Le Conseil de sécurité demande le renforcement de la protection des journalistes, de plus en plus victimes d’attaques meurtrières dans les zones de conflit
En présence de Mariane Pearl, veuve de Daniel Pearl, journaliste du Wall Street Journal enlevé et décapité au Pakistan en 2002, qui a pris part au débat, le Conseil de sécurité a demandé aujourd’hui le renforcement de la protection des journalistes en période de conflit, après avoir entendu une soixantaine de délégations souligner l’importance et les périls toujours plus grands auxquels ils font face dans l’exercice de leur métier. « Les journalistes sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain », a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la Lituanie, M. Linas Linkevičius, qui présidait cette réunion du Conseil consacrée à la protection des journalistes dans les situations de conflit. Entre 2006 et 2014, 334 journalistes ont été tués dans les différentes zones de conflit à travers le monde, ont rappelé de nombreux intervenants.
En adoptant à l’unanimité de ses membres la résolution 2222 (2015) portant sur le thème débattu, le Conseil de sécurité a condamné les violations et abus commis contre les journalistes, ainsi que l’impunité persistante dont bénéficient les auteurs de tels sévices. Selon le document de réflexion* distribué par la présidence lituanienne du Conseil, aucune condamnation n’est prononcée dans 90% des affaires ayant trait à des assassinats de journalistes.
Aux termes du texte adopté, reconnaissant que les journalistes peuvent jouer un rôle important dans la protection des civils et la prévention des conflits « en agissant en tant que mécanisme d’alerte rapide », le Conseil demande également aux États Membres d’instaurer des conditions de sécurité leur permettant de faire leur travail « de façon indépendante et sans ingérence excessive ». Dans cette résolution, qui est la deuxième à être axée sur la protection des journalistes après la résolution 1738 (2006), le Conseil affirme en outre que les activités d’un organe d’information libre et indépendant constituent l’un des fondements d’une société démocratique, et, « de ce fait, peuvent contribuer à la protection des civils ». Il souligne que les missions des Nations Unies devraient inclure dans leurs rapports des informations sur les actes de violence spécifiques perpétrés contre des journalistes et demande instamment la libération immédiate et sans condition des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé qui ont été enlevés ou pris en otage pendant un conflit armé.
Une situation de conflit et un environnement peu sûr ne doivent jamais servir de prétextes pour réduire des journalistes au silence, a déclaré, en ouvrant ce débat public du Conseil, le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson. « Au contraire, c’est précisément dans ces situations que les voix des sans-voix et les reportages tournés sur la ligne de front doivent être entendus haut et fort », a-t-il indiqué. Soulignant les défis distincts auxquels doivent faire face les journalistes, qu’ils soient correspondants étrangers ou journalistes locaux, femmes ou hommes, le Vice-Secrétaire général a encouragé le Conseil à explorer plusieurs pistes pour promouvoir leur sécurité. Il a ainsi plaidé pour la tenue de réunions régulières sur le sujet et l’inclusion de la liberté d’expression et de la sécurité des journalistes dans les réformes relatives au secteur judiciaire et aux droits de l’homme promues par les missions de l’ONU.
« Il est historique que le Conseil de sécurité fasse pour la première fois le lien entre le droit à la liberté d’expression et la nécessité de protéger les journalistes », s’est pour sa part félicité le Directeur général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), M. Christophe Deloire. Il a suggéré la création à l’ONU d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général sur la protection des journalistes, lequel serait chargé de contrôler le respect des deux résolutions précitées. « Le mandat de ce représentant spécial pourrait être défini sur le modèle de celui du Représentant spécial pour le sort des enfants en temps de conflit armé », a préconisé M. Deloire. Le Directeur général de RSF s’est inquiété de la situation en Syrie et en Iraq, où, dans les zones sous contrôle de Daech, un véritable « trou noir » de l’information s’est constitué. Il a indiqué qu’au cours des quatre années de conflit, 45 journalistes ont été tués en Syrie.
De son côté, Mme Pearl a assuré, au cours de son intervention, que les journalistes faisaient tout leur possible pour démanteler la base sur laquelle opèrent les terroristes, qui est celle de la haine. « Dans mon cas, cela s’est traduit par 13 années de combat au quotidien pour lutter contre la haine, la violence et l’ignorance, par l’empathie, la compassion et l’éducation », a-t-elle précisé. Estimant que Daech n’était que « la partie immergée de l’iceberg de l’intolérance », la journaliste a dénoncé le comportement de nombreux gouvernements. « Soixante pour cent des journalistes emprisonnés sont accusés d’avoir lutté ou incité à la lutte contre l’État qui s’en prend à eux », a-t-elle fait remarquer.
Si la Syrie continue d’être le lieu le plus meurtrier au monde pour les journalistes, a relevé le Ministre lituanien des affaires étrangères, les deuxième et troisième places en termes de danger « reviennent à l’Iraq et à l’Ukraine, en raison de la guerre parrainée par la Russie ». À l’instar d’un certain nombre de participants au débat, M. Linkevičius a souligné l’urgence de renforcer la mise en œuvre des normes juridiques existantes pour lutter contre l’impunité.
Plusieurs délégations ont avancé des propositions visant à améliorer la protection des journalistes, dont celle de l’Espagne, au nom de laquelle s’exprimait le Vice-Ministre des affaires étrangères du Gouvernement espagnol qui a souhaité que les attaques commises contre les journalistes dans des zones de conflit soient considérées comme des crimes de guerre. Ce point de vue a été partagé par le représentant de la France qui a expliqué qu’au titre des Conventions de Genève, les journalistes étaient des civils.
La délégation du Royaume-Uni a, pour sa part, invité le Conseil à « mettre à jour son concept du journalisme » au regard de la multiplication des sources d’information telles que les médias sociaux. « Il faut défendre les bloggeurs », a-t-il souligné, rappelant qu’au Bangladesh trois bloggeurs ont été assassinés cette année, ce qui a créé dans ce pays une culture de peur.
Plusieurs délégations se sont également alarmées du sort subi par des journalistes ressortissants de leurs pays. Parmi elles, celle de la Fédération de Russie a déploré que les correspondants des médias russes en Ukraine soient régulièrement mis dans des situations de danger extrême, certains ayant même perdu la vie, victimes d’attaques délibérées contre eux. Pour sa part, l’Envoyé spécial du Ministère des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a déclaré que « la guerre menée par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan avait fait des dizaines de milliers de victimes parmi les civils, y compris des journalistes, alors qu’ils effectuaient leur travail dans la zone de conflit ».
Le représentant du Tchad a condamné les crimes contre la presse tout en invitant les journalistes à respecter la déontologie de leur métier, notamment les principes d’impartialité et d’objectivité dans l’exercice de leurs fonctions. « Les médias doivent bien évaluer les risques qui se posent sur le terrain avant d’envoyer des correspondants dans des zones de conflit », a-t-il d’autre part ajouté. À cet égard, Mme Pearl a, en début de réunion, conseillé aux médias et aux organes de presse de se livrer à une « introspection », et elle a souligné la « grande confusion qui règne actuellement au sein de la profession de journaliste, en raison de la concurrence sur Internet et de la course aux scoops ».
La prochaine réunion du Conseil de sécurité aura lieu demain, jeudi 28 mai à 15 heures.
* S/2015/307
LA PROTECTION DES JOURNALISTES DANS LES SITUATIONS DE CONFLIT
Protection des civils en période de conflit armé
Lettre datée du 1er mai 2015, adressée au Secrétaire général par la Représentante permanente de la Lituanie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2015/307)
Texte du projet de résolution (S/2015/375)
Le Conseil de sécurité,
Ayant présent à l’esprit la responsabilité principale que la Charte des Nations Unies lui a assignée de maintenir la paix et la sécurité internationales, et soulignant qu’il importe de prendre des mesures pour prévenir et régler les conflits,
Réaffirmant ses résolutions 1265 (1999), 1296 (2000), 1674 (2006) et 1894 (2009) sur la protection des civils en période de conflit armé et sa résolution 1738 (2006) sur la protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé, ainsi que ses autres résolutions et les déclarations de son Président ayant trait à la question,
Réaffirmant son attachement aux buts énoncés aux paragraphes 1 à 4 de l’Article 1 de la Charte des Nations Unies et aux principes énoncés aux paragraphes 1 à 7 de l’Article 2 de la Charte, notamment son attachement aux principes d’indépendance politique, d’égalité souveraine, d’intégrité territoriale et de respect de la souveraineté de tous les États,
Rappelant les Conventions de Genève en date du 12 août 1949, en particulier la troisième Convention de Genève en date du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre et les Protocoles additionnels du 8 juin 1977, en particulier l’article 79 du Protocole additionnel I relatif à la protection des journalistes en mission professionnelle périlleuse dans les zones de conflit armé,
Reconnaissant que le travail des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé, les exposent souvent à des risques spécifiques tels qu’actes d’intimidation et harcèlement ainsi qu’à la violence en période de conflit armé,
Réaffirmant qu’il incombe au premier chef aux parties à un conflit armé de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la protection des civils touchés, y compris ceux qui, dans l’exercice de leur droit à la liberté d’expression, recherchent, reçoivent et diffusent des informations par différents moyens, tant en ligne qu’hors ligne, conformément à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Conscient du rôle important que joue le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient, dans le domaine de la protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé n période de conflit armé,
Considérant que c’est aux États qu’il incombe au premier chef de respecter et de garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens, ainsi que de toutes les personnes se trouvant sur leur territoire, comme le prescrit le droit international applicable,
Rappelant le droit à la liberté d’expression énoncé à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale en 1948 (« la Déclaration universelle ») et à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale en 1966 (« le Pacte »), et le fait que toute restriction dont il serait l’objet doit être édictée par la loi et être nécessaire pour les motifs exposés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte,
Gravement préoccupé par la fréquence des actes de violence perpétrés dans de nombreuses régions du monde contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé dans les conflits armés, en particulier les attaques délibérées commises en violation du droit international humanitaire,
Soulignant qu’il existe en droit international humanitaire des règles prohibant les attaques dirigées intentionnellement contre des civils qui, en période de conflit armé, constituent des crimes de guerre, et rappelant qu’il est impératif que les États mettent un terme à l’impunité des auteurs de ces attaques,
Ayant présent à l’esprit que l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes commis contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé en période de conflit armé demeure un obstacle important à leur protection, et que garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis à leur encontre est un élément clef en vue de prévenir de futurs attentats,
Reconnaissant que les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé peuvent jouer un rôle important dans la protection des civils et la prévention des conflits en agissant en tant que mécanisme d’alerte rapide pour détecter et signaler les situations qui pourraient déboucher sur un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique,
Réaffirmant qu’il condamne toutes les incitations à la violence contre des civils en période de conflit armé, et condamnant l’utilisation des médias aux fins d’inciter à la violence, au génocide, à des crimes contre l’humanité et à d’autres violations graves du droit international humanitaire,
Rappelant que les États parties aux Conventions de Genève ont l’obligation de rechercher les personnes présumées avoir commis, ou avoir donné l’ordre de commettre, une infraction grave auxdites Conventions et qu’ils doivent les déférer devant leurs propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité, ou peuvent, s’ils le préfèrent, les remettre pour jugement à un autre État intéressé à la poursuite, pour autant que celui-ci ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes,
Rappelant en outre que tous les États Membres doivent respecter l’obligation qui leur incombe de mettre fin à l’impunité, d’enquêter sur les cas de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire et d’en poursuivre les auteurs, et notant que la lutte contre l’impunité des crimes de droit international les plus graves, commis à l’encontre de civils, a été renforcée grâce à l’action et aux poursuites engagées contre les auteurs de ces crimes par la Cour pénale internationale conformément au principe de la complémentarité avec les juridictions nationales tel qu’énoncé dans le Statut de Rome, les tribunaux spéciaux et mixtes et les chambres spécialisées de juridictions nationales,
Se déclarant profondément préoccupé par la menace croissante que représente les groupes terroristes pour la sécurité des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé et condamnant fermement les meurtres, les enlèvements et les prises d’otages perpétrés par des groupes terroristes, quel qu’en soient les motifs, y compris lever des fonds ou obtenir des concessions politiques, et se déclarant déterminé à prévenir les enlèvements et les prises d’otages perpétrés par des groupes terroristes et à faire en sorte que les otages soient libérés sains et saufs sans qu’il soit versé de rançon ou accordé de concessions politiques, dans le respect du droit international applicable,
Mettant l’accent sur la contribution que les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales, s’il y a lieu, peuvent apporter aux efforts internationaux de promotion et de protection des droits de l’homme, ainsi qu’à la protection des civils, y compris des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé, notamment par le biais de la surveillance et du signalement des violations et des sévices ainsi que par la fourniture d’un appui aux gouvernements dans les efforts qu’ils déploient pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, et aux fins du renforcement de la lutte contre l’impunité pour les crimes commis à l’encontre de civils, y compris les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé,
