes sur la mise en place du cadre de lutte contre la fraude et sur l’évolution du cadre de la gestion des risques.  S’il s’est félicité des mesures prises par le Comité de la gestion, il a prévenu qu’il reste encore beaucoup à faire pour tenir les hauts fonctionnaires comptables de leurs résultats et pas seulement de leurs produits.  Il faut faire plus, a-t-il insisté, pour promouvoir une culture de la responsabilité et veiller à son intégration dans tout le travail du Secrétariat.  Mais, s’est félicité le représentant, les choses vont dans le bons sens.  Il a aussi demandé des informations sur l’impact d’UMOJA sur le renforcement du principe de responsabilité et à ce propos, il a souligné que l’utilisation efficace des ressources, qui a un impact direct sur l’exécution des mandats, doit être au cœur même de tout système de responsabilité.

S’exprimant également au nom du Liechtenstein, M. MATTHIAS DETTLING (Suisse) a, s’agissant de la gestion des risques institutionnels, salué le fait que le Comité de gestion ait adopté les plans de prévention et de traitement des risques en juillet dernier.  « L’évaluation des risques institutionnels dans l’ensemble du Secrétariat est un outil de gestion incontournable.  Il serait souhaitable d’effectuer cette évaluation à intervalles réguliers et l’adapter aux environnements foncièrement volatiles et fluctuants dans lesquels opère l’Organisation », a préconisé le représentant, en prenant note du fait que le projet pilote avait été mis en œuvre dans le cadre de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC).  En revanche, il a regretté que les progrès en matière de gestion axée sur les résultats demeurent aussi modestes en dépit des efforts de longue date déployés dans ce domaine.  « Nous encourageons le Secrétaire général à œuvrer avec davantage de conviction à la réalisation de cet objectif.  Une gestion axée sur les résultats passe par une amélioration des capacités d’organisation en matière de suivi, d’établissements de rapports et d’évaluation », a-t-il dit.

En ce qui concerne la gestion des fonds au sein de l’ONU, la Suisse et le Liechtenstein ont salué l’élaboration, par le Secrétariat, d’un dispositif de lutte contre la fraude.  « Compte tenu des récents évènements, et plus particulièrement des soupçons de fraude qui pèsent sur l’ancien Président de l’Assemblée générale », M. Dettling a estimé nécessaire que l’Organisation renouvelle son engagement à adopter une politique de tolérance zéro face aux actes frauduleux.  Rappelant ensuite l’importance des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, le représentant a affirmé que, pour que les Casques bleus puissent continuer à jouer un rôle déterminant dans la prévention des pertes de vies humaines à grande échelle et conserver la confiance des victimes et des populations civiles sur place, « il est indispensable que ceux d’entre eux qui ont commis des crimes aient à rendre des comptes ». 

Aussi a-t-il salué les recommandations du rapport de l’examen indépendant de l’exploitation et des atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine, de même que celles émises par le Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix.  Les deux délégations ont souhaité que le Secrétaire général donne suite à ces recommandations.  Pour conclure, elles ont réitéré leur proposition que la Cinquième Commission n’aborde ce point à l’ordre du jour qu’une fois tous les deux ans seulement, estimant que l’instauration d’une responsabilité accrue est un processus continu dont les résultats seront bien plus perceptibles si les rapports sont biennaux.

Mme CHERITH NORMAN CHALET (États-Unis) a souligné que l’adoption et l’intégration dans tout le Secrétariat de mesures visant à améliorer la responsabilité individuelle et à faire en sorte que l’ONU produise vraiment des résultats est « cruciale » pour la viabilité de l’Organisation.  Saluant les efforts en ce sens, la représentante a estimé qu’on peut faire plus encore pour créer une culture de la performance à l’ONU, en améliorant entre autres le suivi et l’évaluation.  Quant à la gestion du risque institutionnel, elle a voulu en savoir plus sur le projet pilote mené à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).  La gestion du risque institutionnel a beau être un processus continu, nous insistons sur une mise en œuvre en temps voulu des mesures, a prévenu la représentante. 

Au sujet des « catalyseurs » du cadre de responsabilité que sont les Normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS) et le progiciel UMOJA, la représentante a estimé à son tour qu’ils ne suffisent pas.  Elle a prôné pour l’ONU une « culture » au sein de laquelle l’examen et l’analyse des informations sur l’utilisation des fonds et sur la mise en œuvre des programmes seraient faits régulièrement pour affiner la planification stratégique.

La représentante a aussi demandé de voir les bénéfices quantifiables du principe de responsabilité qui pourraient représenter des économies à court et moyen termes.  Elle a exhorté le Secrétariat à exploiter « l’intelligence » d’UMOJA pour améliorer son processus de planification, le but étant d’offrir aux managers un tableau de bord pour qu’ils visualisent bien les ressources qu’ils gèrent, les tendances et les anomalies, et qu’ils puissent prendre les décisions stratégiques qui s’imposent.  La représentante a encouragé la formation des fonctionnaires pour cimenter ce changement culturel au sein de l’Organisation.

Elle a aussi dit attendre une véritable amélioration dans la gestion de la performance et dans les contrats de mission des hauts fonctionnaires, parce que, a-t-elle insisté, la responsabilité individuelle est de la plus haute importance.  À son tour, elle s’est inquiétée des retards dans la définition de la fraude et de la corruption.  Qu’en est-il, a-t-elle poursuivi, de la formation que doit dispenser le Bureau d’éthique et de la protection des dénonciateurs d’irrégularités?  Elle a conclu en soulignant l’importance de la responsabilité dans les missions de l’ONU, s’agissant en particulier de l’exploitation et des abus sexuels.

Mme NOBUKO IWATANI (Japon) a demandé au Secrétariat de dire à la Commission quelles initiatives exigeraient des ressources additionnelles.  Elle a dit attendre avec intérêt un plan détaillé assorti d’un calendrier et de critères clairs pour la mise en œuvre de la gestion orientée vers les résultats.  Elle s’est à son tour impatientée devant les retards dans la protection des dénonciateurs d’irrégularités.  Enfin, elle a dit attendre plus de détails sur le plan de gestion des risques et sur la mise en œuvre de cette gestion dans les cinq entités sur le terrain. 

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