7520e séance – après-midi
CS/12039

Conseil de sécurité: prorogée jusqu’au 15 mars 2016, la Mission de l’ONU en Libye doit axer son action sur le processus politique conduisant à la formation d’un gouvernement d’entente nationale

Le Conseil de sécurité a adopté cet après-midi la résolution 2238 (2015) prorogeant le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) jusqu’au 15 mars 2016 et demandant un cessez-le-feu immédiat et sans condition ainsi que la formation immédiate d’un gouvernement d’entente nationale et la conclusion d’un accord sur les mesures de sécurité transitoires.

À l’unanimité, les membres du Conseil de sécurité chargent la MANUL d’axer l’action qu’elle mène en tant que mission politique spéciale intégrée sur la priorité immédiate que constitue l’appui au processus politique devant conduire à la formation d’un gouvernement d’entente nationale et à l’adoption de mesures de sécurité dans le cadre du volet sécurité du dialogue politique facilité par l’ONU.

La MANUL doit aussi axer son action sur la surveillance de la situation en matière des droits de l’homme, l’appui à la sécurisation des armes incontrôlées, l’assistance aux principales institutions libyennes et l’appui à la prestation de services essentiels et à l’acheminement de l’aide humanitaire ainsi que la coordination de cette aide. 

Les membres du Conseil de sécurité se déclarent prêts à réexaminer le bien-fondé des mesures prises dans leur résolution de 16 paragraphes de fond, en vue de les renforcer, de les modifier, de les suspendre ou de les lever et à revoir le mandat de la MANUL en fonction de l’évolution de la situation.  Dès 2011, le Conseil de sécurité a frappé certaines parties libyennes d’un embargo sur les armes, d’une interdiction de voyager, d’un gel des avoirs et d’une interdiction d’exporter du pétrole brut.

Dans la résolution adoptée aujourd’hui, les membres du Conseil encouragent la Libye et les États de la région à promouvoir la coopération régionale en vue de stabiliser la situation et d’empêcher des éléments de l’ancien régime et des terroristes ou groupes extrémistes violents d’utiliser leur territoire pour planifier, financer ou commettre des actes de violence ou de terrorisme.   Dans le préambule du texte, ils se déclarent gravement préoccupés par la propension toujours plus forte des groupes terroristes opérant en Lybie à proclamer leur allégeance à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), Daesh, et par la présence constante de terroristes et de groupes terroristes actifs liés à Al-Qaida. 

Les membres du Conseil de sécurité constatent aussi avec préoccupation que la situation en Libye est exacerbée par le trafic des migrants et se disent préoccupés par le récent essor de ce trafic en Méditerranée. 

Le 26 août dernier, le Représentant spécial du Secrétaire général en Libye et Chef de la MANUL, M. Bernardino León, faisait part au Conseil de sécurité d’une situation sécuritaire mitigée, un mois-et-demi après la signature, sous l’égide de l’ONU, de l’Accord politique libyen prévoyant un cadre de négociations futures relatif à la formation d’un gouvernement d’entente nationale.*

 

*     S/2015/624  

 

LA SITUATION EN LIBYE

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (S/2015/624)

      Le Conseil de sécurité,

      Rappelant sa résolution 1970 (2011), ainsi que toutes ses résolutions ultérieures sur la Libye,

      Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye,

      Demandant à toutes les parties à un conflit armé de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger les civils,

      Rappelant que toutes les parties à un conflit armé doivent se conformer strictement aux obligations que leur imposent le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés,

      Se félicitant des efforts que la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Représentant spécial du Secrétaire général continuent de faire pour que soit trouvé, sous conduite libyenne, un règlement politique des problèmes grandissants auxquels se heurte le pays et soulignant qu’il importe de s’entendre, compte tenu du principe de l’appropriation nationale, sur les mesures à prendre immédiatement en vue d’achever la transition politique engagée en Libye, y compris la constitution d’un gouvernement d’entente nationale,

      Reconnaissant la nécessité de planifier la fourniture d’une assistance pour la constitution d’un gouvernement d’entente nationale et la mise en place de mesures de sécurité,

      Se félicitant de l’Accord politique libyen paraphé à Skhirat, au Maroc, le 11 juillet 2015, par la majorité des délégués libyens participant au dialogue politique facilité par l’ONU, appréciant la contribution des États Membres qui accueillent et appuient les réunions aux fins de ce dialogue et soulignant qu’il importe que les élus de la Chambre des députés et les autres acteurs politiques libyens y participent de façon constructive pour faire avancer la transition démocratique, mettre en place les institutions publiques et engager la reconstruction du pays,

       Appelant urgemment à la pleine et effective participation des femmes, sur un pied d’égalité, à toutes les activités ayant trait à la transition démocratique, au règlement des conflits et à la consolidation de la paix, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment les résolutions 1325 (2000) et 2122 (2013), et à ce propos se félicitant que l’ONU ait aidé à organiser des réunions destinées à faciliter la participation de femmes au dialogue politique en cours,