Conscient de l’importance que revêt, pour la protection des civils en période de conflit armé, une démarche globale, cohérente et privilégiant l’action, y compris au début des préparatifs. Soulignant à cet égard la nécessité d’adopter une stratégie générale de prévention des conflits, qui s’attaque aux causes profondes des conflits armés de manière exhaustive afin d’améliorer durablement la protection des civils, y compris par la promotion du développement durable, de l’élimination de la pauvreté, de la réconciliation nationale, de la bonne gouvernance, de la démocratie, de l’état de droit et du respect et de la protection des droits de l’homme,
Reconnaissant l’importance du rôle que les organisations régionales et sous-régionales peuvent jouer en assurant la protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé et l’importance d’une bonne coopération entre l’Organisation des Nations Unies et ces organisations,
Reconnaissant également les risques spécifiques auxquels sont exposés les femmes journalistes, les professionnelles des médias et le personnel associé dans l’exécution de leurs fonctions, et soulignant, dans ce contexte, qu’il importe de prendre en compte la problématique hommes-femmes dans les mesures visant à assurer leur sécurité en période de conflit armé,
Déclarant que s’il examine la question de la protection des journalistes en période de conflit armé, c’est parce que c’est une question urgente et importante, et estimant que le Secrétaire général peut jouer un rôle utile en fournissant des renseignements supplémentaires sur la question,
1. Condamne toutes les formes de violations et d’abus commis contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé en période de conflit armé et demande à toutes les parties à des conflits armés de mettre fin à de telles pratiques;
2. Affirme que les activités d’un organe d’information libre et indépendant constituent l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et, de ce fait, peuvent contribuer à la protection des civils;
3. Rappelant à cet égard que les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit armé doivent être considérés comme des civils, et doivent être respectés et protégés en tant que tels, à la condition qu’ils n’entreprennent aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles, et cela sans préjudice du droit des correspondants de guerre accrédités auprès des forces armées de bénéficier du statut de prisonnier de guerre prévu par l’article 4.A.4 de la troisième Convention de Genève;
4. Condamne fermement la persistance de l’impunité des auteurs de violations et de sévices commis à l’encontre de journalistes, de professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé, laquelle impunité peut contribuer à la répétition de ces crimes;
5. Souligne que les États ont la responsabilité de s’acquitter de l’obligation que leur fait le droit international de mettre fin à l’impunité et de traduire en justice quiconque est responsable de violations graves du droit international humanitaire;
6. Exhorte les États Membres à prendre les mesures voulues pour traduire en justice les auteurs de crimes commis contre des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé en menant des enquêtes impartiales, indépendantes et efficaces sur le territoire relevant de leur juridiction;
7. Rappelle l’injonction qu’il a adressée à toutes les parties à un conflit armé de se conformer strictement aux obligations mises à leur charge par le droit international concernant la protection des civils, y compris les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé;
8. Demande instamment la libération immédiate et sans condition des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé qui ont été enlevés ou pris en otage pendant un conflit armé;
9. Demande également instamment à toutes les parties concernées, en période de conflit armé, de respecter l’indépendance professionnelle et les droits des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé qui sont des civils;
10. Rappelle que le matériel et les installations des médias sont des biens de caractère civil et, en tant que tels, ne doivent être l’objet ni d’attaque ni de représailles, tant qu’ils ne constituent pas des objectifs militaires;
11. Reconnaît que l’éducation et la formation au droit international humanitaire peuvent jouer un rôle important en appuyant les efforts visant à prévenir ou à faire cesser les attaques contre les civils touchés par les conflits armés, y compris les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé;
12. Souligne que les missions de maintien de la paix des Nations Unies et les missions politiques spéciales, lorsqu’il y a lieu, devraient inclure dans les rapports qu’elles doivent établir des informations sur les actes de violence spécifiques perpétrés contre des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé;
13. Demande instamment à toutes les parties à un conflit armé de tout faire pour empêcher que des violations du droit international humanitaire soient commises contre des civils, y compris les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé;
14. Demande aux États Membres d’instaurer et de préserver, en droit et en fait, des conditions de sécurité permettant aux journalistes, aux professionnels des médias et au personnel associé de faire leur travail de façon indépendante et sans ingérence excessive;
15. Insiste sur la nécessité de garantir une coopération et une coordination plus étroites au niveau international, y compris entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations internationales, régionales et sous-régionales concernées, notamment en fournissant une assistance technique et un renforcement des capacités, pour ce qui est de promouvoir et d’assurer la sécurité des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé;
16. Encourage l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales à échanger des données d’expérience sur les bonnes pratiques et les enseignements tirés en matière de protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé et, en étroite coopération, d’améliorer l’application cohérente et effective du droit international humanitaire applicable et de ses résolutions pertinentes, y compris celles relatives à la protection des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé en période de conflit armé;
17. Invite les États qui ne l’ont pas encore fait à envisager de devenir parties dès que possible aux Protocoles additionnels I et II de 1977 se rapportant aux Conventions de Genève;
18. Réaffirme qu’il continuera d’examiner la question de la protection des journalistes en période de conflit armé;
19. Prie le Secrétaire général de consacrer systématiquement en tant que point subsidiaire dans ses rapports sur la protection des civils en période de conflit armé une section à la question de la sûreté et de la sécurité des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé, y compris aux mesures prises pour les protéger face à une menace imminente, et de veiller à ce que les informations sur les attaques et violences perpétrées contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé et les mesures préventives qui ont été prises pour empêcher tout incident de ce genre figurent expressément dans les rapports de pays pertinents.
Déclarations
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que les années qui viennent de s’écouler ont vu une augmentation préoccupante du nombre de journalistes tués dans des situations de conflit. « Sur les 593 cas de journalistes tués entre 2006 et 2013, 273 l’ont été dans des zones de conflit », a-t-il dit, ajoutant que les journalistes étaient de plus en plus visés et menacés par des groupes terroristes et criminels. S’il a affirmé que les récents assassinats de journalistes, dont des journalistes occidentaux en Syrie, ont retenu l’attention du monde, il a rappelé que 95% des journalistes tués dans des zones de conflit étaient des journalistes locaux, dont la mort était moins médiatisée.
Une situation de conflit et un environnement peu sûr ne doivent jamais servir de prétextes pour réduire des journalistes au silence, a-t-il dit. « Au contraire, c’est précisément dans ces situations que les voix des sans-voix et les reportages tournés sur la ligne de front doivent être entendus haut et fort. » Le Vice-Secrétaire général a ensuite indiqué que la protection des journalistes exigeait une approche multifactorielle, les défis auxquels font face les journalistes de guerre étant par exemple différents de ceux que rencontrent les autres journalistes. « Les préoccupations sécuritaires des correspondants étrangers diffèrent de celles des journalistes locaux, et les femmes journalistes sont confrontées à des difficultés très différentes de celles que rencontrent leurs collègues masculins », a dit M. Eliasson. Il a également déclaré qu’il fallait aussi remédier à la corruption, à l’intimidation et à la faiblesse des systèmes judiciaires. « Les menaces et attaques contre les journalistes sont commises par des acteurs étatiques et non étatiques », a-t-il souligné, ajoutant que la sécurité des journalistes dans des zones exemptes de conflit était également une source de préoccupation.
« Le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité vise à répondre à ces défis », a indiqué M. Eliasson, précisant que ce Plan était implanté dans plusieurs pays dont l’Iraq, le Népal, le Pakistan et le Soudan du Sud. Le Vice-Secrétaire général a ensuite souligné le rôle critique que pouvait jouer le Conseil pour promouvoir la sécurité des journalistes et l’a invité à explorer cinq pistes à cette fin.
« Premièrement, le Conseil doit condamner sans équivoque et fermement le meurtre de journalistes dans des situations de conflit, y compris celui de journalistes locaux. » En second et troisième lieu, M. Eliasson a invité le Conseil à tenir des réunions régulières sur la protection des journalistes et à prévoir dans le mandat de ses missions, et notamment dans leur volet consacré à la protection des civils, des dispositions relatives à la sécurité des journalistes. Les missions autorisées par le Conseil doivent aussi faire en sorte que la liberté d’expression et la sécurité des journalistes fassent partie intégrante des réformes relatives au secteur judiciaire et à la promotion des droits de l’homme, a-t-il préconisé, au titre de son quatrième point. Enfin, M. Eliasson a encouragé le Conseil de sécurité à avaliser et soutenir le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.
M. Eliasson a conclu son intervention en indiquant que le système de l’ONU continuerait d’appuyer le Conseil dans ses efforts, y compris en attirant son attention sur les situations préoccupantes et ce, « de manière rapide et proactive ». « Il est de notre responsabilité de protéger les voix de ceux qui tirent la sonnette d’alarme et informent le monde sur les situations portant atteinte à la paix et à la sécurité internationales », a-t-il dit.
M. CHRISTOPHE DELOIRE, Directeur général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), a entamé son intervention en citant l’exemple de Raad Mohamed Al-Azaoui, un caméraman qui a été assassiné en public à Samarra, le 10 octobre 2014, aux côtés de son frère et de deux autres civils. Il est, a dit M. Deloire, un des 66 journalistes tués l’an dernier dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions.
Ce jour est historique pour la protection des journalistes, mais au-delà, pour la liberté de la presse, a-t-il estimé, précisant que le texte que s’apprêtait à approuver le Conseil de sécurité faisait référence au droit à la liberté d’expression, tel que prévu par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Il est historique, a-t-il dit, que le Conseil de sécurité fasse pour la première fois le lien entre le droit à la liberté d’expression et la nécessité de protéger les journalistes. En 10 ans, plus de 700 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, a ajouté M. Deloire, jugeant que la résolution 1738 (2006) n’a pas suffi à résoudre le problème de l’insécurité dans laquelle travaillent les journalistes. Reporters sans frontières demande ainsi la mise en place d’un mécanisme de contrôle efficace, a-t-il poursuivi.
En outre, l’ONG sollicite la création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général sur la protection des journalistes, lequel sera chargé d’assurer le suivi et de contrôler le respect par les États Membres des obligations fixées par la résolution 1738 (2006) et la résolution que le Conseil de sécurité va adopter aujourd’hui. Le mandat de ce représentant spécial, a-t-il précisé, pourra être défini sur le modèle du Représentant spécial pour le sort des enfants en temps de conflit armé.
Rappelant en particulier que plus de 90% des crimes commis contre les journalistes demeurent impunis, M. Deloire a considéré que l’ONU pouvait diligenter de véritables enquêtes. Il s’est dit satisfait que la nouvelle résolution fasse mention du rôle de la Cour pénale internationale (CPI) dans la poursuite et le jugement des auteurs de crimes de guerre.
Le Directeur général de RSF a également expliqué qu’en Syrie et en Iraq, dans la zone sous contrôle de Daech, un « trou noir » de l’information s’est constitué. De la même manière que des trous noirs de l’univers, la lumière ne saurait sortir, les journalistes ne parviennent plus à y effectuer de reportages ni à y diffuser leurs informations.
Au cours des quatre années de conflit, 45 journalistes ont été tués en Syrie, et, depuis l’été 2014, au moins 3 journalistes y ont été tués, 15 sont morts depuis 2013, et de nombreux professionnels de la presse ont été victimes d’enlèvements, de prises d’otages ou de disparitions forcées.
Les États membres du Conseil de sécurité doivent faire preuve de cohérence avec le vote qu’ils vont exercer aujourd’hui et initier un processus concret visant à faire comparaître les auteurs de crimes contre les journalistes devant la justice internationale, a déclaré M. Deloire.
Ce projet de résolution évoque, et c’est un point positif, la liberté de l’information « en ligne » et « hors ligne ». Mais, a-t-il ajouté, il convient d’étendre explicitement le champ à tous les journalistes dignes de ce nom.
Par ailleurs, a estimé M. Deloire, le Conseil de sécurité devra assigner des obligations aux États au-delà des situations de conflit armé. Plus de 150 journalistes professionnels et 170 journalistes non professionnels sont en prison à travers le monde pour avoir simplement voulu lever un coin du voile sur la réalité de leur pays et celle du monde, a-t-il expliqué.
Tant qu’ils sont derrière les barreaux, ce sont des millions de personnes, et même des centaines de millions, qui sont privés de leurs enquêtes et de leurs reportages, a-t-il noté, avant de conclure: « le journalisme doit permettre aux êtres humains d’envisager l’altérité et de saisir la logique de l’autre. Sans cela aucune paix digne de ce nom n’est envisageable ».
