Mali: trois mois après la signature de l’Accord de paix, le Chef de la MINUSMA fait état d’une situation fragile, émaillée de violations du cessez-le-feu
« Le chemin vers la paix au Mali sera jonché d’obstacles », avait prévenu le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays lors de son précédent exposé devant le Conseil de sécurité. « Il l’est, en effet. Les difficultés rencontrées ont été plus importantes et ont surgi plus tôt que prévu », a confirmé aujourd’hui M. Mongi Hamdi devant les 15 membres de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Venu présenter le rapport du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, sur la situation au Mali au cours des trois derniers mois, le Chef de la MINUSMA a indiqué que le « calendrier de mise en œuvre » de l’Accord de paix a subi de « graves revers » depuis sa signature le 20 juin dernier, à commencer par de fréquentes violations du cessez-le-feu, « dans un contexte marqué par des actions de groupes terroristes et des activités liées au trafic transnational illicite ».
La signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a marqué le début de la phase de mise en œuvre de cet Accord, qui avait déjà été approuvé un mois plus tôt par le Gouvernement malien et les groupes armés loyalistes de la Plateforme.
Chef de file de la Médiation internationale, l’Algérie a aussitôt créé le Comité de suivi de l’Accord. Au cours d’une des réunions de ce Comité, le Gouvernement malien a présenté un « plan d’action » pour la mise en œuvre de l’Accord de paix, assorti d’un « plan d’urgence » pour la période intérimaire, a noté le Représentant spécial.
De son côté, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), que dirige M. Hamdi, a commencé d’élaborer un « plan de reconfiguration » conforme au mandat que lui a confié le Conseil de sécurité, le 29 juin dernier, pour appuyer la mise en œuvre « effective et intégrale » de l’Accord de paix.
Dans ce contexte, la prise de contrôle, le 17 août, de la localité d’Anefis par la Plateforme a constitué une « violation flagrante » de l’Accord et conduit la CMA à suspendre sa participation au sein du Comité de suivi. « Tout progrès sur des questions cruciales, notamment relatives au cantonnement, a été stoppé », a résumé le Chef de la MINUSMA, en déplorant cette action unilatérale.
Suite à l’occupation d’Anefis par la Plateforme, la CMA a étendu sa présence autour de Tombouctou, également en violation de l’Accord. Après le retrait, mi-septembre, de la Plateforme d’Anefis, ses forces ont pris des positions plus au nord. « Ces mouvements ont accru les tensions avec la CMA et débouché sur des affrontements dans les environs d’In Khalil, près de la frontière avec l’Algérie », a signalé M. Hamdi.
Au cours de cette période, la MINUSMA a redoublé d’efforts, notamment en affectant ses ressources militaires à la protection des civils à Kidal et Anefis. Le Représentant spécial a précisé qu’il avait convoqué, le 23 septembre à Bamako, une réunion conjointe « sans précédent » entre les chefs militaires de la Plateforme et du CMA pour tenter de sortir de l’impasse.
Lors de cette réunion, les parties ont accepté de mettre fin aux hostilités, notamment le déploiement de troupes comme acte de provocation. Ensuite, elles ont accepté « sur le principe » de revenir aux positions qui étaient les leurs avant la signature de l’Accord de paix, de reprendre leur participation au processus et de poursuivre le dialogue intercommunautaire.
« Les termes de ces accords sont respectés », s’est félicité le Représentant spécial. Mais il a toutefois affirmé que les difficultés rencontrées ces derniers mois révèlent à quel point un engagement international est plus que jamais nécessaire pour prévenir l’escalade et remettre le processus de paix sur la bonne voie, notamment en facilitant les activités de cantonnement.
Dénonçant par ailleurs les pillages et actes de banditisme auxquels se sont livrés des criminels à la faveur des troubles récents, le Chef de la MINUSMA a souligné que le sentiment d’insécurité et le manque de confiance dans le processus de paix parmi la population malienne sont devenus problématiques. « Des appels à la formation de milices d’autodéfense ont été lancés, ce qui ne pourrait qu’ajouter aux défis sécuritaires actuels », a-t-il averti.
Le représentant du Mali, M. Sekou Kasse, a lui aussi blâmé « le terrorisme, le narcotrafic et toutes les autres formes de criminalité organisée dans la région sahélo-saharienne » pour expliquer les difficultés auxquelles se heurte l’application de l’Accord de paix. Expliquant que ces menaces transfrontalières concernaient tous les pays de la sous-région, « voire au-delà », il a appelé le Conseil à soutenir la volonté des Chefs d’États membres du Processus de Nouakchott de créer « une force d’intervention rapide ».
Mais il a reconnu que la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord est essentiellement imputable aux violations du cessez-le-feu. « Ces incidents ne doivent pas servir de prétexte pour les mouvements armés signataires de prendre le processus de paix en otage », a-t-il dit, avant de rappeler la nécessité de procéder à l’activation des mécanismes sécuritaires prévus par l’Accord pour assurer le suivi de telles violations.
Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2227 (2015), avait exprimé sa volonté de prendre des « sanctions ciblées » à l’encontre de ceux qui feraient obstruction ou menaceraient la mise en œuvre de l’Accord et violeraient le cessez-le-feu.
Enfin, estimant qu’un autre défi majeur était la mobilisation des ressources nécessaires pour mettre en œuvre l’Accord intégralement, M. Kasse a lancé un appel à tous les partenaires internationaux pour qu’ils participent à la conférence pour le financement du développement du Mali, prévue le 22 octobre prochain à Paris.