      Saluant les efforts déployés par tous les participants au dialogue politique libyen facilité par l’ONU et aux autres volets du processus de paix, notamment relatifs aux contributions de la société civile, à la participation des chefs tribaux, aux cessez-le-feu à l’échelon local, aux échanges de prisonniers et aux retours des personnes déplacées,

      Se déclarant à nouveau gravement préoccupé par la propension toujours plus forte des groupes terroristes opérant en Libye à proclamer leur allégeance à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), également connu sous le nom de Daech, et par la présence constante de terroristes et de groupes terroristes actifs liés à Al-Qaida, et se déclarant à nouveau gravement préoccupé, en outre, par l’impact négatif de leur présence, de l’idéologie extrémiste violente et des attaques mortelles en Libye, dans les pays voisins et dans la région, réaffirmant qu’il faut combattre par tous les moyens, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, notamment des dispositions applicables du droit international des droits de l’homme, du droit international des réfugiés et du droit international humanitaire, les menaces que les actes de terrorisme font peser sur la paix et la sécurité internationales, et rappelant à cet égard les obligations découlant de sa résolution 2161 (2014),

      Exprimant sa profonde inquiétude face à la menace que font peser sur la stabilité du pays et de la région les armes et munitions non sécurisées qui se trouvent en Libye et leur prolifération, notamment leur transfert à des groupes terroristes et extrémistes violents, et soulignant qu’il importe d’apporter un soutien international coordonné à la Libye et à la région pour remédier à ces problèmes,

      Réaffirmant qu’il importe d’amener les responsables de violations du droit international des droits de l’homme, d’atteintes à ces droits et de violations du droit international humanitaire à répondre de leurs actes, en particulier les auteurs d’attaques dirigées contre la population civile,

      Rappelant la décision qu’il a prise, dans sa résolution 1970 (2011), de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation qui régnait en Libye et prenant note de la décision de la Chambre préliminaire en date du 10 décembre 2014 et et prenant note également de la demande en date du 30 juillet 2015 adressée par le Procureur à la Chambre préliminaire pour la prier de demander à la Libye de remettre immédiatement Saïf al-Islam Kadhafi à la Cour,

      Rappelant également l’embargo sur les armes, l’interdiction de voyager, le gel des avoirs et les mesures concernant l’exportation illicite de pétrole qui ont été imposés et modifiés par les résolutions 1970 (2011), 1973 (2011), 2009 (2011), 2040 (2012), 2095 (2013), 2144 (2014), 2146 (2014), 2174 (2014) et 2213 (2015) (les mesures), et le fait que le mandat du Groupe d’experts créé au paragraphe 24 de sa résolution 1973 (2011) et modifié par ses résolutions 2040 (2012), 2146 (2014) et 2174 (2014) a été prorogé jusqu’au 30 avril 2016 par sa résolution 2213 (2015),

      Engageant les autorités libyennes à continuer de mettre en œuvre des mesures visant à accroître la transparence des recettes et dépenses publiques, y compris les traitements, les subventions et autres virements provenant de la Banque centrale de Libye et saluant les efforts accomplis par elles pour éliminer la duplication des paiements et se prémunir contre les détournements illégaux, et les encourageant à prendre d’autres mesures en ce sens pour assurer la viabilité à long terme de la situation financière de la Libye,

      Soulignant que toutes les parties doivent respecter les dispositions pertinentes du droit international humanitaire et les principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence,

      Prenant note du rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (S/2015/624),

      Prenant note également du rapport spécial du Secrétaire général sur l’évaluation stratégique de la présence de l’Organisation des Nations Unies en Libye (S/2015/113), notamment des recommandations sur les réaménagements nécessaires y figurant,

      Prenant acte du rapport final du Groupe d’experts (S/2015/128) présenté en application de l’alinéa d) du paragraphe 14 de la résolution 2144 (2014) et des conclusions et recommandations qui y sont formulées,

      Rappelant qu’il a établi dans sa résolution 2213 (2015) que la situation en Libye constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales,

      1.    Demande un cessez-le-feu immédiat et sans condition, souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire à la crise politique actuelle et exhorte toutes les parties en présence en Libye à s’associer de façon constructive aux efforts de la MANUL et du Représentant spécial du Secrétaire général en vue de finaliser l’Accord politique libyen;

      2.    Demande la formation immédiate d’un gouvernement d’entente nationale et la conclusion, dans le cadre du dialogue politique libyen facilité par l’Organisation des Nations Unies, d’un accord sur les dispositions de sécurité transitoires nécessaires à la stabilisation de la Libye;

      3.    Appelle tous les États Membres à appuyer sans réserve les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général;

      4.    Encourage les États Membres, en particulier ceux de la région, à continuer de presser toutes les parties libyennes de participer de manière constructive au dialogue engagé sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies, à agir vite et à réussir dans leur entreprise;

      5.    Condamne l’usage de la violence contre les populations et les institutions civiles et l’escalade incessante du conflit, y compris les attaques visant les aéroports, les institutions publiques et d’autres infrastructures nationales et ressources naturelles vitales, et demande que les responsables aient à répondre de leurs actes;