Mme MARIANE PEARL, veuve de Daniel Pearl, journaliste du Wall Street Journal enlevé et décapité au Pakistan en 2002, a décrit les journalistes comme des personnes déterminées « qui supportent de plus en plus à elles seules le poids de nos démocraties ». Elle a salué le courage de ces professionnels, au moment où ils ne bénéficient plus de l’ancienne règle tacite qui voulait qu’ils soient perçus comme des gens exerçant une profession neutre aux points de vue équitables. Nous sommes en danger, a-t-elle prévenu en invitant à s’interroger « pour quelle forme de journalisme acceptons-nous de mourir finalement? ». Elle a souligné le côté invisible du courage dont font preuve les journalistes, et a nié qu’ils soient en quête d’une quelconque forme de célébrité ou en quête de poussées d’adrénaline.
Aujourd’hui, la confusion est grande dans notre profession, a dit Mme Pearl, invoquant la concurrence qui existe sur Internet et la course aux scoops. Elle a conseillé aux médias et aux organes de presse de se livrer à une introspection. Elle a dit qu’elle voulait s’adresser aux journalistes qui ont le courage de confronter la réalité, ceux qui veulent honorer les valeurs essentielles de leur métier, comme celle de donner une voix à ceux qui ne sont pas entendus et résister à l’influence des pouvoirs établis. « Nous sommes ceux qui informent le public et les décideurs politiques pour qu’ils fassent des choix informés, ceux qui informent le monde sur les atrocités commises par Daech en Iraq et en Syrie, par Boko Haram au Nigéria et dans les pays avoisinants, et par les cartels de drogue au Mexique et en Amérique centrale. »
Au-delà de nos différences, nous partageons un terreau commun que les terroristes essaient de détruire, a prévenu la journaliste. Elle a dénoncé le discours de ces terroristes et les slogans et étiquettes qu’ils placardent, et elle s’est inquiétée surtout qu’ils profitent des faiblesses des sociétés humaines actuelles. « Nous faisons face à un groupe de militants suffisamment déshumanisés pour s’attaquer à des journalistes innocents », a souligné Mariane Pearl.
Mme Pearl a assuré que les journalistes faisaient tout leur possible, avec les outils à leur disposition, pour démanteler et détruire la base sur laquelle opèrent les terroristes, c’est-à-dire la haine. Dans mon cas, a-t-elle indiqué, cela s’est traduit par 13 années de combat au quotidien pour lutter contre la haine, la violence et l’ignorance, par l’empathie, la compassion et l’éducation. Elle a regretté que les journalistes soient trop souvent traités comme des combattants ennemis et des espions. Ce phénomène affecte en majorité les journalistes jeunes et indépendants qui vont hors des sentiers battus et font un travail que les médias de masse sont réticents à faire, a-t-elle fait observer. En outre, a-t-elle ajouté, les femmes exerçant ce métier fournissent plus de la moitié des nouvelles reçues par le grand public mais, ce faisant, elles souffrent de la violence sexuelle, des cyberattaques et de menaces visant leurs familles et leurs enfants.
Estimant que Daech n’est que la partie immergée de l’iceberg de la haine et de l’intolérance, la journaliste a montré du doigt le comportement de nombreux gouvernements: 60% des journalistes emprisonnés sont accusés d’avoir lutté ou incité à la lutte contre l’État, a-t-elle indiqué. En 2014, l’impunité couvrant les meurtres de journalistes a atteint le taux effrayant de 96% de journalistes tués sans qu’aucune poursuite ne soit engagée contre leurs assassins, a-t-elle dénoncé. Elle a aussi déploré les lois antiterroristes qui, dans la plupart des pays du monde, sont utilisées pour museler la presse.
Mme Pearl a ensuite évoqué les cas de la journaliste russe Anna Politkovskaya, assassinée devant son domicile en 2006, de l’américaine Marie Colvin tuée à Homs, en Syrie en 2012, et de la mexicaine Lydia Cacho, qui a révélé le scandale de la pédophilie au Mexique et subi de ce fait un viol, des actes de torture, avant d’être menacée de mort. Elle a aussi cité la photographe Nicole Tung qui, assurant la couverture du conflit en Syrie, a expliqué les risques multiples courus par les reporters sur le terrain.
Mme Pearl a regretté que les journalistes puissent de moins en moins travailler de manière indépendante, à cause de la propagande des gouvernements et des groupes terroristes. Elle a constaté que des journalistes sont souvent pris pour cible et tués pour leur couverture du terrorisme, tandis que d’autres sont censurés et emprisonnés par les gouvernements qui cherchent à combattre ce même terrorisme. Cette année, 25 journalistes sont morts, la majorité d’entre eux victimes d’assassinats, a précisé Mariane Pearl. Elle a donc plaidé pour que soit mis fin à l’impunité et, tout en saluant les efforts de États Membres qui se sont mis d’accord sur la question de la sûreté des journalistes par le biais de résolutions, elle a demandé que davantage soit fait dans ce sens. Elle a ainsi demandé au Conseil de sécurité d’avertir les États qu’ils ne peuvent pas se servir de la question de leur sécurité nationale comme prétexte pour emprisonner, harceler ou censurer les journalistes.
M. LINAS ANTANAS LINKEVIČIUS, Ministre des affaires étrangères de la Lituanie, a noté que l’on dépend de plus en plus d’une information en temps réel pour prendre des décisions, réagir aux situations urgentes et mobiliser l’assistance sur le plan international. « Les journalistes sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain », a-t-il dit tout en déplorant qu’ils travaillent de plus en plus en mettant leur vie en péril. Depuis 1992 en effet, 129 journalistes sont morts dans l’exercice de leur métier. Ces professionnels jouent le rôle de mécanisme d’alerte précoce, car les violations de droits de l’homme prédisent souvent des conflits qui couvent et ensuite explosent, a remarqué le Ministre.
Faisant remarquer que les reporteurs doivent se placer au cœur de l’action pour faire leur travail, il a souligné qu’ils repoussent constamment les limites de leur propre sécurité. En outre, la propagation de l’extrémisme radical et du terrorisme repousse toujours plus loin cette limite, a-t-il dit en citant les cas de journalistes qui ont été décapités comme Daniel Pearl, James Foley, Steven Sotloff et Kenji Goto, tous victimes de la barbarie la plus immonde. M. Linkevičius a aussi parlé des femmes journalistes qui sont particulièrement exposées aux risques, ainsi que les journalistes locaux qui représentent 90% de ceux qui sont tués dans les situations de conflit. La Syrie continue d’être le lieu le plus meurtrier au monde pour les journalistes, a constaté M. Linkevičius en rappelant les 80 journalistes qui y sont morts en couvrant le conflit depuis 2011. Les deuxième et troisième places en termes de danger « reviennent à l’Iraq et à l’Ukraine, en raison de la guerre parrainée par la Russie », a-t-il ajouté.
Invoquant « la nécessité de garantir la liberté de la presse et la liberté d’expression », le Ministre lituanien a demandé que soit renforcé le cadre juridique international de protection des journalistes. Il a aussi souligné l’urgence de renforcer la mise en œuvre des normes juridiques pour combler les lacunes existant en termes de reddition de la justice. Il a appelé les États à respecter leurs obligations afin d’éviter l’impunité, ce qui implique une obligation d’enquêter, de poursuivre et de punir les attaques contre les journalistes. La responsabilité des agences de presse et des médias devrait aussi être renforcée, a ajouté le Ministre, notamment en ce qui concerne les journalistes indépendants et le personnel local dont la sécurité doit être assurée. Il en est de même en ce qui concerne les « bloggers » qui sont de plus en plus pris pour cible.
« Les attaques contre les journalistes sont, comme toute attaque contre des civils, des attaques contre l’humanité », a estimé le Ministre lituanien. Il a remercié l’appui manifesté envers le projet de résolution proposé par sa délégation, soulignant le devoir qu’a le Conseil de « protéger tous ceux qui risquent leur vie pour divulguer la vérité ». Il a ensuite dénoncé « la propagande et les restrictions aux activités des médias qui entrainent la désinformation ». La propagande ciblée devient une arme de guerre supplémentaire, a-t-il prévenu. Il a conclu en citant le philosophe français Helvétius qui avait dit: « limiter la liberté de la presse, c’est insulter une nation; interdire la lecture de certains livres, c’est déclarer que les habitants sont soit des imbéciles soit des esclaves ».
M. IGNACIO YBÁÑEZ, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Espagne, a indiqué que la liberté d’expression et d’informer était l’oxygène des sociétés démocratiques. Il a souligné les difficultés que rencontrent les journalistes dans leur travail, leur quête de vérité pouvant entrer en conflit avec les intérêts des pouvoirs en place. Très souvent, les journalistes sont la seule voix dont disposent les victimes d’abus et de violences, a-t-il dit. Le Vice-Ministre a aussi rappelé que les journalistes avaient modifié l’ordre du jour du Conseil de sécurité, en attirant l’attention du monde sur la protection des civils par temps de conflit et les violences sexuelles.
En 2014, le nombre d’enlèvements de journalistes a augmenté de 30%, a-t-il déploré. M. Ybáñez a indiqué que les groupes terroristes ciblaient les journalistes en raison de leur détestation du pluralisme et de leur aspiration à créer des États totalitaires. Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Espagne a ensuite souhaité que le travail des médias soit publiquement reconnu, et il a salué à ce titre la tenue de la réunion de ce jour par le Conseil de sécurité. Puis, il a demandé la ratification, par tous les États, des instruments internationaux pertinents relatifs à la protection des journalistes.
« Il est essentiel que nous prenions en compte les propositions des médias concernant les mesures à adopter pour améliorer leur protection », a dit M. Ybáñez. Il a avancé l’idée que les attaques commises contre les journalistes dans des zones de conflit soient considérées comme des crimes de guerre. « À cet égard, il faudrait plus d’échanges entre le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) et ce Conseil », a-t-il estimé. Il a ensuite attiré l’attention sur « l’exode forcé » auquel sont soumis les journalistes en raison des menaces de violence et d’intimidation formulées à leur endroit dans de nombreuses parties du monde. M. Ybáñez a en outre demandé que la protection des médias soit intégrée dans les mandats des missions de paix autorisées par le Conseil. En conclusion, il a invité les États Membres à évaluer l’efficacité des efforts de l’ONU relatifs à la protection des journalistes.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a salué le courage dont ont fait preuve Mme Marianne Pearl, la veuve du journaliste assassiné Richard Pearl, et son fils, qui était également présent dans la salle du Conseil de sécurité. Elle a rappelé que des journalistes sont tués aujourd’hui en Syrie et en Iraq. « Le régime d’Assad et des acteurs non étatiques, comme Daech, visent les journalistes », a accusé Mme Power.
Une forte présence de la presse peut jouer un rôle dans la médiation des conflits et relater les violations des droits de l’homme, comme on le voit aujourd’hui au Burundi, a-t-elle expliqué. La représentante des États-Unis a mis l’accent sur la nécessité de condamner les gouvernements ou les acteurs non étatiques qui s’attaquent aux journalistes, ainsi que les lois qui sapent la liberté de la presse.
De même, convient-il, a-t-elle estimé, de donner aux journalistes les outils nécessaires pour qu’ils puissent assurer leur propre protection. Enfin, il faut faire en sorte que les auteurs d’attaques contre les journalistes soient traduits en justice, et il faut aider à mettre en œuvre des programmes pour protéger des journalistes dans les zones de conflit, où ils sont particulièrement visés, a préconisé la représentante des États-Unis.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a dit que son pays condamnait de la façon la plus énergique les actes de violence commis contre les journalistes en temps de conflit armé. Pendant les 51 jours qu’a duré l’agression israélienne contre la bande de Gaza au cours de l’été 2014, 17 des 2 220 civils tués étaient des journalistes, a-t-il rappelé.
Le représentant a souligné que la protection des journalistes était une priorité du Venezuela. M. Ramirez a dénoncé les grands groupes médiatiques qui, a-t-il dit, monopolisent l’information, notamment dans les zones de conflit et la diffusent en tout en la déformant afin de manipuler l’opinion. Il a appelé à établir une différence claire entre les journalistes et les grands groupes de médias.
M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a indiqué que lancer des poursuites effectives contre les acteurs non étatiques responsables d’attaques contre des journalistes était un moyen efficace de lutter contre l’impunité. L’adoption de la résolution 1738 (2006) a suscité beaucoup d’espoir, même si son application n’a pas répondu à toutes les attentes, a-t-il dit. « Les violences contre les journalistes n’ont malheureusement pas diminué », a poursuivi le délégué du Tchad, rappelant que 61 journalistes ont perdu la vie au cours de la seule année 2014. Il a déclaré que l’adoption de la résolution aujourd’hui soumise au Conseil de sécurité était un signal fort, et il a souligné l’importance du rôle que jouent les organisations internationales dans le renforcement de la protection des journalistes. À ce titre, le représentant du Tchad a salué l’attention accordée par l’UNESCO et le Conseil des droits de l’homme à cette question. Il a ensuite invité les journalistes à respecter les principes d’impartialité et d’objectivité dans l’exercice de leurs fonctions. « Les médias doivent bien évaluer les risques qui se posent sur le terrain avant d’envoyer des correspondants dans des zones de conflit », a ensuite recommandé le représentant en concluant son intervention.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a rappelé que depuis l’adoption, par le Conseil de sécurité, de la résolution 1738 (2006) portant sur la protection des journalistes, plus de 60 journalistes en moyenne sont tués chaque année, la plupart du temps au cours de conflits. Il a aussi déploré le fait que 25 journalistes aient déjà trouvé la mort en cette année 2015, plaidant pour la fin de l’impunité qui entoure trop souvent le meurtre de journalistes, et regrettant que dans 9 cas sur 10, il n’y ait pas d’action judiciaire lancée contre les responsables de ces crimes.
