En cours au Siège de l'ONU

7444e séance – après-midi
CS/11893

Face à l’aggravation de la crise au Soudan du Sud, la Représentante spéciale plaide pour des investissements dans des domaines clefs en attendant un accord de paix

Au cours de la présentation du rapport du Secrétaire général sur le Soudan du Sud devant le Conseil cet après-midi, la Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS),  Mme Ellen Margrethe Løj, a déclaré que « nous ne pouvons attendre qu’un accord de paix soit trouvé avant d’investir dans des domaines impératifs pour le développement ». 

Mme Løj a déploré le manque de progrès vers un accord de paix et a plaidé pour que des investissements soient dirigés vers des secteurs clefs comme ceux de la santé, de l’éducation ou de l’agriculture, afin de prévenir l’effondrement du tissu social du pays.  Elle a indiqué que la situation économique du Soudan du Sud se détériore constamment, notamment du fait de la baisse des cours du pétrole brut et des lourdes dépenses militaires auxquelles se livre le Gouvernement du fait du conflit en cours.  La Représentante spéciale a invité la communauté internationale à soutenir le peuple sud-soudanais en vue de créer un environnement propice au développement du pays.

Mme Løj a en outre dépeint la situation sécuritaire au Soudan du Sud en indiquant qu’elle s’est sévèrement détériorée au cours des mois d’avril et de mai, du fait des engagements militaires majeurs qui ont eu lieu dans les États de l’Unité, de Jonglei et du Haut-Nil en violation de l’Accord de cessation des hostilités.  Elle a noté que cette situation a un impact dévastateur sur les civils dans les zones de conflit, regrettant aussi la généralisation des violations des droits de l’homme, y compris des meurtres, des viols et le harcèlement des civils, y compris les femmes, les enfants et les personnes âgées.  Elle a dit qu’elle avait invité les parties au conflit à respecter les obligations qui leur incombe en vertu du droit international humanitaire et du droit international, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des civils et garantir la sécurité des organisations internationales d’aide, du personnel de l’ONU et des biens.

Le représentant du Soudan du Sud, M. Francis Mading Deng, qui prenait part à la séance de travail du Conseil de sécurité, a déclaré qu’il ne pouvait y avoir aucun doute sur l’intérêt commun qui existe concernant le rétablissement de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans son pays.  Les différences observées ne se situent pas dans l’objectif primordial de la paix ou dans la nécessité de protéger les civils, mais dans les méthodes à employer pour leur réalisation, a-t-il fait observer.  M. Deng a aussi affirmé que les sanctions et autres mesures punitives que le Conseil envisage de prendre contre le Soudan du Sud ne vont pas y promouvoir la paix, mais contribueront plutôt à figer les positions des parties belligérantes et à entretenir la confrontation, sapant la coopération nécessaire à des avancées dans le processus de paix.

La Représentante spéciale et Chef de la MINUSS a également présenté au cours de la réunion la situation humanitaire au Soudan du Sud, qu’elle a qualifiée « d’inquiétante » avec notamment 2 millions de déplacés, dont 500 000 se trouvant hors du territoire national.  Elle a aussi indiqué que plus de 2,5 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire sévère, notamment dans l’État du Haut-Nil.  Elle a précisé que la MINUSS a fourni une protection militaire à des convois de ravitaillement en prévision du début de la saison des pluies.  Au 6 mai dernier, a-t-elle aussi précisé, la MINUSS offrait sa protection à environ 120 000 déplacés regroupés dans 7 sites, y compris 53 000 personnes se trouvant à Bentiu, 34 000 à Juba et 29 000 à Malakal. 

Mme Løj a néanmoins prévenu que la configuration actuelle des camps de réfugiés n’était pas adéquate pour assurer la pleine protection des civils.  Elle a ainsi évoqué les tensions observables à l’intérieur des camps, les crimes, la violence liée aux gangs et les troubles à caractère ethnique qui y éclatent.

Mme Løj a par ailleurs relevé qu’au-delà de la poursuite des affrontements entre le Gouvernement et des forces d’opposition, des affrontements ont aussi vu le jour entre les milices Dinka et Shilluk, toutes deux affiliées à l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS).  Elle a expliqué que ces tensions sont dues à des disputes foncières historiques, et ont créé une situation qui semble aujourd’hui hors de contrôle.  Elle a aussi relevé que ces tensions ethniques se sont également manifestées dans les camps de déplacés placés sous l’autorité de la MINUSS, et se sont soldées par deux pertes de vies humaines et 60 blessés enregistrés entre le 10 et le 12 mai dernier à Juba.  Elle a également évoqué des violences intercommunales, des vols de bétails, et des violences ciblant des femmes et des enfants.  Ainsi, a-t-elle souligné, au cours des trois premiers mois de l’année, l’État des Lacs a connu plus de victimes du fait de ces tensions communautaires que celles découlant du conflit entre le Gouvernement et les forces de l’opposition.

