En cours au Siège de l'ONU

7588e séance – soir
CS/12173

Le Conseil de sécurité entend le ministre des affaires étrangères de l’Iraq et le Représentant permanent de la Turquie au sujet de l’incursion turque en territoire iraquien

Le Conseil de sécurité a entendu aujourd’hui, en fin d’après-midi, le Ministre des affaires étrangères de l’Iraq, M. Ibrahim Al-Jaafari, concernant ce qu’il a qualifié d’« incursion », le 13 décembre dernier, de forces militaires turques dans la région de Baachiqa, près de la ville de Mossoul, en Iraq.  Le Conseil était saisi d’une lettre* de M. Al-Jaafari, dans laquelle ce dernier lui demande d’enjoindre à la Turquie de retirer immédiatement ses forces d’Iraq et de faire en sorte que la Turquie s’abstienne de violer à nouveau sa souveraineté nationale.  Le Conseil a entendu, au préalable,  n exposé du Secrétaire général adjoint pour les affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, sur le déploiement des troupes turques en Iraq.  Le Représentant permanent de la Turquie a, à son tour, pris la parole pour expliquer la position de son pays.

Le Ministre des affaires étrangères de l’Iraq a affirmé que des centaines de soldats des forces turques avaient pénétré, « avec des véhicules blindés, des tanks et de l’artillerie », dans le nord du territoire iraquien, sans demander l’autorisation des autorités fédérales.  « Cela constitue une violation grave de la souveraineté de l’Iraq », a déclaré M. Al-Jaafari, en contestant vigoureusement les arguments invoqués par les responsables turcs dans les médias pour justifier cette action. 

S’il a salué les efforts déployés par la communauté internationale et l’assistance qu’elle lui prête dans son combat contre Daech, qui a pris le contrôle de certaines villes iraquiennes, le Ministre a réaffirmé l’opposition de son pays à toute violation de sa souveraineté.  « Toute opération antiterroriste dans le cadre de la coalition internationale doit être menée à l’issue de consultations avec le Gouvernement iraquien », a-t-il insisté. 

L’Iraq n’a négligé aucune des voies diplomatiques avec la Turquie pour obtenir d’elle le retrait de ses forces du pays, a assuré M. Al-Jaafari, en précisant que cela n’avait pas toujours été fait.  C’est pourquoi, il a demandé au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités en adoptant une résolution qui condamne l’occupation turque, exige d’Ankara le retrait immédiat de ses forces et fasse en sorte que ne se reproduisent plus de telles « actions unilatérales ».

« L’Iraq a besoin d’amis pour vaincre Daech et la Turquie est l’un d’entre eux », a, pour sa part, affirmé le représentant turc.  M. Halit Çevik a souligné que son pays avait établi le camp d’entraînement de Baachiqa à la demande du Gouvernement de l’Iraq et formé des volontaires iraquiens.  Il est difficile de penser que les efforts militaires de formation de la Turquie soient passés inaperçus, a-t-il dit.  Le représentant de la Turquie a expliqué que la force de protection du camp avait été renforcée en raison de menaces sécuritaires accrues.

« Malheureusement, cette question a été écartée de son contexte et le nombre de troupes envoyées a été exagéré », a-t-il déclaré.  La Turquie, a expliqué M. Çevik , a pris en compte les préoccupations de l’Iraq en adoptant immédiatement des mesures en faveur d’une désescalade de la situation.  Le détachement envoyé à titre de renfort, a-t-il affirmé, a quitté le camp le 14 décembre.  Le délégué de la Turquie a déploré que l’Iraq préfère s’exprimer par voie de presse plutôt que de régler la situation par des moyens bilatéraux.  « Discuter de cette question devant des enceintes multilatérales ne fait que saper la solidarité internationale face à Daech », a-t-il dit.

M. Çevik a souligné que son pays était non seulement attaqué par Daech mais aussi par l’organisation terroriste du PKK, dont les quartiers généraux sont basés dans la région de Qandil, en Iraq.  « Nous avons demandé au Gouvernement iraquien de mettre un terme aux activités du PKK mais chaque fois, il nous a répondu qu’il ne contrôlait pas cette partie du pays », a-t-il fait remarquer, en invoquant le droit à la légitime défense de la Turquie.

Comprenant l’environnement politique difficile dans lequel évolue le Gouvernement iraquien, M. Çevik a estimé que cela ne saurait constituer une excuse pour limiter l’assistance qui lui est offerte pour vaincre Daech le plus rapidement possible.  Il semblerait que Bagdad soit déterminée à ne pas appuyer les troupes qui ne font pas partie des Forces de mobilisation populaire, a-t-il poursuivi.  Dans un tel contexte, a-t-il estimé, il n’est pas surprenant que la fermeture du camp soit un objectif.  En conclusion, le délégué a répété que son pays n’avait et n’aurait aucun intérêt à agir en violation de la souveraineté iraquienne.  « Mettons un terme à la discussion de ce jour et poursuivons nos efforts afin de vaincre Daech », a demandé M. Çevik .

Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, qui avait fait un bref exposé en début de séance, a formé l’espoir que les Gouvernements de l’Iraq et de la Turquie fassent preuve de retenue, notamment dans leurs déclarations publiques, et intensifient leurs discussions bilatérales afin de désamorcer les tensions.  Les deux parties, a-t-il également souhaité, œuvrent de concert afin de parvenir à un accord mutuellement acceptable dès que possible. M. Feltman a ensuite exhorté tous les États Membres à combattre Daech d’une manière qui soit compatible avec le respect de la Charte des Nations Unies et de l’intégrité territoriale de l’Iraq.

 

 

*     S/2015/963

 

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