M. Van Bohemen a relevé que la responsabilité de lancer une action judiciaire contre les auteurs de crimes de journalistes incombe d’abord aux autorités nationales des États où se produisent ces meurtres, et il a indiqué qu’en temps de conflit ou si un État Membre est dans l’incapacité d’agir, il existe des mécanismes d’assistance, y compris par le biais d’organisations régionales. Le représentant a salué le renforcement du suivi de la protection des journalistes par l’ONU, notant en outre que les journalistes locaux sont parmi les plus vulnérables, et représentant ainsi la majorité des victimes. M. Van Bohemen a par ailleurs fait observer que se produisent des mutations inhérentes au métier de journaliste, avec notamment l’émergence de « journalistes citoyens » qui sont souvent la seule source d’information dans des zones placées sous le contrôle de terroristes et d’autres acteurs non étatiques. Il a souhaité que leur travail soit également pris en compte, rappelant par exemple qu’en Syrie, pas moins de 130 « journalistes citoyens » ont été tués depuis le début du conflit.
M. FRANCOIS DELATTRE (France) a rappelé que le 7 janvier dernier, « deux terroristes ont attaqué à l’arme lourde le siège du journal Charlie Hebdo, assassinant 12 personnes et en blessant 11 autres ». Il a ensuite indiqué que « quand un journaliste est assassiné, c’est la liberté d’expression qui est visée », ajoutant qu’une presse libre et indépendante constitue un des fondements essentiels des sociétés démocratiques. Le représentant a également rappelé qu’une centaine de journalistes, professionnels ou non, ont été tués en Syrie depuis le début du conflit, dont 4 Français. Il a ajouté qu’« aux persécutions du régime s’ajoutent désormais la barbarie de Daech », un groupe terroriste qui n’hésite pas à médiatiser des exécutions de journalistes. Si les terroristes s’attaquent à eux, a-t-il poursuivi, c’est que les journalistes représentent tout ce que Daech cherche à éradiquer: la liberté, le pluralisme, la culture, la démocratie. En Iraq et en Syrie, « ils cherchent à créer un trou noir, d’où l’information ne peut plus sortir ».
M. Delattre a par ailleurs souligné qu’il est de la responsabilité première des gouvernements de protéger les journalistes, et de leur permettre d’accomplir leur travail sans entrave et de façon indépendante. Cela passe notamment par la lutte contre l’impunité pour les auteurs de violences, a-t-il plaidé. Il a déclaré que les États doivent systématiquement enquêter, appréhender et juger les responsables de crimes contre la presse. « La Cour pénale internationale peut aussi jouer un rôle », a ajouté le représentant qui a expliqué qu’au titre des Conventions de Genève, les journalistes sont des civils, et que de ce fait, « leur assassinat peut donc constituer un crime de guerre en vertu du Statut de Rome ». Il a aussi invité la communauté internationale, et notamment le Conseil de sécurité, à réfléchir et agir pour protéger les journalistes, plaidant par exemple afin que les opérations de maintien de la paix assurent la protection des journalistes, en tant que civils menacés. Il a aussi fait observer que la majorité des persécutions contre les journalistes interviennent dans des pays en paix, estimant qu’au vu de cette réalité, le Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, élaboré sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en 2012, est une excellente initiative qui doit être mise en œuvre par l’ensemble du système des Nations Unies. M. Delattre a également rappelé que la liberté d’informer est au cœur de toute démocratie.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a indiqué que l’adoption de la résolution soumise aujourd’hui au Conseil de sécurité permettrait de renforcer la protection des journalistes en période de conflit. Elle a salué « le travail remarquable accompli par les journalistes au service de la vérité ». Puis, elle s’est dite très préoccupée par les attaques contre des journalistes commises de manière délibérée par des acteurs non étatiques, dont le groupe terroriste Daech. La prévalence d’une culture d’impunité est un facteur clef qui encourage la commission de violence contre les journalistes, a-t-elle dit. Elle a rappelé qu’un certain nombre de journalistes sont déjà morts en cette année 2015. « Les journalistes contribuent à la protection des civils en documentant les violences commises à leur endroit en période de conflit et en étayant les demandes de réparation qui peuvent être émises contre les responsables », a dit la représentante de la Malaisie en invitant le Conseil à poursuivre les efforts qu’il mène en vue de l’amélioration de la protection des journalistes en période de conflit.
M. EIHAB OMAISH (Jordanie) a constaté que le monde était témoin d’une augmentation sans précédent du nombre de professionnels de la presse victimes de violences, précisant que les journalistes de sexe féminin étaient la cible des pires violences sexuelles et physiques imaginables. La cause de ces attaques est la nature même du travail qu’effectuent les journalistes, a-t-il estimé.
Le représentant de la Jordanie a mis l’accent sur la nécessité de relever le défi que pose la lutte contre l’impunité des auteurs d’attaques contre les journalistes et les médias. La communauté internationale doit créer des commissions d’enquête, de contrôle et de collecte d’informations sur la question, a-t-il recommandé. Il est temps d’étudier à nouveau le projet de convention internationale sur la protection des journalistes et des professionnels qui mènent des tâches dangereuses liées à la collecte et la diffusion de l’information, a préconisé le représentant.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a déclaré que la protection des journalistes en période de conflit ou de paix était une nécessité. Il s’est dit préoccupé par le harcèlement grandissant dont sont victimes les journalistes, comme cela est le cas au Burundi. Plus de journalistes sont morts en France lors de l’attaque contre les locaux de Charlie Hebdo que dans n’importe quelle zone de conflit, a-t-il ensuite affirmé. Le délégué du Royaume-Uni a déploré que dans 95% des cas de meurtres de journalistes les auteurs de ces crimes ne soient pas poursuivis et condamnés.
Il a ensuite invité le Conseil à « mettre à jour son concept du journalisme » au regard de la multiplication des sources d’information telles que les médias sociaux. « Il faut défendre les bloggeurs », a-t-il souligné, rappelant qu’au Bangladesh trois bloggeurs ont été assassinés cette année, ce qui a créé dans ce pays une culture de peur. Le délégué du Royaume-Uni s’est ensuite félicité que la résolution adoptée ce jour reconnaisse la contribution des journalistes à la protection des civils. Ils braquent en effet leurs projecteurs sur les souffrances des civils, comme c’est le cas en Syrie, a-t-il dit. « La protection des journalistes est dans l’intérêt de tous », a-t-il ajouté, estimant, en conclusion, qu’un pas important avait été franchi aujourd’hui avec l’adoption de la résolution.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que les États avaient la responsabilité principale d’assurer la protection des civils, y compris celle des journalistes, mais que la communauté internationale avait un rôle auxiliaire important à jouer. Les femmes journalistes font face à un danger supplémentaire, ce qui nécessite de considérer la question de la protection des journalistes sous la perspective hommes-femmes, a estimé le représentant.
M. Gaspar Martins a constaté que les violences commises contre les journalistes se perpétuaient et que leurs auteurs continuaient de jouir de l’impunité, un défi qu’il faut relever. Le délégué angolais a souligné le rôle qui incombe aux organisations régionales et sous-régionales pour garantir la protection des journalistes dans les zones de conflit et a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la coopération avec l’ONU.
Mme JOY OGWU (Nigéria) a indiqué que les journalistes bénéficiaient en théorie de la même protection que les civils en période de conflit. « Toutefois, les normes du droit international n’ont pas réussi à protéger les journalistes sur le terrain », a-t-elle regretté. Elle a ensuite indiqué que l’impunité dont jouissent les auteurs d’attaques contre les journalistes encourageait la commission d’agressions supplémentaires contre la presse. Elle a déclaré que l’adoption de la résolution 1738 (2006) avait été un jalon important, avant d’ajouter que la résolution de ce jour contenait un cadre adéquat en vue du renforcement de la protection des journalistes. La déléguée du Nigéria a ensuite relevé en le soulignant que la résolution adoptée ce jour prévoyait l’inclusion de la protection des journalistes dans le mandat des missions autorisées par le Conseil. Le Nigéria est très attaché à la liberté de la presse, a-t-elle dit, rappelant qu’une loi a été récemment adoptée dans son pays qui vise à renforcer davantage cette liberté. Enfin, elle a rappelé que la protection des journalistes exigeait un effort mondial concerté et l’engagement robuste de la communauté internationale.
M. WANG MIN (Chine) a déclaré que la Chine condamnait résolument tout acte commis contre les journalistes et professionnels des médias dans les zones de conflit, en particulier les attaques délibérées et les assassinats dont ils sont victimes. La protection des journalistes en temps de conflit armé fait partie intégrante de la protection des civils, a-t-il dit. Les parties belligérantes doivent faire montre de vigilance, et doivent respecter les Conventions de Genève et le droit international.
D’autre part, a poursuivi le représentant, les professionnels des médias doivent faire preuve d’éthique et de déontologie et respecter les coutumes locales, ainsi que la souveraineté et l’intégrité territoriale et les lois dans les pays où ils se trouvent, tout en évitant d’être parties à un conflit ou de se faire le porte-voix d’une des parties belligérantes. En outre, la communauté internationale doit coordonner sa lutte contre les attaques commises contre les journalistes, a préconisé le représentant.
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a déclaré que la résolution dont était aujourd’hui saisi le Conseil soulignait l’importance du travail accompli par les journalistes en période de conflit. Les agressions commises contre les journalistes constituent des attaques directes contre les droits de l’homme, a-t-il estimé. Il a jugé inacceptable l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs de crimes contre les professionnels de la presse. L’application du Plan des Nations Unies sur la protection des journalistes et la question de l’impunité est une mesure essentielle dont la mise en œuvre systématique permettrait de remédier aux abus actuels, a estimé le délégué du Chili.
Il a ensuite déclaré que la liberté de la presse participait au renforcement de la démocratie en éclairant les citoyens. Il a ajouté que le Chili est en faveur de l’inclusion de dispositions relatives à la protection des journalistes dans le mandat des missions autorisées par le Conseil de sécurité. En conclusion, il a salué la présidence lituanienne du Conseil de sécurité pour avoir inscrit la question cruciale de la protection des journalistes à l’ordre du jour du Conseil.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a estimé que dans les situations de conflit armé, la profession de journalistes restait l’une des plus dangereuses à exercer. La résolution 2222 (2015) qui vient d’être adoptée est le prolongement du texte fondateur dans ce domaine, qui est la résolution l738 (2006), a-t-il souligné, précisant que la protection des journalistes devait faire l’objet d’une attention particulière. Avec l’intégration d’internautes, la dilution de la notion de journaliste ne contribuera pas à améliorer les choses, a-t-il cependant prévenu.
Le représentant de la Fédération de Russie a dit que sa délégation était préoccupée par les enlèvements de journalistes par Daech et des groupes qui lui sont affiliés. Il a également exprimé sa préoccupation concernant la situation en Ukraine, où des journalistes, en particulier les correspondants des médias russes, sont non seulement mis en danger, mais aussi contraints de travailler dans des conditions de discrimination flagrantes, ce qui constitue des violations de leurs droits qui cependant passent inaperçues aux yeux des organisations qui devraient les protéger.
M. EDGARS RINKĒVIČS, Ministre des affaires étrangères de la Lettonie, a rappelé que le Conseil de sécurité a adopté en 2006 la résolution 1738 appelant à l’action en matière de protection des journalistes. Il a salué les initiatives du Conseil des droits de l'homme et de l’UNESCO dans ce domaine. Il s’est particulièrement félicité de l’adoption d’un Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, élaboré sous l’égide de l’UNESCO en 2012, qu’il a qualifié « d’outil de changement ». Le Ministre letton a dit que les attaques contre les journalistes constituaient une entrave au droit international humanitaire. Il a tout particulièrement souligné le défi que constituent les menaces croissantes lancées par les groupes terroristes contre les journalistes.
M. Rinkēvičs a espéré que la résolution adoptée aujourd’hui par le Conseil aidera à traduire les engagements à protéger les journalistes en réalité. Il a souligné la nécessité de mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes contre les journalistes en relevant le rôle que peut jouer à cet égard la Cour pénale internationale (CPI). Il a mis l’accent sur quatre éléments essentiels, qui sont: premièrement la volonté politique; ensuite en deuxième lieu, la nécessité d’une approche cohérente orientée vers l’action en matière de protection des civils, dont les journalistes; troisièmement, l’adoption d’une stratégie large de prévention des conflits s’appuyant sur les principes de la liberté d’expression et d’information et, enfin, quatrièmement, le renforcement du rôle des missions de maintien de la paix et de la coopération internationale et régionale aux fins de la protection des journalistes.