De son côté, la délégation sud-soudanaise, par la voix de M. Deng, a estimé que les efforts du Gouvernement en faveur de la cause de la paix, en particulier ceux déployés par le Président Salva Kiir, ne sont pas reconnus ou récompensés à leur juste mesure par le Conseil de sécurité et la communauté internationale, ce qui est un comportement singulier de la part de cette dernière à l’égard d’un dirigeant démocratiquement élu, confronté à une rébellion visant à le renverser, et qui a engagé si rapidement ses adversaires dans un dialogue pour la paix et a fait des compromis importants.  M. Deng a jugé en outre que le processus de médiation de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui montre des signes d’épuisement, devait être renforcé et revitalisé. 

Pour sa part, Mme Løj a salué l’arrivée de nouvelles troupes qui renforcent les effectifs de la MINUSS, permettant ainsi à la Mission d’étendre ses zones d’intervention, notamment par l’établissement de bases avancées et de patrouilles proactives, afin d’assurer la protection des populations et rassurer les civils vulnérables se trouvant hors des camps de la MINUSS.  Elle a cependant indiqué que le manque de moyens et des obstacles délibérément créés sont des blocages qui empêchent la Mission de pouvoir pleinement assurer ses tâches et son mandat de protection, notamment au-delà de ses bases.  La Représentante spéciale a aussi déploré les informations qui font état du peu de respect que les parties au conflit accordent aux droits de l’homme.  Elle a cité des cas d’arrestations illégales, de détentions et d’enlèvements arbitraires, dont certains prennent pour cibles le personnel onusien et les travailleurs humanitaires.

Sur une note positive, elle a en revanche salué le fait que 1 757 enfants soldats aient été retournés à la vie civile, après leur démobilisation de la faction « Cobra » du Mouvement démocratique du Soudan du Sud/Armée de défense du Soudan du Sud qui opère dans les rangs de l’Armée populaire de libération du Soudan - Unifiée (APLS).  

Le représentant du Soudan du Sud a pour sa part exprimé la satisfaction de son gouvernement face à la volonté croissante perçue dans la nouvelle série de priorités de la MINUSS, qui a décidé de renforcer les capacités existantes dans certains secteurs essentiels, tel que celui de la sécurité.  M. Deng a par contre noté que tandis que le régime de sanctions semble désormais en place et est sur le point d’être rendu opérationnel, le Soudan du Sud plaide vigoureusement en faveur d’un engagement constructif entre la communauté internationale et les parties au conflit, en particulier le Gouvernement.  Un accord sur des actions spécifiques que le Gouvernement pourrait prendre, avec des références claires, serait susceptible d’encourager la coopération avec la communauté internationale, a conclu M. Deng.

Pour conclure son propos, la Représentante spéciale a déclaré qu’au cours d’une rencontre avec les femmes parlementaires du Soudan du Sud, ces dernières l’ont imploré de les aider à mettre fin aux larmes des femmes sud-soudanaises. Mme Løj a conclu son intervention en déclarant que les filles, les garçons, les femmes et les hommes du Soudan du Sud ne méritent pas moins que cela.

M. Olguin Cigarroa, de la délégation du Chili, a pris la parole au nom du Président du Comité des sanctions établi en vertu de la résolution 2206 (2015).  Il a indiqué qu’après sa création, le 3 mars dernier, en vertu de la résolution précitée, le Comité a entamé ses travaux après l’élection de son bureau, et a pris note, le 27 avril dernier, de la nomination des cinq membres du Groupe d’experts par le Secrétaire général de l’ONU.  Ces experts vont se réunir entre les 18 et 22 mai prochain avec les membres du Comité des sanctions, a-t-il annoncé.

M. Cigarroa a aussi indiqué que le Comité a déjà tenu des séances de travail avec des responsables d’INTERPOL et du Service de la lutte antimines des Nations Unies (SLAM), ainsi qu’avec la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangoura, et avec la Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Mme Leila Zerrougui.  Le Comité entend également rencontrer les représentants du Soudan du Sud et d’autres États Membres impliqués dans la résolution de la crise au Soudan du Sud, a dit M. Cigarroa.  Il a en outre souhaité qu’au plus tard le 3 juin prochain, date qui marque l’étape du premier trimestre d’existence du Comité, les États Membres allaient lui transmettre leur rapport sur les mesures qu’ils doivent avoir pris conformément aux termes du régime de sanctions, et notamment en ce qui concerne les interdictions de voyage et le gel des avoirs des personnes incriminées.

 

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Rapport du Secrétaire général sur le Soudan du Sud (S/2015/296)

Dans ce rapport, le Secrétaire général fait le point sur l’évolution de la situation au Soudan du Sud pendant la période allant du 11 février au 13 avril 2015.

Sur le plan politique, et notamment concernant le processus de paix au Soudan du Sud, le Secrétaire général rappelle que l’échéance du 5 mars prévue pour la conclusion d’un accord de paix avait été fixée par les dirigeants de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pour permettre à la phase préalable à la transition de commencer le 9 avril, suivie de l’instauration d’un gouvernement de transition le 9 juillet au plus tard, ce qui coïnciderait avec l’expiration du mandat du gouvernement actuel.  