      6.    Se déclare profondément préoccupé par l’augmentation des tensions et la multiplication des déplacements de civils sous l’effet de la violence entre groupes armés, notamment dans le sud de la Libye, et prie instamment tous les groupes de faire preuve de retenue et de poser des jalons pour permettre à des initiatives de réconciliation locales et nationales de voir le jour;

      7.    Exhorte le Gouvernement libyen à promouvoir et protéger les droits de l’homme, y compris ceux des femmes, des enfants et des personnes appartenant à des groupes vulnérables, et à respecter les obligations que lui fait le droit international, et demande que les personnes responsables de violations du droit international humanitaire et de violations des droits de l’homme ou d’atteintes à ces droits, y compris les violences sexuelles, soient amenées à répondre de leurs actes;

      8.    Condamne les actes de torture et les mauvais traitements infligés dans certains centres de détention en Libye ainsi que la torture à mort qui y est pratiquée, demande au Gouvernement libyen de prendre toutes mesures nécessaires pour accélérer le cours de la justice, placer les détenus sous l’autorité de l’État, prévenir les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits et, le cas échéant, mener des enquêtes sur de tels actes, engage toutes les parties libyennes à coopérer avec le Gouvernement à cet égard, demande la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées ou détenues arbitrairement en Libye, y compris les étrangers, et souligne que c’est au Gouvernement libyen qu’il incombe au premier chef de promouvoir et de protéger les droits de l’homme de toute personne se trouvant sur son territoire, y compris les migrants africains et les autres étrangers;

      9.    Constate avec préoccupation que la situation en Libye est exacerbée par les activités de trafic de migrants et de traite des êtres humains qui utilisent le territoire libyen comme point de départ ou comme zone de transit, et se déclare vivement préoccupé par le récent essor du trafic de migrants en Méditerranée, qui provient notamment des côtes libyennes, et par le danger qu’il représente pour la vie humaine;

      10.   Demande au Gouvernement libyen de coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale et son procureur et de leur apporter toute l’aide voulue, comme le prescrit la résolution 1970 (2011);

      11.   Encourage la Libye et les États de la région à promouvoir la coopération régionale en vue de stabiliser la situation en Libye et d’empêcher des éléments de l’ancien régime libyen et des terroristes ou des groupes extrémistes violents d’utiliser leur territoire pour planifier, financer ou commettre des actes de violence ou de terrorisme ou d’autres actes illégaux dans le but de déstabiliser la Libye et les États de la région, et note qu’une telle coopération contribuerait à la stabilité dans la région;

Mandat de l’Organisation des Nations Unies

      12.   Proroge jusqu’au 15 mars 2016 le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), qui restera placée sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général, et charge la MANUL d’axer l’action qu’elle mène en tant que mission politique spéciale intégrée, dans le strict respect du principe de l’appropriation nationale, sur la priorité immédiate que constitue l’appui, par la médiation et les bons offices, au processus politique devant conduire à la formation d’un gouvernement d’entente nationale et à l’adoption de mesures de sécurité dans le cadre du volet sécurité du dialogue politique facilité par l’ONU, et que, dans la mesure où les contraintes opérationnelles et les conditions de sécurité le permettront, il comprendra également les activités suivantes :

      i.    Surveillance de la situation en matière de droits de l’homme et établissement de rapports à ce sujet;

      ii.   Appui à la sécurisation des armes incontrôlées et du matériel connexe et lutte contre la prolifération;

      iii.  Assistance aux principales institutions libyennes;

      iv.   Appui, sur demande, à la prestation de services essentiels et à l’acheminement de l’aide humanitaire, dans le respect des principes humanitaires;

      v.    Coordination de l’aide internationale;

      13.   Prie le Secrétaire général de continuer à maintenir la flexibilité et la mobilité nécessaires pour pouvoir moduler à très courte échéance les ressources humaines et les activités de la MANUL afin qu’elle puisse soutenir, selon que de besoin et conformément à son mandat, la mise en œuvre par les Libyens des accords et des mesures de confiance, ou répondre aux besoins qui seront exprimés, et prie en outre le Secrétaire général de l’informer préalablement de tout projet de réaménagement de la Mission dans les rapports qu’il établit en application du paragraphe 15 de la présente résolution;

Sanctions

      14.   Demande à tous les États Membres d’appliquer les mesures susmentionnées intégralement et effectivement, et exhorte le Gouvernement libyen à appliquer pareillement ces mesures, conformément aux obligations que lui font ses résolutions et la Charte des Nations Unies;

Présentation de rapports et réexamen

      15.   Prie le Secrétaire général de lui faire rapport tous les 60 jours au moins sur la mise en œuvre de la présente résolution;

      16.   Se déclare prêt à réexaminer le bien-fondé des mesures énoncées dans la présente résolution en vue de les renforcer, de les modifier, de les suspendre ou de les lever, et à revoir le mandat de la MANUL, selon que de besoin, en fonction de l’évolution de la situation en Libye, et en particulier de l’issue du dialogue engagé sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies;

      17.   Décide de rester activement saisi de la question.

 

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