M. TOFIG F. MUSAYEV, Envoyé spécial du Ministère des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a déclaré que l’augmentation du niveau de la brutalité dans les conflits armés et le changement de la nature de la guerre et des menaces séparatistes et terroristes exigeaient que soient prises des mesures de protection des journalistes aux niveaux national et international. Il a ainsi mis l’accent sur la nécessité d’accroître la lutte contre l’impunité des auteurs de violations du droit international humanitaire.
L’Envoyé spécial du Ministère des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a également déclaré que « la guerre menée par l’Arménie contre son pays avait fait des dizaines de milliers de victimes parmi les civils, y compris des journalistes, victimes d’attaques délibérées alors qu’ils effectuaient leur travail dans la zone de conflit ». M. Musayev a dit que les auteurs de ces violations, dont des responsables politiques et militaires de l’Arménie, continuaient de jouir de l’impunité. Il a appelé la communauté internationale à jouer un rôle plus actif lorsque les autorités ne parviennent pas à prendre les mesures nécessaires pour garantir la reddition de comptes des auteurs de crimes de ce genre. M. Musayev a par ailleurs dénoncé l’intervention de la représentante des États-Unis concernant la situation des journalistes en Azerbaïdjan.
M. GUILHERME DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a indiqué qu’il fallait redoubler d’efforts pour lutter contre toute impunité dont pourraient jouir les auteurs d’attaques contre des journalistes. « Lorsque des médias sont mis en danger dans des situations de conflit, le Conseil a un rôle clef à jouer », a-t-il dit, ajoutant qu’il en allait autrement par temps de paix, d’autres organes de l’ONU jouant les premiers rôles. Puis, il a appelé à la préservation du principe d’anonymat des sources des journalistes. Le délégué du Brésil a souligné les dangers que posent à la vie privée les programmes de surveillance électronique. Il a, à ce titre, salué la résolution du Conseil des droits de l’homme qui établit un poste de Rapporteur spécial sur la vie privée. La première victime de la guerre est la vérité, a noté M. De Aguiar Patriota, soulignant qu’il est important de distinguer l’information de la propagande. Il a ensuite déploré le grand nombre de journalistes tués en période de conflit. « Nous avons tous un rôle à jouer pour améliorer la protection des journalistes », a-t-il conclu.
M. OLOF SKOOG (Suède) a relevé que la situation en Syrie est une illustration tragique des périls associés au travail de journaliste quand il est mené dans des zones de conflit dans lesquelles les violations des droits de l’homme ne sont pas documentées. Il a fait état de l’enlèvement, puis de la libération de deux journalistes suédois près de la localité de Yabroud en Syrie en 2013, déplorant que d’autres reporters étrangers n’aient pas eu la même chance. Il a invité la communauté internationale à s’assurer que les journalistes sont protégés, plaidant par exemple pour que cette protection soit introduite dans les mandats des missions de maintien de la paix et de consolidation de la paix. M. Skoog a aussi indiqué que l’impunité ne doit pas être tolérée, appelant les États à protéger les journalistes et à poursuivre les auteurs des crimes contre la profession devant les tribunaux et cours de justice. M. Skoog a également souhaité que les causes profondes de la violence à l’encontre des journalistes soient examinées. Il a déclaré que parfois, les abus que subit la presse peuvent apparaître comme des signes avant-coureurs d’un conflit naissant.
M. DAVID DONDUA (Géorgie) a indiqué que des journalistes étaient morts en 2008 dans son pays lors de la guerre entre la Géorgie et la Fédération de Russie. « Trois journalistes ont été tués et quatre blessés, y compris un journaliste néerlandais tué par un tir de missile russe sur des cibles civiles le 12 août 2008 », a dit le représentant. Il a rappelé qu’en avril 2014 les « troupes d’occupation » avaient illégalement détenu trois journalistes d’une chaîne de télévision géorgienne. « Aucun de ces cas n’a fait l’objet d’une investigation adéquate en raison du manque de volonté politique des auteurs », s’est-il plaint. Il s’est ensuite dit vivement préoccupé par les tentatives de manipulation de l’information et par l’impunité dont bénéficient les auteurs d’attaques contre les journalistes. « Nous pensons que l’ONU doit contrecarrer une tendance aussi inquiétante en déclarant sans équivoque qu’un régime d’occupation militaire ne saurait absoudre les parties prenantes de leur responsabilité de promouvoir un environnement permettant aux journalistes de travailler en toute indépendance », a dit le représentant. Enfin, il s’est dit en faveur de la protection particulière de journalistes, qui devrait être inscrite dans les mandats des missions de l’ONU.
M. YOSHIFUMI OKAMURA (Japon) s’est félicité de l’adoption aujourd’hui par le Conseil de sécurité d’une nouvelle résolution sur la protection des journalistes alors que 27 d’entre eux ont déjà été tués depuis début de l’année 2015, selon les informations fournies par le Comité pour la protection des journalistes. Rappelant que le mandat de protection des civils est partie intégrante des mandats de 10 missions de maintien de la paix, le représentant du Japon a dit que les journalistes étaient d’abord des civils. Il a jugé essentiel que les opérations de maintien de la paix (OMP) s’appliquent à protéger les journalistes en rappelant qu’ils doivent être protégés aussi aux titres des Conventions de Genève et de leur Protocole additionnel numéro I. Il a jugé indispensable que les rapports du Secrétaire général sur les missions de maintien de la paix et la protection des civils incluent également la protection des journalistes. M. Okamura a indiqué que le Japon avait accordé une aide de 200 millions de dollars aux pays touchés par Daech en ajoutant qu’il était important que la communauté internationale fasse une priorité de la lutte contre le terrorisme afin de préserver les valeurs fondamentales de la démocratie.
Mme EMILIA GATTO (Italie) a rappelé que des journalistes italiens ont perdu la vie dans des zones de conflit, notamment en Ukraine, à Gaza et en Afghanistan. Elle a rappelé l’importance de ne pas oublier le sacrifice des journalistes locaux qui paient aussi parfois de leur vie les activités qu’ils mènent, notant, globalement, que le travail des journalistes permet parfois d’orienter les travaux et le programme de travail du Conseil de sécurité. Elle a plaidé pour que les journalistes reçoivent la protection nécessaire, du fait de leur statut de civils, conformément au droit international humanitaire. Elle a aussi plaidé pour la protection des journalistes qui représentent des sources variées d’information, promouvant ainsi le pluralisme. Elle a aussi appelé à une protection spéciale en faveur des femmes journalistes, et a déploré que la profession ne fasse plus assez d’émules du fait des risques encourus par ses praticiens et professionnels.
M. STEFAN BARRIGA (Liechtenstein) a indiqué que 69 journalistes avaient été tués en 2014, 79 en 2013 et 87 en 2012 selon Reporters sans frontières. Il a dit que le Conseil de sécurité avait un rôle important à jouer pour protéger les journalistes en rappelant combien le Conseil avait besoin des informations collectées par les journalistes pour mener son travail. Il a souligné l’importance du Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, rappelant que le Plan a été élaboré sous l’égide de l’UNESCO en 2012. M. Barriga a indiqué que les attaques contre des journalistes ne constituent pas seulement une violation du droit international humanitaire, mais aussi une attaque contre la liberté d’expression. Il a dit que les gouvernements ont l’obligation de protéger les journalistes, notamment au regard des droits de l'homme, et en particulier pour assurer le respect des termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le représentant a indiqué qu’il est nécessaire de lutter contre l’impunité et a relevé l’importance, pour les organisations de médias, d’assurer la protection de leurs personnels envoyés en zones de conflit.
Le représentant de l’Union européenne, M. IOANNIS VRAILAS, a évoqué l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui est un article relatif à la liberté d’opinion et d’expression. Il a estimé que les attaques contre les journalistes sont également des attaques contre la nature même de l’Article 19. Il a appelé les États à prendre des mesures pour prévenir la violence à l’encontre des journalistes. Il a noté que les journalistes de sexe féminin sont davantage exposées au harcèlement sexuel que leurs confrères hommes. Il a fait part d’un programme financé par l’Union européenne et mis en œuvre par Reporters sans frontières dans le but de protéger les journalistes et les blogueurs, notamment ceux qui sont encore jeunes et sans grande expérience. Ledit programme apporte un appui judiciaire aux journalistes et blogueurs qui font face à la justice, a-t-il expliqué. Le délégué a aussi fait mention d’un programme de l’Union européenne qui aide les « cyber dissidents », notamment les journalistes citoyens, les blogueurs et les activistes des médias sociaux.
M. Vrailas a en outre rappelé que les journalistes qui travaillent dans des zones de conflit doivent être considérés comme des civils, et doivent de ce fait bénéficier de la protection due à leur statut. Il a aussi plaidé pour la protection des journalistes en dehors des zones de conflit. Il a souligné que le Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, élaboré sous l’égide de l’UNESCO, est un document idoine en matière de protection des journalistes par les Nations Unies. Le représentant a en outre précisé que la question de la protection des journalistes ne se pose pas du fait de l’inaction des Nations Unies, mais plutôt parce que les États Membres ne font pas assez pour promouvoir un environnement de travail sain et sécurisé pour la presse et les journalistes.
M. CHAYAPAN BAMRUNGSPHONG (Thaïlande) a déclaré que l’article 34 du droit international humanitaire coutumier indique que les journalistes engagés dans des zones de conflit doivent être respectés et protégés tant qu’ils ne prennent pas directement part aux hostilités. Il a dit que l’impunité encourageait les criminels à poursuivre leurs actes. Il a dit que la lutte contre l’impunité devait commencer au niveau national, et a ajouté que la coopération et le partage d’information entre les autorités doivent devenir une réalité à tous les niveaux. Le représentant a jugé indispensable pour les missions de maintien de la paix (OMP) de protéger les journalistes, et il a invité les journalistes à respecter les consignes que leur donnent les responsables des OMP pour leur propre sécurité. Il a suggéré de remplacer la présence des journalistes par des technologies et équipements modernes de transmission de données et d’information dans les zones trop dangereuses.
M. ZSOLT HETESY (Hongrie) a déclaré que la question de la violence contre les journalistes ne pourra être traitée que par la coopération des États, des agences des Nations Unies et des parties prenantes pertinentes. Le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité est le premier effort holistique visant à s’attaquer à ce problème, a-t-il dit, saluant, à cet égard, le travail de coordination accompli par l’UNESCO.
Le représentant hongrois a souligné que l’UNESCO, en vue de renforcer cette coopération, organiserait des ateliers afin d’établir un programme de recherche universitaire sur la sécurité des journalistes. La première session spéciale aura lieu, en collaboration avec la Conférence de l’Association mondiale de communication, à Berlin, en Allemagne, du 16 au 19 juillet 2015.
M. TÉTE ANTONIO, de l’Union africaine, a déclaré que le problème de la protection des journalistes ne tient pas à un manque de normes internationales mais plutôt à la faible application de ces dernières, y compris dans les zones contrôlées par les acteurs non étatiques. La situation critique des journalistes dans les zones de conflit en Afrique demeure une source de préoccupation majeure pour l’Union africaine, qui y voit non seulement une atteinte à la liberté d’expression, mais également un affront aux valeurs démocratiques partagées et aux droits humains.
Le représentant a assuré que la Commission de l’Union africaine était pleinement engagée aux côtés de la société civile et des représentants des médias dans la lutte contre les restrictions imposées aux journalistes dans les situations de conflit, notamment par la sensibilisation des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. À cet égard, elle a organisé en septembre 2010, un atelier sur « la sécurité et la protection des journalistes africains » qui a rassemblé les États et les représentants des médias. La question des attaques perpétrées contre les journalistes en période de conflit bénéficie d’une attention particulière de la part de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) qui a, dès 2002, adopté la « Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique ». Le représentant a aussi indiqué que lors de sa quarante-neuvième session ordinaire, du 28 avril au 12 mai 2011, à Banjul, en Gambie, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une résolution consacrée exclusivement à la sécurité des journalistes et des professionnels des médias en Afrique.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, a mis en avant le droit de la société à une information objective, ce qui est la seule façon pour les médias de contribuer au bien commun. Il a estimé que, dans un monde interconnecté, le rôle des journalistes ne cessait de croître du fait de l’appétit croissant du public pour des informations à jour concernant l’évolution de la situation dans les zones de conflit. Le Nonce apostolique a cependant regretté qu’il devienne de plus en plus difficile pour les décideurs politiques d’évaluer l’objectivité des informations reçues, celles provenant des parties à un conflit n’étant évidemment pas objectives. Mgr Auza a estimé que les politiques et stratégies de protection militaire et les mécanismes judiciaires visant à punir les attaques contre les journalistes étaient encore insuffisants et souvent même inexistants. Il a donc conseillé de réexaminer la pertinence des droits dont bénéficient actuellement les journalistes dans les situations de conflit. Comme les conflits sont souvent des symptômes de problèmes plus profonds, il a recommandé à la communauté internationale de fournir une aide technique et financière aux pays qui en ont besoin afin qu’ils améliorent leurs politiques de protection des journalistes et de réponse aux violations de leurs droits. L’Observateur permanent du Saint-Siège a aussi souligné les devoirs qui incombent aux organes de presse, ainsi que ceux des journalistes qui doivent veiller à agir avec tact, équité et objectivité.