Malheureusement, les négociations n’ont pas été fructueuses, car les protagonistes n’ont pas réussi à combler leurs profondes divergences au sujet de la structure du gouvernement de transition, des rapports de partage du pouvoir et de l’attribution de portefeuilles au sein du conseil des ministres, de la composition de l’assemblée législative nationale, du dispositif de sécurité et de cessez-le-feu pendant la période de transition, ainsi que du partage des richesses, entre autres.

Le rapport indique en outre que, pour atténuer la pression financière qui continue de s’exercer sur le pays, l’Assemblée législative nationale a approuvé, le 25 mars, une demande d’octroi de prêt du Gouvernement d’un montant de 500 millions de dollars des États-Unis auprès de la Qatar National Bank.  L’exercice budgétaire en cours a vu la production pétrolière nationale réduite de moitié, et cela, conjugué à la baisse des cours pétroliers mondiaux et à la poursuite du versement des taxes pétrolières et des redevances de transit au Soudan, a conduit à une nette réduction des recettes publiques, tandis que la montée des coûts du conflit actuel ne cesse d’orienter les dépenses publiques vers la sécurité, au détriment du financement d’autres secteurs.

Sur le plan sécuritaire, le Secrétaire général souligne que les combats entre les deux parties se sont poursuivis au cours de la période et se sont concentrés pour l’essentiel dans la région du Haut-Nil.  Par ailleurs, les tensions intercommunautaires suscitées par la compétition au sujet des zones de pâturage et de l’accès à l’eau et avivées par la faiblesse des institutions chargées d’assurer le respect de l’état de droit; le manque d’éducation et d’autres moyens de subsistance et les déplacements de population en cours, ont continué à se faire jour dans les États du centre et du sud du Soudan du Sud.

Sur le plan humanitaire, le rapport fait observer qu’au 13 avril, plus de 2 millions de personnes étaient déplacées de leur foyer, dont 1,5 million à l’intérieur du Soudan du Sud, et plus de 500 000 dans les pays voisins.  Près de 118 000 personnes étaient hébergées dans des camps de protection de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).  En outre, 2,5 millions de personnes souffrent actuellement d’insécurité alimentaire, les populations des États du Haut-Nil étant les plus touchées, tandis que plus de 4,1 millions de personnes ont cruellement besoin de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène, notamment dans des zones rurales reculées où il n’en existe quasiment pas.  

Le rapport stipule aussi que le conflit actuel a rendu l’accès déjà limité à l’éducation encore plus difficile.  Depuis décembre 2013, environ 400 000 enfants d’âge scolaire ont quitté l’école et 70% des établissements d’enseignement dans les principaux États touchés par le conflit sont fermés.  

Le plan d’intervention humanitaire de 2015 en faveur du Soudan du Sud nécessite un montant de 1,8 milliard de dollars des États-Unis pour offrir une assistance à 4,1 millions de personnes, relève le Secrétaire général.  Le 9 février, les donateurs ont annoncé des contributions s’élevant à 529 millions de dollars des États-Unis lors de la réunion de haut niveau organisée à Nairobi conjointement par l’IGAD et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Cela a porté le total des annonces de contributions et des engagements en faveur du Soudan du Sud et de ses réfugiés depuis le début de l’année à 618 millions de dollars des États-Unis.  Au 13 avril, le plan d’intervention humanitaire continuait de n’être financé qu’à hauteur de 12%.

Dans le même temps, les intervenants humanitaires ont continué à évoquer des problèmes de sécurité et d’accès avec les deux parties.  Depuis le début de l’année, 70 cas de violence contre le personnel ou les biens des organismes humanitaires, 18 cas de détention, et deux cas d’enlèvement ont été signalés.  La MINUSS continue de mettre en œuvre sa stratégie de protection des civils, tout en continuant d’enquêter sur les informations faisant état de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire et d’atteintes à ces droits, dans le cadre du conflit en cours.  Au cours de la période considérée, la MINUSS a enregistré au total 50 violations de l’accord sur le statut des forces.  Sur les 50 incidents, 28 avaient trait à des restrictions de mouvements (entravant des opérations terrestres, aériennes et fluviales).

Le Secrétaire général demande au Gouvernement de faire en sorte que soient immédiatement libérés sans qu’il ne leur soit fait aucun mal, les trois agents de l’organisme des Nations Unies, portés disparus, les deux vacataires et les trois agents de la MINUSS maintenus en détention arbitraire.  « Je rappelle également aux parties au conflit, en particulier au Gouvernement, auquel incombe la responsabilité principale de protection des civils, l’obligation qui est la leur, d’instaurer un climat sûr propice à terme au retour volontaire en toute sécurité des personnes déplacées et des réfugiés, dans le respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire », déclare le Secrétaire général dans ce rapport.  « Alors que le Conseil de sécurité envisage de prolonger à nouveau le mandat de la Mission, et, compte tenu du manque de progrès dans la voie d’un règlement pacifique du conflit, auquel s’ajoute la poursuite des combats et des déplacements de civils sur le terrain », note le Secrétaire général, « je recommande que le mandat actuel de la MINUSS soit prorogé pour une période de six mois sans changements majeurs ».

 

 

 

 

 

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