En cours au Siège de l'ONU

7445e séance – matin
CS/11899

Le Chef de la MANUSOM exhorte la communauté internationale à soutenir l’élan retrouvé en Somalie pour résoudre les défis sécuritaires, humanitaires et politiques

Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM), M. Nicholas Kay, a estimé ce matin, devant le Conseil de sécurité, qu’« un élan a été retrouvé » dans le pays après une crise politique de plusieurs mois.  Cet élan, a-t-il dit, a besoin qu’on lui apporte un appui soutenu.

De son côté, le Premier Ministre de la République fédérale de Somalie, M. Omar Abdirashid Ali Shamarke, qui s’exprimait par visioconférence de la capitale somalienne Mogadiscio, a fait état de la stratégie mise en place par le Gouvernement pour améliorer la capacité de l’armée nationale à combattre les Chabab aux côtés de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).  Il a exhorté le Conseil de sécurité à fournir un soutien à ce plan.

« Nous devons renforcer ce succès par un engagement accru et un apport de ressources », a déclaré M. Kay, qui s’adressait au Conseil de sécurité par visioconférence depuis la ville d’Addis-Abeba, siège de l’Union africaine, au côté du Représentant spécial de la présidence de la Commission de l’Union africaine pour la Somalie et Chef de la Mission de l’Union africaine dans ce pays (AMISOM), M. Maman Sidikou.

Les deux hommes ont en effet informé hier le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de l’état de la situation en Somalie.  « Le partenariat Union africaine-Nations Unies en Somalie est unique, fort et essentiel pour parvenir au succès », a déclaré M. Kay, qui présentait le rapport* du Secrétaire général sur la Somalie.

Dans ce rapport, le Secrétaire général fait le point sur l’exécution du mandat de la MANUSOM depuis le 1er janvier.  Préconisant des efforts concertés pour aider la Somalie à relever les défis sécuritaires, humanitaires et politiques auxquels elle fait face, il recommande de proroger pour une nouvelle période de 12 mois, allant jusqu’au 2 juin 2016, le mandat de la Mission dont l’expiration était prévue le 2 juin prochain.

Le Gouvernement de la Somalie, qui est le troisième en moins de trois ans, « est à pied d’œuvre », tandis que le Parlement fédéral a commencé les travaux de sa session de 2015, a expliqué le Chef de la MANUSOM dans son exposé au Conseil de sécurité.

« Les responsables fédéraux, régionaux et locaux de la Somalie, les parlementaires et les gens de tous les horizons sont en train de construire en Somalie un État fédéral, étape par étape, à travers le dialogue et la réconciliation », s’est-il félicité.

Le Président fédéral, M. Hassan Sheikh Mohamoud, ainsi que le Premier Ministre, le Président du Parlement et les dirigeants des administrations du Puntland, de Djouba et du Sud-Ouest ont réitéré leur détermination à concrétiser la « Vision pour 2016 » du Gouvernement fédéral et à ne pas prolonger les mandats actuels du Parlement fédéral ou du Président, qui prennent fin respectivement en août et en septembre 2016, a expliqué M. Kay.

Plusieurs objectifs importants ont été fixés par le Gouvernement pour les mois à venir, a poursuivi le Représentant spécial du Secrétaire général: achever la formation des administrations et des assemblées régionales provisoires; faire avancer la révision constitutionnelle; créer une commission électorale nationale indépendante; et finaliser les priorités juridiques concernant les partis politiques, la citoyenneté et les élections.

L’ONU, en collaboration avec l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union européenne et des États Membres, continue de soutenir la formation des administrations régionales provisoires, a souligné M. Kay, précisant que de nombreux défis subsistaient, en particulier concernant la nécessité de garantir l’ouverture.  « Les femmes, les minorités et les jeunes doivent être bien représentés dans le cadre de cette ouverture », a-t-il dit.