M. KAI SAUER (Finlande) a exhorté le Conseil de sécurité à enquêter sur toute attaque dont sont victimes des journalistes, afin d’en traduire en justice les auteurs. L’impunité n’est pas une option acceptable, a-t-il souligné. Il a indiqué que la Finlande soutenait le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, lancé et coordonné par l’UNESCO. Soulignant la vulnérabilité particulière des femmes journalistes face à la violence et la discrimination, M. Sauer a demandé aux gouvernements de leur garantir un environnement de travail sûr. Il faut avant tout prévenir en premier la survenance des conflits, a recommandé M. Sauer, ce qui nécessite la mise en place de sociétés pacifiques et stables, basées sur le respect des droits de l’homme, la démocratie, la transparence et l’état de droit.
La Finlande est fière d’avoir été classée pendant 5 ans à la première place dans le cadre de l’index de la liberté de la presse mondiale, a ajouté le représentant. Il a ensuite salué le cadre du Conseil de l’Europe qui promeut la protection des journalistes sur une page Internet, celle-ci étant accessible aux organisations pour qu’elles puissent y poster des alertes. Le représentant a aussi plaidé en faveur du respect des droits de l’homme sur l’espace Internet. La Finlande, a-t-il ajouté, soutient le programme de l’UNESCO de promotion de la liberté d’expression et de la presse dans six pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Elle accueillera en outre un évènement en mai 2016 pour marquer la Journée mondiale de liberté de la presse de l’UNESCO.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a affirmé que le Gouvernement syrien avait toujours traité de manière ouverte avec les médias depuis le début du conflit qui affecte son pays. Il continue d’accueillir des journalistes étrangers, par le biais des points de passages légaux, a-t-il souligné. Le Gouvernement demande aux journalistes d’éviter les points de passage illégaux et les zones où sévissent des terroristes, a indiqué le représentant.
Il a regretté le fait que des journalistes franchissent illégalement les frontières de la Syrie avec l’aide de groupes armés ou de pays voisins. Des canaux de télévision ou des médias électroniques sont utilisés pour propager le terrorisme et en faire l’apologie ou recruter des terroristes, a-t-il également dénoncé.
M. DESRA PERCAYA (Indonésie) a fait remarquer que la transparence est souvent la première victime d’un conflit. Il a souligné l’ironie qui veut que, alors que les libertés de la presse et d’expression sont aujourd’hui considérées comme des éléments essentiels des sociétés démocratiques, la désinformation est encore utilisée par des acteurs qui ont intérêt à masquer la vérité. Invoquant le droit international qui prévoit clairement la protection des journalistes dans les conflits armés, au même titre que tout autre civil, il a averti que les attaques lancées contre eux peuvent constituer des crimes de guerre, ceci conformément au Statut de Rome. Le problème est que les conflits actuels n’impliquent pas toujours des parties sujettes au droit international comme les États-nations, car ce sont des acteurs non étatiques armés qui se rendent coupables de nombreux crimes, a fait remarquer le représentant. Il a plaidé en faveur d’enquêtes efficaces contre les auteurs d’attaques contre des journalistes. De leur côté, les organes de presse doivent coopérer avec les États et l’ONU pour améliorer la protection des journalistes, ceux-ci devant en outre être bien informés de leurs droits. Il a enfin prôné une bonne formation du personnel des missions de maintien de la paix sur ces questions.
M. ANDREAS RIECKEN (Autriche) a indiqué que 30 journalistes ont été tués depuis le début de l’année 2015 selon les données fournies par International Press Institute. Ils sont morts soit en raison de leurs reportages ou tout simplement du seul fait de leur statut de journaliste, a déploré M. Riecken. Il a rappelé que la plupart des attaques contre les journalistes n’interviennent pas en situation de conflit armé. Il a précisé que les journalistes qui enquêtent sur la criminalité organisée, la corruption, et couvrent des manifestations et des soulèvements populaires deviennent facilement l’objet d’agressions et d’arrestations arbitraires. Outre les résolutions adoptées ces dernières années par l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme condamnant les attaques contre les journalistes, le représentant de l’Autriche a particulièrement salué les efforts significatifs menés par l’UNESCO pour mettre en œuvre le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.
Il a invité le Conseil de sécurité à condamner les attaques contre les journalistes dès qu’elles se produisent, parce qu’elles constituent une menace directe à toutes les sociétés libres et démocratiques. Il a invité aussi le Secrétaire général à inclure plus de détails sur la question des menaces dont sont victimes les journalistes dans son prochain rapport sur la protection des civils. Par ailleurs, le représentant de l’Autriche a estimé que les organismes, fonds, programmes et missions des Nations Unies devaient être mieux préparés à devenir le premier point de contact pour les journalistes victimes de menaces. Il a dit que l’Autriche avait mis en place une carte d’identité pour les journalistes travaillant en zones de conflit conformément au Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949. Il a appelé à lutter contre l’impunité en notant que 9 crimes sur 10 commis contre les journalistes restaient impunis.
M. MIGUEL CAMILO RUIZ BLANCO (Colombie) a dit que son pays avait tiré les leçons des attaques portées contre la démocratie dans le passé, des faits qui ont mis en évidence l’importance fondamentale du journalisme pour informer l’opinion sur les conflits locaux et mondiaux. Au cours des années 1980 et 1990, a-t-il rappelé, alors que l’État colombien luttait de manière frontale contre les structures transnationales de la mafia du trafic de drogues, ce furent les journalistes qui osèrent dénoncer les activités criminelles de cette mafia en première page de journaux comme El Espectador. Les conséquences pour cette publication furent l’assassinat de son directeur, Don Guillermo Cano, et de plusieurs de ses journalistes, a-t-il déploré. Le représentant a ensuite assuré que le Gouvernement colombien assurait la promotion et la protection de la liberté de la presse. Il a mentionné plusieurs mesures prises à cet effet, comme la création de l’Unité nationale de protection, qui a apporté une aide à 137 journalistes qui recevaient des menaces, afin de les protéger.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a fermement condamné tout acte visant à supprimer la liberté de la presse, dont le meurtre brutal de journalistes commis par des groupes terroristes en Iraq et en Syrie, les attaques meurtrières contre des journaux comme Charlie Hebdo, sans oublier les enlèvements de journalistes et du personnel des médias par des groupes militants en Ukraine. Comme les auteurs des attaques contre les journalistes ont rarement affaire à la justice, le représentant a dit que son pays appuie fermement les efforts du Conseil des droits de l’homme et du Conseil de sécurité pour offrir aux journalistes une protection plus efficace et élaborer une approche unique, stratégique et harmonisée de la question de la sécurité des journalistes et de l’impunité des auteurs des crimes contre eux. Il faut une totale coopération entre les mécanismes existants, en particulier entre les Rapporteurs et Représentants spéciaux concernés qui jouent un rôle crucial dans l’examen des différents aspects de la sécurité des journalistes, a dit M. Drobnjak. La Croatie appuie le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, adopté en 2012. Nous devons continuer, a conclu le représentant, à reconnaître la vulnérabilité des journalistes dans les résolutions de l’ONU sur les situations de crise.
M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) s’est souvenu du cas de Waldemar Milewicz, un journaliste polonais qui se déplaçait en Iraq dans un véhicule clairement identifiable et qui a pourtant succombé instantanément à une attaque commise par un groupe armé. Un autre passager, éditeur et traducteur algéro-polonais du nom de Mounir Bouamrane a été tué par une autre série de tirs lorsqu’il a quitté le véhicule. Il y a tant d’histoires tragiques d’hommes et de femmes dévoués et prêts à risquer leur vie pour apporter la vérité sur les horreurs de la guerre, s’est désolé le représentant. Il devient urgent, a-t-il estimé, de traiter des causes-jacentes de la violence contre les journalistes et leurs sources. Des mécanismes de prévention doivent être mis en place et le partage des meilleures pratiques doit être encouragé ainsi que la formation et la sensibilisation des services de sécurité et des journalistes eux-mêmes. N’oublions pas ce faisant, d’insister sur la responsabilité individuelle ou collective, a dit le représentant. Les auteurs des attaques contre des journalistes rendent rarement compte de leurs actes à la justice. La Pologne, a conclu le représentant, a toujours appuyé le Fonds européen pour la démocratie depuis sa création en 2013 et se félicite que parmi les États, l’on y compte certains pays du Moyen-Orient comme le Liban et la Jordanie, ou encore des voisins de l’Europe de l’Est comme l’Arménie ou l’Ukraine.
Mme CATHERINE BOURA (Grèce) a rappelé qu’en 2013, la Grèce et des États de sa région et au-delà ont présenté une résolution proclamant le 2 novembre Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. La résolution, qui a été adoptée pour la seconde fois en 2014, condamne toutes les attaques et tous les actes de violence commis contre les journalistes et les professionnels des médias. Mais, a reconnu la représentante, la sensibilisation et les progrès normatifs ne suffisent pas. Il est nécessaire d’engager toutes les parties prenantes, car seule une approche globale impliquant les agences de l’ONU, les missions de maintien de la paix, la société civile et les États pourra contribuer à briser le cercle vicieux actuel de l’impunité.
La formation est nécessaire, a poursuivi la représentante, car dans les zones de conflit, les journalistes doivent arriver dans une bonne forme physique, émotionnellement préparés, adéquatement équipés et proprement assurés. Ces critères sont rarement remplis, a-t-elle estimé, en particulier chez les journalistes free-lance ou autres professionnels indépendants. Les médias devraient être encouragés à fournir à leurs employés la formation qu’il faut avant de les envoyer « au front ». Les journalistes doivent savoir comment éviter les risques et les dangers et comment s’administrer ou administrer les premiers secours, a préconisé Mme Boura. À cet égard, les États pourraient offrir leur expertise. La Grèce tient à souligner que le Centre hellénique de formation aux opérations multinationales d’appui à la paix prévoit déjà de lancer des cours de formation aux situations de conflit à l’intention des journalistes et professionnels des médias.
M. DAVID ROET (Israël) a affirmé que le Moyen-Orient était la région du monde la plus dangereuse pour les journalistes. De l’Arabie saoudite à l’Iraq, et de Gaza à l’Iran, la liberté de la presse est assiégée, a-t-il déclaré. L’espoir de nouvelles libertés s’est effondré sous la dure réalité des autocrates et théocrates du Moyen-Orient, lesquels, a-t-il dit, « sont déterminés à utiliser tous les moyens à leur disposition pour imposer le silence à ceux qui mettent en question leur légitimité ».
Le délégué israélien a ainsi cité des exemples de violations qui auraient été commises contre les journalistes et la presse à Gaza, sous la poigne de fer du Hamas. Une seule exception subsiste au Moyen-Orient, a-t-il déclaré, soulignant « qu’Israël est le seul pays de la région à disposer d’une presse libre ». Il est de la responsabilité de la communauté internationale d’œuvrer ensemble à protéger les journalistes à travers le monde, a dit M. Roet.
M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a noté le nombre important de journalistes enlevés et tués dans les zones de conflit, s’inquiétant aussi du nombre indéterminé de journalistes locaux réduits au silence dans les prisons ou à cause des intimidations, et de la violence sexuelle infligée aux femmes journalistes. Il a regretté qu’aucun responsable ne soit traduit en justice et que l’impunité aille croissante. Il a proposé que l’UNESCO, l’OSCE, le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, les Nations Unies et ses équipes de pays assurent, avec les grands organes de presse, que les gouvernements et les acteurs non étatiques appliquent le droit existant, à savoir les Conventions de Genève, le Statut de Rome, le Plan d'action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, la résolution 1738 (2006) et les Déclarations de l’UNESCO de Berlin et de Medellin. Il a aussi encouragé l’ONU à travailler avec des ONG telles que la Fédération internationale des journalistes, Reporters sans frontières et l’Institut international de la presse. Le Kazakhstan, a-t-il affirmé, permet au public de participer à l’élaboration des nouvelles lois contre les obstacles administratifs au travail des journalistes. Le représentant a aussi mentionné ce qui est fait au niveau régional, par le biais du Forum international de médias eurasiens qui se tient chaque année à Astana.
M. WOUTER ZAAYMAN (Afrique du Sud) a rappelé que la protection des civils en temps de conflit armé, y compris des journalistes, était au cœur du maintien de la paix et de la sécurité internationales. L’Afrique du Sud, a-t-il dit, est pleinement engagée dans la protection des civils en temps de conflit armé et continue d’appuyer un cadre juridique et normatif pour renforcer cette protection. Le délégué a ajouté que son pays soutenait également l’idée d’accroître les mesures de reddition de comptes, notamment en améliorant les institutions judiciaires nationales et en assurant que le Statut de Rome réponde aux défis d’aujourd’hui.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a dénoncé la culture de l’impunité qui met en danger le travail des journalistes dans les situations de conflit et a demandé que l’on y mette fin. Condamnant les attaques et la violence contre les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions, elle a dit apprécier que la résolution 1738 (2006) appelle à mettre fin à l’impunité. Elle a également dit apprécier que le Conseil des droits de l’homme ait pris la tête du mouvement en faveur du renforcement des normes juridiques et des mécanismes d’application du droit international. Même si le cadre juridique international est solide, la violence contre les journalistes augmente. Il faut donc, a dit la représentante, suivre des approches novatrices. Elle a prôné une plus grande sensibilisation au droit et à la protection, une meilleure coordination des campagnes de sensibilisation et la traduction en justice des auteurs de la violence. Il faut également, a-t-elle ajouté, que les gouvernements et les autorités locales partagent les informations afin d’avoir une meilleure idée de la situation en matière de sécurité. De leur côté, les journalistes doivent tenir davantage compte des informations données par les autorités officielles et être bien formés à la situation dans laquelle ils vont travailler.
M. OSAMA ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a noté qu’alors que les civils fuient les zones de conflit, les journalistes, pour leur part, s’exposent aux dangers dans le but d’informer la communauté internationale. Il a déclaré que l’Égypte condamne fermement tout acte d’intimidation et de violence à l’encontre des journalistes dans des situations de conflit. Il a affirmé que la responsabilité première de protection des civils, y compris des journalistes incombe à chaque État Membre. Il a noté que cette responsabilité incombe aussi aux acteurs non étatiques, car, a-t-il justifié, toutes les parties en conflit ont l’obligation de respecter les Conventions de Genève. Il a plaidé afin que le droit international humanitaire soit respecté, ajoutant que les missions de maintien de la paix et les missions politiques spéciales pourraient également contribuer à la protection des journalistes.
Mme GILLIAN BIRD (Australie) a remarqué que lorsque les journalistes sont pris pour cible, c’est souvent le signe avant-coureur de crimes de masse contre les civils. Elle a déploré les récents assassinats de réalisateurs d’émissions radiophoniques, Daud Ali Omar en Somalie, et Pow James Raeth au Soudan du Sud. Elle a aussi regretté que la plupart des chaines de télévision locales aient dû arrêter d’émettre dans les parties de la Syrie et de l’Iraq occupées par Daech, parce que leurs employés sont détenus, enlevés ou menacés, sans parler de ceux qui ont été exécutés en public. Viser les journalistes, c’est une façon de manipuler les médias, a-t-elle expliqué, avant de parler également du Gouvernement syrien, qu’elle a accusé d’avoir visé et emprisonné des journalistes.
L’Australie estime que la violence contre les journalistes continuera tant que ses auteurs ne paient pas les conséquences de leurs actes, a dit Mme Bird. Elle a regretté que l’impunité dans ce domaine soit si courante, invitant les États à renforcer la protection des journalistes et à mettre fin à l’impunité pour les auteurs de crimes commis contre les civils et notamment les journalistes. Mme Bird a aussi appelé à reconnaitre les besoins particuliers des femmes journalistes. L’Australie, a dit la représentante, soutient le Plan d’action de l’ONU visant à améliorer la sécurité des journalistes et mettre fin à l’impunité. Elle a demandé au Conseil de sécurité de condamner les attaques menées contre les journalistes et d’inclure des dispositions sur la protection des civils dans les mandats qu’il confie aux missions de maintien de la paix ou aux missions politiques spéciales. Les Nations Unies devraient en outre s’assurer que les Casques bleus soient formés à cette protection, a-t-elle ajouté.
M. OLIVIER ZEHNDER (Suisse) a considéré la violence contre les journalistes comme une attaque lancée contre la société dans son ensemble. La protection des journalistes ne devrait pas se limiter aux situations de conflit armé, a-t-il ensuite estimé. Il a noté en effet que, selon Reporters sans frontières, un journaliste sur trois a été tué dans une zone non touchée par un conflit armé, et que plus de 1 800 journalistes ont été menacés ou attaqués en 2014. Il faut donc s’attaquer à toutes les formes de restrictions posées à la liberté des médias et garantir, en toutes circonstances, la sécurité des journalistes, a dit M. Zehnder. La Suisse est en outre convaincue que la coopération entre l’ONU et les organisations régionales est vitale pour améliorer la mise en œuvre des règles et des normes internationales s’appliquant dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit. Il a apprécié, à cet égard, la Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et les réponses à apporter aux situations de conflit, qui a été présentée au début du mois par les rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression de l’ONU, de l’Organisation des États américains (OEA), de l’OSCE et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine.
Le représentant de la Suisse a également indiqué qu’il était impérieux de traduire en justice les auteurs de violations des droits des journalistes. Ces derniers sont protégés au même titre que les civils par le droit international humanitaire, a-t-il rappelé. Il a indiqué que son pays soutient, par le biais de son aide au développement, la création de médias indépendants dans des pays touchés par des conflits. Il a donné le cas de ce qui a été ainsi réalisé, par l’intermédiaire de la Fondation Hirondelle, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Enfin, M. Zehnder a demandé aux États d’adopter des mesures législatives et règlementaires claires, afin de permettre aux journalistes d’effectuer leur travail sans entraves et sans risques pour leur sécurité. La Suisse, a-t-il indiqué, a participé à la mise en place de cadres règlementaires favorables aux médias et elle a aidé des journalistes à développer leurs capacités, notamment en Tanzanie, dans la région des Grands Lacs et en Tunisie.
Mme BÉNÉDICTE FRANKINET (Belgique) a regretté que, malgré l’attention accrue portée aux meurtres de journalistes, peu de progrès aient été accomplis pour les protéger. Elle a donc souhaité que soient réaffirmés les principes contenus dans la résolution 1738 (2006). Elle s’est aussi offusquée que des acteurs étatiques demeurent responsables de la majorité des actes de violence commis envers les journalistes, avant de rappeler aux États la responsabilité qui leur incombe en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme de respecter et de promouvoir la liberté d’expression. La Belgique est convaincue qu’il faut investir dans la prévention pour lutter contre toutes les formes de violence à l’encontre des journalistes, en coopération avec les ONG et les associations professionnelles, a dit Mme Frankinet. Elle a proposé de créer un cadre de soutien structurel aux journalistes par le biais des ONG actives dans ce domaine. À l’ère du numérique, a-t-elle ajouté, il s’agit aussi de sensibiliser les journalistes à la protection de leurs sources d’information. Enfin, Mme Frankinet, notant l’évolution du paysage médiatique, a attiré l’attention sur la nécessité de protéger les journalistes et blogueurs qui travaillent de façon indépendante, ainsi que leurs collègues de la presse locale qui sont plus exposés aux persécutions et aux violences.
M. KAREL J. G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a souligné le rôle indispensable des journalistes avant, pendant et après un conflit. Il est essentiel, a-t-il dit, qu’ils puissent travailler librement, sans interférence et sans crainte, en particulier dans des situations difficiles comme aujourd’hui au Burundi. La liberté de la presse est un élément clef de l’approche intégrée que l’on cherche à établir, en combinant diplomatie, défense et développement, a-t-il expliqué.
Le représentant néerlandais a également mis l’accent sur la nécessité de poursuivre les auteurs d’actes violents contre les journalistes. Il s’est ainsi félicité du fait que plusieurs États Membres aient répondu à la demande de l’UNESCO d’actualiser le statut des enquêtes judiciaires menées dans chaque cas de meurtre de journaliste.
Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a rappelé que la Journée internationale de la presse avait été célébrée le 3 mai dernier, cette liberté de la presse représentant un droit fondamental de la personne humaine, mentionné dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. La déléguée a fait état des souffrances imposées aux journalistes au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, dénonçant les assassinats et les disparitions forcées pratiqués par un régime barbare et les groupes terroristes qui partagent un objectif commun.
M. CHARLES T. NTWAAGAE (Botswana) a indiqué que les récentes décapitations de journalistes par des organisations terroristes viennent rappeler au monde la brutalité à laquelle sont confrontés les professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions. Il a relevé que la nature même du travail des journalistes les expose à des situations dangereuses, ajoutant que ce qui inquiète, c’est l’augmentation d’actes de violence délibérés à leur encontre, y compris des enlèvements, des emprisonnements arbitraires et des cas de torture, actes qui sont en contradiction avec le droit international humanitaire. Il a regretté que la résolution 1738 (2006) du Conseil de sécurité, relative à la protection des journalistes, ne soit pas pleinement appliquée, déplorant en outre que les auteurs de crimes contre les journalistes ne soient pas toujours traduits en justice. Il a plaidé pour plus de reddition de comptes en cas de crime contre les journalistes, notant que les États Membres ont un rôle majeur à jouer dans cette optique.
M. IB PETERSEN (Danemark) a déclaré que les droits des journalistes et la liberté de la presse doivent être protégés partout dans le monde, afin que les journalistes soient à même de remplir leur mission sans crainte. Il a regretté que dans de nombreux pays, l’État utilise des lois pour museler la presse. Il a noté que ce phénomène n’est pas nouveau, mais a estimé que ce qui l’est, c’est de voir que les journalistes sont délibérément ciblés, non seulement par des régimes oppressifs, mais également par des organisations terroristes et des milices tels que Daech. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a poursuivi le représentant, nous n’avons pas été témoins de tant de conflits entre et au sein des pays, ajoutant que cela va de pair avec le nombre croissant de journalistes tués. M. Petersen a rappelé qu’au cours du « Global Media Freedom Conference 2015 » tenue à Copenhague le mois dernier, le Ministre danois du commerce et du développement a lancé deux initiatives visant à renforcer la liberté de la presse dans les pays en développement et les États fragiles, en mettant l’accent sur la protection des journalistes. Une somme de 2,7 millions de dollars a été promise à cette occasion.
M. ASOKE KUMAR MUKERJI (Inde) a rappelé que la protection des journalistes dans toutes les situations incombait à chaque État. Sur le plan national, la Constitution indienne préserve la liberté d’expression et de la presse « en ligne » et « hors ligne », a-t-il notamment souligné. Le Conseil de sécurité, en tant qu’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, doit agir avec vigueur en utilisant les instruments de droit disponibles pour que les États agissent contre les acteurs non étatiques auteurs de violations contre les journalistes, a également souligné le délégué indien.
M. MICHAEL BONSER (Canada) a souligné l’importance de voir les responsables de crimes contre les journalistes dans les situations de conflit comparaître plus souvent en justice. Il a relevé que de plus en plus, les citoyens et les journalistes des médias sociaux s’exposent à de nombreux dangers. Le problème, a-t-il fait observer, n’est pas l’absence de règles pour protéger les civils, mais plutôt le fait de ne pas appliquer ces règles, et de ne pas s’employer systématiquement à enquêter sur les violations, à traduire en justice leurs auteurs et à les punir, en vertu du droit international humanitaire. Le représentant s’est montré préoccupé par le fait que les professionnels des médias soient obligés de quitter le Burundi du fait des tensions.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) s’est remémoré les images brutales des décapitations de journalistes en 2014 et celles de l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015. Mais le plus souvent, ces attaques passent inaperçues parce que la plupart des victimes sont des journalistes locaux dont le sort se confond avec celui de centaines d’autres civils tués, a-t-elle fait observer. Elle a rappelé que des centaines d’autres journalistes sont oubliés parce qu’ils croupissent dans des prisons où ils sont souvent torturés. Déplorant que la grande majorité de ces crimes restent impunis, Mme Lucas a rappelé que les journalistes qui travaillent en temps de conflit devaient être considérés comme des civils et protégés en tant que tels. La lutte contre l’impunité, a-t-elle souligné, doit être au centre des efforts menés par les États en faveur de la protection des journalistes en période de conflit. Elle a salué à cet égard la proclamation de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, par une résolution dont son pays était coauteur. La représentante a encouragé tous les acteurs à collaborer pour arriver à changer les choses sur le terrain et à garantir la liberté d’expression.
M. ANDREJ LOGAR (Slovénie) a rappelé que les États étaient les principaux responsables de la protection des journalistes et de la conduite d’enquêtes sur des violations commises sur leurs territoires. Le représentant slovène a mis l’accent sur la nécessité de ne pas permettre que les zones de conflit deviennent des « trous noirs » en matière d’information.