Le Chef de la MANUSOM s’est également déclaré préoccupé par le calendrier des élections au « Somaliland », qui initialement auraient dû avoir lieu le mois prochain, mais qu’un conseil de sages a décidé de reporter jusqu’en mars 2017.  L’ONU, a dit M. Kay, a rejoint d’autres partenaires internationaux pour exhorter les Somaliens à une réconciliation autour de ce calendrier basé sur un consensus politique entre toutes les parties prenantes du « Somaliland ».

La sécurité du personnel des Nations Unies en Somalie demeure une priorité, a ensuite déclaré Nicholas Kay, faisant état de l’attaque terroriste survenue à Garowe, le 20 avril dernier, et qui a coûté la vie à quatre membres du personnel de l’UNICEF et à trois gardes somaliens.  « Les Chabab ont ciblé des personnes qui travaillaient dur pour améliorer la vie des enfants et des familles somaliennes », a-t-il indiqué avec regret reprenant les propos du Président Hassan Sheikh Mohamoud qui a qualifié cet acte d’« attaque contre l’avenir du pays ».

Le Représentant spécial du Secrétaire général a exprimé sa préoccupation quant à la sécurité en Somalie et à la menace posée par les Chabab dans la sous-région au sens large, comme cela a été démontré par le massacre de 147 étudiants de l’Université de Garissa, commis au Kenya le 2 avril.  « La lutte contre le terrorisme exige des efforts sur de nombreux fronts », a-t-il dit, en espérant que les prochaines semaines verront une « coopération plus étroite encore entre les États Membres pour faire face à cette menace au niveau sous-régional, y compris par la prise et l’application de mesures visant à prévenir et à contrecarrer l’extrémisme violent ».

« Renouveler l’offensive conjointe de la Somalie et de l’Union africaine contre les Chabab est une priorité urgente », a souligné M. Kay, faisant état du plan Guulwade (victoire) du Gouvernement fédéral, qui a été mis au point avec le concours de la MANUSOM.

S’agissant des droits de l’homme, il a noté avec préoccupation une augmentation importante du nombre d’exécutions et de condamnations à mort prononcées en 2015 en dépit de l’engagement de la Somalie à établir un moratoire sur les exécutions.  Il s’est aussi dit préoccupé par les menaces et les intimidations à l’égard des journalistes en Somalie.

« La situation humanitaire en Somalie reste alarmante », a poursuivi Nicholas Kay, soulignant que 730 000 Somaliens continuaient d’être incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires quotidiens de base.  De même, 2,3 millions de personnes de plus risquent de se trouver dans une situation similaire.  Parmi elles, il faut compter plus de 1,1 million de Somaliens déplacés, en majorité des femmes et des enfants, a-t-il précisé.

« Le Forum de partenariat de haut niveau prévu le 29 juillet sera l’occasion, pour la Somalie et ses partenaires, de se réunir en vue de s’accorder sur des actions prioritaires d’ici à 2016 », a par ailleurs indiqué M. Kay.

De son côté, le Représentant spécial de l’Union africaine en Somalie, M. Maman Sidikou, a noté lui aussi que la situation sécuritaire globale est marquée par un risque élevé de menace terroriste caractérisée par une montée des activités des Chabab, qui se manifestent notamment par l’usage d’engins explosifs improvisés et par des assassinats ciblés.  Il a déclaré qu’en réaction à ces menaces, l’AMISOM et ses partenaires somaliens avaient renforcé leurs opérations conjointes, particulièrement dans des centres urbains.

Il s’est également félicité du succès des opérations militaires menées sous les noms « Aigle » et « Océan indien » contre les Chabab, et dont les actions ont notamment permis de réduire les zones d’influence de ce groupe terroriste.  Il a annoncé qu’une nouvelle action militaire massive allait bientôt être lancée par l’AMISOM.

M. Sidikou a ensuite indiqué que la situation sécuritaire globale en Somalie n’était pas favorable au déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’ONU avant la fin de l’année 2016 au plus tôt.  Il a relevé qu’au vu des menaces sécuritaires et du niveau de progression du processus politique en Somalie, mettre fin à la mission militaire en Somalie avant la fin de l’année 2016 pourrait faire courir le risque de perdre les gains sécuritaires déjà engrangés. 