Il a souligné également l’importance de la problématique hommes-femmes sur les questions concernant la protection des journalistes en temps de conflit armé, et a appelé à l’adoption d’une politique de tolérance zéro face à toutes les formes de violences commises contre des journalistes.
M. THOMAS SCHIEB (Allemagne) a noté qu’avec la montée du journalisme citoyen, des blogueurs, ainsi que des pigistes, il s’avère de plus en plus difficile d’assurer leur protection, car ils manquent souvent de matériels élémentaires pour leur travail ou encore du soutien institutionnel que leur procurerait un employeur fixe. Le représentant a souligné que dans le contexte de conflits armés dans lesquels sont impliqués des acteurs non étatiques, les journalistes sont très exposés, alors que leur travail est plus que nécessaire, car ils servent de principale source indépendante d’information dans ces « environnements marqués par l’anarchie ».
M. Schieb a ainsi plaidé afin que les États puissent apporter la protection nécessaire aux journalistes exerçant sur leur territoire national, y compris dans les zones de conflit. Il a aussi souhaité que les États s’assurent que tous les auteurs de crimes contre les journalistes soient poursuivis en justice. Il a également préconisé que seuls les journalistes formés soient envoyés dans des zones de conflit, indiquant que la « Deutsche Welle Academy », l’institut d’État de formation des journalistes en Allemagne, soutient un certain nombre de projets sur la sécurité des journalistes. Il a par ailleurs relevé que l’attaque contre Charlie Hebdo vient rappeler au monde que la liberté d’expression et les journalistes ne sont pas seulement menacés dans les seules zones de conflit.
M. MARGUS KOLGA (Estonie) a fait remarquer que lorsqu’éclate un conflit armé, la première victime est la vérité, soulignant qu’il est important que les journalistes fassent des reportages impartiaux et véridiques de la situation dans les zones de conflit, afin de faire connaître au plus vite la vérité au public. Mais cette exigence a un coût, a-t-il relevé, déplorant que des journalistes, notamment ceux qui évoluent dans les zones de conflit, soient devenus les cibles d’attaques brutales. Ces attaques peuvent aussi intervenir dans le cadre paisible des salles de rédaction comme on l’a vu avec Charlie Hebdo en France en janvier dernier, s’est-il alarmé. Il a invité les organisations internationales, les gouvernements, les médias et toutes les personnes de bonne volonté à s’unir pour renforcer la sécurité des journalistes et traduire en justice les auteurs de ces attaques. Il a relevé que les actions pour répondre à ce genre d’acte sont du ressort des autorités nationales, mais il a estimé que le Conseil de sécurité pourrait également se saisir de tels abus et les référer à la Cour pénale internationale (CPI).
M. YEHOR PYVOVAROV (Ukraine) a souligné la pertinence du sujet traité aujourd’hui pour son pays « qui continue de souffrir de l’agression russe ». Regrettant que les mécanismes juridiques actuels soient « imparfaits et ne protègent pas suffisamment les journalistes », il a prôné leur renforcement. Il a ainsi plaidé en faveur de la pleine mise en œuvre des principes du Plan d’action de l’ONU sur la protection des journalistes. Le renforcement des activités des ONG pourrait contribuer également à cette protection, a-t-il estimé, en ce qu’elles apportent des preuves de ce qui se passe sur le terrain. En Ukraine, malgré les difficultés actuelles, nos journalistes représentent toutes les opinions, a-t-il assuré en soulignant que la presse avait été un des éléments « qui avaient inspiré la révolution de la dignité il y a un peu plus d’un an ». Les journalistes ukrainiens « avaient en effet permis de découvrir la corruption du gouvernement précédent », a-t-il expliqué. Il a aussi mentionné l’adoption, le 14 mai, d’une loi qui amende celle sur le journalisme pour offrir des garanties supplémentaires à ces professionnels. Évoquant enfin « l’agression de la Russie » contre son pays, il a expliqué que « cela avait des conséquences sur le travail des journalistes ». Il y a eu des nombreux cas de violence contre des professionnels des médias, « dans le Donbass et en Crimée », s’est-il plaint. Il a aussi dénoncé ce qu’il a qualifié de « falsification des informations par les médias russes qui diffusent une propagande ».
M. LEVENT ELER (Turquie) a déclaré que les actes répugnants perpétrés contre les journalistes par des organisations terroristes comme Daech exigeaient des mesures fermes pour assurer la protection des professionnels des médias. L’impunité face à ces crimes est une difficulté énorme qu’il faut surmonter, a-t-il dit, se félicitant, notamment, du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes.
Le représentant a souligné que son gouvernement assurait la protection et la sécurité des journalistes qui, à la frontière, tentaient d’exercer leur métier d’informer sur le conflit en Syrie et en Iraq. Le délégué turc a insisté sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour empêcher les intimidations, les menaces et les violences contre les journalistes.
Mme EDITA HRDA (République tchèque) a souligné la force du travail des journalistes qui ont la possibilité de « jeter la lumière sur les abus des droits de l’homme ». Elle a dit que son pays appuyait le « renforcement des médias démocratiques, indépendants et professionnels ». Elle s’est félicitée « des meilleures pratiques développées en termes de prévention et de protection de la sécurité » de leur travail, avant de rendre hommage à ceux qui ont payé de leur vie l’exercice de cette profession et ainsi sensibilisé sur la nécessité d’améliorer leurs conditions de travail.
M. FRANCISCO JAVIER DE ANTUENO (Argentine) a rappelé la législation internationale qui assimile les journalistes à des civils, lesquels doivent donc être protégés en temps de conflit. Il a mis en particulier l’accent sur la nécessité de lutter contre l’impunité des auteurs de crimes contre les journalistes, espérant notamment que le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes renforcera la protection de ceux-ci en temps de conflit et aidera à garantir la reddition de comptes quand des crimes sont commis contre eux.
Le Conseil de sécurité, a-t-il poursuivi, doit demeurer engagé à assurer la protection des civils en temps de conflit armé et garantir le respect du droit humanitaire et des droits de l’homme.
M. MANSOUR AYYAD SH A ALOTAIBI (Koweït) a salué les résolutions adoptées précédemment en ce qui concerne la protection des journalistes, mais a regretté que ces textes n’aient pas été suffisamment appliqués. Il a noté que l’exercice du droit de veto a contribué aux violations des droits des civils et à l’augmentation du nombre de réfugiés dans le monde. La protection des civils est liée à l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il remarqué. Le représentant a recommandé de sensibiliser toutes les parties à un conflit armé aux violations des droits de l’homme, et il a demandé de mener des enquêtes internationales et de créer des tribunaux spéciaux pour en juger les auteurs. Il a aussi parlé de l’occupation par Israël des territoires occupés, où se poursuivent les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. En ce qui concerne la Syrie, il s’est prévalu de ce que fait son pays pour organiser des conférences de donateurs afin d’alléger les souffrances du peuple syrien. S’agissant du Yémen, la situation qui y règne menace la sécurité de la région du Golfe et entraine une détérioration de la situation humanitaire, a fait remarquer le représentant. Il a enfin demandé de ne pas utiliser la protection des civils comme un outil politique.
M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) a relevé que les journalistes se trouvent dans une situation extrêmement vulnérable dans les zones de conflit, ajoutant que la récente exécution barbare des journalistes par les terroristes de Daech est l’expression la plus flagrante de cette vulnérabilité. Il a proposé qu’une formation soit envisagée en direction des forces armées et des organisations des médias, notamment sur les obligations définies par le droit international applicable pendant les conflits armés. « Toute violence commise contre un journaliste et qui reste impunie ouvre la porte à d’autres violences », a souligné le représentant qui a annoncé que le Maroc s’apprête à adopter une nouvelle génération de reformes du secteur de la presse et des medias, afin de garantir, a-t-il justifié, le droit d’accès à l’information et assurer que la liberté de la presse ne soit limitée par aucune forme de censure préalable.
M. TIM MAWE (Irlande) a affirmé que l’appui à la liberté d’action de la société civile fut un des éléments clefs de l’engagement de la candidature de son pays au Conseil des droits de l’homme. À cet égard, a-t-il dit, l’Irlande a défendu la résolution du Conseil des droits de l’homme sur la sécurité des journalistes lors de sa vingt-septième session, en septembre dernier.
Le représentant irlandais a également souligné l’importance de mettre un terme à l’impunité des auteurs d’attaques contre les journalistes et la liberté d’expression, évoquant la possibilité de saisir, dans certains cas, la Cour pénale internationale (CPI).
Mme MAY-ELIN STENER (Norvège) a indiqué que son pays s’était lancé dans l’élaboration d’une stratégie pour renforcer la liberté d’expression et celle de la presse. L’objectif principal est de protéger les journalistes, en particulier les journalistes femmes et les autres employés des médias. Même si ces professionnels sont protégés en vertu du droit international humanitaire, ils sont, a-t-elle regretté, attaqués à cause de ce qu’ils écrivent, réduits au silence par ce qu’ils sont témoins d’actes commis illégalement, et enlevés pour attirer l’attention. Elle a souligné cependant que la majorité des attaques contre les journalistes interviennent en dehors de conflits armés, et que l’essentiel des crimes restent impunis. La Norvège, a-t-elle assuré, continuera de lutter contre cette impunité. Mme Stener a aussi indiqué que son pays soutient la formation des journalistes en matière de sécurité.
M. ZELJKO PEROVIĆ (Monténégro) a estimé que la protection des journalistes était un élément essentiel d’une société ouverte et d’une démocratie efficace. Il a exprimé la ferme détermination de son pays en faveur de la protection des civils, notamment des journalistes, en temps de conflit armé. La culture d’impunité des auteurs de violences contre les journalistes doit cesser, a-t-il dit, appelant à un renforcement des mécanismes pertinents à cet égard.
M. Perović a mis l’accent en outre sur l’importance du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes, encourageant les États Membres, en collaboration avec l’Organisation, à le mettre en œuvre.
M. NICHOLAS EMILIOU (Chypre) a invité à renouveler l’engagement en faveur de la liberté d’expression et de presse, et à renforcer la présence de médias indépendants et pluralistes. Déplorant le nombre de journalistes tués dans l’exercice de leur métier, il a noté que la majorité des décédés provient des organes de la presse locale. Environ 68% des journalistes tués en 2014 couvraient des sujets politiques, a-t-il aussi fait remarquer. Il faut, a-t-il conseillé, que les gouvernements redoublent d’efforts pour prévenir la violence contre ces professionnels et instaurer un environnement propice à leur travail. Il a aussi jugé inacceptable que la majorité des assassinats de journalistes restent impunis. Le représentant a demandé aux Nations Unies de jouer leur rôle dans les efforts mondiaux de protection des journalistes et de promotion de la liberté de la presse, en mettant fin à la quasi-impunité dont jouissent les auteurs des crimes visant ces professionnels. Le Conseil de sécurité peut engager un dialogue actif et s’élever contre ces atteintes, a-t-il dit.
Le représentant de la République d’Iran a exercé son droit de réponse et a dénoncé l’intervention du délégué d’Israël, et des propos tenus contre son pays. Il a rappelé les crimes commis par Israël lors de son opération contre Gaza, l’été dernier.
Le représentant de la Jordanie a rejeté les allégations qu’il a qualifiées de « mensongères » faites aujourd’hui par le représentant de la Syrie. Ces tentatives de détournement de l’attention de la communauté internationale des pratiques du Gouvernement syrien sont vaines, a-t-il dit. Celui-ci doit protéger les journalistes en vertu du droit international, a-t-il estimé.
Le représentant de la Fédération de Russie, reprenant la parole, a exercé son droit de réponse et a dénoncé l’opération militaire lancée par les autorités de Kiev, il y a un an, contre des régions qui n’étaient pas d’accord avec elles. Des journalistes, en particulier russes, ont été victimes des agissements de Kiev, a-t-il accusé. Il a ainsi cité les noms de journalistes russes enlevés par les forces spéciales ukrainiennes. Il a également fustigé la violation par l’Ukraine de l’obligation de défendre les journalistes et la liberté d’expression.
La déléguée d’Israël a exercé son droit de réponse et dit, en parlant de l’Iran, qu’il était absurde d’entendre une des tyrannies les plus répressives parler de la liberté d’expression. Elle a fait état de nombreux cas d’arrestation et de détention de journalistes en Iran.
Le représentant de l’Ukraine a repris la parole dans le cadre des droits de réponse et a dit qu’il y avait eu « 300 morts et disparitions de journalistes en Russie depuis 1993 dont les auteurs n’ont pas été traduits en justice dans la plupart des cas ». La Russie est l’un des pays les plus dangereux à cet égard dans la région de l’OSCE, a-t-il dit. Il a dénoncé « les restrictions imposées à la presse par la Russie qui affectent le pluralisme des médias ». Le code pénal, par exemple, augmente le contrôle de l’Internet par le Gouvernement, a dit le représentant en traitant de « discours de propagande » l’intervention de la délégation russe aujourd’hui.