Il a ainsi plaidé pour une présence de l’AMISOM sur le terrain potentiellement jusqu’en fin 2016, proposant de ce fait que le mandat de l’AMISOM soit prorogé et que la Mission fasse l’objet d’une reconfiguration qui lui permettrait de mieux répondre à l’évolution de la situation sur le terrain.

Il a par ailleurs demandé un renforcement logistique de l’AMISOM, qui se ferait notamment en la dotant d’hélicoptères qui pourraient apporter à la Mission le niveau de mobilité et de flexibilité requis pour l’accomplissement de ses tâches.  Il a aussi souhaité la consolidation et la stabilisation des zones qui ont été reconquises face aux Chabab, notamment en y transférant le contrôle de la sécurité aux forces de police, et en y augmentant la présence des personnels civils conjoints de l’AMISOM et de la MANUSOM. 

M. Sidikou a appelé à la sécurisation des itinéraires de ravitaillement entre les zones nouvellement reconquises aux Chabab et les centres de décisions administratives.  Le Représentant spécial de l’Union africaine en Somalie a par ailleurs plaidé pour un soutien renforcé aux forces nationales somaliennes, indiquant que la police de l’AMISOM allait appuyer le recrutement, la formation et le déploiement de 600 officiers de police pour chacune des administrations locales.  Il a également plaidé pour un renforcement des capacités du Bureau d’appui de l’ONU pour la Mission de l’Union africaine en Somalie, afin de l’adapter à la nature des opérations menées par l’AMISOM. 

M. Sidikou est également revenu sur les allégations d’exploitation et d’abus sexuels dont se seraient rendus coupables des membres de l’AMISOM, comme l’a rapporté l’ONG « Human Rights Watch » en juin 2014.  Il a rappelé la politique de tolérance zéro de l’AMISOM en ce qui concerne ce genre d’actes, et il a souligné que deux cas avaient été avérés après la conduite d’enquêtes indépendantes. 

Il a ajouté qu’à la suite des recommandations de l’enquête indépendante, il avait pris des mesures pour éviter que cela ne se produise de nouveau, par exemple en veillant à ce que les civils n’aient pas accès aux camps de l’AMISOM sans raison valable et en encourageant les dénonciations internes et les potentiels lanceurs d’alerte.

Pour sa part, le Premier Ministre somalien a exhorté les partenaires de la Somalie à appuyer le plan visant à permettre à l’armée somalienne de reprendre ses responsabilités en vue d’affronter les difficultés sécuritaires du pays.

« Nous devons lutter contre les Chabad avant que la situation ne devienne trop sérieuse », a-t-il dit, précisant que leur menace s’était accrue dernièrement.  « Il est important de pouvoir les déloger le plus rapidement possible », a-t-il souligné.

Le Premier Ministre a demandé au Conseil de sécurité d’autoriser un programme de soutien en vue d’intégrer des éléments supplémentaires au sein de l’armée nationale somalienne.  « Il est également essentiel d’intégrer les forces de police régionales pour accélérer les efforts destinés à la lutte contre la piraterie », a-t-il dit.

Sur le plan politique, la « Vision pour 2016 » du Gouvernement fédéral demeure le cadre essentiel, a observé M. Shamarke, précisant que les contacts s’étaient poursuivis avec les dirigeants régionaux, et que le processus de révision constitutionnelle avait progressé.

D’une manière plus large, le Gouvernement fédéral somalien travaille avec le Kenya pour assurer le retour des réfugiés somaliens qu’abrite ce pays, et le Gouvernement fédéral travaille avec les autorités yéménites sur la même question en ce qui concerne les réfugiés yéménites qui débarquent sur les côtes somaliennes.  « Il y a un coût humain à la violence au Yémen », qui est une préoccupation pour toute la région, a ensuite tenu à relever le Premier Ministre somalien, qui a souligné que son pays ne disposait pas des ressources ou de la capacité nécessaires pour absorber les réfugiés et a par conséquence demandé au Conseil de sécurité d’élaborer un plan d’urgence.

 

 

* S/2015/331

 

 

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